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Arrêt
publié le 05 novembre 2003

Extrait de l'arrêt n° 97/2003 du 2 juillet 2003 Numéros du rôle : 2543, 2544, 2545 et 2551 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 15, § 1 er , de la Nouvelle loi communale, posées par le Conseil d'Etat. La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R.(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 97/2003 du 2 juillet 2003 Numéros du rôle : 2543, 2544, 2545 et 2551 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 15, § 1er, de la Nouvelle loi communale, posées par le Conseil d'Etat.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot et L. Lavrysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par arrêts nos 111.025, 111.023, 111.024 et 111.026 du 4 octobre 2002 en cause de C. Cattoir, G. Adler, M. Cohen et S. de Lobkowicz contre la commune d'Uccle et autres, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour d'arbitrage les 24 et 28 octobre 2002, le Conseil d'Etat a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 15, § 1er, de la nouvelle loi communale ne viole-t-il pas les articles 10 et 11 de la Constitution dans la mesure où il devrait être interprété comme interdisant l'élection au grand choix d'un conseiller communal comme échevin - c'est-à-dire en dehors de toute présentation écrite ou orale - lorsqu'il a été constaté, à de nombreuses reprises, au terme des trois premiers mois suivant l'installation du conseil communal, que les candidats présentés par écrit ou oralement n'obtiennent pas la majorité des suffrages ou même que la majorité des membres du conseil communal s'opposent à leur élection, Vu que, ainsi interprétée, cette disposition légale établirait une discrimination injustifiée entre : - d'une part, les citoyens d'une commune où un conseiller communal est présenté comme candidat échevin par la majorité des élus de sa liste, par écrit ou de vive voix, est élu échevin par la majorité du conseil communal et voit son élection déclarée légale; - et, d'autre part, les citoyens d'une commune où un conseiller communal, sans avoir quitté ni sa liste ni le parti dont elle émane et en conservant l'appui de la majorité des candidats conseillers communaux sur sa liste, est élu échevin au grand choix par une majorité absolue du conseil communal sans avoir été présenté, ni par écrit ni de vive voix, par la majorité des élus de sa liste et voit son élection comme échevin considérée comme illégale dans une telle interprétation, citoyens qui ne pourraient pas voir leur commune dirigée par un exécutif démocratiquement élu; et entre : - d'une part, les conseillers communaux qui sont élus échevins après avoir été présentés comme candidats échevins par la majorité des élus de leur liste, par écrit ou de vive voix, et dont l'élection est déclarée légale; - et, d'autre part, les conseillers communaux qui, sans avoir quitté ni leur liste ni le parti dont elle émane et en conservant l'appui de la majorité des candidats conseillers communaux de leur liste, sont élus échevins au grand choix par une majorité absolue du conseil communal sans avoir été présentés ni par écrit ni de vive voix par la majorité des élus de leur liste et dont l'élection comme échevins serait considérée comme illégale dans une telle interprétation; et entre : - d'une part, les communes dans lesquelles les candidats échevins peuvent être présentés, par écrit ou de vive voix, par la majorité des élus de leur liste, avant de recueillir la majorité des suffrages au sein du conseil communal, et dont l'élection est déclarée légale; - et, d'autre part, les communes où tout ou partie des candidats échevins peuvent recueillir la majorité absolue du conseil communal mais ne peuvent pas être présentés, ni par écrit ni de vive voix, par la majorité des élus de leur liste alors même qu'ils n'ont pas quitté ni leur liste ni le parti dont elle émane et ont conservé l'appui de la majorité des candidats conseillers communaux de leur liste, communes qui seraient ainsi ingouvernables si ces candidats échevins ne pouvaient être élus par la majorité absolue du conseil communal ? 2. L'article 15, § 1er, de la nouvelle loi communale ne viole-t-il pas les articles 10 et 11 de la Constitution dans la mesure où il devrait être interprété comme interdisant l'élection au grand choix d'un conseiller communal comme échevin - c'est-à-dire en dehors de toute présentation écrite ou orale - lorsqu'il a été constaté, à de nombreuses reprises, au terme des trois premiers mois suivant l'installation du conseil communal, que les candidats présentés par écrit ou oralement n'obtiennent pas la majorité des suffrages ou même que la majorité des membres du conseil communal s'opposent à leur élection, Vu que, ainsi interprétée, cette disposition légale réserverait un sort identique à deux catégories de conseillers communaux pourtant bien distinctes : - d'une part, ceux qui, sans avoir quitté ni leur liste ni le parti dont elle émane et en conservant l'appui de la majorité des candidats conseillers communaux de leur liste, sont élus échevins au grand choix par une majorité absolue du conseil communal sans avoir été présentés ni par écrit ni de vive voix par la majorité des élus de leur liste et dont l'élection comme échevins serait considérée comme illégale dans une telle interprétation; - et, d'autre part, ceux qui ayant quitté leur liste et pouvant donc être considérés comme 'dissidents ou transfuges' ne peuvent pas être élus échevins ? » Par ordonnance du 31 octobre 2002, la Cour a joint les affaires. (...) III. En droit (...) B.1. L'article 15, § 1er, de la Nouvelle loi communale dispose : « Les échevins sont élus par le conseil, parmi les conseillers de nationalité belge. Les élus au conseil peuvent présenter des candidats en vue de cette élection. Un acte de présentation daté doit, pour chaque mandat d'échevin, être déposé à cet effet entre les mains du président du conseil, au plus tard trois jours avant la séance du conseil à l'ordre du jour de laquelle figure l'élection d'un ou plusieurs échevins. Pour être recevables, les actes de présentation doivent être signés au moins par une majorité des élus de la liste du candidat présenté. Si la liste sur laquelle figure le candidat échevin ne compte que deux élus, la signature d'un seul d'entre eux suffit pour que la disposition qui précède soit respectée. Sauf en cas de décès d'un candidat présenté ou de renonciation au mandat de conseiller communal par un tel candidat, nul ne peut signer plus d'un acte de présentation pour un même mandat d'échevin. Si les candidatures présentées par écrit ne suffisent pas à constituer entièrement le collège échevinal, des candidats peuvent être présentés de vive voix en séance.

L'élection a lieu au scrutin secret et à la majorité absolue, par autant de scrutins séparés qu'il y a d'échevins à élire; le rang des échevins est déterminé par l'ordre des scrutins.

Si un seul candidat a été présenté pour un mandat d'échevin à conférer, il est procédé à un seul tour de scrutin; dans tous les autres cas et si aucun candidat n'a obtenu la majorité après deux scrutins, il est procédé au ballottage entre les deux candidats qui ont obtenu le plus de voix; en cas de parité au ballottage, le plus âgé l'emporte. L'élection des échevins a lieu dans la séance d'installation qui suit le renouvellement du conseil. En tout autre cas, l'élection doit être faite dans les trois mois de la vacance. » B.2. Ainsi que la Cour l'a constaté dans son arrêt no 71/94, cette disposition a été instaurée par la loi du 2 juin 1987 afin de contrecarrer les « transferts politiques » motivés par l'expectative d'un mandat de bourgmestre ou d'échevin (Doc. parl. , Chambre, 1986-1987, no 639/1, pp. 1-2, et no 639/7, pp. 4, 5 et 9; Ann. , Chambre, 25 février 1987, pp. 816-819). La Cour a considéré que, pour atteindre cet objectif, le législateur avait pu instaurer un système de présentations écrites et subordonner ces présentations à la condition qu'elles soient signées par une majorité des élus de la liste du candidat présenté.

B.3. Les parties intervenantes devant le Conseil d'Etat invitent la Cour, soit à interpréter l'article 15, § 1er, de la Nouvelle loi communale en ce sens qu'il ne serait pas applicable à la situation qui s'est présentée lors des élections communales du 8 octobre 2000 à la commune d'Uccle, soit à dire que cet article est discriminatoire.

B.4. En disposant, à l'alinéa 2 de l'article 15, que les échevins sont élus à la majorité des suffrages émis par les conseillers communaux, le législateur a consacré une règle fondamentale qui participe de l'essence même du régime démocratique et tient compte de la volonté des électeurs telle qu'elle s'est exprimée lors des dernières élections.

B.5. En disposant, à l'alinéa 1er du même article, que les actes de présentation doivent être « signés au moins par une majorité des élus de la liste du candidat présenté », le législateur a ajouté une condition qui ne répond pas à une exigence fondamentale de la démocratie.

En effet, il n'apparaît pas que le législateur entendait permettre que l'exigence relative aux présentations puisse, en toutes circonstances, mettre en échec la règle démocratique exprimée à l'alinéa 2. Il ressort clairement des travaux préparatoires qu'il avait pour seul objectif de condamner une pratique déterminée, la disposition en cause étant justifiée de la manière suivante : « Au cours des dernières années, la nomination du bourgmestre ou l'élection des échevins ont donné lieu à des péripéties dans de nombreuses communes. Combien de fois, en effet, des conseillers communaux n'ont-ils pas faussé compagnie à leurs colistiers pour rallier une autre liste ou un autre parti qui leur offrait un mandat au sein du collège des bourgmestre et échevins ? Ainsi, les élus les moins loyaux sont très souvent parvenus à participer à l'exercice du pouvoir et à constituer une majorité de remplacement, parfois contre la volonté expresse du corps électoral.

Il va sans dire que de telles pratiques entament la crédibilité de nos institutions démocratiques, car, outre qu'ils manquent aux engagements pris vis-à-vis de leurs collègues, ces élus abusent de la confiance des électeurs. En effet, dans bien des cas, le choix de l'électeur est non seulement fonction de la personnalité des candidats, mais aussi de la liste sur laquelle ils figurent et du programme qu'ils soutiennent.

L'élu qui rallie un autre parti après les élections, souvent pour satisfaire ses propres ambitions, abuse donc de la confiance qui lui a été accordée.

Il convient dès lors de mettre fin autant que possible à de telles pratiques mais sans trop porter atteinte au droit de chaque conseiller communal de décider librement.

La présente proposition ne permettra sûrement pas d'éviter que certains abandonnent leurs amis politiques pour rejoindre d'autres rangs. Elle vise plutôt à empêcher que celui qui rompt le pacte conclu avec l'électeur et la solidarité au sein de la liste puisse en être récompensé en étant présenté comme candidat bourgmestre ou pressenti comme échevin. » (Doc. parl. , Chambre, 1986-1987, no 639/1, pp. 1 et 2) B.6. L'hypothèse à laquelle est confronté le Conseil d'Etat en l'espèce est essentiellement différente : elle provient de la scission d'une liste qui peut aboutir à un blocage des institutions communales si l'article 15, § 1er, est appliqué. Une telle scission est étrangère à la problématique qu'a voulu régler le législateur. Exiger, dans ce cas, que le candidat-échevin soit présenté, par écrit ou oralement, par une majorité des élus de sa liste est une mesure qui n'est pas pertinente. Elle reviendrait à traiter de la même manière la commune dont les institutions sont perturbées par le transfert ou le débauchage d'un élu et celle dans laquelle les institutions sont bloquées parce que, au sein d'une même liste, deux courants inconciliables se sont déclarés. Elle empêcherait le conseil communal, sans raison admissible, d'exercer raisonnablement son choix parmi les candidats-échevins.

B.7. Pour être compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, l'article 15, § 1er, de la Nouvelle loi communale doit donc s'interpréter en ce sens qu'il n'est pas applicable dans une commune où, après qu'il a été constaté, au terme des trois premiers mois suivant l'installation du conseil communal, que les candidats présentés oralement ou par écrit n'obtiennent pas la majorité absolue des suffrages, des candidats-échevins recueillent cette majorité bien que, en raison d'une scission de leur liste, ils n'aient bénéficié d'aucune présentation, qu'elle soit orale ou écrite.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 15, § 1er, de la Nouvelle loi communale ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, pour autant qu'il soit interprété en ce sens qu'il n'est pas applicable dans une commune où, après qu'il a été constaté, au terme des trois premiers mois suivant l'installation du conseil communal, que les candidats présentés oralement ou par écrit n'obtiennent pas la majorité absolue des suffrages, des candidats-échevins recueillent cette majorité bien que, en raison d'une scission de leur liste, ils n'aient bénéficié d'aucune présentation, qu'elle soit orale ou écrite.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 2 juillet 2003.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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