publié le 26 mars 2002
Extrait de l'arrêt n° 23/2002 du 23 janvier 2002 Numéro du rôle : 2118 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 29bis, § 2, de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en mati La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, E.(...)
Extrait de l'arrêt n° 23/2002 du 23 janvier 2002 Numéro du rôle : 2118 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 29bis, § 2, de la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, posées par le Tribunal de police de Liège.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe et E. Derycke, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles Par jugement du 19 janvier 2001 en cause de C. Tenret et autres contre la s.a. Mercator & Noordstar, et en présence de L'Union nationale des mutualités socialistes, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 24 janvier 2001, le Tribunal de police de Liège a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 29bis, § 2, de la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il exclut du bénéfice de l'article 29bis, § 1er, le conducteur d'un véhicule automoteur et ses ayants droit et en ce qu'il instaure de la sorte une différence de traitement entre les conducteurs de véhicules automoteurs et les autres usagers de la route ? 2. L'article 29bis, § 2, de la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il exclut du bénéfice de l'article 29bis, § 1er, tous les conducteurs de véhicules automoteurs, en ce compris les conducteurs de cyclomoteurs de classe A et B et en ce qu'il instaure de la sorte une différence de traitement entre ces derniers et d'autres usagers se trouvant pourtant dans une situation comparable, tels que les cyclistes et cavaliers, lesquels, quant à eux, bénéficient de l'indemnisation automatique de leur préjudice corporel en cas d'accident de la circulation ? » (...) IV. En droit (...) B.1.1. L'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, inséré par l'article 45 de la loi du 30 mars 1994 et remplacé par une loi du 13 avril 1995, disposait, avant sa modification par la loi du 19 janvier 2001, laquelle est entrée en vigueur après la survenance de l'accident à l'origine de la question préjudicielle dont la Cour est saisie en l'espèce : « § 1er. A l'exception des dégâts matériels, tous les dommages résultant de lésions corporelles ou du décès, causés à toute victime d'un accident de la circulation ou à ses ayants droit, dans lequel est impliqué un véhicule automoteur, sont indemnisés par l'assureur qui couvre la responsabilité du propriétaire, du conducteur ou du détenteur de ce véhicule automoteur conformément à la présente loi.
Les dommages occasionnés aux prothèses fonctionnelles sont considérés comme des lésions corporelles.
L'article 80 de la loi du 9 juillet 1975Documents pertinents retrouvés type loi prom. 09/07/1975 pub. 24/12/2014 numac 2014000890 source service public federal interieur Loi relative au contrôle des entreprises d'assurances. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 09/07/1975 pub. 23/10/2015 numac 2015000557 source service public federal interieur Loi relative au contrôle des entreprises d'assurances. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer relative au contrôle des entreprises d'assurance s'applique à cette indemnisation. Toutefois, si l'accident résulte d'un cas fortuit, l'assureur reste tenu.
Les dispositions du présent article s'appliquent également aux accidents de la circulation impliquant des véhicules automoteurs qui sont exemptés de l'obligation d'assurance en vertu de l'article 10 de la présente loi et dont les propriétaires ont fait usage de cette exemption.
Les victimes ayant commis une faute inexcusable qui est la seule cause de l'accident ne peuvent se prévaloir des dispositions visées au premier alinéa.
Est seule inexcusable la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.
La preuve d'une faute inexcusable n'est pas admise à l'égard de victimes âgées de moins de quatorze ans.
Cette obligation d'indemnisation est exécutée conformément aux dispositions légales relatives à l'assurance de la responsabilité en général et à l'assurance de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs en particulier, pour autant que le présent article n'y déroge pas. § 2. Le conducteur d'un véhicule automoteur et ses ayants droit ne peuvent se prévaloir du présent article. § 3. Il faut entendre par véhicule automoteur tout véhicule visé à l'article 1er de la présente loi, à l'exclusion des fauteuils roulants automoteurs susceptibles d'être mis en circulation par une personne handicapée. § 4. L'assureur ou le fonds commun de garantie automobile sont subrogés dans les droits de la victime contre les tiers responsables en droit commun.
Les indemnités versées en exécution du présent article ne peuvent faire l'objet de compensation ou de saisie en vue du paiement des autres indemnités dues à raison de l'accident de la circulation. § 5. Les règles de la responsabilité civile restent d'application pour tout ce qui n'est pas régi expressément par le présent article. » B.1.2. Le mécanisme d'indemnisation automatique des victimes d'accidents de la circulation que prévoit cette disposition est d'application lorsqu'un « véhicule automoteur » est « impliqué » dans l'accident. Le paragraphe 3 de l'article 29bis précité définit la notion de véhicule automoteur par référence à l'article 1er de la même loi, lequel dispose : «
Article 1er.Pour l'application de la présente loi, on entend : Par véhicules automoteurs : les véhicules destinés à circuler sur le sol et qui peuvent être actionnés par une force mécanique sans être liés à une voie ferrée; tout ce qui est attelé au véhicule est considéré comme en faisant partie. [...] » Il résulte de cette définition que les cyclomoteurs sont considérés par la loi comme des véhicules automoteurs, de sorte que leurs conducteurs sont exclus du bénéfice de l'indemnisation automatique pour les dommages corporels dont ils sont victimes lors d'un accident de la circulation.
B.2. Les deux questions préjudicielles interrogent la Cour sur la compatibilité de la disposition précitée avec les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'elle fait naître une double différence de traitement entre les conducteurs de véhicules automoteurs et les autres usagers de la route, d'une part, les premiers ne bénéficiant pas de l'indemnisation automatique des dommages corporels dont ils sont victimes lors d'un accident de la circulation, et entre les conducteurs de cyclomoteurs et les cyclistes et cavaliers, d'autre part, seuls les seconds bénéficiant de cette indemnisation alors qu'ils seraient dans une situation comparable à celle des premiers.
B.3. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Les mêmes règles s'opposent, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.4.1. L'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer organise un système de responsabilité objective des conducteurs de véhicules automoteurs dérogatoire au droit commun de la responsabilité civile, le conducteur d'un véhicule automoteur impliqué dans un accident ne pouvant pas s'exonérer de son obligation de réparation des dommages corporels subis par les victimes en invoquant l'absence de faute dans son chef. Dans le système applicable au moment où se sont déroulés les faits soumis à l'appréciation du juge a quo, seule la faute inexcusable de la victime pouvait être opposée comme exclusive de cette responsabilité.
B.4.2. Pour répondre à l'objection émise par le Conseil d'Etat dans son avis donné sur l'avant-projet de loi concernant l'article précité, relative à l'exclusion des véhicules automoteurs du bénéfice de l'indemnisation automatique, le Gouvernement a précisé « que la logique qui sous-tend le présent projet est avant tout d'assurer, en toute circonstance, l'indemnisation des personnes qui, à l'inverse des conducteurs, sont victimes d'une situation qu'elles n'ont pas voulu créer. Ces personnes ne constituent pas ou seulement dans une faible proportion un danger pour les autres usagers de la route. Par contre, le conducteur d'un véhicule met en oeuvre une énergie cinétique telle qu'elle crée un risque inéluctable même si ce conducteur fait preuve de toute la prudence voulue. L'accident de la circulation n'a le plus souvent pu se produire que parce qu'un véhicule automoteur a été mis en circulation » (Doc. parl., Sénat, 1993-1994, n° 980-1, p. 34). A ce premier objectif s'en ajoutait un autre, à savoir l'allégement de la charge des dépenses pour l'assurance maladie-invalidité dans la mesure où des récupérations pourront être faites dans des cas où cela n'était pas possible sur la base de la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer (ibid., p. 35).
B.4.3. En adoptant les dispositions en cause, le législateur avait pour objectif l'indemnisation automatique des victimes des accidents de la route réputées faibles. Les critères retenus pour caractériser cette faiblesse, celui, d'une part, de n'être pas conducteur d'un véhicule automoteur et celui, d'autre part, du danger que constitue en soi la mise en circulation d'un véhicule automoteur sur la voie publique, sont des critères objectifs pour fonder le droit à l'indemnisation automatique des préjudices corporels subis par les victimes réputées faibles. L'exclusion du bénéfice de cette indemnisation des conducteurs des véhicules automoteurs susvisés est la conséquence logique des critères retenus pour déterminer la catégorie des bénéficiaires de la mesure voulue par le législateur.
Cette exclusion n'est pas disproportionnée dans la mesure où il n'est pas contesté que ce sont les véhicules automoteurs qui sont à l'origine du plus grand nombre des accidents de la route. S'il est vrai que les conducteurs de ces véhicules peuvent aussi être victimes des accidents de la circulation, ils ne sauraient, compte tenu de l'objectif poursuivi par le législateur, être considérés comme des usagers faibles. S'il avait prévu également l'indemnisation automatique des conducteurs des véhicules automoteurs, le législateur aurait contredit l'objectif de protéger les usagers faibles et, en outre, il aurait, comme il a pu raisonnablement l'estimer au cours des travaux préparatoires, contribué à une majoration excessive de la prime d'assurance responsabilité civile automobile, très supérieure aux 5 p.c. sur lesquels l'ensemble des partenaires s'étaient entendus comme coût de la protection des usagers faibles (Doc. parl., Sénat, 1993-1994, n° 980-3, pp. 18, 21 et 40).
B.4.4. En ce qui concerne la discrimination alléguée entre les conducteurs de cyclomoteurs, d'une part, et les cyclistes et cavaliers, d'autre part, lesquels sont seuls considérés comme usagers faibles, le législateur a pu raisonnablement considérer les premiers comme ne relevant pas des usagers faibles dans la mesure où ils conduisent un type de véhicule automoteur dont la mise en circulation constitue, en soi, un danger pour les autres usagers de la voie publique. Le critère retenu du caractère motorisé ou non du véhicule ou de l'usager est un critère objectif et pertinent et la mesure n'est pas disproportionnée par rapport à l'objectif du législateur.
B.5. Il résulte de ce qui précède que les deux questions préjudicielles appellent une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 29bis, § 2, de la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il exclut du bénéfice de l'article 29bis, § 1er, le conducteur et les ayants droit du conducteur d'un cyclomoteur de classe A ou B. Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 23 janvier 2002.
Le greffier, Le président, L. Potoms. M. Melchior.