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Arrêt
publié le 28 décembre 2005

Extrait de l'arrêt n° 177/2005 du 7 décembre 2005 Numéros du rôle : 3077, 3115, 3248, 3283, 3286, 3336, 3338 et 3361 En cause : les recours en annulation de l'article 49 de la loi-programme du 9 juillet 2004 La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R.(...)

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Extrait de l'arrêt n° 177/2005 du 7 décembre 2005 Numéros du rôle : 3077, 3115, 3248, 3283, 3286, 3336, 3338 et 3361 En cause : les recours en annulation de l'article 49 de la loi-programme du 9 juillet 2004Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 09/07/2004 pub. 15/07/2004 numac 2004021091 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer (interruption de la prescription en matière d'impôts sur les revenus), introduits par P. Frisee et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 6 septembre 2004 et parvenue au greffe le 7 septembre 2004, P.Frisee et C. Vermandele, demeurant à 7500 Tournai, Quai Vifquin 34, ont introduit un recours en annulation de l'article 49 de la loi-programme du 9 juillet 2004Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 09/07/2004 pub. 15/07/2004 numac 2004021091 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer (acte interruptif de la prescription en matière d'impôts sur les revenus), publiée au Moniteur belge du 15 juillet 2004, deuxième édition. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 3 novembre 2004 et parvenue au greffe le 4 novembre 2004, un recours en annulation de l'article 49 de la même loi-programme a été introduit par la s.a. Organisation de promotion touristique et immobilière, dont le siège social est établi à 1325 Bonlez, Chemin du Fort des Voiles 1, et la s.a. Industerre, dont le siège social est établi à la même adresse. c. Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste les 22 et 28 décembre 2004, 4, 14 et 17 janvier 2005 et parvenues au greffe les 23 et 29 décembre 2004, 5, 17 et 19 janvier 2005, un recours en annulation de l'article 49 de la même loi-programme a été introduit par respectivement : - J.-P. Courau, faisant élection de domicile à 1932 Woluwe-Saint-Etienne, Woluwedal 20; - J. Libert et H. Remy, demeurant à 1190 Bruxelles, square Larousse 14, et D. Ralet, demeurant à 1070 Bruxelles, boulevard Poincaré 66; - la s.a. Omega Solutions, dont le siège social est établi à 2800 Malines, Generaal de Wittelaan 19; - la s.a. Axa Bank Belgium, dont le siège social est établi à 2600 Anvers, Grote Steenweg 214; - la société de droit indien Bank of Baroda, dont les bureaux sont établis à 1040 Bruxelles, rue de la Loi 28; - la s.a. Walibi, dont le siège social est établi à 1300 Wavre, rue Joseph Deschamps 9, la s.a. Elkaur International, dont le siège social est établi à 1180 Bruxelles, avenue Brugmann 384, et M. et Mme M. Evangelisti, faisant élection de domicile à 1050 Bruxelles, square du Bastion 1A. Ces affaires, inscrites sous les numéros 3077, 3115, 3248, 3283, 3286, 3336, 3338 et 3361 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant à la disposition entreprise et au contexte de son adoption B.1.1. L'article 49 de la loi-programme du 9 juillet 2004Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 09/07/2004 pub. 15/07/2004 numac 2004021091 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer dispose : « Nonobstant le fait que le commandement constitue le premier acte de poursuites directes au sens des articles 148 et 149 de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992, le commandement doit être interprété comme constituant également un acte interruptif de prescription au sens de l'article 2244 du Code civil, même lorsque la dette d'impôt contestée n'a pas de caractère certain et liquide ».

Cette disposition constitue le seul article du chapitre XII « Interprétation de l'application de l'article 2244 du Code civil, en matière d'impôts sur les revenus » de la loi-programme précitée.

B.1.2. Cette disposition qualifiée d'interprétative a été adoptée à la suite d'une jurisprudence de la Cour de cassation déniant au commandement prévu en matière d'impôts sur les revenus (article 148 et 149 de l'arrêté d'exécution du C.I.R. 1992) un effet interruptif de prescription lorsque la dette d'impôt est contestée.

B.2.1. L'article 145 de l'arrêté d'exécution du C.I.R. 1992 (ci-après : A.R./C.I.R. 1992) détermine comme suit le délai de prescription quinquennale en matière d'impôts sur les revenus : « Les impôts directs ainsi que le précompte immobilier se prescrivent par cinq ans à compter de la date à laquelle ils doivent être payés conformément à l'article 413 du Code des impôts sur les revenus 1992 [...] ».

En vertu de l'article 145, alinéa 3, de cet arrêté d'exécution, ce délai de cinq ans « peut être interrompu de la manière prévue par les articles 2244 et suivants du Code civil ou par une renonciation au temps couru de la prescription ».

B.2.2. L'article 2244 du Code civil dispose : « Une citation en justice, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, forment l'interruption civile ».

B.2.3. Les articles 148 et 149 de l'A.R./C.I.R. 1992 déterminent la notion de commandement en matière d'impôts sur les revenus.

L'article 148 de l'A.R./C.I.R. 1992 dispose : « Les poursuites directes comprennent : 1° le commandement; [...] Ces poursuites sont judiciaires et leur validité est de la compétence des tribunaux ordinaires ».

L'article 149 de l'A.R./C.I.R. 1992 prévoit : « Lorsqu'un redevable ne s'est pas acquitté de ses impôts dans les délais prévus à l'article 413 du Code des impôts sur les revenus 1992, le receveur lui fait signifier un commandement de payer dans les 24 heures, à peine d'exécution par voie de saisie.

Le commandement doit porter en tête, un extrait de l'article du rôle concernant le redevable et une copie de l'exécutoire ».

B.2.4. L'article 410 du C.I.R. 1992 n'autorise cependant de mesure d'exécution qu'à l'égard de la partie de la dette d'impôt « certaine et liquide » au sens de cette disposition.

Lorsqu'un contribuable contestait l'enrôlement de sa dette d'impôt, à défaut dès lors de quotité certaine et liquide au sens de l'article 410 du C.I.R. 1992, l'administration fiscale qui lui avait signifié un commandement invoquait la double fonction du commandement et considérait que, même irrégulier en tant qu'acte d'exécution au sens des articles 148 et 149 de l'A.R./C.I.R. 1992, celui-ci pouvait conserver ses effets en tant que « commandement » au sens de l'article 2244 du Code civil, à savoir un acte interruptif de prescription.

B.3.1. Toutefois, la Cour de cassation a décidé, dans un arrêt du 10 octobre 2002 (RG C.01.0067.F), ce qu'elle a confirmé dans un arrêt du 21 février 2003 (RG C.01.0287.N), qu'« en matière d'impôts sur les revenus, le commandement est un acte de poursuite judiciaire qui suppose un titre exécutoire et prélude à une saisie-exécution », de sorte que, signifié par l'Etat en l'absence d'impôt incontestablement dû, il « n'a pu produire d'effet interruptif ».

Cette jurisprudence empêche qu'un commandement interrompe la prescription en cas de contestation des impôts enrôlés.

B.3.2. Le législateur a estimé que cette jurisprudence rendait son intervention indispensable « pour éviter qu'à défaut de possibilité pour l'administration de pouvoir valablement interrompre la prescription des cotisations contestées pour lesquelles il n'existe aucune quotité certaine et liquide immédiatement exigible, nombre d'entre elles ne soient déclarées prescrites », cette intervention se révélant « d'autant plus impérieuse à l'examen des données de l'arriéré fiscal en matière d'impôt sur le revenu qui révèlent que ce dernier est constitué à plus de quarante pour cent de cotisations contestées » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0473/001 et 51-0474/001, p. 148).

Le législateur a donc décidé d'adopter l'article 297 de la loi-programme du 22 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 22/12/2003 pub. 31/12/2003 numac 2003021248 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, qui insère un chapitre XIbis dans le Code des impôts sur les revenus 1992, comprenant les articles 443bis et 443ter, rédigés comme suit : « Chapitre IXbis. Prescription des droits du Trésor.

Art. 443bis.§ 1er. Les impôts directs ainsi que le précompte immobilier se prescrivent par cinq ans à compter de la date à laquelle ils doivent être payés conformément à l'article 413.

Le précompte mobilier et le précompte professionnel se prescrivent par cinq ans à compter de la date d'exécutoire du rôle auquel ils sont portés conformément à l'article 304, § 1er, alinéa 2. § 2. Le délai visé au § 1er peut être interrompu de la manière prévue par les articles 2244 et suivants du Code civil ou par une renonciation au temps couru de la prescription. En cas d'interruption de la prescription, une nouvelle prescription susceptible d'être interrompue de la même manière, est acquise cinq ans après le dernier acte interruptif de la précédente prescription s'il n'y a instance en justice.

Art. 443ter.§ 1er. Toute instance en justice relative à l'établissement ou au recouvrement des impôts et des précomptes qui est introduite par l'Etat belge, par le redevable de ces impôts ou précomptes ou par toute autre personne tenue au paiement de la dette en vertu du présent Code, des arrêtés pris pour son exécution ou du droit commun, suspend le cours de la prescription.

La réclamation et la demande de dégrèvement visée à l'article 376 suspendent également le cours de la prescription. § 2. La suspension débute avec l'acte introductif d'instance et se termine lorsque la décision judiciaire est coulée en force de chose jugée.

Toutefois, en cas de réclamation ou de demande de dégrèvement d'office visée à l'article 376, la suspension débute avec la demande introductive du recours administratif. Elle se termine : - lorsque le contribuable a introduit une action en justice, au jour où la décision judiciaire est coulée en force de chose jugée; - dans les autres cas, à l'expiration du délai ouvert au contribuable pour introduire un recours contre la décision administrative ».

B.3.3. Si cet article 443bis reproduit le contenu de l'article 145 de l'arrêté d'exécution du C.I.R. 1992 précité, l'article 443ter introduit quant à lui une nouvelle cause de suspension de la prescription.

En l'absence de disposition transitoire, l'article 443ter du C.I.R. est applicable aux délais de prescription qui courent au moment de son entrée en vigueur dix jours après sa publication au Moniteur belge , soit le 10 janvier 2004.

Estimant toutefois qu'il était douteux que cette disposition s'applique à des impôts prescrits sur la base de la jurisprudence de la Cour de cassation avant le 10 janvier 2004, le Conseil d'Etat avait, dans son avis sur cette disposition qui a été introduite par la loi-programme du 22 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 22/12/2003 pub. 31/12/2003 numac 2003021248 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, souligné que « si l'auteur de l'avant-projet veut prévenir le risque que des contribuables n'invoquent la prescription en pareil cas, une disposition transitoire explicite serait nécessaire » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0473/001 et 51-0474/001, p. 464).

B.3.4. Se fondant sur cette observation du Conseil d'Etat, le législateur a estimé nécessaire d'insérer dans la loi-programme du 9 juillet 2004Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 09/07/2004 pub. 15/07/2004 numac 2004021091 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, à la suite d'un amendement du Gouvernement, une « disposition légale interprétative applicable aux cas visés par les arrêts de la Cour de cassation des 10 octobre 2002 et 21 février 2003 » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-1138/015, p. 2); cette disposition fait l'objet des actuels recours en annulation.

Quant à la recevabilité des recours B.4.1. Les parties requérantes sont des personnes physiques et des personnes morales engagées dans des procédures fiscales pendantes qui les opposent à l'Etat belge. Après avoir contesté leur enrôlement à l'impôt sur les revenus, les parties requérantes se sont vu signifier un commandement afin d'interrompre la prescription quinquennale de leur dette d'impôt.

B.4.2. Les parties requérantes avancent à l'appui de leur intérêt à agir qu'en l'absence de la disposition entreprise, leurs dettes d'impôts contestées auraient été prescrites sur la base de la jurisprudence de la Cour de cassation des 10 octobre 2002 et 21 février 2003, selon laquelle un commandement signifié pour une dette d'impôt contestée ne peut avoir un effet interruptif de prescription.

Elles estiment dès lors être directement et défavorablement affectées par la disposition entreprise qui empêche de constater la prescription qui leur était acquise avant son entrée en vigueur.

B.5. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme entreprise.

B.6.1. La disposition entreprise confère au commandement un effet interruptif de prescription « même lorsque la dette d'impôt contestée n'a pas de caractère certain et liquide », alors même que cet effet interruptif de prescription était dénié par la jurisprudence de la Cour de cassation de 2002 et 2003.

Par sa qualification d' « interprétative », cette disposition est susceptible d'influencer directement et défavorablement l'issue des procédures pendantes auxquelles sont parties des contribuables qui se sont vu signifier un commandement après avoir contesté leur dette d'impôt ou à l'égard desquels l'Etat belge invoque la disposition entreprise.

B.6.2. Les parties requérantes justifient par conséquent de l'intérêt requis à agir en annulation.

B.7.1. Le Conseil des ministres conteste l'intérêt à agir de D. Ralet, partie requérante dans l'affaire n° 3283, en ce qu'il a renoncé volontairement au temps couru de la prescription.

B.7.2. Dès lors qu'un commandement a été signifié au requérant, la circonstance qu'il ait renoncé, postérieurement à ce commandement, au temps couru de la prescription, n'est pas susceptible d'enlever au requérant son intérêt à agir en annulation.

B.7.3. L'exception du Conseil des ministres est rejetée.

B.8.1. Par ailleurs, pour permettre, entre autres, à la Cour de vérifier si la décision d'introduire le recours a été prise par l'organe compétent de la personne morale, le législateur spécial oblige toute personne morale qui introduit un recours ou qui intervient dans une cause à produire, à la première demande, la preuve de la décision d'intenter ou de poursuivre le recours ou d'intervenir et, lorsque ses statuts doivent faire l'objet d'une publication aux annexes du Moniteur belge, une copie de cette publication.

B.8.2. La s.a. Walibi, première partie requérante dans l'affaire n° 3361, n'a pu fournir la preuve de la décision d'intenter le recours, ayant été, préalablement à l'introduction du recours, absorbée par la s.p.r.l. Belpark - qui a elle-même introduit un mémoire en intervention - et a donc juridiquement cessé d'exister avant l'introduction du recours.

La première partie requérante dans l'affaire n° 3361 n'est par conséquent pas recevable à agir en annulation.

B.8.3. En outre, en ce qui concerne l'affaire n° 3338, il ne ressort ni des pièces jointes en annexe de la requête, ni d'aucune pièce fournie après demande du greffier, que la décision d'introduire le recours a été prise par l'organe compétent de la société.

Le recours dans l'affaire n° 3338 est par conséquent irrecevable.

B.8.4. Pour le surplus, il ressort des pièces jointes en annexe des autres requêtes qu'il est satisfait aux conditions de recevabilité relatives à la capacité d'ester en justice.

Quant à la recevabilité des interventions B.9. Les parties intervenantes sont engagées dans des procédures fiscales dans lesquelles est soulevée la question de l'effet interruptif d'un commandement signifié pour une dette d'impôt contestée.

Dès lors que leur situation est susceptible d'être directement affectée par la norme attaquée, elles justifient de l'intérêt requis pour intervenir dans les actuels recours.

Les mémoires en intervention et mémoires en réplique des parties intervenantes sont dès lors recevables.

B.10.1. Par ailleurs, ces mémoires formulent pour la plupart des moyens à l'encontre de la disposition entreprise.

L'intervention d'une personne justifiant d'un intérêt dans une procédure d'annulation ne peut ni modifier ni étendre les recours initiaux. L'article 87 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 ne permet en effet pas, contrairement à l'article 85, que le mémoire formule des moyens nouveaux.

B.10.2. Les moyens formulés ne sont donc pas recevables en tant que tels, mais en ce qu'ils s'apparentent aux moyens formulés dans la requête, ils peuvent être admis en tant qu'observations incluses dans un mémoire.

Quant au fond En ce qui concerne la qualification de la disposition entreprise et son effet rétroactif B.11.1. Une première série de moyens critiquent la qualification de la disposition entreprise et son effet rétroactif.

Ces moyens invoquent la violation des articles 10, 11, 13, 16 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec ses articles 84 et 144, avec les principes de non-rétroactivité des lois, de sécurité juridique, de confiance et de procès équitable, et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

B.11.2. Selon les requérants, la disposition entreprise n'est pas une disposition interprétative, mais une disposition modificative rétroactive, qui n'est justifiée par aucune circonstance exceptionnelle. Cette disposition viserait ainsi à influencer les procédures en cours, en ressuscitant des impôts prescrits, ce qui constituerait une atteinte discriminatoire à la confiance légitime, au droit à un procès équitable et au droit de propriété des contribuables privés du bénéfice des prescriptions acquises.

A titre subsidiaire, le deuxième moyen dans l'affaire n° 3283 allègue que, même si la disposition entreprise pouvait être considérée comme interprétative, le législateur belge serait incompétent pour interpréter de manière authentique la disposition de l'article 2244 du Code civil adoptée par le législateur français (décret du 24 ventôse an XII) et, s'il le pouvait, c'est la procédure prévue par l'article 77 de la Constitution qui aurait dû être suivie, et non celle régie par l'article 78 de la Constitution.

B.12.1. C'est le propre d'une loi interprétative de sortir ses effets à la date d'entrée en vigueur des dispositions législatives qu'elle interprète. Une loi interprétative est, en effet, celle qui donne à une disposition législative le sens qu'elle aurait dû recevoir dès son adoption.

B.12.2. La non-rétroactivité des lois est une garantie ayant pour but de prévenir l'insécurité juridique. Cette garantie exige que le contenu du droit soit prévisible et accessible, de sorte que chacun puisse prévoir, à un degré raisonnable, les conséquences d'un acte déterminé au moment où cet acte se réalise. Cette garantie ne pourrait être éludée par le seul fait qu'une loi ayant un effet rétroactif serait présentée comme une loi interprétative. La Cour ne pourrait donc se dispenser d'examiner si une loi qualifiée d'interprétative est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.12.3. Sous réserve des règles applicables en droit pénal et du respect des décisions de justice passées en force de chose jugée, l'effet rétroactif qui s'attache à une disposition législative interprétative est justifié lorsque la disposition interprétée ne pouvait, dès l'origine, être raisonnablement comprise autrement que de la manière indiquée dans la disposition interprétative.

B.12.4. Si tel n'est pas le cas, la disposition dite interprétative est en réalité une disposition rétroactive pure et simple, et sa rétroactivité ne peut se justifier que lorsqu'il est satisfait aux conditions auxquelles la validité d'une telle disposition est subordonnée.

B.13.1. Comme il a été rappelé en B.3.4, la disposition entreprise, issue d'un amendement du Gouvernement, constitue une disposition législative qualifiée d'interprétative applicable aux cas visés par les arrêts de la Cour de cassation des 10 octobre 2002 et 21 février 2003 et provient d'une remarque de la section de législation du Conseil d'Etat formulée dans les avis qu'elle a donnés sur les lois-programmes des 22 décembre 2003 et 9 juillet 2004 en projet.

B.13.2. Dans son exposé, le ministre des Finances énonçait : « Cette disposition légale interprétative se justifie dans la mesure où la disposition interprétée ne pouvait, dès son origine, raisonnablement se comprendre autrement que de la manière indiquée dans la disposition interprétative.

La prescription des cotisations enrôlées dans les cas visés par les arrêts prémentionnés de la Cour de cassation a toujours été interrompue par la signification d'un commandement et la validité de ce dernier a toujours été reconnue jusqu'à la date de ces arrêts (voir également les conclusions du ministère public dans l'arrêt du 21 février 2003 de la Cour de cassation) » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-1138/15, p. 2).

B.14. La disposition entreprise, figurant dans le chapitre « Interprétation de l'application de l'article 2244 du Code civil, en matière d'impôts sur les revenus », a pour objet d'interpréter le commandement visé par les articles 148 et 149 de l'A.R./C.I.R. 1992 comme « constituant également un acte interruptif de prescription au sens de l'article 2244 du Code civil, même lorsque la dette d'impôt contestée n'a pas de caractère certain et liquide ».

Cette disposition implique donc que le commandement avait, en matière d'impôts sur les revenus, une double nature : acte de poursuites directes au sens des articles 148 et 149 de l'A.R./C.I.R. 1992 et acte interruptif de prescription au sens de l'article 2244 du Code civil, même lorsque la dette d'impôt contestée n'avait pas de caractère certain et liquide.

B.15. Il résulte tant de sa justification que de l'intitulé du chapitre dans lequel elle se situe et de sa formulation même que la disposition entreprise entend interpréter l'article 2244 du Code civil, disposition à laquelle renvoie l'article 145 de l'A.R./C.I.R. 1992.

En interprétant le commandement visé par les articles 148 et 149 de l'A.R./C.I.R. 1992 comme un acte interruptif de prescription au sens de l'article 2244 du Code civil, même lorsque la dette d'impôt contestée n'a pas de caractère certain et liquide, le législateur interprète nécessairement, en matière d'impôts sur les revenus, la notion de commandement au sens de l'article 2244 du Code civil.

B.16.1. L'article 2244 du Code civil détermine l'effet - interruption de la prescription - d'un commandement, mais ne définit toutefois ni ce qu'est un commandement ni les conditions de sa validité.

B.16.2. Le législateur peut, par le biais d'une disposition interprétative, préciser les conditions d'application d'une disposition législative.

Dès lors qu'une disposition interprétative confère à la disposition interprétée le sens qu'elle est censée avoir eu dès l'origine, cette interprétation ne peut toutefois aboutir à créer une distinction dans la signification de la disposition en fonction de son champ d'application.

B.17.1. Il résulte du terme « également » de la disposition entreprise que cette disposition ajoute, ou à tout le moins précise, une signification supplémentaire de la notion de commandement au sens de l'article 2244 du Code civil, puisque celui-ci doit être interprété, en matière d'impôts sur les revenus, comme un acte interruptif de prescription « même lorsque la dette d'impôt contestée n'a pas de caractère certain et liquide ».

B.17.2. En outre, l'emploi du terme « Nonobstant » démontre que cette interprétation était loin de s'imposer, voire pouvait apparaître contradictoire avec la nature du commandement en tant qu'acte d'exécution au sens des articles 148 et 149 de l'arrêté royal d'exécution du C.I.R. 1992.

B.17.3. Enfin, en se limitant à interpréter la notion de commandement contenue dans l'article 2244 du Code civil dans la seule matière des impôts sur les revenus, la disposition entreprise confère au terme « commandement » une signification différente selon la matière à laquelle il s'applique.

La disposition entreprise ne peut dès lors être considérée comme restituant à l'article 2244 du Code civil, disposition à vocation générale, un sens originel qui serait limité à la matière des impôts sur les revenus.

B.17.4. Si, comme le Conseil des ministres l'allègue dans ses mémoires, la disposition entreprise vise à résoudre un problème qui ne se pose qu'en droit fiscal, ce problème découle en réalité de l'inadéquation de la référence qui est faite dans l'article 145 de l'arrêté d'exécution du C.I.R. 1992 - reproduit par ailleurs dans l'article 443bis du C.I.R. 1992, introduit par l'article 297 de la loi-programme du 22 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 22/12/2003 pub. 31/12/2003 numac 2003021248 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer - aux modes d'interruption de la prescription déterminés par l'article 2244 du Code civil; ce problème ne peut être résolu en interprétant la notion de commandement contenue dans l'article 2244 du Code civil et en limitant cette interprétation à la matière des impôts sur les revenus.

La disposition entreprise ne peut dès lors être considérée comme une disposition interprétative.

Il s'ensuit que les moyens qui sont pris de la violation discriminatoire des articles 77, 78 et 84 de la Constitution manquent en droit.

B.18.1. La rétroactivité de dispositions législatives, qui est de nature à créer de l'insécurité juridique, ne peut se justifier que lorsqu'elle est indispensable au bon fonctionnement ou à la continuité du service public.

S'il s'avère en outre que la rétroactivité de la norme législative a pour effet d'influencer dans un sens déterminé l'issue d'une ou de plusieurs procédures judiciaires ou d'empêcher les juridictions de se prononcer, la nature du principe en cause exige que des circonstances exceptionnelles ou des motifs impérieux d'intérêt général justifient cette intervention du législateur qui porte atteinte, au détriment d'une catégorie de citoyens, aux garanties juridictionnelles offertes à tous.

B.18.2. Dès lors que la disposition entreprise influence des procédures pendantes, la Cour doit examiner si la rétroactivité de la disposition attaquée satisfait à chacune des conditions exprimées en B.18.1.

B.19.1. Comme il a été indiqué en B.13.2, la disposition entreprise était justifiée par le fait que la prescription d'impôts contestés avait toujours été interrompue par la signification d'un commandement et la validité de ce dernier a toujours été reconnue jusqu'à la date des arrêts de la Cour de cassation des 10 octobre 2002 et 21 février 2003 (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-1138/015, p. 2).

S'il existait une controverse sur la nature du commandement au sens de l'article 2244 du Code civil, rien ne permettait cependant, avant les arrêts précités de la Cour de cassation, de rejeter la thèse du double effet du commandement, avancée par l'administration, selon laquelle un commandement, irrégulier en tant qu'acte d'exécution, pouvait toutefois conserver ses effets en tant qu'acte interruptif de prescription.

En effet, lors de l'adoption du Code civil en 1804, le commandement n'était pas considéré comme un acte d'exécution, mais comme un acte préparatoire contenant la manifestation de la volonté du créancier d'obtenir paiement des sommes dues.

Après l'entrée en vigueur du Code judiciaire, plus précisément de ses articles 1494 et suivants, une controverse portant sur la nature du commandement est née, certains considérant que le commandement n'était plus un acte préparatoire mais un acte d'exécution. Si le commandement visé par les articles 148 et 149 de l'A.R./C.I.R. 1992 constitue un acte d'exécution dont la validité est subordonnée au caractère liquide et certain de la dette, les effets du commandement au sens de l'article 2244 du Code civil ne sont pas subordonnés à des conditions de validité légalement prévues.

Cependant, ni les dispositions précitées du Code judiciaire ni aucun arrêt de la Cour de cassation n'excluaient la validité du commandement en tant qu'acte interruptif de prescription, lorsque la dette n'est pas certaine et liquide.

Au contraire, certaines décisions des juridictions de fond reconnaissaient cet effet interruptif de prescription à un commandement, indépendamment de sa validité en tant qu'acte d'exécution.

B.19.2. Cette conception avait inspiré la pratique administrative en matière d'impôts sur les revenus et elle avait incité de nombreux contribuables à signer une renonciation au temps couru de la prescription.

B.19.3. En outre, par un arrêt du 28 octobre 1993, la Cour de cassation avait cassé un arrêt de la Cour d'appel de Liège parce que celle-ci n'avait pas répondu aux conclusions de l'Etat belge qui faisait valoir que le commandement avait « notamment pour but d'interrompre la prescription, conformément à l'article 194 de l'arrêté royal du Code des impôts sur les revenus [...] » et la Cour d'appel de Bruxelles, juridiction de renvoi, avait jugé, par un arrêt du 24 juin 1997, « que pareil commandement vaut comme acte interruptif au sens de l'article 2244 du Code civil et n'est pas énervé par la nullité de la saisie-exécution qui l'a suivi, l'effet interruptif de commandement étant indépendant des effets de l'acte exécutoire en tant que tel » (Bruxelles, 24 juin 1997, J.T., 1998, pp. 458-459).

B.19.4. Dès lors qu'il avait signifié un commandement, l'Etat pouvait donc légitimement estimer avoir valablement interrompu la prescription, même lorsque la dette d'impôt était contestée.

B.19.5. Par ailleurs, le ministre des Finances a fait observer ce qui suit au sujet de la disposition entreprise : « [Elle] permet d'éviter une discrimination arbitraire entre les contribuables qui ont souscrit une renonciation au temps couru de la prescription et ceux qui ont refusé de signer une telle renonciation et ont attendu la signification d'un commandement.

Si aucune renonciation au temps couru de la prescription n'a été signée, la signification d'un commandement constitue la seule possibilité pour le receveur d'interrompre la prescription. Selon la récente jurisprudence de la Cour de cassation, cette possibilité disparaîtrait également de sorte que la prescription ne pourrait être évitée.

Etant donné que les contribuables ont eux-mêmes contesté les impôts, ils ne pouvaient légalement escompter que la dette fiscale serait prescrite de ce fait. Il ne paraîtrait pas raisonnable pour un contribuable d'escompter se libérer en introduisant un recours tandis que l'Etat ne peut recouvrer l'imposition » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-1138/015, pp. 2-3).

B.19.6. Bien que les arrêts de la Cour de cassation des 10 octobre 2002 et 21 février 2003 n'aient, juridiquement, qu'une autorité de chose jugée relative, ils ont, en ce qu'ils ont tranché la question de droit qui concerne la nature et les effets d'un commandement, une autorité de fait qui s'impose à toutes les juridictions puisque les décisions qui s'écarteraient de la réponse donnée par la Cour de cassation risqueraient d'être cassées pour violation de la loi, telle qu'elle est interprétée par la Cour de cassation. Il ressort d'ailleurs de la jurisprudence invoquée par les parties requérantes que les juridictions de fond se sont ralliées à la solution adoptée par les deux arrêts de la Cour de cassation précités.

B.19.7. Les arrêts des 10 octobre 2002 et 21 février 2003 ont donc eu pour conséquence de priver d'effet, de manière rétroactive, le mode d'interruption de la prescription communément utilisé en matière d'impôts sur les revenus ainsi qu'il a été indiqué en B.13.2. Une catégorie de contribuables s'est ainsi vue libérée d'une dette qu'ils avaient contestée mais dont il ne peut être présumé qu'elle n'était pas due. C'est pour neutraliser l'effet rétroactif de la règle jurisprudentielle dégagée par les arrêts précités que le législateur a lui-même adopté une disposition rétroactive.

B.19.8. Le recours à une disposition rétroactive peut également s'expliquer en l'espèce par l'absence d'une disposition permettant de demander à la Cour de cassation de limiter dans le temps les effets des positions de principe adoptées par ses arrêts, alors que tant la Cour de justice des Communautés européennes (article 231, deuxième alinéa, du Traité CE), que la Cour d'arbitrage (article 8, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage) et le Conseil d'Etat (article 14ter des lois sur le Conseil d'Etat coordonnées le 12 janvier 1973) peuvent maintenir les effets des actes qu'ils annulent.

B.19.9. La première réaction du législateur aux arrêts de la Cour de cassation précités dans la loi-programme du 22 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 22/12/2003 pub. 31/12/2003 numac 2003021248 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer a entraîné l'insertion dans le C.I.R. des articles 443bis et 443ter sous un nouveau chapitre IXbis : « Prescription des droits du Trésor ».

La disposition attaquée de la loi-programme du 9 juillet 2004Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 09/07/2004 pub. 15/07/2004 numac 2004021091 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer a complété cette réaction du législateur.

Compte tenu du délai rapproché séparant leur adoption, ces dispositions doivent être considérées comme formant, ensemble, la réaction du législateur aux arrêts précités.

B.19.10. Par ailleurs, il a été constaté, au cours des travaux préparatoires, d'une part, que l'arriéré fiscal, en matière d'impôts sur les revenus, « est constitué à plus de quarante pour cent de cotisations contestées » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0473/001 et 51-0474/001, p. 148) et, d'autre part, que certains dossiers qui allaient bénéficier de la position adoptée par la Cour de cassation « concernaient la grande fraude fiscale » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-1138/015, p. 7). La mesure a pu être considérée comme répondant à des exigences d'intérêt général en ce que, sans préjuger des droits des contribuables, elle préservait les droits du Trésor à l'égard d'impositions contestées.

B.19.11. Enfin, l'effet rétroactif de la disposition entreprise ne restreint pas de manière disproportionnée les droits des contribuables, qui estimaient, jusqu'aux arrêts de la Cour de cassation, que le commandement qui leur avait été signifié, avait valablement interrompu la prescription.

Le fait qu'ils ont pu, de manière inattendue, espérer bénéficier de la jurisprudence précitée de la Cour de cassation, ne peut priver de justification l'intervention du législateur.

B.20. Il apparaît donc que la mesure est justifiée par des circonstances particulières et exceptionnelles et qu'elle est dictée par des motifs impérieux d'intérêt général.

En ce qui concerne les différences de traitement alléguées B.21. Une deuxième série de moyens critiquent, indépendamment de la qualification de la disposition en cause, les différences de traitement que cette disposition engendrerait.

Ces moyens invoquent la violation des articles 10, 11, 13, 16 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec ses articles 77, 78, 84 et 144 et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

Selon les requérants, la disposition entreprise créerait une différence de traitement injustifiée entre les débiteurs d'une dette fiscale contestée et les débiteurs de droit commun, ainsi qu'entre l'Etat belge créancier d'un contribuable qui conteste sa dette d'impôt et les autres créanciers de ce contribuable, puisqu'en droit commun, un commandement irrégulier est nul et de nul effet.

Par ailleurs, la disposition entreprise créerait une différence de traitement injustifiée entre les contribuables confrontés à la réouverture de la prescription de leur impôt et les contribuables qui ont vu la prescription de leur impôt constatée par une décision judiciaire sur la base de la jurisprudence de la Cour de cassation et dont les dossiers sont définitivement clos.

B.22.1. Comme il a été rappelé précédemment, la disposition entreprise vise à protéger les intérêts du Trésor en réagissant à une jurisprudence dont les effets peuvent être considérés comme suffisamment inattendus pour justifier une intervention du législateur.

Dès lors que cette jurisprudence ne concernait que la matière des impôts sur les revenus, le législateur pouvait limiter son intervention à cette matière.

B.22.2. En effet, même si les créanciers et débiteurs fiscaux et de droit commun peuvent être considérés comme des personnes comparables, le problème de l'effet interruptif de prescription d'un commandement signifié en l'absence de titre exécutoire est étroitement lié au mode d'établissement et de recouvrement de l'impôt, qui n'est pas comparable au mode d'établissement et de recouvrement d'une créance de droit commun.

B.23. En outre, la différence de traitement alléguée entre les contribuables confrontés à la réouverture de la prescription de leur impôt et les contribuables qui ont vu la prescription de leur impôt constatée par une décision judiciaire, ne résulte pas de la disposition entreprise - dont l'effet rétroactif est justifié, comme il a été indiqué en B.19 à B.20 -, mais du respect qui s'attache aux décisions de justice passées en force de chose jugée.

Même quand il légifère rétroactivement, le législateur ne peut, en effet, sous peine de méconnaître un des principes essentiels de l'Etat de droit, remettre en cause les décisions judiciaires devenues définitives.

B.24.1. Enfin, il n'apparaît pas que la mesure ait des effets disproportionnés ni qu'elle porte atteinte de manière disproportionnée aux droits fondamentaux invoqués par les parties requérantes.

B.24.2. Les contribuables qui avaient contesté l'impôt qui leur était réclamé n'avaient pas acquis contre l'Etat un droit de créance égal au montant de l'impôt contesté. A supposer qu'ils soient affectés dans leur droit au respect de leurs biens au sens de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, ce serait conformément au deuxième alinéa de cet article. Le législateur a pu, en se fondant sur cette disposition, pour les raisons exposées ci-dessus, considérer que la mesure critiquée était conforme à l'intérêt général et nécessaire pour assurer le paiement d'impôts dont il ne modifiait en rien les règles d'établissement.

B.24.3. Ces contribuables ne sont pas davantage privés du droit à un recours effectif ou à un procès équitable puisqu'ils conservent le droit de poursuivre devant la juridiction compétente la réclamation qu'ils ont introduite pour contester l'impôt qui leur était réclamé.

Si la loi attaquée exercera une influence sur des procédures pendantes, elle ne modifie pas le droit fiscal matériel qui s'y applique et, en ce qu'elle exerce une influence sur la prescription des dettes contestées, celle-ci est justifiée par les motifs impérieux d'intérêt général mentionnés ci-avant.

B.25. Les moyens ne peuvent être accueillis.

Par ces motifs, la Cour rejette les recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 7 décembre 2005.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux. M. Melchior.

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