publié le 20 août 2002
Arrêt n° 103/2002 du 19 juin 2002 Numéros du rôle : 2371 et 2372 En cause : les demandes de suspension du décret de la Communauté française du 19 juillet 2001 « portant confirmation des socles de compétences visées à l'article 16 du décret du La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, P(...)
Arrêt n° 103/2002 du 19 juin 2002 Numéros du rôle : 2371 et 2372 En cause : les demandes de suspension du décret de la Communauté française du 19 juillet 2001 « portant confirmation des socles de compétences visées à l'article 16 du décret du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre et organisant une procédure de dérogation limitée », introduites par l'a.s.b.l. Schola Nova, l'a.s.b.l. Ecole Notre-Dame de la Sainte Espérance et B. Van Houtte.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. François, P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des demandes a. Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste les 23 et 22 février 2002 et parvenues au greffe le 25 février 2002, l'a.s.b.l. Schola Nova, dont le siège social est établi à 1315 Incourt, rue du Brombais 11, et l'a.s.b.l. Ecole Notre-Dame de la Sainte Espérance, dont le siège social est établi à 1050 Bruxelles, rue de la Concorde 37, et B. Van Houtte, demeurant à 1160 Bruxelles, avenue des Volontaires 29, ont introduit une demande de suspension du décret de la Communauté française du 19 juillet 2001 « portant confirmation des socles de compétences visées à l'article 16 du décret du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre et organisant une procédure de dérogation limitée » (publié au Moniteur belge du 23 août 2001). b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 22 mars 2002 et parvenue au greffe le 25 mars 2002, l'a.s.b.l. Ecole Notre-Dame de la Sainte Espérance, dont le siège social est établi à 1050 Bruxelles, rue de la Concorde 37, B. Van Houtte, demeurant à 1160 Bruxelles, avenue des volontaires 29, et l'a.s.b.l. Schola Nova, dont le siège social est établi à 1315 Incourt, rue du Brombais 11, ont introduit une demande de suspension complémentaire du décret de la Communauté française du 19 juillet 2001 « portant confirmation des socles de compétences visées à l'article 16 du décret du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre et organisant une procédure de dérogation limitée » (dont les annexes ont été publiées au Moniteur belge du 25 septembre 2001).
Par les mêmes requêtes, les parties requérantes demandent également l'annulation des mêmes dispositions décrétales.
II. La procédure Par ordonnances du 25 février 2002, le président en exercice a désigné les juges des sièges respectifs conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé qu'il n'y avait pas lieu de faire application dans ces affaires des articles 71 ou 72 de la loi organique.
Par ordonnance du 13 mars 2002, la Cour a joint les affaires.
Par ordonnance du même jour, la Cour a fixé l'audience au 17 avril 2002 après avoir invité les parties requérantes et les autorités visées à l'article 76, § 4, de la loi organique à adresser à la Cour, pour le 5 avril 2002 au plus tard, leurs observations écrites sur la question suivante : « Le décret entrepris, et en particulier son article 9, sont-ils applicables aux parties requérantes qui sont des institutions libres qui ne sont ni reconnues ni subventionnées par les pouvoirs publics ? ».
Ces ordonnances du 13 mars 2002 ont été notifiées aux autorités mentionnées à l'article 76 de la loi organique et aux parties requérantes, ainsi qu'à leur avocat, par lettres recommandées à la poste le 14 mars 2002.
Des observations écrites ont été introduites par : - les parties requérantes, par lettre recommandée à la poste le 22 mars 2002; - le Gouvernement de la Communauté française, place Surlet de Chokier 15-17, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 4 avril 2002.
Par ordonnance du 16 avril 2002, la Cour a remis les affaires à l'audience du 30 avril 2002.
Cette ordonnance a été notifiée aux autorités mentionnées à l'article 76 de la loi organique et aux parties requérantes ainsi qu'à leur avocat, par lettres recommandées à la poste le 17 avril 2002.
L'avocat des parties requérantes a transmis une note d'audience par lettre reçue au greffe le 29 avril 2002.
Par ordonnance du 30 avril 2002, le président M. Melchior a soumis les affaires à la Cour réunie en séance plénière.
A l'audience publique du 30 avril 2002 : - ont comparu : . Me R. Lefebvre, avocat au barreau de Dinant, pour les parties requérantes; . Me J. Sambon, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement de la Communauté française; - les juges-rapporteurs J.-P. Moerman et E. Derycke ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - les affaires ont été mises en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
III. En droit - A - Quant à l'intérêt A.1.1. La requérante dans l'affaire n° 2371, l'a.s.b.l. Schola Nova, justifie son intérêt à agir par son objet social, la promotion des langues latine et grecque et de la culture en général et par le fait qu'elle dispense un enseignement de niveau secondaire en gérant une institution libre qui n'est ni reconnue ni subventionnée par les pouvoirs publics. Elle rappelle qu'elle a été partie intervenante dans le cadre du recours en annulation qui a fait l'objet de l'arrêt n° 49/2001 du 18 avril 2001 de la Cour.
A.1.2. La première partie requérante dans l'affaire n° 2372, l'a.s.b.l. Ecole Notre-Dame de la Sainte Espérance, justifie son intérêt à agir par son objet social qui est l'exercice d'un enseignement catholique en particulier mais non exclusivement au niveau primaire. Le second requérant est, quant à lui, le père d'élèves de ladite école inscrits dans l'enseignement maternel et primaire.
Ces requérants poursuivent parallèlement devant le Conseil d'Etat l'annulation de l'arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 21 mai 1999 « fixant les conditions pour pouvoir satisfaire à l'obligation scolaire en dispensant un enseignement à domicile ». Cet arrêté soumet l'enseignement à domicile à un contrôle du niveau des études conforme au socle de compétences défini par le décret de la Communauté française annulé par l'arrêt de la Cour n° 49/2001 précité, auquel a été substitué le décret attaqué. Ceci fonde, selon les requérants, leur intérêt à agir.
Quant aux moyens A.2.1. Le premier moyen est pris de la violation de l'article 24 de la Constitution. Les requérants estiment que l'enseignement libre non subventionné est en dehors de la portée du décret attaqué et que cela résulte de l'aveu contenu dans le mémoire en réponse de la Communauté française devant la Cour en l'affaire n° 1895 qui a donné lieu à l'arrêt n° 49/2001 précité et du raisonnement de la Cour dans cet arrêt. Dès lors que les établissements d'enseignement libre non subventionné ne sont pas concernés par les conditions imposées par les pouvoirs publics au maintien de la reconnaissance et au subventionnement, c'est abusivement et en méconnaissance de la liberté de l'enseignement que la Communauté française prétend les viser par le décret attaqué, sur le même pied que l'enseignement officiel et le libre subventionné.
A.2.2. Le second moyen reproche au décret attaqué l'étendue de la réglementation des socles de compétences et l'atteinte à la liberté pédagogique qui en résulte. Les parties rappellent l'arrêt n° 49/2001 précité. Les requérants soulignent qu'il est normal que la liberté de l'enseignement libre subventionné soit plus restreinte que celle de l'enseignement libre non subventionné. Pour ce deuxième type d'enseignement, le principe à observer rigoureusement est l'interdiction constitutionnelle de toute mesure préventive. Les requérants reprochent à l'article 10, alinéa 1er, du décret attaqué le caractère vague et extensible à l'infini de l'interdiction de toute dérogation ayant « pour effet de porter atteinte à la cohérence du système éducatif ». Ils critiquent également l'alinéa suivant qui cite divers critères d'exclusion parmi lesquels il faut relever la dérogation qui aurait « pour effet [...] de restreindre la liberté des parents de changer leur enfant d'école l'année scolaire suivante ».
Les requérants estiment que dans le système réglementaire imposé, il devient pratiquement impossible de ne pas suivre pas à pas le programme de l'administration. Tel est l'objectif non dissimulé de la Communauté française comme le révèle le mémoire en réponse déposé devant le Conseil d'Etat dont les requérants joignent une copie.
A.2.3. Le troisième moyen reproche à l'article 10, alinéa 3, du décret attaqué de ne pas permettre une dérogation à un pouvoir organisateur dont le projet n'aurait pas pour effet de garantir les droits et libertés consacrés par la Constitution, la Convention européenne des droits de l'homme ainsi que la Convention relative aux droits de l'enfant. « Alors que [la] Cour a dit pour droit dans son arrêt n° 10/2001 du 7 février 2001 qu'il serait inconstitutionnel de refuser de financer un parti qui émettrait des critiques sur les présupposés philosophiques ou idéologiques de la Convention européenne précitée ou sur certaines de ses dispositions, la Communauté française, au mépris d'une liberté beaucoup plus fondamentale, prétend obliger les parents et les écoles choisies par eux à inculquer cette idéologie aux enfants, ce que confirme l'article 6, 3° et 8° du décret précité (dit décret missions ') du 24 juillet 1997 combiné avec l'article 4 de l'arrêté du 21 mai 1999 du Gouvernement de la Communauté française fixant les conditions nécessaires pour satisfaire à l'obligation scolaire en dispensant un enseignement à domicile. Cette volonté délibérée d'endoctriner la jeunesse selon l'idéologie officielle du régime, au mépris du droit naturel des parents, est le propre d'un régime totalitaire. » Les parties requérantes donnent encore des exemples de manifestation de l'orientation idéologique du programme officiel, exemples tirés des annexes du décret.
A.2.4. Les requérants invoquent enfin, à titre subsidiaire, un quatrième moyen à l'encontre de l'article 11, § 2, alinéa 2, du décret attaqué qui dispose que sous peine d'être irrecevables, « la demande de dérogation et ses annexes sont introduites [...] au plus tard 10 mois avant le début de l'année scolaire à partir de laquelle elle doit entrer en vigueur ». Ils soulignent qu'aucune disposition transitoire n'est prévue et considèrent qu'il était donc impossible d'introduire régulièrement une demande de dérogation pour l'année scolaire 2001-2002, ce qui constitue une méconnaissance de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la Cour déjà cité. Pour l'année scolaire 2002-2003, la demande devait être introduite avant le 1er novembre 2001, alors que les annexes du décret indispensables pour la compréhension de sa portée n'ont été publiées au Moniteur belge que le 25 septembre 2001. Le délai était donc ainsi réduit à cinq semaines, ce qui le rendait manifestement trop court. Les requérants estiment que c'est d'autant plus inadmissible que le législateur décrétal a mis plus de cinq mois pour élaborer un nouveau décret et le publier au Moniteur belge .
Quant à la demande de suspension A.3.1. Les parties requérantes justifient leur demande de suspension par le fait que les écoles n'ont matériellement pas pu, pour les raisons exposées au quatrième moyen, user de la possibilité de solliciter en temps utile une dérogation au système imposé par le décret. Or, les articles 5 et suivants, notamment l'article 10 de l'arrêté précité du 21 mai 1999, imposent à l'établissement scolaire de se soumettre à des contrôles du niveau des études conforme aux socles de compétences critiqués. Les parties requérantes sont dès lors placées devant un dilemme sans issue. Ou bien elles organisent immédiatement l'enseignement en conformité avec les méthodes pédagogiques imposées qu'elles sont en droit de juger intellectuellement nuisibles et inutilement dispendieuses, voire supérieures à leurs moyens financiers; ou bien, dans la ligne du système décrétal imposé, elles courent le risque d'échec scolaire dont la conséquence serait de voir les enfants enlevés à leurs parents ou aux éducateurs choisis par eux. Il en résulte un préjudice qui doit être considéré comme très grave et au moins difficilement réparable.
Quant à l'applicabilité du décret entrepris A.4.1. Par ordonnance du 13 mars 2002, la Cour a fixé l'audience pour les débats sur les demandes de suspension et a invité les parties requérantes et les autorités visées à l'article 76, § 4, de la loi organique à adresser à la Cour pour le 5 avril 2002 au plus tard leurs observations écrites sur la question suivante : « Le décret entrepris, et en particulier son article 9, sont-ils applicables aux parties requérantes qui sont des institutions libres qui ne sont ni reconnues ni subventionnées par les pouvoirs publics ? ».
A.4.2. Les parties requérantes font valoir que le décret attaqué du 19 juillet 2001, et en particulier son article 9, n'est, pas plus que celui du 24 juillet 1997, directement applicable aux établissements scolaires libres non reconnus ni subventionnés par la Communauté française. Il leur est cependant indirectement applicable en vertu des articles 4 et 10 de l'arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 21 mai 1999, ce qui fonde l'intérêt à agir des parties requérantes. Sans doute l'article 9 du décret entrepris exclut-il dans sa formulation ces établissements, mais le bénéfice de la disposition doit au minimum leur être étendu à partir du moment et dans la mesure où les socles de compétences leur seraient applicables. Il serait contraire à la logique que des établissements libres soient soumis à ces dispositions sans aucune possibilité de dérogation à la différence des établissements subventionnés, alors que la liberté constitutionnelle des établissements non subventionnés n'est pas soumise aux mêmes limitations que celle des établissements subventionnés.
Dans la mesure où la Cour estimerait que telle est bien l'interprétation de l'article 9 du décret, les parties requérantes ont intérêt à l'annulation au motif que le décret attaqué les prive d'un droit qu'elles ont plus de raison de se voir reconnaître que les institutions auxquelles cet article le confère. Les parties requérantes introduisent dès lors une demande complémentaire en annulation et en suspension.
Le recours complémentaire en annulation et en suspension est introduit par les mêmes parties requérantes. Elles demandent à titre complémentaire l'annulation et la suspension préalable de l'article 9 du décret entrepris pour violation des articles 10, 11 et 24 de la Constitution.
Les parties estiment que cette demande est recevable parce que le décret attaqué a été publié incomplètement sans ses annexes au Moniteur belge du 23 août 2001 et complètement avec ses annexes au Moniteur belge du 25 septembre 2001, de sorte que le délai ultime pour exercer un recours expire le 25 mars 2002.
Des moyens nouveaux sont invoqués à l'encontre de l'article 9 du décret en tant qu'il doit s'interpréter comme excluant les parties requérantes du droit d'obtenir une dérogation, ce qui les traite de façon discriminatoire par rapport aux établissements scolaires reconnus et subventionnés par la Communauté française. Dans la mesure où les socles de compétences approuvés par le décret sont indirectement applicables aux parties requérantes par les articles 4 et 10 de l'arrêté du 21 mai 1999 déjà cité, en particulier comme matière des épreuves organisées en vertu de cet arrêté, les parties requérantes sont traitées plus défavorablement que les établissements reconnus et subventionnés si elles ne peuvent bénéficier de possibilités de dérogation.
Pour ce qui concerne la demande de suspension, les parties se réfèrent à leur requête initiale.
Observations du Gouvernement de la Communauté française A.5.1. Le Gouvernement de la Communauté française relève tout d'abord que l'objet du recours est limité puisque le dispositif des requêtes postule la suspension puis l'annulation du décret entrepris à l'égard des seuls établissements scolaires non subventionnés de même qu'à l'égard des parents assumant personnellement ou faisant donner à domicile l'instruction de leurs enfants.
A.5.2. Le Gouvernement de la Communauté française répond ensuite à la question posée par la Cour et on dégage de cette réponse des éléments d'appréciation quant à l'intérêt à agir des parties requérantes.
Il rappelle que le décret entrepris est le prolongement du décret de la Communauté française du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre. Ces deux décrets ne sont applicables qu'aux établissements organisés ou subventionnés par la Communauté française. Le libellé de l'article 9 du décret entrepris le confirme indirectement. Les socles de compétence ne s'appliquent donc pas à l'enseignement qui n'est ni organisé ni subventionné par la Communauté française.
L'enseignement à domicile est régi par la loi du 29 juin 1983Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1983 pub. 25/01/2011 numac 2011000012 source service public federal interieur Loi concernant l'obligation scolaire. - Traduction allemande fermer concernant l'obligation scolaire, qui permet la dispensation d'un enseignement à domicile pour autant que celui-ci réponde aux conditions fixées par le Roi. Ces conditions sont fixées par un arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 21 mai 1999 qui utilise un dispositif de réglementation par référence et étend le champ d'application ratione materiae de certaines dispositions du décret du 24 juillet 1997. C'est cette extension qui cause grief aux requérants.
Il ne revient pas à la Cour d'en connaître : la constitutionnalité de dispositions législatives ne peut être tributaire de la légalité de dispositions réglementaires.
Le Gouvernement de la Communauté française relève encore que les requérants ne peuvent se prévaloir d'un intérêt direct puisque l'application des socles de compétences à l'enseignement à domicile est le fait d'une autre norme à portée réglementaire. La Cour a précisé dans son arrêt n° 35/96 du 6 juin 1996 que dans une telle hypothèse, « s'il devait être allégué devant une juridiction que l'illégalité de l'arrêté royal a pour cause l'inconstitutionnalité de la disposition législative attaquée, il appartiendrait à cette juridiction de poser à la Cour une question préjudicielle à ce sujet ».
Si, malgré cette objection, la Cour acceptait la requête, le Gouvernement de la Communauté française estime qu'il lui appartiendrait, en application du principe fondamental de la hiérarchie des normes tel que traduit dans l'article 159 de la Constitution, d'apprécier préalablement la constitutionnalité et la légalité de l'arrêté du 21 mai 1999. Elle devra en outre prendre en considération le fait que du point de vue du législateur décrétal, ce n'est pas nécessairement la même chose de déterminer les socles de compétences pour l'enseignement organisé ou subventionné et de déterminer des normes pour les personnes qui recourent à l'enseignement à domicile. Le recours introduit ne pourrait être considéré comme recevable que pour ce deuxième type de normes.
Le Gouvernement de la Communauté française relève enfin que l'intérêt des associations requérantes peut être interrogé puisque l'arrêté du 21 mai 1999 ne concerne que les personnes investies de l'autorité parentale sur les enfants soumis à l'obligation scolaire.
A.5.3. Le Gouvernement de la Communauté française conteste le caractère sérieux des moyens.
Le premier moyen ne fait qu'expliciter le champ d'application des dispositions décrétales et ne fait que référer le décret à lui-même et non à une norme supérieure.
Dans le deuxième moyen, les requérants n'expliquent pas en quoi la pédagogie qu'ils pratiquent serait incompatible avec les dispositions entreprises. Le Gouvernement de la Communauté française rappelle par ailleurs l'arrêt de la Cour n° 49/2001 du 18 avril 2001. Par le décret entrepris, la Communauté française tire les enseignements de cet arrêt en organisant une procédure de dérogation aux socles de compétences.
Aux critiques formulées par les requérants à l'encontre de cette procédure, le Gouvernement de la Communauté française répond que l'application des socles de compétences à l'enseignement non subventionné ne résulte pas du décret en tant que tel mais de l'arrêté du 21 mai 1999 qui ne soumet cet enseignement aux socles de compétences qu'en ce qui concerne le niveau des études, ce qui donne à cet enseignement une liberté totale en ce qui concerne les méthodes et conceptions pédagogiques.
Le Gouvernement de la Communauté française estime par ailleurs que les critères définis sont adéquats pour assurer le respect des garanties essentielles consacrées par l'article 24 de la Constitution, en particulier le libre choix des parents et les droits et libertés fondamentaux.
Concernant le troisième moyen, le Gouvernement de la Communauté française relève que la disposition entreprise ne tend pas à imposer l'enseignement d'un contenu idéologique ou doctrinal particulier mais vise à garantir que le projet du pouvoir organisateur ne porte pas atteinte aux droits et libertés fondamentaux, dans le prolongement de l'arrêt n° 49/2001 déjà cité.
Le Gouvernement de la Communauté française estime que le quatrième moyen n'est pas recevable car les requérants n'identifient pas quelle disposition constitutionnelle serait violée. Pour le surplus, il rappelle que, dans son arrêt n° 49/2001, la Cour a maintenu les effets du décret du 26 avril 1999 qui régissait donc encore l'année scolaire 2000-2001. Pour l'année suivante, un délai fut accordé aux pouvoirs organisateurs pour adapter leurs programmes d'études; pour 2002-2003, il était loisible à l'ensemble des pouvoirs organisateurs d'introduire une demande de dérogation, ce qu'a d'ailleurs fait la requérante dans le cadre de la cause ayant donné lieu à l'arrêt n° 49/2001. Les requérants ne justifient en aucune manière en quoi le délai prévu serait insuffisant et ce d'autant plus que le contenu des socles de compétences définis par le décret du 19 juillet 2001 rejoint celui des socles de compétences définis par le décret du 26 avril 1999.
A.5.4. Le Gouvernement de la Communauté française estime enfin que la condition relative au risque de préjudice grave difficilement réparable n'est pas remplie.
Il souligne à cet égard que, selon les requérants, ce risque résulte des articles 10 et 11 de l'arrêté du 21 mai 1999, pris en application de la loi du 23 juin 1983 concernant l'obligation scolaire. Or, cette loi ne concerne que les personnes investies de la puissance parentale ou qui assument la garde en droit ou en fait du mineur soumis à l'obligation scolaire. Seules ces personnes sont tenues à soumettre leurs enfants à des contrôles du niveau des études. Les associations requérantes ne subissent dès lors aucun préjudice personnel. Le préjudice qui pourrait affecter les intérêts de leurs membres ou des parents qui recourent à leurs services est un préjudice purement moral.
Le préjudice du second requérant dans l'affaire n° 2372 ne peut davantage être retenu pour les motifs suivants : il trouve sa source dans une norme étrangère au décret; le préjudice concrètement invoqué ne serait que la conséquence de décisions administratives susceptibles de recours en annulation et en suspension devant le Conseil d'Etat et est donc hypothétique et non direct; le contrôle est limité et le requérant ne précise pas concrètement en quoi les socles de compétences empêchent les enfants d'atteindre le niveau requis; le requérant ne précise pas que les enfants seraient astreints à de tels contrôles lors de l'année 2001-2002.
Le Gouvernement de la Communauté française relève encore qu'à supposer le décret applicable à l'enseignement non subventionné, force est de constater qu'aucune demande de dérogation n'a été introduite par les requérants, qui ne peuvent invoquer leurs propres carences. - B - Quant aux dispositions attaquées B.1. Les articles 9, 10 et 11 du décret de la Communauté française du 19 juillet 2001 « portant confirmation des socles de compétences visées à l'article 16 du décret du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre et organisant une procédure de dérogation limitée » disposent : «
Art. 9.Tout pouvoir organisateur organisant un enseignement subventionné par la Communauté française peut introduire une demande de dérogation aux modes d'apprentissage décrits dans les socles de compétences confirmés au chapitre 1er aux conditions et selon la procédure définies au présent chapitre.
Art. 10.Aucune dérogation ne peut avoir pour effet de porter atteinte à la cohérence du système éducatif, tel qu'il résulte de la mise en oeuvre des principes constitutionnels en matière d'enseignement.
Elle ne peut notamment avoir pour effet de porter atteinte à la qualité de l'enseignement, au contenu de base ou à l'équivalence des diplômes et certificats ou encore de restreindre la liberté des parents de changer leur enfant d'école l'année scolaire suivante.
Aucune dérogation ne peut être accordée à un pouvoir organisateur dont le projet n'aurait pas pour effet de garantir les droits et libertés consacrés dans la Constitution, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que la Convention relative aux droits de l'enfant.
Art. 11.§ 1er. Dans la demande de dérogation, le pouvoir organisateur : 1° indique les modes d'apprentissage décrits dans les socles de compétences dont il estime la définition trop contraignante pour lui laisser une latitude suffisante pour mettre en oeuvre son propre projet pédagogique, en motivant en quoi chaque mode d'apprentissage restreint cette mise en oeuvre;2° décrit les modes d'apprentissage alternatifs qu'il entend mettre en oeuvre;3° justifie comment le remplacement qu'il opère respecte les conditions énoncées à l'article 10. § 2. La demande de dérogation précise les références exactes des suppressions et des insertions demandées. Une copie du projet pédagogique est jointe à la demande.
Sous peine d'être irrecevable, la demande de dérogation et ses annexes sont introduites, par lettre recommandée à la poste, auprès du Gouvernement, au plus tard dix mois avant le début de l'année scolaire à partir de laquelle elle doit entrer en vigueur. » Quant à l'intérêt des requérants B.2.1. La demande de suspension étant subordonnée au recours en annulation, la recevabilité du recours - notamment l'existence de l'intérêt requis pour l'introduire - doit être abordée dès l'examen de la demande de suspension.
B.2.2. Les recours sont introduits par des associations sans but lucratif qui sont des établissements d'enseignement non subventionnés par les pouvoirs publics, d'une part, et par un parent d'élèves inscrits dans un tel établissement, d'autre part.
B.3.1. La Cour constate qu'il ressort tant du texte que des travaux préparatoires du décret entrepris que ce décret n'est pas directement applicable aux établissements d'enseignement non subventionnés.
B.3.2. La Cour doit dès lors vérifier si les requérants ont un intérêt à en demander l'annulation et la suspension.
Dans l'arrêt n° 49/2001 du 18 avril 2001, la Cour a admis que les parties qui sont les actuelles parties requérantes justifiaient alors d'un intérêt suffisant pour se porter parties intervenantes, en application de l'article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, dans un recours en annulation dirigé contre un décret de la Communauté française relatif aux socles de compétences qui ne leur était pas non plus directement applicable. La Cour avait pris en considération l'article 4 de l'arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 21 mai 1999 « fixant les conditions pour pouvoir satisfaire à l'obligation scolaire en dispensant un enseignement à domicile ». Cet article énonce que les parents sont tenus d'assurer ou de faire assurer un enseignement de niveau équivalent à celui imposé aux établissements scolaires organisés, subventionnés ou reconnus par la Communauté française et répondant aux dispositions des articles 6, 8 et 16 du décret du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre.
Cet intérêt indirect que la Cour a jugé suffisant pour intervenir aux côtés des parties requérantes qui justifiaient elles-mêmes d'un intérêt direct à attaquer le décret du 26 avril 1999, ne suffit pas pour demander la suspension du décret du 19 juillet 2001, dès lors que, dans l'état actuel du dossier, les parties requérantes ne démontrent pas à suffisance en quoi elles seraient atteintes de manière directe et défavorable - contrairement à ce qui avait été erronément écrit aux B.3.2 et B.4.2 de l'arrêt n° 49/2001 - par le décret actuellement attaqué.
B.3.3. Par ailleurs, la Cour observe que l'arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 21 mai 1999 pouvait être et est attaqué devant le Conseil d'Etat et qu'un éventuel refus de dérogation pourrait également faire l'objet d'une demande de suspension et d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat.
B.3.4. Au terme de l'examen limité de la recevabilité du recours en annulation auquel la Cour a pu procéder dans le cadre de la demande de suspension, il n'apparaît pas, à ce stade de la procédure, que le recours soit recevable.
Par ces motifs, la Cour rejette les demandes de suspension.
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 19 juin 2002.
Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux. M. Melchior.