publié le 19 juin 2001
Arrêt n° 74/2001 du 31 mai 2001 Numéro du rôle : 1877 En cause : le recours en annulation des articles 408bis, 408ter, 409, 412, 412bis, 412ter, 413bis, 413ter et 414 du Code judiciaire, tels qu'ils ont été remplacés ou insérés par la loi du La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et H. Boel, des juges P. Martens, A. Ar(...)
COUR D'ARBITRAGE
Arrêt n° 74/2001 du 31 mai 2001 Numéro du rôle : 1877 En cause : le recours en annulation des articles 408bis, 408ter, 409, 412, 412bis, 412ter, 413bis, 413ter et 414 du Code judiciaire, tels qu'ils ont été remplacés ou insérés par la
loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
07/05/1999
pub.
30/07/1999
numac
1999009724
source
ministere de la justice
Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire
type
loi
prom.
07/05/1999
pub.
26/08/1999
numac
1999009640
source
ministere de la justice
Loi modifiant les articles 574, 1°, et 628, 13°, du Code judiciaire
fermer, introduit par L. Stangherlin et autres.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et H. Boel, des juges P. Martens, A. Arts et R. Henneuse, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, du président émérite G. De Baets et du juge honoraire J. Delruelle, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 janvier 2000 et parvenue au greffe le 31 janvier 2000, un recours en annulation des articles 408bis, 408ter, 409, 412, 412bis, 412ter, 413bis, 413ter et 414 du Code judiciaire, tels qu'ils ont été remplacés ou insérés par la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire type loi prom. 07/05/1999 pub. 26/08/1999 numac 1999009640 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 574, 1°, et 628, 13°, du Code judiciaire fermer « modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire » (publiée au Moniteur belge du 30 juillet 1999) a été introduit par L. Stangherlin, demeurant à 4800 Verviers, rue Laoureux 16, R. Lennertz, demeurant à 4700 Eupen, Langesthal 44, J.-M. Freres, demeurant à 4040 Herstal, boulevard Zénobe Gramme 174, V. Reul, demeurant à 4700 Eupen, Birkenweg 28, T. Konsek, demeurant à 4845 Jalhay, Bansions 33, G. Rosewick, demeurant à 4700 Eupen, place du Marché 5, P. Schils, demeurant à 4840 Welkenraedt, Hoof 32A, et A. Tilgenkamp, demeurant à 4701 Eupen, Libermé 25.
II. La procédure Par ordonnance du 31 janvier 2000, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.
Par ordonnance du 1er mars 2000, la Cour a décidé que l'instruction aurait lieu en français.
Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 14 mars 2000; l'ordonnance du 1er mars 2000 a été notifiée par les mêmes lettres.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 18 mars 2000.
Des mémoires ont été introduits par : - le Gouvernement de la Communauté germanophone, Klötzerbahn 32, 4700 Eupen, par lettre recommandée à la poste le 27 avril 2000; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 2 mai 2000.
Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 5 juin 2000.
Des mémoires en réponse ont été introduits par : - le Gouvernement de la Communauté germanophone, par lettre recommandée à la poste le 27 juin 2000; - les parties requérantes, par lettre recommandée à la poste le 30 juin 2000; - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 4 juillet 2000.
Par ordonnances du 29 juin 2000 et du 20 décembre 2000, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 28 janvier 2001 et 28 juillet 2001 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.
Par ordonnance du 21 décembre 2000, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 25 janvier 2001.
Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 27 décembre 2000.
A l'audience publique du 25 janvier 2001 : - ont comparu : . Me G. Weisgerber loco Me G. Zians et Me A. Haas, avocats au barreau d'Eupen, pour le Gouvernement de la Communauté germanophone; . Me D. Lambot, avocat au barreau de Bruxelles, loco Me P. Wouters, avocat à la Cour de cassation, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs P. Martens et H. Boel ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
III. En droit - A - Position des requérants A.1. Les requérants, qui sont des magistrats du Tribunal de première instance ou du parquet d'Eupen, demandent l'annulation des articles 7 et 8 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire type loi prom. 07/05/1999 pub. 26/08/1999 numac 1999009640 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 574, 1°, et 628, 13°, du Code judiciaire fermer « modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire » en tant que « ces dispositions insèrent notamment les nouveaux articles 408bis, 408ter, 409, 412, 412bis, 412ter, 413bis, 413ter et 414 dans le Code judiciaire ». Ils estiment que ces dispositions violent les articles 2, 4, 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Ils reprochent à ces dispositions de ne pas tenir compte de l'existence de magistrats germanophones et de leurs droits dans la même mesure que pour les magistrats francophones et néerlandophones.
A.2. Les requérants rappellent le contenu des articles 4 et 2 de la Constitution ainsi que les dispositions de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer sur l'emploi des langues en matière judiciaire en ce qui concerne l'arrondissement judiciaire d'Eupen, les chambres « germanophones » de la Cour d'appel et de la Cour du travail de Liège ainsi que le Conseil de guerre, la Cour militaire et leurs auditorats respectifs, soulignant que dans toutes ces juridictions des magistrats du siège et du ministère public ont dû prouver leur connaissance de la langue allemande, de même qu'à la Cour de cassation, même si celle-ci ne mène pas de procédure en langue allemande. Ils soulignent que, en vertu de l'article 25 de la loi précitée du 15 juin 1935, les procédures pénales menées contre des magistrats actifs dans l'arrondissement judiciaire d'Eupen doivent se faire en allemand.
A.3. Les requérants font grief aux dispositions qu'ils attaquent de ne pas prévoir de chambre germanophone au sein du Conseil national de discipline, se bornant à disposer que le magistrat ayant le moins d'ancienneté est remplacé par un magistrat justifiant de la connaissance de la langue allemande lorsqu'un magistrat qui a justifié de la connaissance de cette langue demande à bénéficier d'une procédure de langue allemande, sans même préciser dans quelle chambre - francophone ou néerlandophone - ce remplacement doit avoir lieu et sans exiger que la procédure soit menée en allemand.
Ils estiment discriminatoire que les magistrats francophones et néerlandophones puissent comparaître devant une chambre du Conseil de discipline dont tous les membres connaissent leur langue alors qu'un magistrat germanophone est privé de cette possibilité sans raison valable.
Mémoire du Conseil des ministres A.4. Le Conseil des ministres conteste l'intérêt des requérants qui sont magistrats à Eupen, à attaquer l'article 412bis, § 1er, du Code judiciaire, qui concerne les membres des cours d'appel et du travail, ainsi que l'article 414 qui concerne les magistrats de la Cour de cassation.
A.5. Le Conseil des ministres soutient que la requête est irrecevable en ce qu'elle invoque la violation des articles 2 et 4 de la Constitution, la Cour n'étant pas compétente pour exercer un contrôle au regard de ces articles.
A.6. Quant au fond, le Conseil des ministres fait valoir qu'il ne se déduit pas des articles 2 et 4 de la Constitution que les trois langues nationales doivent nécessairement et en toutes circonstances être mises sur le même pied. Il rappelle qu'un traitement différent existe en matière de publication des textes légaux et réglementaires et cite l'arrêt de la Cour n° 59/94 du 14 juillet 1994.
A.7. Le Conseil des ministres cite les dispositions de la loi précitée du 15 juin 1935 et en déduit que les juridictions devant lesquelles l'allemand doit être utilisé ne sont pas comparables à celles devant lesquelles c'est le français ou le néerlandais qui doit l'être. Il conteste que, en cas de poursuites pénales, les magistrats germanophones soient, en toute hypothèse, jugés par un tribunal siégeant en allemand. Il ajoute que des poursuites disciplinaires ne peuvent être assimilées, sans plus, à des poursuites pénales, même pas dans le cadre de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Citant les travaux préparatoires, il observe que la particularité liée au nombre restreint de juges germanophones n'a pas échappé au législateur puisque l'article 30bis de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer envisage l'hypothèse où il est impossible de composer légalement une juridiction devant statuer en langue allemande, auquel cas la procédure se fait en langue française. Il conclut qu'il eût été disproportionné, si pas totalement irréalisable, de mettre les magistrats germanophones sur un pied d'égalité avec leurs collègues francophones et néerlandophones, eu égard au nombre restreint des premiers et aux modalités de composition du Conseil national de discipline.
A.8. Le Conseil des ministres fait encore observer que, si les magistrats siégeant à Eupen doivent justifier de la connaissance de la langue allemande, ce sont d'abord des magistrats qui justifient avoir subi les examens de la licence en droit en langue française.
Il estime que le système prévu par la loi attaquée assure, sans préjudice de l'utilisation de techniques de traduction ou autres, qu'en toute hypothèse la procédure se déroule en présence d'un magistrat ayant prouvé la connaissance de la langue allemande et répète que toute autre solution eût été disproportionnée.
Position de la partie intervenante A.9. Le Gouvernement de la Communauté germanophone se rallie à l'argumentation des requérants et appuie leur demande d'annulation.
A.10. Il observe que, selon l'article 408ter, alinéa 10, du Code judiciaire, le Conseil national de discipline doit utiliser l'allemand comme langue de procédure dès qu'un magistrat qui a justifié de la connaissance de cette langue - même s'il ne siège pas dans une juridiction germanophone - en fait la demande. Il doute que cela soit possible alors que six des sept membres du Conseil national de discipline ne sont pas tenus de connaître l'allemand. Il estime que le membre germanophone exercera à tous les stades de la procédure une influence décisive sur les autres membres du collège.
A.11. Après avoir rappelé et commenté la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme au sujet de l'application de l'article 6 de la Convention, le Gouvernement de la Communauté germanophone souligne que le législateur belge avait, quant à lui, déclaré son intention d'étendre le champ d'application de l'article 6 aux litiges disciplinaires où sont impliqués des magistrats. Il estime que la présence d'un seul membre germanophone au sein du Conseil national de discipline porte atteinte au droit à des débats impartiaux dans la mesure où cette personne, seule à pouvoir avoir accès directement à toutes les sources en allemand, pourra exercer, à tous les stades de la procédure, une influence sur les autres membres du collège. Cette violation existerait d'autant plus qu'il n'y a pas de démarcation entre la phase de l'instruction et celle de la décision, dans la procédure disciplinaire établie pour les magistrats.
A.12. L'intervenant ajoute qu'il ne semble pas y avoir de motif impérieux de ne pas organiser une chambre germanophone au sein du Conseil national de discipline et qu'il n'y avait aucune nécessité de limiter la connaissance de la langue allemande à un seul membre de ce Conseil, ce qui compromet la collégialité du processus décisionnel. Il conclut que, même s'il fallait tenir compte de la position minoritaire de la « justice germanophone », la solution choisie n'est pas raisonnablement proportionnée, alors qu'il eût été facile de prévoir une représentation minimale supérieure des juges germanophones au sein du Conseil national de discipline.
Mémoire en réponse des requérants A.13. Les requérants contestent la pertinence de l'argument que le Conseil des ministres puise dans l'article 30bis de la loi du 15 juin 1935. Ils considèrent qu'il s'agit d'un pis-aller acceptable en ce qu'il permet d'éviter un déni de justice mais qui suppose que l'emploi de la langue allemande ait été rendu possible précédemment par la loi, en particulier en créant un cadre adéquat imposant aux magistrats les exigences nécessaires en matière de connaissances linguistiques. Tout autre est la réglementation attaquée qui prévoit la présence d'un seul membre germanophone au sein du Conseil de discipline.
A.14. S'il est vrai qu'un magistrat, dans l'arrondissement judiciaire d'Eupen, doit avoir achevé ses études de droit en français ou prouvé sa connaissance de cette langue par la réussite d'un examen, il reste qu'il n'est pas requis qu'il maîtrise aussi bien le français que l'allemand et que, dans des matières aussi délicates que les procédures disciplinaires, on s'exprime mieux et plus efficacement dans sa langue maternelle. En outre, l'allemand est la langue administrative, elle doit être utilisée dans toutes les affaires judiciaires et dans les procédures disciplinaires menées par le chef de corps au niveau de l'arrondissement. Ils ajoutent qu'on n'imagine pas que des magistrats néerlandophones de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles qui auraient dû démontrer la connaissance du français soient contraints de se défendre dans une procédure disciplinaire francophone ou de comparaître en néerlandais devant un collège disciplinaire dont un seul membre comprendrait le néerlandais.
Mémoire en réponse du Conseil des ministres A.15. Le Conseil des ministres rappelle ses arguments précédents et, pour souligner la situation particulière des magistrats germanophones, il signale que le nombre de magistrats francophones est d'environ 580 membres pour le siège et 320 pour le ministère public, alors qu'il y a 22 magistrats du siège et 9 magistrats du parquet qui justifient de la connaissance de la langue allemande. Il ajoute que parmi ces 9 magistrats du parquet, on compte un chef de corps, un premier substitut appartenant au rôle linguistique néerlandais et 2 personnes faisant actuellement l'objet d'une mesure d'ordre intérieur. Il en déduit, en illustrant son argument d'exemples, que, sans parler des insurmontables difficultés que susciterait la composition d'une chambre germanophone, il eût été discriminatoire de traiter les magistrats germanophones d'une manière identique à leurs collègues francophones et néerlandophones.
A.16. Le Conseil des ministres détaille ensuite les compétences du Conseil national de discipline et en déduit que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, à le supposer applicable, ne pourrait être violé.
Il ajoute que le Gouvernement de la Communauté germanophone n'établit pas en quoi la phase d'instruction ne serait pas suffisamment démarquée de la phase de décision, l'article 408 (lire : l'article 408ter, alinéa 15) du Code judiciaire prévoyant expressément que le magistrat instructeur n'a pas voix délibérative.
Mémoire en réponse du Gouvernement de la Communauté germanophone A.17. Analysant l'arrêt n° 59/94, invoqué par le Conseil des ministres, l'intervenante estime qu'on ne peut nullement en déduire que la différence de traitement dénoncée dans la présente affaire serait justifiée. Les frais de traduction de tous les textes législatifs et réglementaires sont certes considérables mais la Cour les a estimés justifiés, en dépit du nombre restreint de Belges germanophones. Dans des procédures individuelles, il est raisonnable de ne pas prévoir seulement pro forma l'allemand comme langue de la procédure mais également de prévoir une composition des organes qui permette de mener effectivement les débats dans la langue de la procédure.
A.18. Soulignant à nouveau la difficulté de mener la procédure en allemand alors qu'un seul des sept membres du collège connaît cette langue, l'intervenante affirme qu'il est contraire à tous les principes du système juridique belge qu'un juge ne connaisse pas la langue de la procédure en matière disciplinaire.
Elle estime que, si même on devait admettre que tous les membres du collège ne doivent pas connaître l'allemand, il est manifestement insuffisant de ne l'exiger que d'un seul d'entre eux.
A.19. L'intervenante conteste l'argument tiré de l'article 30bis de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer et souligne qu'aucune autre catégorie de magistrats belges devant justifier de la connaissance d'une autre langue ne doivent comparaître devant un conseil de discipline allophone.
Elle estime que le Conseil des ministres n'a pas répondu à l'argument tiré de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. - B - B.1. Les requérants demandent l'annulation des articles 7 et 8 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire type loi prom. 07/05/1999 pub. 26/08/1999 numac 1999009640 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 574, 1°, et 628, 13°, du Code judiciaire fermer « modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire » en tant que « ces dispositions insèrent notamment les nouveaux articles 408bis, 408ter, 409, 412, 412bis, 412ter, 413bis, 413ter et 414 dans le Code judiciaire ».
Quant à l'étendue du recours B.2. Le Conseil des ministres conteste l'intérêt des parties requérantes à attaquer les articles 412bis, § 1er, et 414 du Code judiciaire, insérés par l'article 7 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire type loi prom. 07/05/1999 pub. 26/08/1999 numac 1999009640 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 574, 1°, et 628, 13°, du Code judiciaire fermer qui fait l'objet de l'actuel recours.
B.3.1. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme entreprise.
B.3.2. Les requérants invoquent leur qualité de magistrats du Tribunal de première instance ou du parquet d'Eupen pour demander l'annulation des dispositions attaquées dans leur requête.
En cette qualité, ils ne pourraient être directement et défavorablement affectés par l'article 412bis, § 1er, du Code judiciaire, étant donné que cette disposition s'applique aux poursuites disciplinaires contre les membres des cours d'appel et du travail.
De même, les requérants ne pourraient être directement et défavorablement affectés par l'article 414 du Code judiciaire, étant donné que celui-ci s'applique aux conseillers et magistrats du ministère public près la Cour de cassation.
B.4. En ce qu'il vise les articles 412bis, § 1er, et 414 du Code judiciaire, insérés par l'article 8 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire type loi prom. 07/05/1999 pub. 26/08/1999 numac 1999009640 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 574, 1°, et 628, 13°, du Code judiciaire fermer « modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire », le recours en annulation est irrecevable.
En ce qui concerne la recevabilité des moyens B.5. En tant qu'il invoque une violation directe des articles 2 et 4 de la Constitution, le moyen n'est pas recevable, la Cour n'étant pas habilitée à assurer le respect de ces dispositions.
Quant au fond B.6. Il ressort des éléments de la requête que les griefs sont principalement dirigés contre l'article 408ter du Code judiciaire, qui institue un Conseil national de discipline.
L'alinéa 2 de l'article 408ter énonce que le Conseil national de discipline comprend une chambre francophone et une chambre néerlandophone.
L'alinéa 10 de la même disposition est rédigé comme suit : « Lorsque le Conseil national de discipline est saisi de poursuites à l'encontre d'un magistrat qui a justifié de la connaissance de la langue allemande conformément à la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer sur l'emploi des langues en matière judiciaire et qui demande à bénéficier d'une procédure en langue allemande, le magistrat ayant le moins d'ancienneté est remplacé par un magistrat désigné par tirage au sort parmi les magistrats ayant eux-mêmes justifié de la connaissance de la langue allemande conformément à la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer sur l'emploi des langues en matière judiciaire ».
B.7.1. Selon les parties requérantes, les articles 10 et 11 de la Constitution seraient violés, dans la mesure où la disposition précitée n'a pas prévu de chambre germanophone au sein du Conseil national de discipline. D'autre part, la présence d'un seul magistrat germanophone, visée à l'alinéa 10 de l'article 408ter de la loi, lorsque la procédure engagée concerne un magistrat germanophone qui demande à ce que la procédure se déroule en allemand, serait inefficace. Cette disposition ne permettrait pas de satisfaire à l'exigence selon laquelle toute la procédure doit se dérouler en allemand.
Les requérants s'estiment discriminés par rapport aux magistrats francophones et néerlandophones qui peuvent comparaître devant une chambre du Conseil de discipline dont tous les membres comprennent leur langue.
B.7.2. L'article 45bis de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant l'emploi des langues en matière judiciaire prévoit que, dans l'arrondissement d'Eupen, nul ne peut être nommé magistrat s'il ne justifie de la connaissance de la langue allemande. La différence de traitement entre les magistrats francophones, néerlandophones et germanophones repose donc sur un critère objectif, à savoir le critère linguistique.
B.7.3. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire type loi prom. 07/05/1999 pub. 26/08/1999 numac 1999009640 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 574, 1°, et 628, 13°, du Code judiciaire fermer (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1666/5, pp. 49-50) que le nombre restreint de magistrats germanophones pouvant répondre aux autres conditions de nomination pour devenir membre du Conseil national de discipline a été pris en considération pour l'élaboration de la règle inscrite à l'article 408ter de la loi précitée. C'est donc en tenant compte de la situation réelle des magistrats germanophones que la disposition incriminée a été adoptée.
La mesure contestée apparaît raisonnablement justifiée, eu égard à cette situation.
B.7.4. Il ne pourrait être déduit de cette disposition que le magistrat germanophone poursuivi disciplinairement devant le Conseil national de discipline ne pourrait être compris par ses membres ou que ceux-ci ne seraient pas en mesure de traiter correctement le dossier.
L'article 45bis de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant l'emploi des langues en matière judiciaire impose aux magistrats de l'arrondissement d'Eupen de justifier, par leur diplôme, qu'ils ont subi les examens de la licence en droit en langue française ou de justifier de la connaissance de la langue française. Le magistrat germanophone poursuivi disciplinairement pourrait donc suivre la procédure en langue française devant la chambre francophone du Conseil national de discipline.
L'article 408ter du Code judiciaire inséré par la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire type loi prom. 07/05/1999 pub. 26/08/1999 numac 1999009640 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 574, 1°, et 628, 13°, du Code judiciaire fermer laisse toutefois au magistrat germanophone la possibilité de demander à ce que la procédure se déroule en langue allemande. S'il introduit une telle demande, il va de soi que le Conseil national de discipline devra prendre connaissance des pièces écrites en langue allemande en recourant, au besoin, à des interprètes ou à des traducteurs.
Pour le surplus, la Cour constate que l'article 73, § 3, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat n'exige la connaissance de l'allemand que d'un conseiller, un greffier et deux auditeurs, que l'article 34, § 4, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage n'exige la connaissance de l'allemand que d'un membre de la Cour et qu'aucune exigence n'est formulée à l'égard de la Cour de cassation. Ces dispositions n'ont jamais empêché ces juridictions d'entendre des plaidoiries en allemand, de prendre connaissance de conclusions ou de mémoires rédigés dans cette langue et de rendre des décisions en allemand chaque fois que la loi le leur impose.
B.8.1. Les parties requérantes comparent également la situation des magistrats germanophones selon qu'ils font l'objet d'une poursuite disciplinaire ou d'une poursuite pénale. Ils tirent argument de l'article 25 de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant l'emploi des langues en matière judiciaire en ce que la langue allemande y est expressément prévue en ce qui concerne les poursuites pénales.
B.8.2. L'article 25 de la loi précitée dispose que « devant la Cour d'appel, jugeant en matière répressive, en premier et dernier ressort, la procédure est faite en français, en néerlandais ou en allemand [ . ] », selon le magistrat mis en cause.
L'article 30bis de la même loi prévoit, toutefois, qu'en cas d'impossibilité de composer légalement une juridiction devant statuer en langue allemande, la procédure est faite en langue française, avec la possibilité, si l'une des parties le demande ou d'office, qu'il soit fait appel à des traducteurs.
B.8.3. Ici encore, le législateur a dû tenir compte du nombre restreint de magistrats germanophones, lorsqu'il a organisé les procédures pénales. La différence de traitement alléguée par les parties requérantes entre les deux procédures n'existe pas. Il est possible, en effet, que les magistrats germanophones comparaissent devant une juridiction francophone, lorsqu'il est impossible de constituer une juridiction devant statuer en langue allemande.
B.9.1. Le Gouvernement de la Communauté germanophone invoque également une violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que l'article 408ter du Code judiciaire, en prévoyant la présence d'un seul membre germanophone au sein du Conseil national de discipline lorsqu'un magistrat germanophone est poursuivi, permettrait à cette personne d'exercer, à tous les stades de la procédure, une influence décisive sur les autres membres du collège, en manière telle que le principe d'impartialité s'en trouverait violé. La discrimination invoquée serait en outre aggravée par le fait que, le législateur ayant insuffisamment démarqué les phases d'instruction et de jugement, l'influence décisive du membre germanophone s'exercerait à tous les stades de la procédure.
B.9.2. En ce qui concerne l'invocation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé, dans un arrêt Pellegrin du 8 décembre 1999, que les « litiges opposant à l'administration des agents qui occupent des emplois impliquant une participation à l'exercice de la puissance publique échappent au champ d'application de l'article 6 § 1er ».
Le régime disciplinaire établi à l'égard des magistrats échappe donc au champ d'application de l'article 6 de la Convention. La Cour ne pourrait en l'espèce examiner la violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec cette disposition.
B.9.3. Cette circonstance n'empêche cependant pas que plusieurs garanties offertes par la disposition conventionnelle précitée s'appliquent également, en tant que principe général de droit, en matière disciplinaire. Tel est le cas du principe général de l'impartialité du juge.
B.9.4. En ce qui concerne ce moyen, le Gouvernement de la Communauté germanophone ne produit aucun élément concret de nature à démontrer que le membre germanophone du Conseil national de discipline pourrait exercer une influence décisive à tous les stades de la procédure. La possibilité offerte aux membres du Conseil qui ne maîtrisent pas suffisamment la langue allemande d'avoir recours aux services de traducteurs ou d'interprètes leur permet d'avoir un accès direct aux pièces de la procédure et aux éléments du dossier. Dans la mesure où il ne s'agit que d'une supposition qui ne repose sur aucun élément probant, le moyen ne peut être admis.
B.10. Il résulte de ces éléments que les articles 10 et 11 de la Constitution ne sont pas violés par l'article 408ter du Code judiciaire, inséré par la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire type loi prom. 07/05/1999 pub. 26/08/1999 numac 1999009640 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 574, 1°, et 628, 13°, du Code judiciaire fermer.
B.11. Les parties requérantes allèguent la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par les articles 408bis, 409, 412, 412bis, § 2, 412ter, 413bis et 413ter du Code judiciaire, insérés par les articles 7 et 8 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire type loi prom. 07/05/1999 pub. 26/08/1999 numac 1999009640 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 574, 1°, et 628, 13°, du Code judiciaire fermer. Ces dispositions ne garantiraient pas de manière efficace le droit des magistrats à pouvoir bénéficier d'une procédure disciplinaire en langue allemande, lorsqu'ils le souhaitent.
B.12. Les dispositions attaquées désignent les chefs de corps compétents pour infliger des sanctions disciplinaires aux magistrats.
Elles établissent également la procédure à suivre lorsqu'une poursuite disciplinaire est entamée à leur encontre. Elles ne prévoient toutefois aucune règle spécifique pour les magistrats germanophones.
B.13. De telles règles ne portent pas pour autant atteinte aux principes d'égalité et de non-discrimination. Rien n'empêche, en effet, d'avoir recours le cas échéant aux services de traducteurs ou d'interprètes aux différentes étapes de la procédure, lorsqu'un magistrat germanophone demande que celle-ci se déroule en allemand.
Il en résulte que les articles 408bis, 409, 412, 412bis, § 2, 412ter, 413bis et 413ter du Code judiciaire, insérés par les articles 7 et 8 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/07/1999 numac 1999009724 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le régime disciplinaire applicable aux membres de l'Ordre judiciaire type loi prom. 07/05/1999 pub. 26/08/1999 numac 1999009640 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 574, 1°, et 628, 13°, du Code judiciaire fermer, ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
Par ces motifs, la Cour rejette le recours.
Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 31 mai 2001, par le siège précité, dans lequel le juge P. Martens est remplacé, pour le prononcé, par le juge L. François, conformément à l'article 110 de la même loi.
Le greffier, L. Potoms.
Le président, M. Melchior.