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Arrêt
publié le 11 mai 2005

Extrait de l'arrêt n° 72/2005 du 20 avril 2005 Numéros du rôle : 3015 et 3053 En cause : les recours en annulation de la loi du 31 décembre 2003 instaurant une déclaration libératoire unique, introduits par P. De Crem et R. Suys et par G. B La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R.(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 72/2005 du 20 avril 2005 Numéros du rôle : 3015 et 3053 En cause : les recours en annulation de la loi du 31 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/12/2003 pub. 06/01/2004 numac 2003003587 source service public federal finances Loi instaurant une déclaration libératoire unique fermer instaurant une déclaration libératoire unique, introduits par P. De Crem et R. Suys et par G. Bos.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 8 juin 2004 et parvenue au greffe le 9 juin 2004, P.De Crem, demeurant à 9880 Aalter, Bosvijverdreef 2, et R. Suys, demeurant à 9420 Erpe-Mere, Magerstraat 88, ont introduit un recours en annulation de la loi du 31 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/12/2003 pub. 06/01/2004 numac 2003003587 source service public federal finances Loi instaurant une déclaration libératoire unique fermer instaurant une déclaration libératoire unique (publiée au Moniteur belge du 6 janvier 2004, deuxième édition). b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 2 juillet 2004 et parvenue au greffe le 5 juillet 2004, G.Bos, demeurant à 9100 Saint-Nicolas, Godsschalkstraat 19, a introduit un recours en annulation de la même loi.

Ces affaires, inscrites sous les numéros 3015 et 3053 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant à l'intérêt B.1.1. Le Conseil des ministres conteste l'intérêt des parties requérantes au motif que l'annulation totale ou partielle de la loi attaquée ne leur procurerait aucun avantage ni ne les protégerait d'aucun préjudice. En effet, elles ne souhaiteraient pas faire usage de la déclaration libératoire unique.

B.1.2. Lorsqu'une disposition législative privilégie une catégorie de citoyens, ceux par rapport à qui cette catégorie est privilégiée peuvent avoir un intérêt suffisamment direct à l'attaquer.

En l'espèce, les parties requérantes se plaignent de ce qu'elles ne pourraient bénéficier des mêmes taux d'imposition que les contribuables qui font usage de la loi entreprise. Elles ont donc un intérêt suffisant pour attaquer la loi critiquée.

B.1.3. L'exception est rejetée.

Quant à la recevabilité du mémoire en réponse dans l'affaire n° 3053 B.2.1. Le Conseil des Ministres soulève la nullité du mémoire en réponse de la partie requérante dans l'affaire n° 3053 au motif que le français est utilisé dans trois pages.

B.2.2. Le fait qu'un mémoire en réponse qui, conformément à l'article 62, alinéa 2, 6°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, est établi en néerlandais, contienne à trois endroits de brèves citations en français, provenant de la presse écrite, ne peut entraîner la nullité de ce mémoire. Il n'y a pas lieu d'écarter le mémoire des débats pour ce seul motif.

B.2.3. L'exception est rejetée.

Quant aux nouveaux moyens invoqués dans le mémoire en réponse B.3.1. Dans son mémoire en réponse, la partie requérante dans l'affaire n° 3053 invoque cinq nouveaux moyens. Elle se prévaut à cette fin de l'article 85, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, qui énonce : « Lorsque l'affaire concerne un recours en annulation, ces mémoires peuvent formuler de nouveaux moyens. [...] ».

B.3.2. L'article 85 précité permet aux seules institutions et personnes visées aux articles 76, 77 et 78 de cette loi d'invoquer de nouveaux moyens.

La partie requérante ne fait pas partie de cette catégorie de personnes.

B.3.3. Les nouveaux moyens que la partie requérante dans l'affaire n° 3053 invoque dans son mémoire en réponse ne sont donc pas recevables.

Quant au fond B.4. L'examen de la conformité d'une disposition attaquée aux règles répartitrices de compétences doit précéder l'examen de sa compatibilité avec le titre II et les articles 170, 172 et 191 de la Constitution.

Dès lors, la Cour examine d'abord le deuxième moyen.

Quant au deuxième moyen B.5. Les parties requérantes invoquent la violation des règles répartitrices de compétences en ce que la loi attaquée pourrait s'appliquer aussi aux droits de succession et d'enregistrement, alors que, conformément à l'article 3 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, remplacé par l'article 5 de la loi spéciale du 13 juillet 2001, les régions sont compétentes en ce qui concerne le taux d'imposition, la base d'imposition et les exonérations de ces impôts.

Dans leur mémoire en réponse, les parties requérantes dans l'affaire n° 3015 renoncent à ce moyen.Dès lors que la partie requérante dans l'affaire n° 3053 maintient le moyen, la Cour doit l'examiner.

Le moyen ne portant que sur les articles 2, 3 et 7 de la loi entreprise, la Cour limite son examen à ces dispositions.

B.6. L'article 3 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, remplacé par l'article 5 de la loi spéciale du 13 juillet 2001, dispose : « Les impôts suivants sont des impôts régionaux : [...] 4° les droits de succession d'habitants du Royaume et les droits de mutation par décès de non-habitants du Royaume; [...] 6° les droits d'enregistrement sur les transmissions à titre onéreux de biens immeubles situés en Belgique, à l'exclusion des transmissions résultant d'un apport dans une société, sauf dans la mesure où il s'agit d'un apport, fait par une personne physique, dans une société belge, d'une habitation;7° les droits d'enregistrement sur : a) la constitution d'une hypothèque sur un bien immeuble situé en Belgique;b) les partages partiels ou totaux de biens immeubles situés en Belgique, les cessions à titre onéreux, entre copropriétaires, de parties indivises de tels biens, et les conversions prévues aux articles 745quater et 745quinquies du Code civil, même s'il n'y a pas indivision;8° les droits d'enregistrement sur les donations entre vifs de biens meubles ou immeubles; [...] Ces impôts sont soumis aux dispositions des articles 4, 5, 8 et 11 ».

Selon l'article 4, § 1er, de la même loi, remplacé par l'article 6 de la loi spéciale du 13 juillet 2001, les régions sont compétentes pour modifier le taux d'imposition, la base d'imposition et les exonérations des impôts visés à l'article 3, alinéa 1er, 1° à 4° et 6° à 9°.

L'article 5, § 3, de la même loi, remplacé par l'article 7, 7°, de la loi spéciale du 13 juillet 2001, porte : « A moins que la région n'en décide autrement, l'Etat assure gratuitement dans le respect des règles de procédure qu'il fixe, le service des impôts visés à l'article 3, alinéa 1er, 1° à 8° et 10° à 12°, pour le compte de la région et en concertation avec celle-ci. A partir de la deuxième année budgétaire suivant la date de notification du gouvernement de région au gouvernement fédéral de la décision d'assurer elle-même le service des impôts concernés, la région concernée assure le service de ces impôts. Le transfert du service des impôts à une région peut se faire uniquement par groupe d'impôts : - les impôts visés à l'article 3, alinéa 1er, 1° à 3°; - l'impôt visé à l'article 3, alinéa 1er, 5°; - les impôts visés à l'article 3, alinéa 1er, 4° et 6° à 8°; - les impôts visés à l'article 3, alinéa 1er, 10° à 12°. [...] ».

Le « service de l'impôt » comprend le processus de l'établissement de la base imposable, le calcul de l'impôt, le contrôle de la base imposable et de l'impôt, ainsi que le contentieux y afférent (tant administratif que judiciaire), la perception et le recouvrement de l'impôt (en ce compris les frais et intérêts) (Doc. parl., Chambre, 2000-2001, DOC 50-1183/007, p. 160).

B.7. Bien que l'Etat fédéral se charge du service des impôts régionaux précités et qu'il puisse fixer à cet égard les règles de procédure pour la perception de ces impôts, il doit, dans l'exercice de cette compétence, veiller à ne pas priver les régions des compétences qui leur sont attribuées par la Constitution ou en vertu de celle-ci.

C'est ainsi que l'Etat ne peut libérer un contribuable d'un impôt régional sans que l'impôt ait été acquitté au taux d'imposition fixé par la région ou qu'il ne peut pas accorder une exonération que la région en question n'a pas prévue. Eu égard à la compétence en matière d'impôts régionaux contenue dans la loi spéciale du 16 janvier 1989, il n'appartient pas au législateur fédéral de renoncer à la perception de ces impôts pour le service desquels l'autorité fédérale est responsable conformément à l'article 5, § 3, de cette loi spéciale, ni de considérer ces impôts comme acquittés sans qu'ils aient été payés au taux fixé par l'autorité régionale compétente. En effet, une décision de renoncer à un impôt dû revient à accorder une exonération, ce qui relève en l'espèce des compétences des régions.

B.8. L'article 2, § 1er, alinéa 1er, de la loi attaquée énonce : « Les personnes physiques définies à l'alinéa 2 qui ont bénéficié de sommes, capitaux ou valeurs mobilières qui n'ont pas, ou qui proviennent de revenus qui n'ont pas non plus été repris dans une comptabilité ou une déclaration obligatoires en Belgique en vertu de la loi ou sur lesquels l'impôt dû en Belgique n'a pas été prélevé, peuvent, à partir du 1er janvier 2004 et jusqu'au 31 décembre 2004 inclus, déclarer : 1° ces sommes, capitaux ou valeurs mobilières qui étaient placés avant le 1er juin 2003 auprès d'un établissement de crédit ou une société de bourse étrangers sur un compte ouvert à leur nom ou sur un compte dont elles démontrent qu'elles en sont le bénéficiaire effectif;2° les valeurs mobilières visées à l'article 2, 1°, a) à d), de la loi du 2 août 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003391 source ministere des finances Loi complétant, en ce qui concerne les voies de recours contre les décisions prises par le ministre, par la CBF, par l'OCA et par les entreprises de marché et en ce qui concerne l'intervention de la CBF et de l'OCA devant les juridictions répressives, la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers et modifiant diverses autres dispositions légales fermer relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, y compris les titres de sociétés non cotées, dont les personnes physiques définies à l'alinéa 2 démontrent par tous moyens de preuve admis par le droit commun, à l'exception des témoignages, de l'aveu et du serment, qu'elles possédaient avant le 1er juin 2003 ». L'article 3 de la loi entreprise porte : « Les sommes, capitaux ou valeurs mobilières déclarés sont, après paiement de la contribution unique due visée à l'article 4, réputés de manière irréfragable avoir fait définitivement et complètement l'objet de tous impôts, cotisations sociales visées à l'article 2, majorations d'impôts, majorations de cotisations sociales, intérêts de retard et amendes qui sont dus ou auraient pu être dus pour ces sommes, capitaux ou valeurs mobilières, avant la date de l'introduction de la déclaration.

Ceci vaut tant dans le chef du déclarant et de ses auteurs que dans le chef des personnes physiques ou morales desquelles ces sommes, capitaux ou valeurs mobilières ont été obtenus directement ou indirectement ou qui ont attribué ces sommes au déclarant ou à son auteur, de quelque façon que ce soit ».

Conformément à l'article 4 de la loi critiquée, les sommes, capitaux ou valeurs mobilières mentionnés dans la déclaration sont soumis à une contribution unique s'élevant à 9 p.c. des sommes, capitaux ou valeurs mobilières déclarés (article 4, § 1er). Pourvu qu'il soit satisfait à certaines conditions, cette contribution est ramenée à 6 p.c. (article 4, § 2).

L'article 7 de la loi entreprise dispose : « Les personnes qui se sont rendues coupables d'infractions visées aux articles 449 et 450 du Code des impôts sur les revenus 1992, aux articles 73 et 73bis du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, aux articles 133 et 133bis du Code des droits de succession, aux articles 206 et 206bis du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, aux articles 207/1 et 207bis du Code des taxes assimilées au timbre, dans la loi du 27 juin 1969Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/06/1969 pub. 24/01/2011 numac 2010000730 source service public federal interieur Loi révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs et ses arrêtés d'exécution et dans l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants et ses arrêtés d'exécution, ou d'infractions visées à l'article 505 du Code pénal, dans la mesure où elles visent les avantages patrimoniaux tirés directement des infractions précitées ou les biens et valeurs qui leur ont été substitués ou les revenus de ces avantages investis, ainsi que les personnes qui sont coauteurs ou complices de telles infractions au sens des articles 66 et 67 du Code pénal, sont exonérées de poursuites pénales de ce chef si elles n'ont pas fait l'objet avant la date de l'introduction des déclarations prévues à l'article 2, § 1er, d'une information ou d'une instruction judiciaire du chef de ces infractions et si une déclaration spéciale a été effectuée dans les conditions de la présente loi et ont payé les montants dus en raison de cette déclaration spéciale ».

B.9.1. Selon l'avant-projet de loi qui est à l'origine de la loi attaquée, la déclaration libératoire unique devait s'appliquer à l'ensemble des « sommes, capitaux ou valeurs mobilières qui n'ont pas, ou qui proviennent de revenus qui n'ont pas non plus été repris dans une comptabilité ou une déclaration obligatoires selon la loi en Belgique ou sur lesquels l'impôt dû en Belgique n'a pas été prélevé » (article 2, § 1er, de l'avant-projet de loi; Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0353/001, p. 19), en ce compris les impôts régionaux éludés, comme les droits de succession et d'enregistrement. C'est ainsi que l'article 2, § 2, de l'avant-projet de loi disposait que ni la déclaration ni la contribution unique payée ne produisent d'effet « en ce qui concerne les droits de succession et de mutation par décès d'un habitant du Royaume décédé après le 31 décembre 2002 » et « en ce qui concerne les droits de succession et de mutation par décès d'un habitant du Royaume décédé avant le 1er janvier 2003 et pour lequel aucune déclaration de succession valable n'a été introduite ou pour laquelle aucun délai supplémentaire n'a été obtenu pour l'introduction d'une telle déclaration » (ibid., pp. 19-20).

B.9.2. La section de législation du Conseil d'Etat a notamment observé ce qui suit à ce sujet : « Toutefois, l'avant-projet a un champ d'application très large : selon les termes de son article 2, § 1er, alinéa 1er, est visé ' l'impôt dû en Belgique '.

Le paragraphe 2 du même article le confirme puisqu'y sont cités notamment les droits de succession et de mutation par décès (pour exclure du champ d'application de la loi, les droits dus sur les successions ouvertes après le 31 décembre 2002).

De même, l'article 7 de l'avant-projet de loi se réfère notamment au Code des droits de succession et au Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe.

Or, la détermination du régime juridique des impôts régionaux, au sens de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions, relève désormais, pour une grande part, fixée par ladite loi spéciale, de la compétence des législateurs régionaux, notamment sur les points que tend à régler l'avant-projet présentement examiné. [...] Il appartient aux législateurs régionaux, et à eux exclusivement, de renoncer à la perception de certains impôts régionaux, sous certaines conditions; le législateur fédéral, statuant à la majorité ordinaire, ne saurait s'y substituer sans excéder ses compétences » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0353/001, pp. 24-25).

B.9.3. Afin de répondre aux griefs de la section de législation du Conseil d'Etat, toutes « les références aux impôts régionaux ont été supprimées du projet » (ibid., p. 4), selon l'exposé des motifs du projet de loi qui est devenu la loi attaquée. Selon le Ministre des Finances, l'intention était « d'édicter une loi qui [...] porte exclusivement sur les matières fédérales » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0353/005, p. 119).

B.10.1. Il découle de ce qui précède que la loi attaquée vise uniquement la régularisation d'impôts fédéraux. Par cette mesure, le législateur fédéral a exercé une compétence qui lui est propre.

B.10.2. En outre, les régions ont été associées à l'introduction de la loi entreprise et des réglementations régionales spécifiques ont été mises en oeuvre en vue de respecter les règles répartitrices de compétences. Il a été convenu au sein du comité de concertation que l'Etat fédéral accorderait aux régions pour l'exercice budgétaire 2004 un montant de 75 millions d'euros provenant du produit des déclarations libératoires uniques, à répartir sur la base du produit des droits de succession pendant la décennie 1993-2002 (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0353/005, p. 107). La Région de Bruxelles-Capitale et la Région wallonne ont chacune conclu avec l'Etat fédéral un accord de coopération par lequel elles s'engagent à « [prendre] les mesures législatives nécessaires afin d'étendre le caractère libératoire de la déclaration unique aux impôts régionaux dès le 1er janvier 2004 » (Moniteur belge du 21 juin 2004, troisième édition, du 25 juin 2004, deuxième édition, et du 21 janvier 2005, deuxième édition). En exécution de cet accord de coopération, la Région de Bruxelles-Capitale, par ordonnance du 13 mai 2004Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 13/05/2004 pub. 21/06/2004 numac 2004031279 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance portant assentiment à l'Accord de coopération entre l'Etat fédéral et la Région de Bruxelles-Capitale relatif à la mise en place d'un système de déclaration libératoire unique type ordonnance prom. 13/05/2004 pub. 23/06/2004 numac 2004031278 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance rendant applicable aux impôts régionaux les dispositions de la loi du 31 décembre 2003 instaurant une déclaration libératoire unique type ordonnance prom. 13/05/2004 pub. 21/06/2004 numac 2004031276 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance portant assentiment à la Convention du 4 avril 2003 entre l'Etat fédéral, la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale, visant à mettre en oeuvre le programme du réseau express régional de, vers, dans et autour de Bruxelles fermer (Moniteur belge du 23 juin 2004, deuxième édition), et la Région wallonne, par décret du 27 mai 2004 (Moniteur belge du 25 juin 2004, deuxième édition), ont précisé dans quelle mesure les dispositions de la loi critiquée s'appliquent à leurs impôts régionaux. Enfin, le Parlement flamand a adopté un décret en vertu duquel « le Gouvernement flamand accepte la façon dont le service des impôts régionaux est assuré en cette matière par le Service public fédéral Finances ainsi que l'opposabilité des attestations délivrées par les établissements financiers ou par le Service public fédéral Finances en application de la réglementation [DLU] » (article 11 du décret du 24 décembre 2004 ajustant le budget des voies et moyens de la Communauté flamande pour l'année budgétaire 2004, Moniteur belge du 18 février 2005, troisième édition).

B.11.1. Selon les travaux préparatoires, « peuvent faire l'objet de la déclaration libératoire les sommes, capitaux ou valeurs mobilières qui n'ont pas subi, en tout ou en partie, le régime fiscal qui leur était applicable et qui étaient placés avant le 1er juin 2003 auprès d'un établissement de crédit ou une société de bourse étrangers [...] » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0353/001, p. 5). L'article 2 de la loi attaquée vise « l'ensemble des sommes, capitaux ou valeurs mobilières que le déclarant possède sur un compte tenu auprès d'un établissement de crédit ou d'une société de bourse étrangers et qu'il a soustraits au fisc en ne les reprenant pas dans une comptabilité ou dans celle d'une personne morale, ou en ne les mentionnant pas dans la déclaration obligatoire selon la loi » (ibid. ). « L'expression ' déclaration obligatoire selon la loi ' vise tant les déclarations concernant les impôts sur les revenus que les déclarations en matière de T.V.A., de sécurité sociale, etc. » (ibid., p. 6). B.11.2. Bien que, comme l'a observé la section de législation du Conseil d'Etat (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0353/008, p. 5), les impôts régionaux soient « un impôt dû en Belgique » et que la déclaration aux impôts régionaux soit « une déclaration obligatoire selon la loi en Belgique », les termes généraux de l'article 2 attaqué n'impliquent pas en soi de violation des règles répartitrices de compétences, en tant qu'ils prévoient uniquement la possibilité de faire figurer dans une seule déclaration les sommes, capitaux ou valeurs mobilières. En effet, cette disposition doit être lue en combinaison avec l'article 3 de la loi entreprise, qui règle les effets fiscaux de la déclaration libératoire unique.

B.12.1. Conformément à l'article 3 critiqué, la déclaration a pour effet que les sommes, capitaux ou valeurs mobilières déclarés « sont réputés de manière irréfragable avoir subi définitivement et complètement le régime applicable à chacune de ces catégories » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0353/001, p. 10).

B.12.2. Eu égard à la répartition des compétences exposée au B.7, il n'appartient pas au législateur fédéral de disposer, en ce qui concerne les impôts régionaux mentionnés à l'article 3 de la loi spéciale du 16 janvier 1989, que les sommes, capitaux ou valeurs mobilières sont libérés des impôts régionaux qui auraient dû grever les actifs concernés, lorsque les impôts aux taux applicables dans les régions concernées n'ont pas été payés.

Comme le font apparaître les B.9 et B.10, seules les régions peuvent prendre les dispositions légales requises pour étendre, le cas échéant, le caractère libératoire de la déclaration unique aux impôts régionaux. C'est ainsi qu'il a été déclaré dans les travaux préparatoires de la loi attaquée que « si une région ne participe pas à l'opération, il n'est pas possible d'accorder une exonération des impôts régionaux dans cette région et il n'est, par conséquent, pas davantage possible d'effectuer un transfert des recettes » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0353/005, p. 120).

B.12.3. Bien que l'article 3 soit formulé en termes généraux, cette disposition s'applique aux seuls impôts fédéraux.

Par voie de conséquence, la déclaration visée à l'article 2, § 1er, de la loi attaquée et la contribution unique visée à l'article 4 de cette loi ne peuvent avoir des effets en matière d'impôts régionaux que dans la mesure où le législateur décrétal ou ordonnanciel compétent en a décidé ainsi.

B.12.4. Interprété en ce sens, l'article 3 attaqué ne viole pas les règles répartitrices de compétences.

B.13.1. L'article 7 de la loi entreprise énonce que les personnes qui se sont rendues coupables d'infractions visées, entre autres, aux articles 133 et 133bis du Code des droits de succession ainsi qu'aux articles 206 et 206bis du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe demeurent exonérées de poursuites pénales de ce chef, si, entre autres, elles ont effectué une déclaration spéciale dans les conditions de la loi critiquée et si elles ont payé les montants dus en raison de cette déclaration spéciale.

Les dispositions législatives précitées fixent les peines applicables à l'infraction commise, dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, aux dispositions du Code des droits de succession et du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe ou des arrêtés pris pour leur exécution.

B.13.2. En vertu de l'article 11 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, dans les limites des compétences des régions, les décrets peuvent ériger en infraction les manquements à leurs dispositions et établir les peines punissant ces manquements.

Conformément à l'article 4 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, cette disposition s'applique à la Région de Bruxelles-Capitale, moyennant les adaptations nécessaires.

Il appartient donc aux régions, dans les limites de leurs compétences en ce qui concerne les impôts régionaux mentionnés à l'article 3 de la loi spéciale du 16 janvier 1989, de déterminer les infractions aux dispositions, prises par elles, relatives à ces impôts et les peines y afférentes.

Toutefois, tant que l'autorité fédérale se charge du service des impôts régionaux, elle détermine, conformément à l'article 5, § 3, de la loi spéciale du 16 janvier 1989, les règles de procédure et, partant, les sanctions applicables aux infractions commises envers ces règles.

B.13.3. L'« exonération de poursuites pénales » mentionnée à l'article 7 attaqué ne s'applique que si une déclaration spéciale a été effectuée dans les conditions de la loi attaquée et si les montants dus en raison de cette déclaration spéciale ont été payés. Dès lors, cette exonération ne peut s'appliquer que dans la mesure où une déclaration libératoire est possible dans les limites du champ d'application de la loi (Doc. parl., Sénat, 2003-2004, n° 3-427/3, p. 16).

B.13.4. Pour autant que les régions concernées étendent les effets de la loi attaquée aux impôts régionaux relevant de leur compétence, l'autorité fédérale qui se charge de la perception de ces impôts régionaux peut décider de renoncer à l'action publique liée à sa compétence en matière de service des impôts régionaux.

Dans cette interprétation, l'article 7 attaqué ne viole pas les règles répartitrices de compétences.

B.14. Le deuxième moyen ne peut être accueilli.

Quant au premier moyen B.15. Dans une première branche du premier moyen, les parties requérantes allèguent la violation des articles 10, 11 et 172, alinéa 1er, de la Constitution, en ce que la loi attaquée du 31 décembre 2003 accorde une exonération des poursuites pénales et supprime l'action fiscale, alors qu'est seulement imposée une contribution unique de 6 ou 9 p.c. Il en résulterait une différence de traitement déraisonnable par rapport aux contribuables qui se sont correctement acquittés de leurs obligations et qui ont payé des taux beaucoup plus élevés.

Dans une deuxième branche du premier moyen, les parties requérantes allèguent une violation de l'article 172, alinéa 1er, de la Constitution, en ce que la loi attaquée accorderait un privilège à une catégorie de contribuables, alors que, selon la disposition constitutionnelle précitée, il ne peut être établi de privilège en matière d'impôts.

L'article 172, alinéa 1er, de la Constitution étant une application particulière du principe constitutionnel d'égalité et de non-discrimination, la Cour examinera ensemble les deux branches.

B.16. Pour pouvoir être libéré d'impôts conformément à l'article 3 de la loi entreprise et pour pouvoir bénéficier de l'exonération de poursuites pénales prévue par l'article 7 de cette loi, il y a lieu de payer la contribution unique de 6 ou 9 pour cent, fixée par l'article 4 de la loi attaquée. L'article 4 énonce : « § 1er. Les sommes, capitaux ou valeurs mobilières mentionnés dans la déclaration sont soumis à une contribution unique s'élevant à 9 p.c. des sommes, capitaux ou valeurs mobilières déclarés. § 2. Les sommes, capitaux ou valeurs mobilières, autres que des titres au porteur, mentionnés dans la déclaration sont soumis à une contribution unique s'élevant à 6 p.c. des sommes, capitaux ou valeurs mobilières déclarés, lorsque ces montants, diminués de la contribution unique, sont investis pour une période d'au moins trois ans dans les 30 jours suivant l'introduction de la déclaration. II continue d'être satisfait à cette période minimale de trois ans en cas d'aliénation ou de cessation de l'investissement effectué, à la condition que le prix net de cession ou le remboursement net obtenu soit réinvesti dans un délai de 30 jours dans des investissements visés dans le présent paragraphe et que ceux-ci soient maintenus pour la partie subsistante de la période minimale. Le Roi fixe, après délibération en Conseil des Ministres, les conditions relatives à la nature et aux modalités de l'investissement, du réinvestissement, ainsi qu'au contrôle y relatif.

En cas de transmission par succession des sommes, capitaux ou valeurs mobilières ou de l'investissement effectué visés au présent paragraphe, il doit être satisfait à l'obligation d'investissement, de période minimale d'investissement et de réinvestissement dans le chef de l'ayant droit ».

B.17. Il ressort des travaux préparatoires que la contribution unique n'est pas nécessairement calculée sur l'ensemble du montant qui avait été placé auprès d'une institution étrangère mais « [uniquement sur] les ' sommes, capitaux ou valeurs mobilières ' non repris dans une déclaration obligatoire ou sur lesquels un impôt dû n'a pas été prélevé » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0353/001, p. 11).

Dans la déclaration libératoire unique prévue par la loi entreprise, il n'y a logiquement pas lieu de faire figurer les sommes, capitaux ou valeurs mobilières pour lesquels tous les impôts ont été payés. Par conséquent, la contribution de 6 ou 9 p.c. est calculée uniquement sur les montants éludés.

B.18.1. Le paiement de la contribution unique exigible a notamment pour effet que les sommes, capitaux ou valeurs mobilières déclarés sont « réputés de manière irréfragable avoir fait définitivement et complètement l'objet de tous impôts, cotisations sociales visées à l'article 2, majorations d'impôts, majorations de cotisations sociales, intérêts de retard et amendes qui sont dus ou auraient pu être dus pour ces sommes, capitaux ou valeurs mobilières, avant la date de l'introduction de la déclaration » (article 3, alinéa 1er, de la loi attaquée).

B.18.2. La Cour constate que le taux des impôts, cotisations, majorations, intérêts et amendes visés au B.18.1 diffère de celui de la contribution unique exigible, laquelle s'élève à 6 ou 9 p.c.

C'est ainsi que le taux d'imposition du précompte mobilier pour les sommes entrant en ligne de compte en vue de la déclaration libératoire unique s'élève, conformément à l'article 269 du Code des impôts sur les revenus 1992 (C.I.R. 1992), à 15 ou à 25 p.c. dans la plupart des cas.

En ce qui concerne les revenus professionnels pris en compte pour la déclaration libératoire unique, l'impôt dans le régime d'imposition ordinaire a été fixé à un taux oscillant entre 25 et 55 pour cent. Ce taux a été majoré d'un montant qui a été fixé conformément aux articles 157 à 168 du C.I.R. 1992, dans la mesure où l'impôt qui se rapporte à des bénéfices, profits et rémunérations de dirigeants d'entreprise n'a pas été perçu par voie de précomptes ou n'a pas été versé anticipativement au cours de l'année durant laquelle les revenus ont été recueillis (article 157 du C.I.R. 1992), ce qui sera toujours le cas pour les revenus professionnels non déclarés. De surcroît, « en cas d'absence de déclaration ou en cas de déclaration incomplète ou inexacte, les impôts dus sur la portion des revenus non déclarés sont majorés d'un accroissement d'impôt fixé d'après la nature et la gravité de l'infraction, selon une échelle dont les graduations sont déterminées par le Roi et [vont] de 10 p.c. à 200 p.c. des impôts dus sur la portion des revenus non déclarés » (article 444, alinéa 1er, du C.I.R. 1992).

Pour les employeurs qui sont assujettis à l'ensemble des régimes de sécurité sociale, le taux de la cotisation globale de sécurité sociale s'élevait à 37,94 p.c. de la rémunération du travailleur.

B.18.3. Par voie de conséquence, le déclarant de la contribution libératoire unique, ses auteurs et les personnes physiques ou morales desquelles ces sommes, capitaux ou valeurs mobilières ont été obtenus directement ou indirectement ou qui ont attribué ces sommes au déclarant ou à son auteur, de quelque façon que ce soit (article 3, alinéa 2, de la loi entreprise) sont réputés libérés de manière irréfragable et définitive, à condition de payer une contribution unique dont le taux est inférieur au taux des impôts, cotisations de sécurité sociale, majorations d'impôts, majorations de cotisations, intérêts de retard et amendes qui étaient dus ou auraient pu être dus pour ces sommes, capitaux ou valeurs mobilières.

B.18.4. Dès lors qu'il existe de ce fait une différence de traitement entre, d'une part, les catégories de contribuables qui bénéficient de la loi critiquée et, d'autre part, les contribuables qui ont payé leurs impôts à un taux plus élevé, la Cour doit vérifier si cette différence peut se justifier objectivement et raisonnablement par rapport à l'objectif poursuivi.

B.19. Il ressort des travaux préparatoires que la loi attaquée se situe dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale. La déclaration libératoire unique offrirait « [...] une possibilité unique de régularisation moyennant le paiement d'une amende », certains contribuables étant incités à payer malgré tout les impôts éludés (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0353/005, pp. 3-4).

L'impôt éludé devrait ainsi bel et bien être payé, sous la forme d'une contribution unique de 6 ou 9 p.c. (ibid. ).

De surcroît, selon les travaux préparatoires, on a visé à réinjecter des capitaux dans l'économie, ce qui aura « à terme, un impact positif sur la croissance du produit national brut et sur le développement concomitant des investissements et de l'emploi » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0353/001, p. 4). En outre, « les montants versés au Trésor à la faveur de la déclaration libératoire unique entraîneront automatiquement une réduction de la contribution demandée aux autres citoyens en vue de l'assainissement des finances publiques » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0353/005, p. 4).

B.20. L'établissement d'une cotisation ou la perception d'un impôt, dans les cas où l'impôt est dû conformément à la loi, constitue, dans le chef de l'administration, une obligation qui doit permettre de garantir l'égalité du citoyen devant la loi fiscale. L'autorité ne peut donc accorder sans justification à une catégorie de contribuables un privilège en renonçant rétroactivement à la perception d'un impôt dû. Le bon fonctionnement du régime fiscal, et finalement des pouvoirs publics chargés d'accomplir des tâches d'intérêt général au moyen d'impôts, suppose que les impôts fixés par la loi soient correctement payés par les contribuables et effectivement perçus par l'autorité.

Compte tenu du fait que des impôts ont été éludés notamment en plaçant sur des comptes à l'étranger des revenus sur lesquels des impôts sont dus, il appartient toutefois au législateur, dans l'exercice de ses compétences en matière d'impôts fédéraux, de prendre des mesures visant à récupérer - encore et fût-ce partiellement - ces impôts éludés. Pour atteindre ce but, il peut permettre aux contribuables qui ont éludé des impôts dans le passé de régulariser encore leur situation - tant du point de vue fiscal que pénal -, moyennant le paiement d'une contribution unique. Le législateur dispose en la matière d'un large pouvoir d'appréciation. La Cour ne peut considérer comme inconstitutionnelle une différence de traitement découlant d'une telle mesure que lorsqu'elle a manifestement des effets disproportionnés.

B.21. Pour la fixation des taux de la contribution unique, on a recherché un équilibre, selon les travaux préparatoires, « en instaurant un impôt qui soit à la fois substantiel et non prohibitif » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0353/001, p. 11). De plus, le législateur estimait que « les chances de succès d'un mécanisme de déclaration libératoire unique reposent sur la confiance que les déclarants vont avoir dans un tel système. Dans ce cadre, il n'est pas possible d'opérer une distinction selon l'origine de la fraude et donc des catégories d'impôts et taxes éludés en recherchant l'origine du montant déclaré, ou encore selon le montant des amendes et intérêts de retard générés dans les différents cas. Ceci explique le choix du taux entre les divergents taux pratiqués » (ibid., p. 12).

Le nombre restreint de taux a été expliqué dans les travaux préparatoires « par le souhait du gouvernement de mettre en place un système clair et simple. Il serait d'ailleurs tout à fait impossible pour le législateur de procéder au cas par cas et de moduler les tarifs en fonction de l'importance de l'infraction fiscale ou du niveau du taux de l'impôt éludé ». (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0353/005, pp. 129-130). A cet égard, il a été postulé qu'un système prévoyant l'application de taux variés en fonction de la nature des impôts éludés serait trop complexe (ibid., p. 64). En outre, le principal avantage du système choisi serait « que le produit sera probablement plus élevé, étant donné que le déclarant doit fournir peu d'informations et que la confidentialité est garantie » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0353/005, p. 151). Selon le Ministre des Finances, cela constitue également pour l'administration fiscale un avantage en termes de simplification administrative : « elle pourra dès lors se pencher sur d'autres éléments » (ibid. ).

B.22. Le législateur a pu raisonnablement considérer que, comme l'indiquent les travaux préparatoires, « il faut [...] inciter de manière substantielle les contribuables à saisir cette chance unique » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0353/005, p. 87). Compte tenu de la grande marge d'appréciation dont il dispose (B.20), le législateur peut, afin d'atteindre l'objectif poursuivi par la loi, fixer des taux qui font que le montant de la contribution unique à payer diffère du montant des impôts et des cotisations de sécurité sociale initialement dus.

En outre, un traitement parfaitement égal de tous les contribuables obligerait l'administration fiscale à vérifier, pour chaque contribuable qui souhaite faire usage de la loi attaquée, quelles sommes celui-ci a dissimulées et quel aurait été son revenu imposable pour une année déterminée, compte tenu de ces sommes dissimulées. Eu égard aux charges administratives considérables d'une telle enquête et de la crainte que le succès de la mesure s'en trouve diminué, on peut admettre que le législateur ait, pour déterminer la contribution unique, fait usage de taux uniformes qui ne font pas de distinction selon les impôts éludés.

B.23. Il convient aussi de tenir compte de ce qu'en l'absence de la mesure attaquée, eu égard aux règles de droit fiscal en matière de prescription, le risque existe qu'aucun impôt ne soit jamais payé sur les sommes déclarées. Pour autant que la loi attaquée concerne des montants pour lesquels les dettes fiscales sont prescrites, elle permet au déclarant, via la déclaration libératoire unique, d'échapper aux poursuites pénales et à l'autorité taxatrice de recouvrer une partie des impôts éludés qui, sans cela, auraient été définitivement perdus (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0353/005, p. 106).

B.24. La loi attaquée réalise aussi, pour l'avenir, l'égalité entre les contribuables parce qu'il ne sera plus possible aux déclarants de continuer à se servir des mécanismes utilisés dans le passé pour éluder des impôts. Ainsi, l'article 2, § 1er, alinéa 5, de la loi attaquée dispose que les valeurs mobilières visées à l'article 2, § 1er, alinéa 1er, 2°, doivent être déposées sur un compte ouvert au nom du déclarant et, sauf en cas de transmission par succession, rester en dépôt pendant une période ininterrompue de trois ans, sous peine d'une contribution complémentaire de 6 pour cent (article 10). Etant donné que ces valeurs mobilières sont souvent utilisées pour éluder l'impôt - à savoir le précompte mobilier -, cette obligation est de nature à combattre la fraude future. Il en va de même si les sommes, capitaux ou valeurs mobilières sont transférés sur un compte ouvert auprès d'un établissement de crédit ou une société de bourse belges ou sur un contrat d'assurance sur la vie ou un contrat de capitalisation conclu auprès d'une entreprise d'assurances belge.

B.25. La loi attaquée n'intervient pas non plus dans des investigations en cours ou des procédures pendantes. L'article 2, § 2, dispose en effet : « Ni la déclaration visée au § 1er, ni la contribution unique payée, visée à l'article 4, ne produisent d'effets : [...] - si, avant l'introduction de la déclaration, le déclarant a été informé par écrit d'actes d'investigation spécifiques en cours par une administration fiscale, une institution de sécurité sociale ou un service d'inspection sociale belges; [...] ».

De même, l'article 7 de la loi attaquée dispose que l'exonération des poursuites pénales ne trouve pas à s'appliquer si les déclarants ont fait l'objet, avant la date de l'introduction de leur déclaration, d'une information ou d'une instruction judiciaire du chef des infractions commises par eux.

En outre, en vertu de l'article 2, § 2, de la loi attaquée, ni la déclaration visée à l'article 2, § 1er, ni le paiement de la contribution unique, visée à l'article 4 de cette loi, ne produisent d'effets si les sommes, capitaux ou valeurs mobilières proviennent de la réalisation d'opérations de blanchiment ou d'un délit sous-jacent visé à l'article 3 de la loi du 11 janvier 1993Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/01/1993 pub. 29/07/2013 numac 2013000488 source service public federal interieur Loi relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 11/01/1993 pub. 27/06/2012 numac 2012000391 source service public federal interieur Loi relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux, qui inclut notamment « la fraude fiscale grave et organisée qui met en oeuvre des mécanismes complexes ou qui use de procédés à dimension internationale ».

B.26. Enfin, la Cour tient compte de ce que la loi attaquée, qui s'inscrit dans le cadre de la Directive 2003/48/C.E. du 3 juin 2003 « en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0353/005, pp. 83 et 115; Doc. parl., Sénat, 2003-2004, n° 3-427/3, p. 5), a un caractère unique.Au cours des travaux préparatoires, le caractère unique de la mesure a été souligné à plusieurs reprises (voir par exemple Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0353/005, pp. 84 et 87).

La régularisation de situations ou de comportements illégaux ne peut raisonnablement se justifier que si elle a un caractère unique.

A cet égard, il importe de souligner que l'article 9 de la loi attaquée dispose qu'« en cas de non-déclaration de sommes, capitaux ou valeurs mobilières [...] visés à l'article 2, § 1er [de cette loi], pour lesquels le contribuable pouvait faire usage de la possibilité visée dans [cette] loi et s'est abstenu de le faire, l'accroissement d'impôt est fixé à au moins 100 p.c. à partir du 1er janvier 2005 ».

B.27. Compte tenu de ce caractère unique et des autres motifs mentionnés en B.22 à B.25, il n'apparaît pas que le législateur ait pris une mesure manifestement injustifiée.

B.28. Le premier moyen ne peut être accueilli.

Quant au troisième moyen B.29. Les parties requérantes invoquent la violation des articles 170 et 172, alinéa 2, de la Constitution, parce que l'article 4, § 2, de la loi attaquée habilite le Roi à fixer les conditions relatives à la nature et aux modalités de l'investissement et du réinvestissement permettant de bénéficier du taux de 6 pour cent, ainsi que les conditions relatives au contrôle en la matière.

B.30. Il se déduit des articles 170, § 1er, et 172, alinéa 2, de la Constitution qu'aucun impôt ne peut être levé et qu'aucune exemption d'impôt ne peut être accordée sans le consentement d'une assemblée délibérante démocratiquement élue. Il s'ensuit que toute délégation qui porte sur la détermination d'un des éléments essentiels de l'impôt est en principe inconstitutionnelle.

Toutefois, les dispositions constitutionnelles précitées ne vont pas jusqu'à obliger le législateur à régler lui-même chacun des aspects d'un impôt ou d'une exemption. Une délégation conférée au Roi n'est pas contraire au principe de légalité pour autant qu'elle soit définie d'une manière suffisamment précise et qu'elle porte sur l'exécution de mesures dont les éléments essentiels sont fixés préalablement par le législateur.

B.31. L'article 4, § 2, attaqué, dispose : « Les sommes, capitaux ou valeurs mobilières, autres que des titres au porteur, mentionnés dans la déclaration sont soumis à une contribution unique s'élevant à 6 p.c. des sommes, capitaux ou valeurs mobilières déclarés, lorsque ces montants, diminués de la contribution unique, sont investis pour une période d'au moins trois ans dans les 30 jours suivant l'introduction de la déclaration. II continue d'être satisfait à cette période minimale de trois ans en cas d'aliénation ou de cessation de l'investissement effectué, à la condition que le prix net de cession ou le remboursement net obtenu soit réinvesti dans un délai de 30 jours dans des investissements visés dans le présent paragraphe et que ceux-ci soient maintenus pour la partie subsistante de la période minimale. Le Roi fixe, après délibération en Conseil des Ministres, les conditions relatives à la nature et aux modalités de l'investissement, du réinvestissement, ainsi qu'au contrôle y relatif.

En cas de transmission par succession des sommes, capitaux ou valeurs mobilières ou de l'investissement effectué visés au présent paragraphe, il doit être satisfait à l'obligation d'investissement, de période minimale d'investissement et de réinvestissement dans le chef de l'ayant droit ».

Le Roi a fait usage du pouvoir qui Lui a été attribué en prenant l'arrêté royal du 9 janvier 2004 (Moniteur belge du 14 janvier 2004, deuxième édition).

B.32. L'exposé des motifs mentionne à cet égard : « On a opté pour cette procédure eu égard aux exigences techniques à rencontrer par la description de la nature de l'investissement, en évitant que la nature de l'investissement soit en contradiction avec la réglementation européenne » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0353/001, p. 11).

B.33. Le législateur pouvait, sans violer le principe de légalité de l'impôt, attribuer au Roi le pouvoir de définir la notion d'« investissement », à la condition qu'il en ait préalablement délimité lui-même le champ d'application.

B.34. La Cour constate que la signification du mot « investissement » est précisée par l'obligation légale qu'il doit s'agir d'un investissement pour une période de trois ans au minimum. En cas d'aliénation ou de cessation de l'investissement effectué, le prix net de cession ou le remboursement net obtenu doit être réinvesti dans un délai de trente jours. Conformément à l'article 10 de la loi attaquée, lorsque le contribuable n'a pas satisfait ou ne satisfait plus aux conditions d'investissement ou de réinvestissement prévues à l'article 4, § 2, une contribution complémentaire de 6 pour cent est due sur les sommes, capitaux ou valeurs mobilières déclarés. Par conséquent, les conditions à fixer par le Roi concernant la nature et les modalités de l'investissement doivent permettre de vérifier s'il est satisfait à la période minimale de trois ans précitée.

B.35. Il ressort également de l'article 4, § 2, alinéa 1er, attaqué, que le taux réduit de 6 pour cent ne s'applique pas aux titres au porteur, qui doivent être déposés durant trois ans sur un compte et auxquels s'applique le taux de 9 pour cent (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0353/005, p. 177).

B.36. Lorsque la déclaration porte sur des valeurs mobilières visées à l'article 2, 1°, a) à d), de la loi du 2 août 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003391 source ministere des finances Loi complétant, en ce qui concerne les voies de recours contre les décisions prises par le ministre, par la CBF, par l'OCA et par les entreprises de marché et en ce qui concerne l'intervention de la CBF et de l'OCA devant les juridictions répressives, la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers et modifiant diverses autres dispositions légales fermer relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers (article 2, § 1er, alinéa 1er, 2°, de la loi attaquée), ces valeurs mobilières doivent être déposées sur un compte ouvert au nom du déclarant et, sauf en cas de transmission par succession, rester en dépôt pendant une période ininterrompue de trois ans (article 2, § 1er, alinéa 5, de la loi attaquée).

Bien que l'aliénation de ces valeurs mobilières soit possible dans l'intervalle, il faut, pour qu'il soit satisfait à la condition précitée de trois ans, que la totalité du prix de vente ou du remboursement obtenu soit réinvestie, dans un délai de 30 jours, en valeurs mobilières visées à l'article 2, 1°, a) à d), de la loi précitée du 2 août 2002 (article 2, § 1er, alinéa 6, de la loi attaquée).

B.37. Compte tenu de toutes les restrictions précitées, il est satisfait au principe de légalité inscrit aux articles 170, § 1er, et 172, alinéa 2, de la Constitution.

B.38. Le troisième moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs, la Cour rejette les recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 20 avril 2005.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

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