Etaamb.openjustice.be
Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 12 octobre 1999

Arrêt n° 102/99 du 30 septembre 1999 Numéros du rôle : 1321, 1332 et 1386 à 1391 En cause : les recours en annulation de la loi du 10 décembre 1997 interdisant la publicité pour les produits du tabac, introduits par l'a.s.b.l. Royal Union Mot La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L(...)

source
cour d'arbitrage
numac
1999021491
pub.
12/10/1999
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
liens
Conseil d'État (chrono)
Document Qrcode

Arrêt n° 102/99 du 30 septembre 1999 Numéros du rôle : 1321, 1332 et 1386 à 1391 En cause : les recours en annulation de la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer interdisant la publicité pour les produits du tabac, introduits par l'a.s.b.l. Royal Union Motor Entre-Sambre-et-Meuse et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L. François, J. Delruelle, E. Cerexhe, H. Coremans, A. Arts, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 3 avril 1998 et parvenue au greffe le 6 avril 1998, l'a.s.b.l. Royal Union Motor Entre-Sambre-et-Meuse, dont le siège social est établi à 5640 Mettet, Complexe de Saint-Donat, a introduit un recours en annulation des articles 2, 3, 5 et 6 de la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer interdisant la publicité pour les produits du tabac (publiée au Moniteur belge du 11 février 1998).

Cette affaire est inscrite sous le numéro 1321 du rôle de la Cour. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 avril 1998 et parvenue au greffe le 29 avril 1998, l'a.s.b.l. Royal Union Motor Entre-Sambre-et-Meuse, dont le siège social est établi à 5640 Mettet, Complexe de Saint-Donat, a introduit un recours en annulation des articles 2, 3, 5 et 6 de la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer interdisant la publicité pour les produits du tabac (publiée au Moniteur belge du 11 février 1998).

Cette affaire est inscrite sous le numéro 1332 du rôle de la Cour. c. Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste les 7, 10 et 11 août 1998 et parvenues au greffe les 10, 11 et 12 août 1998, il a été introduit un recours en annulation de la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer interdisant la publicité pour les produits du tabac (publiée au Moniteur belge du 11 février 1998) par : - la s.a. Tabacofina Vander Elst, dont le siège social est établi à 2650 Edegem, Prins Boudewijnlaan 43, la s.a. Compagnie indépendante des tabacs, dont le siège social est établi à 1030 Bruxelles, avenue Georges Rodenbach 29, l'a.s.b.l. Belux Tabacco Vending Association, dont le siège social est établi à 1050 Bruxelles, rue Franz Merjay 177, la s.p.r.l. Geboers Racing Promotion, dont le siège social est établi à 2400 Mol, Smallestraat 10, l'a.s.b.l. Sportclub « Ons Genoegen » Motocross Grand Prix Promotors, dont le siège social est établi à 3500 Hasselt, Havermarkt 30, boîte 1; - la société Worldwide Brands Inc. (en abrégé : W.B.I.), société de droit de l'Etat du Delaware, dont le siège social est établi à Wilmington, Delaware (Etats-Unis d'Amérique), la société de droit allemand Salamander AG, dont le siège social est établi à 70806 Kornwestheim (République fédérale d'Allemagne), Stammheimer Strasse 10, la s.p.r.l. Actual Media, dont le siège social est établi à 8000 Bruges, Gulden Vlieslaan 42, la s.c. Toon Van Grinsven Agenturen, dont le siège social est établi à 3140 Keerbergen, Boolostraat 99, la société de droit italien Agenzia d'Elite s.n.c., dont le siège social est établi à Rimini (Italie), Via Sordi 6; - l'a.s.b.l. M.C. Beringse Motor Club, dont le siège social est établi à 3585 Paal, Schaffensesteenweg 155; - la s.c.r.l. Association intercommunale pour l'exploitation du circuit de Spa-Francorchamps, dont le siège social est établi à 4970 Stavelot, route du Circuit 55, la province de Liège, dont les bureaux sont établis à 4000 Liège, place Saint-Lambert 18, la ville de Spa, dont les bureaux sont établis à 4900 Spa, rue de l'Hôtel de Ville 44, la ville de Malmédy, dont les bureaux sont établis à 4960 Malmédy, rue J. Steinbach, la ville de Stavelot, dont les bureaux sont établis à 4970 Stavelot, Cour de l'Hôtel de Ville 1; - le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur.

Ces affaires sont inscrites sous les numéros 1386, 1387, 1388, 1389, 1390 et 1391 du rôle de la Cour.

II. La procédure a. Dans les affaires portant les numéros 1321 et 1332 du rôle Par ordonnances des 6 et 29 avril 1998, le président en exercice a désigné les juges des sièges conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 13 mai 1998, la Cour a joint les affaires.

Les recours ont été notifiés conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 15 mai 1998.

Les avis prescrits par l'article 74 de la loi organique ont été publiés au Moniteur belge du 24 avril 1998 et du 20 mai 1998.

Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire par lettre recommandée à la poste le 30 juin 1998. b. Dans les affaires portant les numéros 1386 à 1391 du rôle Par ordonnances des 10, 11 et 12 août 1998, le président en exercice a désigné les juges des sièges conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 16 septembre 1998, la Cour a joint les affaires portant les numéros 1386 à 1391 du rôle avec les affaires déjà jointes portant les numéros 1321 et 1332 du rôle.

Les recours ont été notifiés conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 3 novembre 1998.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 17 novembre 1998.

Des mémoires ont été introduits par : - l'a.s.b.l. Fédération nationale des hebdomadaires d'information, dont le siège social est établi à 1070 Bruxelles, avenue Paepsem 22, boîte 6, la s.a. De Persgroep, dont le siège social est établi à 1730 Asse, Brusselsteenweg 347, la s.a. Mediaxis, dont le siège social est établi à 2018 Anvers, Jan Blockxstraat 7, et la s.a. Roularta Media Group, dont le siège social est établi à 8800 Roulers, Meiboomlaan 33, par lettre recommandée à la poste le 17 décembre 1998; - l'a.s.b.l. Automobielclub Targa Florio, dont le siège social est établi à 8900 Ypres, Frenchlaan 2, par lettre recommandée à la poste le 17 décembre 1998; - l'a.s.b.l. Fédération du tourisme de la province de Liège, dont le siège social est établi à 4000 Liège, boulevard de la Sauvenière 77, par lettre recommandée à la poste le 17 décembre 1998; - le Conseil des ministres, par lettres recommandées à la poste le 18 décembre 1998. c. Dans toutes les affaires Par ordonnances du 29 septembre 1998 et du 30 mars 1999, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 3 avril 1999 et 3 octobre 1999 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu. Les mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 23 février 1999.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - la société de droit de l'Etat du Delaware Worldwide Brands Inc. et autres, par lettre recommandée à la poste le 22 mars 1999; - la s.a. Tabacofina Vander Elst et autres, par lettre recommandée à la poste le 23 mars 1999; - le Gouvernement wallon, par lettre recommandée à la poste le 23 mars 1999; - l'a.s.b.l. Automobielclub Targa Florio, par lettre recommandée à la poste le 24 mars 1999; - la s.c.r.l. Association intercommunale pour l'exploitation du circuit de Spa-Francorchamps et autres, par lettre recommandée à la poste le 24 mars 1999; - l'a.s.b.l. M.C. Beringse Motor Club, par lettre recommandée à la poste le 24 mars 1999; - l'a.s.b.l. Royal Union Motor Entre-Sambre-et-Meuse, par lettre recommandée à la poste le 24 mars 1999; - le Conseil des ministres, par lettres recommandées à la poste le 25 mars 1999.

Par ordonnance du 31 mars 1999, la Cour a invité les parties à informer la Cour sur l'incidence financière (perte de recettes, part relative de celles-ci dans le chiffre d'affaires, déficit résultant de leur suppression et mesures de compensation adoptées) de l'interdiction de la publicité pour et du parrainage par les produits du tabac sur les diverses activités citées, en particulier à l'égard des manifestations - notamment sportives - de niveau mondial et sur les journaux et périodiques belges, dans un mémoire complémentaire à introduire le 26 avril 1999 au plus tard.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 2 avril 1999.

Par ordonnance du 1er avril 1999, le président M. Melchior a soumis les affaires à la Cour réunie en séance plénière.

Par ordonnance du 1er avril 1999, la Cour a accepté la demande d'abstention du juge P. Martens qui estimait qu'il pouvait y avoir une cause de récusation en sa personne.

Des mémoires complémentaires ont été introduits par : - l'a.s.b.l. Fédération belge des magazines, auparavant Fédération nationale des hebdomadaires d'information, par lettre recommandée à la poste le 26 avril 1999; - l'a.s.b.l. Automobielclub Targa Florio, par lettre recommandée à la poste le 26 avril 1999; - l'a.s.b.l. Royal Union Motor Entre-Sambre-et-Meuse, par lettre recommandée à la poste le 26 avril 1999; - la s.a. Tabacofina Vander Elst et autres, par lettre recommandée à la poste le 26 avril 1999; - la société de droit de l'Etat du Delaware Worldwide Brands Inc. et autres, par lettre recommandée à la poste le 26 avril 1999; - l'a.s.b.l. M.C. Beringse Motor Club, par lettre recommandée à la poste le 26 avril 1999; - la s.c.r.l. Association intercommunale pour l'exploitation du circuit de Spa-Francorchamps et autres, par lettre recommandée à la poste le 26 avril 1999; - le Gouvernement wallon, par lettre recommandée à la poste le 26 avril 1999.

Par ordonnance du 9 juin 1999, le président en exercice a constaté que le juge G. De Baets était légitimement empêché de siéger.

Par ordonnance du 9 juin 1999, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l'audience au 30 juin 1999.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 10 juin 1999.

A l'audience publique du 30 juin 1999 : - ont comparu : . Me P. Boucquey loco Me E. Gillet, avocats au barreau de Bruxelles, pour l'a.s.b.l. Royal Union Motor Entre-Sambre-et-Meuse et l'a.s.b.l.

M.C. Beringse Motor Club; . Me D. Putzeys, avocat au barreau de Bruxelles, et Me J. Putzeys, avocat au barreau d'Anvers, pour la s.a. Tabacofina Vander Elst et autres; . Me F.P. Louis, avocat au barreau de Bruxelles, pour la société de droit de l'Etat du Delaware Worldwide Brands Inc. et autres; . Me D. Matray et Me P. Lejeune, avocats au barreau de Liège, pour la s.c.r.l. Association intercommunale pour l'exploitation du circuit de Spa-Francorchamps et autres et l'a.s.b.l. Fédération du tourisme de la province de Liège; . Me L. Misson et Me B. Borbouse, avocats au barreau de Liège, pour le Gouvernement wallon; . Me P. Maeyaert et Me E. Gybels, avocats au barreau de Bruxelles, pour l'a.s.b.l. Fédération belge des magazines, la s.a. De Persgroep et la s.a. Roularta Media Group; . Me A. Coppens, avocat au barreau de Courtrai, pour l'a.s.b.l.

Automobielclub Targa Florio; . Me J.-L. Jaspar et Me C. Delcorde, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs R. Henneuse et M. Bossuyt ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - les affaires ont été mises en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - En ce qui concerne la recevabilité A.1. Le Conseil des ministres conteste la recevabilité, en tout ou partie, de plusieurs recours.

Dans les affaires portant les numéros 1321 et 1332 du rôle, le Conseil des ministres invoque le défaut de personnalité juridique de la partie requérante, à défaut d'établir qu'ont été respectées les formalités prescrites par la loi du 27 juin 1921Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/06/1921 pub. 19/08/2013 numac 2013000498 source service public federal interieur Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer.

Par ailleurs, dans les affaires portant les numéros 1321, 1332, 1386, 1387, 1389 et 1390 du rôle, le Conseil des ministres conteste l'intérêt de certaines parties requérantes, à défaut, selon le cas, qu'elles soient affectées directement et défavorablement par les normes contestées ou que le préjudice qu'elles allèguent résulte directement de ces normes.

Quant au fond A.2. Les parties requérantes invoquent à l'appui de leurs recours, considérés globalement, la violation, d'une part, de règles de compétence et, d'autre part, des articles 10 et 11 de la Constitution.

La violation des articles 10 et 11 est alléguée, selon le cas, isolément ou en combinaison avec d'autres dispositions, principalement constitutionnelles ou internationales.

En ce qui concerne le respect des règles de compétence A.3.1. Un premier groupe de moyens allègue la violation des articles 127 et 130 de la Constitution, de l'article 4, 6, de la loi spéciale du 8 août 1980 et de l'article 4, § 1er, de la loi du 31 décembre 1983Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/12/1983 pub. 11/12/2007 numac 2007000934 source service public federal interieur Loi de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone. - Coordination officieuse en langue allemande fermer de réformes institutionnelles (affaires portant les numéros 1386 et 1387 du rôle, premier moyen; affaire portant le numéro 1391 du rôle, quatrième moyen).

En ce que la loi règle la communication et la publicité commerciale par voie de radiodiffusion et de télévision, elle empiète sur la compétence communautaire en cette matière; par ailleurs, en ce qu'elle réglemente le parrainage par les produits du tabac, elle excède la compétence fédérale circonscrite par référence à la loi du 24 février 1977, dès lors que celle-ci se limite à la normalisation de la seule publicité.

A.3.2. Pour le Conseil des ministres, tant la doctrine que la jurisprudence - du Conseil d'Etat et de la Cour d'arbitrage B établissent que la réglementation de la publicité concernant le tabac et les produits du tabac relève de la compétence de l'Etat fédéral, nonobstant la compétence communautaire en matière audiovisuelle.

A.4.1. Un second groupe de moyens allègue la violation de l'article 39 de la Constitution, de l'article 143, § 1er, de la Constitution (principe de la loyauté fédérale) et des articles 6, § 1er, VI et IX, de la loi spéciale du 8 août 1980 (affaires portant les numéros 1321 et 1332 du rôle, quatrième moyen; affaire portant le numéro 1390 du rôle, dernier moyen; affaire portant le numéro 1391 du rôle, quatrième moyen).

Les dispositions contestées violent le principe de proportionnalité s'imposant à tout législateur dans l'exercice de ses compétences, principe auquel se rattache le principe de la loyauté fédérale; en effet, vu les conséquences économiques, sociales et financières désastreuses pour la Région wallonne, qu'aura la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer, celle-ci empiète de façon disproportionnée sur les compétences régionales citées au moyen, en affectant de façon substantielle l'exercice de celles-ci. Selon les parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 1390 du rôle, la loi contestée affecte également l'exercice des compétences communautaires en matière de promotion du sport et de tourisme.

A.4.2. Outre le fait que le principe de la loyauté fédérale n'est pas, selon lui, une règle de compétence, le Conseil des ministres conteste que les entités fédérées soient privées de compétences qui sont les leurs, de même qu'il conteste également l'étendue du préjudice prétendument causé à la Région wallonne; le Conseil des ministres estime en toute hypothèse la loi justifiée au regard de l'objectif de protection de la santé publique, lequel doit primer sur des intérêts économiques particuliers.

En ce qui concerne le respect des articles 10 et 11 de la Constitution Moyens pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, considérés isolément A.5. Les parties requérantes dans les affaires portant les numéros 1386 et 1387 (sixième à huitième moyens), 1388 (second moyen) et 1390 (partim) du rôle allèguent que la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer opère plusieurs différences de traitement contraires au principe d'égalité et de non-discrimination.

A.6.1. Est tout d'abord contestée la différence de traitement opérée entre le tabac et les autres produits visés par la loi du 24 janvier 1977, tant sur le plan des normes les régissant et celui des comportements réglementés que sur celui de la sévérité des sanctions applicables.

A.6.2. Pour le Conseil des ministres, dès lors que le Roi pouvait intervenir par délégation du législateur, a fortiori ce dernier peut-il le faire lui-même; il en est d'autant plus ainsi en considération de l'intérêt supérieur poursuivi - la protection de la santé publique - comme de l'exécution qui doit être donnée, sur le plan interne, à la directive 98/43/CE du 6 juillet 1998.

Par ailleurs, si le législateur a également réglementé le parrainage et les produits dérivés - et pas seulement la publicité -, c'est afin de se conformer à la directive précitée. Pour le législateur interne comme pour le législateur communautaire, le parrainage est intimement lié à la publicité et n'en est en définitive qu'une des formes. Les produits sont toutefois différents, ce qui justifie qu'ils puissent être traités différemment.

Enfin, en ce qui concerne la sévérité différente des sanctions, la gravité du problème - tant sur le plan de la santé que de son coût pour la sécurité sociale - justifie que les sanctions aient été alourdies; il est relevé que cette sanction renforcée est conforme à l'article 4 de la directive précitée.

A.7.1. Dans l'affaire portant le numéro 1388 du rôle, les parties requérantes allèguent que l'article 3 de la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer, en ce qu'il introduit dans la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs un paragraphe 2bis, 3, est discriminatoire à un double égard : cette disposition discrimine les requérantes par rapport aux personnes qui commercialisent et promeuvent, d'une part, des produits concurrents et, d'autre part, des produits du tabac, la publicité restant en effet possible dans certains cas en ce qui concerne ces derniers.

A.7.2. Pour le Conseil des ministres, la réalisation de l'objectif de santé publique poursuivi - protégé tant par la Constitution que par le Traité de Rome - impliquait nécessairement que soit également visée la publicité indirecte opérée par le biais des produits de diversification, laquelle apparaît encore plus nocive à certains égards que la publicité directe.

A.8.1. Dans l'affaire portant le numéro 1390 du rôle, les parties requérantes allèguent une double discrimination. D'une part, la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer discrimine les organisateurs de manifestations sportives principalement financées par le tabac par rapport à ceux organisant des manifestations financées par d'autres sponsors; d'autre part, elle traite, à tort, de façon identique les manifestations organisées au niveau mondial ou international et celles qui le sont à un niveau plus restreint, national ou local.

Sur le plan de la pertinence, les requérants contestent, sur le plan scientifique, le lien nécessaire opéré entre la publicité pour le tabac et le tabagisme; en outre, les mesures en cause ne seraient pas de nature à faire diminuer réellement la pression publicitaire sur le citoyen belge, spectateur de compétition automobile, dès lors qu'il suivra les compétitions qui remplaceront celles se tenant auparavant en Belgique (dont le Grand Prix de Spa-Francorchamps) sur des chaînes de télévision étrangères, à l'égard desquelles ne s'applique pas l'interdiction en cause.

D'autre part, sur le plan de la proportionnalité, les requérants critiquent, en le détaillant, le coût économique et social et les atteintes à la liberté d'expression, à la liberté de commerce et d'industrie et à la loyauté fédérale qui résultent de la loi.

A.8.2. Pour le Conseil des ministres, la loi n'a pas pour objet de réglementer l'organisation de compétitions sportives et son éventuel effet néfaste résulte en particulier du fait que les requérants s'abstiennent de rechercher d'autres sponsors. Au regard de l'objectif poursuivi, il est justifié de viser les compétitions financées par l'industrie du tabac, sans que ne puissent raisonnablement être distinguées, selon leur importance, les diverses compétitions.

L'interdiction de la publicité pour le tabac accompagne un ensemble d'autres mesures de santé publique visant à limiter les conséquences négatives graves résultant de la consommation du tabac : politique visant à déconseiller la consommation du tabac - orientée en particulier vers les jeunes -, limitation du nombre de lieux où il est autorisé de fumer ou encore aide apportée aux personnes désireuses d'arrêter de fumer. Par ailleurs, le Conseil des ministres étaye l'efficacité de la mesure sur le plan scientifique par diverses études, nationales et internationales, et par l'exposé du taux de mortalité imputable au tabac.

Il souligne en outre que la Belgique n'a fait que se conformer à la directive européenne du 6 juillet 1998, laquelle interdit aussi - au plus tard au 30 juillet 2001 - toute forme de publicité ou de parrainage. Celle-ci permet d'ailleurs aux Etats de la transposer plus rapidement et d'être plus stricts et, à l'inverse, encadre de façon restrictive les hypothèses dans lesquelles l'entrée en vigueur peut être différée. Le fait pour le législateur belge de ne pas avoir utilisé cette faculté de dérogation temporaire ne peut être considéré comme fautif.

La diminution de la pression publicitaire sur le citoyen belge est estimée bien réelle dès lors que, notamment des « Grands Prix » sont organisés dans des pays interdisant également la publicité pour le tabac et que, par ailleurs, la législation européenne interdit la publicité pour le tabac à la télévision.

Quant au coût économique chiffré par les parties requérantes à 1,15 milliard de francs, il est contesté par le Conseil des ministres, lequel relève que, en toute hypothèse, ce coût doit être mis en balance avec les divers coûts, bien supérieurs, liés au tabagisme, sur le plan de la santé publique comme sur le plan social et financier.

Moyens pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec le principe de la liberté de commerce et d'industrie A.9.1. Ce moyen est invoqué dans l'ensemble des recours, moyennant parfois certaines spécificités (notamment la combinaison avec l'article 23 de la Constitution ou le droit des marques).

Il est allégué que diverses activités sont affectées de façon discriminatoire par la loi en cause, étant rendues impossibles ou difficilement praticables, à l'inverse d'activités qui leur sont comparables : les organisateurs de compétitions de sport automobile par rapport aux organisateurs d'autres événements sportifs et culturels; les organisateurs de manifestations sportives financées par l'industrie du tabac par rapport à celles qui ne le sont pas; les fabricants comme les journaux et périodiques belges par rapport aux étrangers; les commerces autres que ceux de tabac et de journaux; les prestataires de services et les « supports » (médias, organisateurs de manifestations, afficheurs, etc.) de communications commerciales par rapport aux autres agents économiques; les producteurs de biens de marques liées au tabac (produits dits « de diversification ») par rapport à ceux qui ne le sont pas.

Le défaut de pertinence des mesures contestées au regard de l'objectif de santé publique allégué, de même que leur défaut de proportionnalité, notamment leur caractère prématuré au regard des délais de transposition permis par la directive européenne, sont également invoqués dans le cadre de ce moyen.

A.9.2. Outre l'argumentation générale développée en réponse aux moyens pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution considérés isolément (cf. supra A.8.2, alinéas 2 à 4), le Conseil des ministres souligne le fait que la liberté de commerce et d'industrie n'est pas une liberté absolue, le législateur pouvant dès lors la limiter pour des motifs tirés, comme en l'espèce, de la santé publique.

A.9.3. S'agissant des restrictions qu'apporterait la loi en cause à l'organisation de compétitions sportives, le Conseil des ministres fait référence aux manifestations organisées dans d'autres pays où s'applique la même interdiction ainsi qu'à l'existence d'autres sponsors que l'industrie du tabac, auxquels recourent déjà un certain nombre de sports autres que le sport automobile.

Le Conseil des ministres s'interroge en outre quant aux démarches qui sont réellement entreprises par les parties requérantes dans les affaires portant les numéros 1321, 1332 et 1389 du rôle pour trouver d'autres sponsors que l'industrie du tabac.

A.9.4. En ce qui concerne l'exception dont bénéficient les journaux et périodiques - et dès lors les fabricants - étrangers, elle se justifie, d'une part, par le respect de la directive et de la jurisprudence européennes et, d'autre part, par le constat que, dès lors que ces journaux et périodiques comportent peu ou pas de publicité pour le tabac, l'interdiction de leur diffusion aurait constitué une atteinte excessive à la liberté de la presse. En ce qui concerne les communications télévisées, il est relevé en outre que la directive « Télévision sans frontières » interdit la publicité pour le tabac et les produits du tabac, y compris dès lors pour quasi toutes les chaînes susceptibles d'être reçues en Belgique.

A.9.5. En ce qui concerne l'exception dont bénéficient les commerces de tabac et de journaux, le Conseil des ministres relève que, dès lors qu'il s'agit de commerces où l'on vend uniquement - ou dans une large mesure - du tabac, l'exception instituée en leur faveur ne risquait pas de contaminer une autre clientèle que celle déjà acquise au tabac, à l'inverse de l'hypothèse, différente, de la vente du tabac en grande surface. Par ailleurs, il est relevé que la même exception est prévue par l'article 5 de la directive du 7 juillet 1998.

A.9.6. En ce qui concerne enfin les restrictions apportées au droit de faire de la publicité en faveur des produits de diversification liés au tabac, le Conseil des ministres allègue que l'objectif a été de ne viser que les marques pour lesquelles le tabac représentait une place dominante dans la gamme de leurs produits, le projet originaire de l'article 3 de la loi étant d'ailleurs plus contraignant. Les critères retenus sont objectifs et l'interdiction qui en résulte est proportionnée à l'objectif, essentiel, de protection de la santé publique qui est poursuivi.

Moyens pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 19 de la Constitution et l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme A.10.1. Ce moyen est invoqué dans l'ensemble des recours, le recours dans l'affaire portant le numéro 1388 du rôle combinant en outre avec les dispositions précitées l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Selon les parties requérantes, l'article 19 de la Constitution et l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'homme, protègent la liberté d'opinion et d'expression et s'appliquent à tout type de message, en ce compris l'expression d'un message commercial.

Les parties requérantes allèguent que diverses catégories de personnes sont, de façon discriminatoire, privées du bénéfice des libertés précitées; selon elles, les motifs tirés de la protection de la santé publique ne peuvent justifier de telles atteintes eu égard au caractère inadéquat et absolu - donc excessif - des interdictions en cause. Il s'agit tout d'abord des personnes exprimant ou recevant les messages commerciaux relatifs aux produits à base de tabac, à l'inverse de ce qu'il en est pour les autres produits. Il s'agit ensuite des propriétaires de marques devant leur notoriété à un produit du tabac, des titulaires de licences portant sur ces produits et des agents publicitaires chargés de les promouvoir qui se voient interdire de faire de la publicité quant à ces produits, contrairement aux autres marques.

A.10.2. En ce qui concerne la publicité en faveur de ces produits de diversification, les parties requérantes contestent tout d'abord que celle-ci ait pour objet de faire de la publicité indirecte en faveur du tabac. Par ailleurs, dès lors qu'est scientifiquement contestée l'incidence de la publicité directe en faveur du tabac sur la consommation de celui-ci, a fortiori l'effet à cet égard de la publicité en faveur de produits de diversification est, lui, tout à fait contestable; sur le plan de la proportionnalité, les parties requérantes soulignent que l'interdiction touchant les produits de diversification s'avère plus stricte que celle relative aux produits du tabac, dès lors que ne sont pas applicables aux premiers les exceptions dont bénéficient les seconds. Est en outre relevée l'existence de codes de bonne conduite, destinés à éviter tout risque de confusion entre les produits de diversification, et leur publicité, et les produits du tabac.

Il s'ensuit que l'interdiction en cause ne peut être estimée comme « nécessaire dans une société démocratique » au sens de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme; le fait que la directive européenne ait autorisé les Etats membres à admettre cette publicité plaide dans le même sens.

A.11. Outre l'argumentation générale développée au sujet du moyen pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, considérés isolément (cf. supra A.8.2, alinéas 2 à 4), le Conseil des ministres souligne que les dispositions visées au moyen ne donnent pas à la liberté d'expression un caractère absolu et ne s'opposent pas à la réglementation, voire l'interdiction, de la publicité commerciale. La loi en cause reste dans les limites qu'assigne l'article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme aux restrictions pouvant être apportées à la liberté d'expression, en particulier eu égard à l'objectif de santé publique poursuivi.

Le Conseil des ministres rappelle que la directive 89/622/CEE impose de faire figurer sur les produits du tabac la mention « (le tabac) nuit gravement à la santé »; il souligne également que les directives « Télévision sans frontières » des 3 octobre 1989 et 30 juin 1997 ont prévu l'interdiction totale de la publicité télévisée pour les produits du tabac. Il relève enfin que la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer a laissé un temps d'adaptation suffisant - notamment pour trouver des sponsors de substitution - dès lors qu'elle n'est entrée en vigueur que plus d'un an après son adoption.

Moyens pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 16 de la Constitution et/ou l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme A.12.1. Les parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 1388 du rôle allèguent que l'article 7, § 2bis, 3, inséré dans la loi du 24 janvier 1977 par l'article 3 de la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer, a pour effet de priver la requérante Worldwide Brands Inc. (en abrégé W.B.I.), société de droit de l'Etat du Delaware, de son droit de propriété sur les marques qu'elle détient aux fins de sa stratégie de diversification, en vidant de toute substance ce droit. Il est relevé qu'il s'agit d'une dépossession complète et définitive, réalisée sans juste indemnité.

La partie requérante dans l'affaire portant le numéro 1391 du rôle invoque quant à elle la violation du seul article 1er du Premier Protocole additionnel. Selon elle, la notion de propriété a été interprétée par la Cour européenne comme visant le patrimoine, c'est-à-dire les intérêts économiques d'une personne; dès lors que la loi affecte de façon substantielle l'activité économique des différents acteurs qui vivent des manifestations sportives, elle réalise une ingérence dans leur droit de propriété.

Pour les requérants dans ces deux affaires, les dispositions qu'ils contestent violent le principe général du respect de la propriété consacré par l'article 1er du Premier Protocole additionnel, et le juste équilibre qu'impose ce principe entre l'intérêt général et les droits fondamentaux de l'individu. Si la légitimité du but de protection de la santé publique poursuivi par la loi en cause n'est pas contestable, par contre l'interdiction de publicité qu'elle édicte est à la fois inadéquate et disproportionnée.

A.12.2. Pour le Conseil des ministres, à supposer que l'on puisse parler de propriété pour le droit intellectuel que constitue une marque, il y a lieu de constater que la loi en cause n'opère qu'une restriction limitée d'usage, la commercialisation des produits visés n'étant pas restreinte.

En ce qui concerne le dommage subi par les acteurs économiques intervenant dans le cadre des manifestations sportives, le Conseil des ministres relève qu'il est imputable à des tiers - les autorités mondiales du sport automobile - et que, en toute hypothèse, il n'existe pas de droit subjectif à ce qu'une législation n'évolue pas, en particulier lorsque l'évolution est motivée par des impératifs de santé publique.

Moyens pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 25 de la Constitution et l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme A.13.1. Ce moyen est allégué, d'une part, dans les affaires portant les numéros 1386 et 1387 du rôle (quatrième et cinquième moyens) et, d'autre part, dans le mémoire en intervention de l'a.s.b.l. Fédération nationale des hebdomadaires d'information, actuellement la Fédération belge des magazines (premier et cinquième moyens).

Selon les parties requérantes, l'article 3 de la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer, en interdisant de façon générale la publicité, notamment par la voie de la presse, en faveur des produits de tabac et des marques devant leur notoriété à des produits de tabac - alors qu'une telle interdiction ne s'applique pas aux autres produits, notamment ceux d'égale nocivité, tel l'alcool -, prive les personnes qu'il vise du droit à la liberté de la presse, sans que cette mesure n'apparaisse ni adéquate ni proportionnée au but de protection de la santé publique poursuivi.

Par ailleurs, en prévoyant des sanctions pénales plus rigoureuses pour la publicité pour les produits du tabac que pour les autres denrées régies par la loi du 24 janvier 1977 et en dérogeant, dans ce seul cas, au régime de responsabilité en cascade prévu par l'article 25 de la Constitution, l'article 4 de la même loi prive de façon discriminatoire les éditeurs du bénéfice de ce régime de responsabilité.

A.13.2. Pour le Conseil des ministres, il y a lieu de distinguer la liberté de la presse, couverte par l'article 25 de la Constitution, de la liberté d'expression, couverte quant à elle par l'article 10 de la Convention européenne.

Si la publicité commerciale entre dans le champ d'application de la liberté d'expression, elle n'entre pas, à l'inverse, dans celui de la liberté de la presse, laquelle s'analyse comme « le droit de quiconque de traduire sa pensée dans un écrit imprimé et de la diffuser auprès de l'opinion »; la publicité commerciale ne peut raisonnablement être considérée comme s'apparentant à la liberté de pensée.

L'article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme précise que la liberté d'expression peut faire l'objet de mesures nécessaires à la protection de la santé publique, dont il n'est pas contesté que tel soit le cas en l'espèce. Quant à la proportionnalité des mesures au regard de cet objectif, le Conseil des ministres souligne, d'une part, le détournement systématique des mesures antérieurement prises en la matière ayant conduit à la nécessité d'une interdiction stricte de toute publicité pour le tabac, et, d'autre part, le fait que cette interdiction s'inscrit dans le droit fil des législations adoptées tant, sur le plan interne, dans les autres pays européens et aux Etats-Unis que sur le plan européen.

Moyens pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec les articles 30 à 36 et 59 à 66 du Traité instituant la Communauté européenne A.14.1. Ce moyen est invoqué dans les affaires portant les numéros 1321, 1332, 1389 (troisième moyen), 1388 (troisième et quatrième branches du premier moyen) ainsi que 1391 (quatrième moyen) du rôle.

A.14.2. Plusieurs catégories de personnes sont désignées comme étant privées, de façon discriminatoire, du bénéfice des dispositions européennes citées au moyen.

A.14.3. Les personnes qui offrent des espaces publicitaires pour le tabac (à savoir les organisateurs de manifestations sportives) sont privées du droit à la libre prestation de service - que constitue la publicité -, à l'inverse des autres prestataires de services (affaires portant les numéros 1321, 1332 et 1389 du rôle); plus généralement, les prestataires de services (agences de publicité, etc.) et les « supports » de communication commerciale (médias, organisateurs de manifestations, etc.) sont privés du droit à la libre prestation de ce service, à l'inverse des autres prestataires de services. Les propriétaires de marques devant leur notoriété à un produit du tabac, les titulaires de licences portant sur ces produits et les agents publicitaires chargés de les promouvoir se voient interdire de faire de la publicité quant à ces produits, contrairement à ce qu'il en est en ce qui concerne les autres marques.

A.14.4. En ce qui concerne l'atteinte à la libre circulation des marchandises, l'interdiction faite aux opérateurs économiques de faire de la publicité pour le tabac aura pour effet de diminuer la consommation des produits du tabac, et donc d'entraver l'importation de ces produits; cela implique une violation de l'article 30 du Traité C.E., prohibant les mesures d'effet équivalent à des restrictions quantitatives. L'interdiction en cause ne peut être justifiée par l'article 36 du même Traité - qui fait de la protection de la santé publique une cause de justification -, dès lors qu'elle est à la fois inefficace au regard de ce but et disproportionnée, des moyens moins restrictifs, tels que l'information du consommateur, permettant en effet d'atteindre ce but.

A.15.1. Après avoir relevé que la loi en cause n'a pas pour objet de limiter la production ou la circulation des produits à base de tabac, le Conseil des ministres souligne l'importance de la santé au regard du droit communautaire, en relevant notamment que l'article 129 A.I.b. prévoit que la Communauté contribue à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine.

A.15.2. Se référant à la jurisprudence introduite par l'arrêt Keck et Mithouard, le Conseil des ministres relève que l'interdiction de publicité en cause s'analyse comme une modalité de vente au sens de cette jurisprudence - modalité frappant de manière égale tant les produits importés que les produits nationaux -, laquelle ne viole dès lors pas l'article 30 du Traité C.E. A supposer même que la Cour estime qu'il s'agit d'une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative, le Conseil des ministres observe que la protection de la santé publique constitue une cause de justification admise par les articles 36 et 56 du Traité ainsi qu'une exigence impérative au sens de la jurisprudence de la Cour de justice.

En ce qui concerne l'exception dont bénéficient les journaux étrangers comportant des publicités pour le tabac, le Conseil des ministres observe, d'une part, que celle-ci a été prévue afin de respecter la jurisprudence de la Cour de Justice et, d'autre part, que cette dernière admet les discriminations à rebours qu'induit ladite exception.

En ce qui concerne enfin la question préjudicielle que la partie requérante dans l'affaire portant le numéro 1391 du rôle demande de poser à la Cour de justice, il y est répondu, selon le Conseil des ministres, dans les directives 98/43/CE et 89/552/CEE, notamment quant à la non-utilisation, par le législateur belge, des délais autorisés par la directive 98/43/CE, lesquels s'analysent en effet comme des délais maximums en vertu de l'article 6, paragraphe 1, de cette directive.

Moyen pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle et la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques A.16.1. Les parties requérantes dans l'affaire portant le numéro 1388 du rôle allèguent que l'article 3 de la loi viole les dispositions internationales visées au moyen, en ce qu'il aboutit, en fait, à prévoir pour les produits de diversification un motif de refus d'enregistrement - auquel il y a lieu, selon les requérantes, d'assimiler l'interdiction d'usage - autre que ceux limitativement déterminés par ces dispositions internationales.

A.16.2. Selon le Conseil des ministres, les dispositions internationales précitées ne visent pas les restrictions à l'usage d'une marque, mais seulement celles relatives à son enregistrement; en outre ces dispositions autorisent des limitations découlant de l'ordre public, ce dont relève sans conteste le domaine de la santé publique.

Mémoires complémentaires déposés par les parties A.17. Dans les affaires portant les numéros 1321 et 1332 du rôle, l'association sans but lucratif requérante expose que le parrainage de l'épreuve dite « Superbiker » par les cigarettiers a déjà atteint un montant de 1.400.000 francs, que la disparition de ce parrainage affecte la rentabilité de cette épreuve, alors que son succès est déterminant pour le maintien, à terme, des activités de l'association sans but lucratif.

A.18. Dans les affaires portant les numéros 1386 et 1387 du rôle, les parties requérantes allèguent, d'une part, une perte directe d'un montant de trois milliards pour l'industrie de la publicité, ainsi que la disparition de quatre cents emplois dans ce secteur ainsi que, d'autre part, la mise en cause de la viabilité d'événements culturels et sportifs de renommée internationale, au nombre desquels sont cités les « Gentse Feesten », le Championnat du Monde de Formule 1 ainsi que le rallye d'Ypres.

En recourant à trois exemples, les parties requérantes soulignent que l'interdiction de publicité et de parrainage a eu pour effet, selon le cas, de diminuer la qualité des pilotes qui sont engagés B et donc les résultats obtenus -, de supprimer la manche belge (à Gand) du Championnat du Monde de motocross; en outre, est exposée la situation d'une société, « Future World », qui perd en 1999, par rapport à 1998, la moitié de son chiffre d'affaires du fait de l'interdiction de parrainage édictée par la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer.

A.19. Dans l'affaire portant le numéro 1388 du rôle, les parties requérantes exposent que l'interdiction de publicité relative aux vêtements, chaussures, montres et bagages de la marque Camel a pour effet de diminuer substantiellement le montant des commandes de ces articles par les détaillants, de même que le chiffre d'affaires réalisé sur ces articles; ces réductions varient, selon le cas, de 10 à 60 p.c., avec une perte d'emploi cumulée estimée à quarante postes de travail. La requérante « Actual Media » subit pour sa part une perte de chiffre d'affaires estimée à dix millions de francs; la perte de recettes publicitaires pour les médias est de l'ordre de dix à quinze millions.

A.20. Dans l'affaire portant le numéro 1389 du rôle, l'association sans but lucratif requérante, organisatrice du Grand prix international de motocross, expose que l'interdiction de publicité et de parrainage a pour effet de réduire de 1.300.000 à 600.000 francs le montant investi par les sponsors, avec pour conséquence de diminuer le nombre de pilotes vedettes amenés à participer à l'épreuve précitée; il en est conclu que la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer entraînera « un préjudice financier important à brève échéance ».

A.21. Dans l'affaire portant le numéro 1390 du rôle, les parties requérantes soulignent, à titre préliminaire, que la disparition du sponsoring par le tabac, au delà du préjudice financier qui en résulte, affecte la mission de service public assumée par l'intercommunale que constitue le circuit de Spa-Francorchamps, qui consiste à favoriser le développement du tourisme, de l'économie et des sports mécaniques en Haute Ardenne; il est souligné que, avec la perte du Grand prix de Formule 1, c'est en quelque sorte la « vitrine » de la région qui disparaîtrait.

En limitant leur examen au seul impact de la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer sur l'organisation du Grand prix de Belgique de Formule 1, les parties requérantes examinent successivement le dommage subi par l'intercommunale précitée et celui subi par les pouvoirs publics qui y sont associés.

A.22.1. En ce qui concerne la perte financière qui serait subie par l'intercommunale du circuit de Spa-Francorchamps, celle-ci est examinée, d'une part, sur le plan de la diminution du chiffre d'affaires de l'intercommunale qu'occasionnerait la disparition du Grand prix précité, et, d'autre part, sur le plan du dommage particulier qu'occasionnerait l'annulation du Grand prix 1999.

A.22.2. S'agissant des pertes financières immédiates, il est exposé que le Grand prix de Formule 1 représente, au regard de l'ensemble de la saison sportive, 57 p.c. des spectateurs payants et qu'il génère 46 p.c. du chiffre d'affaires annuel; vu sa rentabilité très importante, le Grand prix permet de compenser le manque à gagner induit par d'autres épreuves et de financer, dans une très large proportion, les charges fixes. Sa disparition mettrait l'intercommunale dans « une situation extrêmement délicate, avec un risque réel que l'on débouche, à plus ou moins court terme, sur une faillite ».

S'agissant des pertes financières indirectes, il est relevé que, afin d'essayer de compenser les pertes précitées, l'intercommunale essaie de diversifier les activités organisées sur le circuit de diverses façons, et notamment en l'ouvrant à des essais privés; le succès de cette démarche auprès de cette clientèle nouvelle apparaît toutefois largement tributaire du fait que le circuit de Spa-Francorchamps reste l'un de ceux où se déroule une des seize épreuves du Championnat du Monde de Formule 1. Il est en outre relevé que d'autres épreuves qui accompagnent la Formule 1 ou doivent se courir sur un circuit homologué F1 quitteront également le circuit en cas de suppression du Grand prix.

A.22.3. En ce qui concerne le préjudice spécifique qu'occasionnerait l'annulation du Grand prix 1999, les billets déjà achetés B pour un montant, au 9 avril 1999, de 250 millions de francs B devraient être remboursés aux spectateurs par la s.p.r.l. Spa Activities, avec le risque que cette dernière n'agisse en justice contre l'intercommunale en vue d'obtenir la réparation de son préjudice; d'autres sommes risquent en outre d'être réclamées. A cet égard, il est relevé que, en 1985, le Grand prix a été, non pas supprimé, mais déplacé et a donné lieu à une procédure en justice, non close à ce jour, dans le cadre de laquelle l'une des parties réclame l'indemnisation d'un préjudice estimé à près de 150 millions de francs.

A.23. En ce qui concerne le dommage que subiraient la province de Liège, sa fédération du Tourisme ainsi que les villes de Spa, Malmédy et Stavelot, il est relevé que ces différents pouvoirs publics sont membres associés de l'intercommunale et qu'ils subiraient dès lors également le préjudice financier que subirait celle-ci; en cas de cessation d'activités, les investissements réalisés par ces autorités seraient perdus ou, à tout le moins, le profit espéré ne serait pas obtenu. En cas d'impossibilité pour l'intercommunale d'honorer ses dettes, les autorités précitées devraient intervenir en garantie pour un montant cumulé de plus de 60 millions de francs.

S'agissant des sommes investies ou des recettes qui disparaîtraient, les chiffres suivants sont exposés. S'agissant de la province de Liège, sa contribution est estimée, globalement, à plus ou moins 200 millions de francs. S'agissant de l'impact sur le tourisme dans cette province, il est estimé à plus ou moins 430 millions de francs, couvrant les dépenses d'hébergement, d'alimentation, de boissons et d'achat de souvenirs exposées durant la semaine durant laquelle le Grand prix a lieu. Enfin, les taxes provinciales et communales sont estimées, globalement, à une vingtaine de millions de francs.

Enfin, il est allégué qu'un certain nombre d'emplois saisonniers sont générés par le Grand prix, lesquels sont chiffrés à deux mille cinq cents.

A.24. Dans l'affaire portant le numéro 1391 du rôle, le Gouvernement wallon relève, outre certains des points déjà exposés ci-dessus, que le Grand Prix est l'événement qui attire le plus de téléspectateurs en Belgique (de l'ordre de deux cent mille), qu'il génère 1,15 milliard de francs de retombée financière pour l'économie de la province de Liège et près de six mille emplois permanents. D'autres épreuves, comme les 24 heures de Francorchamps, attirent également plusieurs dizaines de milliers de spectateurs. Il souligne en outre que des investissements considérables ont été opérés dans le circuit de Spa-Francorchamps B de l'ordre de 2 milliards de francs -, dont près de 400 millions de francs par la Région wallonne et la Communauté française depuis 1989.

A.25.1. Les parties intervenantes a.s.b.l. Fédération belge des magazines et autres relèvent quant à elles que la santé économique de la presse dépend presque entièrement des recettes qu'elle peut retirer de la publicité, ce qui avait d'ailleurs été souligné durant les travaux préparatoires; chiffrant les recettes de publicité (plus ou moins 9,5 milliards de francs) à près de 40 p.c. du chiffre d'affaires réalisé par le secteur de la presse quotidienne, leur maintien apparaît dès lors indispensable à la survie de ce secteur.

A.25.2. Dans ces recettes publicitaires, la publicité en faveur des produits du tabac représente de l'ordre de 170 à 200 millions de francs, soit 2,5 p.c. des recettes totales de la publicité.

Les parties intervenantes en soulignent l'importance pour la viabilité du secteur en comparant ces recettes publicitaires avec le montant des subsides d'exploitation versés à la presse par les pouvoirs publics, lesquels tournent autour de 95 millions de francs; il est avancé que le fait que les pouvoirs publics estiment nécessaire d'aider la presse écrite indique bien qu'ils sont convaincus que cette aide est nécessaire pour garantir la santé financière de ce secteur; or, l'interdiction de publicité en cause génère une perte deux ou trois fois plus importante que le montant de cette subvention, d'autant plus qu'il s'agit de pertes quasi nettes, les coûts liés à cette publicité étant pris en charge par les agences de publicité et les fabricants.

Par ailleurs, les parties intervenantes estiment que la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer fera perdre une centaine d'emplois dans le secteur.

Enfin, il est établi que n'existe aucune possibilité de trouver des recettes compensatoires, contrairement à ce qu'allègue le Conseil des ministres.

A.26. La partie intervenante a.s.b.l. Automobielclub Targa Florio est quant à elle organisatrice des « 24 heures d'Ypres » qui se tiennent à la fin du mois de juin. Sur un budget global de 25 millions de francs, l'apport financier du cigarettier Marlboro est de 14 millions de francs, perte à laquelle il faut ajouter une réduction du nombre de spectateurs, liée à la baisse de niveau des pilotes, chiffrable à trois millions de francs : le préjudice est donc de 17 millions de francs, non compensable, en sorte telle que « l'avenir de la manifestation est donc très gravement hypothéqué par la loi, voire rendu impossible ». - B - Les dispositions attaquées B.1. Les parties requérantes demandent l'annulation de la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer « interdisant la publicité pour les produits du tabac »; selon le cas, elles demandent l'annulation de la loi dans son intégralité ou limitent leurs recours à certaines de ses dispositions.

Cette loi comprend six articles. L'article 1er précise qu'est réglée une matière visée à l'article 78 de la Constitution. Les autres articles énoncent : «

Art. 2.A l'article 7, § 2, de la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, modifié par la loi du 22 mars 1989, les mots g concernant le tabac, les produits à base de tabac et les produits similaires, ainsi que la publicité ' sont supprimés.

Art. 3.L'article 7 de la même loi est complété par un § 2bis, libellé comme suit : ' § 2bis. 1° Il est interdit de faire de la publicité pour et du parrainage par le tabac, les produits à base de tabac et les produits similaires, ci-après dénommés produits de tabac.

Est considérée comme publicité et parrainage, toute communication ou action qui vise, directement ou indirectement, à promouvoir la vente, quels que soient l'endroit, le support ou les techniques utilisés. 2° L'interdiction visée au 1° ne s'applique pas à : - la publicité pour les produits de tabac faite dans des journaux et périodiques étrangers, sauf lorsque cette publicité ou l'importation de ces journaux ou périodiques a pour objet principal de promouvoir les produits de tabac sur le marché belge; - la publicité fortuite pour les produits de tabac faite dans le cadre de la communication au public d'un événement qui se déroule à l'étranger, sauf lorsque cette publicité ou la communication au public de cet événement a pour objet principal de promouvoir les produits de tabac sur le marché belge; - l'affichage de la marque d'un produit de tabac à l'intérieur et sur la devanture de magasins de tabac et de magasins de journaux qui vendent des produits de tabac. 3° Il est interdit d'utiliser une marque qui doit principalement sa notoriété à un produit de tabac à des fins publicitaires dans d'autres domaines, tant que la marque est utilisée pour un produit de tabac. Cette disposition ne déroge pas au droit des sociétés à faire de la publicité pour des produits de leur marque déposée qui ne sont pas des produits de tabac, à condition : a) que le chiffre d'affaires afférent aux produits de tabac commercialisés sous la même marque déposée, même par une autre entreprise, n'excède pas la moitié du chiffre d'affaires afférent aux produits autres que le tabac de la marque en question, et b) que cette marque ait été déposée à l'origine pour des produits qui ne sont pas des produits de tabac.'

Art. 4.A l'article 15 de la même loi, les modifications suivantes sont apportées : 1° Au § 2, 2° après les mots ' et § 2 ' les mots ' relatives à la publicité concernant l'alcool et les boissons alcoolisées ' sont ajoutés.2° Il est ajouté un § 3, libellé comme suit : ' § 3.Est puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de dix mille à cent mille francs ou de l'une de ces peines seulement, celui qui enfreint les dispositions de l'article 7, § 2bis, de la présente loi, ou les arrêtés d'exécution de l'article 7, § 2, relatifs aux produits de tabac.

Cette disposition s'applique également aux éditeurs, imprimeurs et en général à toutes les personnes qui assurent la diffusion de la publicité ou le parrainage. '

Art. 5.L'arrêté royal du 20 décembre 1982 relatif à la publicité pour le tabac, les produits à base de tabac et les produits similaires, modifié par l'arrêté royal du 10 avril 1990, est abrogé.

Art. 6.La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1999, à l'exception de l'article 4 qui entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge. » En ce qui concerne la recevabilité B.2.1. Le Conseil des ministres conteste la recevabilité de certains recours, en invoquant, d'une part, le défaut de personnalité juridique de la partie requérante dans les affaires portant les numéros 1321 et 1332 du rôle et, d'autre part, l'absence de l'intérêt requis pour agir devant la Cour (exception soulevée dans toutes les affaires hormis les affaires portant les numéros 1388 et 1391 du rôle).

B.2.2. En ce qui concerne le non-respect, par l'a.s.b.l. Royal Union Motor Entre-Sambre-et-Meuse - Mettet, des formalités prescrites par la loi du 27 juin 1921Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/06/1921 pub. 19/08/2013 numac 2013000498 source service public federal interieur Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur les associations sans but lucratif, il ressort des pièces déposées par cette partie requérante en annexe à son mémoire en réponse que lesdites formalités ont été respectées; la première exception soulevée par le Conseil des ministres est rejetée.

B.2.3. En ce qui concerne le défaut d'intérêt dans le chef de certaines parties requérantes, la Cour observe que celles-ci, selon le cas, organisent des manifestations sportives financées, notamment, par des recettes provenant de la publicité et du parrainage visés par la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer, ou bénéficient de l'organisation desdites manifestations. Leur situation est dès lors susceptible d'être affectée directement et défavorablement par les interdictions de publicité portées par la loi précitée; la seconde exception soulevée par le Conseil des ministres est rejetée.

B.2.4. Les recours sont recevables.

Quant aux objectifs poursuivis par la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer B.3.1. Il ressort des travaux préparatoires que l'objectif principal poursuivi par le législateur est la protection de la santé publique : en considération de la mortalité liée à l'usage du tabac - en toute hypothèse, de sa nocivité pour la santé -, le législateur entend contribuer, par les mesures attaquées, à une réduction de la consommation du tabac et, à tout le moins, limiter l'apparition de nouveaux consommateurs, surtout parmi les jeunes, jugés particulièrement sensibles à la publicité faite en faveur du tabac. Le législateur entend également réagir face aux coûts social et financier importants causés par la consommation du tabac; enfin, le législateur, pour réaliser les objectifs précités, a estimé nécessaire de prendre de nouvelles mesures afin de rendre la réglementation plus efficace.

Ainsi a-t-il été relevé, s'agissant de ces différents objectifs : « La nocivité des produits du tabac ne peut plus être mise en doute.

Le tabac est responsable de diverses affections graves telles que différents types de cancer, des maladies du cur, la bronchite, l'emphysème, l'asthme, Y On estime que le tabac est responsable de quelque 13.000 décès par an dans notre pays et de 450.000 dans l'ensemble de la Communauté européenne. » (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 346/1, p. 1) « La présente proposition de loi tend, à long terme, à contribuer à une réduction progressive de la consommation du tabac. A cet égard, notre souci majeur est d'éviter que les fabricants de tabac ne trouvent de nouveaux consommateurs par le biais de la publicité. » (ibid., p. 3) « L'industrie du tabac consacre des sommes importantes à la publicité dans les médias et au parrainage d'activités sportives et culturelles et ce, surtout en vue de trouver de nouveaux consommateurs. Il est en effet impératif qu'elle attire sans cesse de nouveaux fumeurs potentiels en vue de maintenir des débouchés suffisants. Il n'y a dès lors rien d'étonnant à ce que la publicité s'adresse spécialement aux jeunes. Il est en effet notoire que la grande majorité des fumeurs débutants sont des jeunes, et c'est là un facteur dont les publicitaires tiennent compte. » (ibid., p. 2) « A ceux qui, à cet égard, ne manqueront sans doute pas d'évoquer l'intérêt économique de l'industrie du tabac dans notre pays, nous répondrons que cet intérêt ne contrebalance aucunement les dommages considérables que la consommation du tabac peut causer à la santé de la population et à l'économie (dépenses médicales, pertes de production, etc.), dommages dont la réparation doit en outre être supportée par la collectivité. » (ibid., pp. 3-4) « L'autorité publique doit, dès lors, prendre ses responsabilités et interdire la publicité d'autant plus que l'INAMI consacre chaque année entre 65 et 150 milliards de francs en raison des conséquences du tabagisme. » (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 346/4, p. 2) « En Belgique, la publicité pour le tabac est actuellement réglementée par l'arrêté royal du 20 décembre 1982, modifié par l'arrêté royal du 10 avril 1990. Il est frappant de constater que la réglementation de 1982 s'est traduite par une forte augmentation de la publicité indirecte. Chacun a encore en mémoire la publicité faite pour toutes sortes d'autres produits tels que des allumettes ou des vêtements, et utilisant des noms de marques connues de produits à base de tabac. Le public ressent d'ailleurs ce type de publicité comme de la publicité pour les marques de tabac. La publicité indirecte a été explicitement interdite en 1990, mais cette interdiction ne touche que les produits.

Depuis lors, les marques de tabac sont utilisées dans des publicités pour divers services et manifestations. Il est tout à fait clair qu'il s'agit, en l'occurrence, d'un contournement de la loi. » (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 346/1, p. 2) B.3.2. Il ressort également des travaux préparatoires que les mesures attaquées ont été considérées comme s'intégrant dans un ensemble plus vaste de mesures de nature à réduire l'usage du tabac.

Ainsi a-t-il été relevé (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 346/4, p. 27) : « La lutte contre le tabagisme requiert un ensemble d'interventions parmi lesquelles l'éducation des enfants, les programmes de désintoxication des fumeurs, l'augmentation des prix et la recherche fondamentale sur les récepteurs à la nicotine, par exemple.» Quant au fond B.4. Les parties requérantes invoquent deux types de moyens : d'une part, des moyens pris de la violation de règles de compétence; d'autre part, des moyens pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, considérés, selon le cas, isolément ou en combinaison avec d'autres dispositions constitutionnelles ou de droit international, notamment des dispositions de droit communautaire européen.

En ce qui concerne la violation des règles de compétence B.5. Dans un premier groupe de moyens est alléguée la violation des articles 127 et 130 de la Constitution, de l'article 4, 6, de la loi spéciale du 8 août 1980 et de l'article 4, § 1er, de la loi du 31 décembre 1983Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/12/1983 pub. 11/12/2007 numac 2007000934 source service public federal interieur Loi de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone. - Coordination officieuse en langue allemande fermer.

B.6. La loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer a pour objet d'interdire la publicité pour les produits du tabac. La portée de cette interdiction et les exceptions à celle-ci, les sanctions destinées à en assurer le respect ainsi que les produits visés sont définis aux articles 2, 3 et 4 de la loi. Cette loi modifie les articles 7 et 15 de la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits.

Même si la loi contestée s'applique à la publicité pour le tabac opérée par la voie audiovisuelle, elle n'a ni pour objet, ni pour effet de régler la « radiodiffusion et la télévision » au sens où l'article 4, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 définit cette notion.

Le moyen pris de la violation de la disposition précitée et, partant, de l'article 4, § 1er, de la loi du 31 décembre 1983Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/12/1983 pub. 11/12/2007 numac 2007000934 source service public federal interieur Loi de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la Communauté germanophone n'est pas fondé.

B.7.1. Il est aussi allégué que la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer, en ce qu'elle interdit le parrainage par les produits du tabac et ceux qui leur sont assimilés, excéderait la compétence fédérale, dès lors que celle-ci a été définie par référence à la loi du 24 janvier 1977 et que celle-ci ne réglemente que la seule « publicité » en faveur du tabac.

B.7.2. Aux termes de l'article 5, § 1er, I, 2, de la loi spéciale du 8 août 1980, figure parmi les matières personnalisables, au titre de la politique de santé : « 2 l'éducation sanitaire ainsi que les activités et services de médecine préventive, à l'exception des mesures prophylactiques nationales. » Il ressort des travaux préparatoires de cette loi spéciale (Doc. parl, Sénat, 1979-1980, n 434-2, pp. 124-125; Chambre, 1979-1980, n 627-10, p. 52) que le législateur spécial a exclu du transfert de compétence, réalisé par la disposition précitée notamment, la matière de la « réglementation relative aux denrées alimentaires ».Cette appellation désignait l'objet de la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits. Cette loi incluait, à l'époque de l'élaboration de la loi spéciale, la réglementation de la publicité pour le tabac et les produits similaires. Il s'ensuit que le législateur fédéral est demeuré compétent pour réglementer la publicité concernant les produits du tabac et ceux qui leur sont liés par la marque utilisée.

B.7.3. Cette réserve de compétence s'étend également à la réglementation du parrainage par des produits du tabac.

La publicité et le parrainage ont en commun de tendre à promouvoir directement ou indirectement la vente des produits du tabac, de telle sorte que la connexité de ces mesures n'est pas contestable.

B.7.4. Il découle de ce qui précède que l'interdiction du parrainage par le tabac, les produits à base de tabac et les produits similaires, comme l'interdiction de la publicité relative à ces produits et à ceux de marques liées auxdits produits, relève de la compétence fédérale.

B.8. Les moyens pris de la violation des dispositions indiquées au B.5 ne sont pas fondés.

B.9.1. Plusieurs parties requérantes invoquent la violation des articles 39 et 143, § 1er, de la Constitution ainsi que la violation des articles 4, 9 et 10, (sport et tourisme) et 6, § 1er, VI et IX, (économie et emploi) de la loi spéciale du 8 août 1980.

B.9.2. Le législateur fédéral ne peut, en exerçant sa compétence en matière de réglementation de la publicité et du parrainage en faveur des produits du tabac, porter atteinte de façon excessive aux compétences attribuées aux communautés et aux régions par la Constitution ou en vertu de celle-ci, notamment en rendant l'exercice de celles-ci impossible ou exagérément difficile.

B.9.3. Ces parties requérantes n'établissent pas - et la Cour n'aperçoit pas - en quoi les communautés et régions, du fait de la loi attaquée, seraient empêchées d'exercer leurs compétences ni en quoi elles verraient l'exercice de ces compétences rendu exagérément difficile.

B.9.4. En ce que le moyen dénonce les conséquences de fait qui résultent de la loi et dont le Conseil des ministres conteste l'étendue pour justifier le caractère excessif de l'interdiction attaquée, il considère en réalité que les dispositions attaquées portent B en violation des articles 10 et 11 de la Constitution - une atteinte disproportionnée à la liberté de commerce et d'industrie.

Cette critique sera rencontrée lors de l'examen des moyens pris de la violation de ces dispositions constitutionnelles.

B.10. Enfin, quant à la violation alléguée du principe de loyauté fédérale, les parties requérantes ne donnent pas à cette critique un contenu différent des moyens examinés ci-dessus.

B.11. Il résulte de ce qui précède que les moyens pris du non-respect des règles de compétence ne sont pas fondés.

En ce qui concerne la violation du principe d'égalité et de non-discrimination considéré isolément B.12. S'agissant des personnes concernées par les interdictions de publicité en cause, et ce de façon discriminatoire par comparaison à d'autres, les parties requérantes désignent en particulier : les organisateurs de certaines compétitions financées par l'industrie du tabac par rapport aux organisateurs d'événements sportifs ou culturels financés autrement; les prestataires de services et les « supports » de communication commerciale relative aux produits du tabac par rapport aux agents économiques intervenant en faveur d'autres produits; les propriétaires de marques devant leur notoriété à un produit du tabac, les titulaires de licences portant sur ces produits et les agents publicitaires chargés de faire la publicité de ces produits, visés par la loi, contrairement aux autres marques, notamment concurrentes.

B.13.1. Au regard des objectifs poursuivis par le législateur, - en particulier ceux de protection de la santé publique et de prévention à l'égard des jeunes consommateurs -, il n'est pas dénué de pertinence d'interdire la publicité pour et le parrainage par les produits du tabac, et de ne pas le faire pour d'autres produits.

Sans mettre en cause la nocivité du tabac pour la santé, certaines parties requérantes contestent en réalité uniquement l'effet réducteur des interdictions attaquées sur la consommation du tabac.

La Cour observe que l'importance incontestée des budgets qui, selon les travaux préparatoires de la loi, sont consacrés à la publicité pour et au parrainage par des produits du tabac démontre que ces mesures de promotion sont prises dans la conviction qu'elles auront un effet important sur la vente des produits du tabac, et donc leur consommation.

Sans qu'il ne soit nécessaire de trancher l'incidence réelle - longuement discutée lors des travaux préparatoires - des interdictions attaquées sur la consommation des produits du tabac, il suffit de constater que n'est pas raisonnablement contestable le fait que ces interdictions sont de nature à contribuer sinon à une réduction du nombre de fumeurs, à tout le moins à la stabilisation de celui-ci, surtout parmi les jeunes; ce constat s'impose d'autant plus que, comme il a été relevé lors des travaux préparatoires, ces interdictions s'insèrent dans un ensemble de mesures, telle l'interdiction de fumer dans les lieux publics.

B.13.2. En ce que l'interdiction de publicité est étendue aux produits de marque qui doivent principalement leur notoriété à un produit du tabac, produits dits de diversification, la mesure est pertinente au regard des objectifs poursuivis par le législateur. En effet, quel que soit le but de la commercialisation de produits sous le nom de marque d'un produit de tabac connu, la publicité faite en faveur de ces produits a aussi pour effet de promouvoir la marque et s'analyse donc comme une forme indirecte de publicité en faveur des produits du tabac.

B.14.1. Des parties requérantes reprochent à la loi attaquée de n'avoir pas étendu aux produits de diversification du tabac les exceptions prévues au 2° de l'article 7, § 2bis, nouveau, de la loi du 24 janvier 1977.

B.14.2. La Cour doit préalablement examiner si les exceptions précitées peuvent être justifiées.

B.15.1. Il est difficilement praticable de vendre - dans une partie des cas comme source principale de recettes -, des produits du tabac sans l'annoncer, de telle sorte qu'une interdiction de publicité, dans les magasins de tabac et les magasins de journaux, aurait été difficilement justifiable à l'égard d'un produit dont la vente est libre.

La Cour observe par ailleurs que la directive 98/43/CE du 6 juillet 1998, en son article 3, paragraphe 5, prévoit une exception de même nature, en disposant qu'elle n'est pas applicable à « la présentation des produits du tabac mis en vente et à l'affichage de leur prix aux points de vente du tabac ».

B.15.2. En conclusion, cette exception à l'interdiction de publicité pour le tabac est justifiée.

B.16. Les exceptions relatives à la publicité faite dans les journaux et périodiques étrangers et dans le cadre de communications au public d'événements qui se déroulent à l'étranger, ne sont pas davantage dénuées de fondement. Outre les contraintes résultant de la libre circulation dans la Communauté européenne des marchandises et des services et les limites de sa propre compétence, le législateur a pu raisonnablement considérer, d'une part, que l'importation de journaux et de périodiques ou la communication d'événements se déroulant à l'étranger n'avaient pas pour objet, en tant que telles, de promouvoir la consommation du tabac B et a d'ailleurs omis de l'exception l'hypothèse inverse où tel serait le cas B, d'autre part, que l'impact de ces formes de publicité, s'agissant des médias écrits, était suffisamment limité pour pouvoir être négligé; par ailleurs, il a pu prendre en considération le fait que ces exceptions seraient amenées, à terme, à voir leur portée substantiellement réduite en ce qui concerne les autres Etats membres de l'Union européenne.

B.17. Par contre, en ce que la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer ne rend pas applicables, aux personnes auxquelles s'applique l'interdiction de publicité relative aux produits de marques liées au tabac, les exceptions dont bénéficient les personnes concernées par l'interdiction de publicité relative aux produits du tabac, le Conseil des ministres n'indique pas B et la Cour n'aperçoit pas B les motifs de nature à justifier la différence de traitement qui en résulte entre ces deux catégories de personnes.

Il s'ensuit que l'article 7, § 2bis, 3°, nouveau, de la loi du 24 janvier 1977, en ce qu'il ne prévoit pas, s'agissant des produits de marques liées aux produits du tabac, d'exceptions similaires à celles prévues au 2° de la disposition précitée, viole les articles 10 et 11 de la Constitution.

En ce qui concerne les conséquences de la mesure attaquée Quant à la violation des articles 10 et 11 de la Constitution lus en combinaison avec d'autres dispositions B.18. Les parties requérantes allèguent que les interdictions de publicité attaquées portent atteinte à plusieurs droits ou libertés fondamentaux garantis, selon le cas, par la Constitution, par la Convention européenne des droits de l'homme et par le Traité instituant la Communauté européenne; selon les parties requérantes, seraient ainsi affectés la liberté de commerce et d'industrie, la liberté d'expression, la liberté de la presse, le droit de propriété, la libre circulation des marchandises et des services ainsi que le droit des marques.

Le non-respect de ces libertés est invoqué soit pour étayer le caractère disproportionné de l'interdiction au regard des objectifs poursuivis par le législateur, soit au titre de libertés dont certaines catégories de personnes seraient privées de manière discriminatoire.

L'une et l'autre de ces démarches étant de nature à aboutir au même constat de violation ou de non-violation du principe d'égalité, la Cour les examinera ensemble.

Quant au principe de liberté de commerce et d'industrie B.19. Selon l'ensemble des parties requérantes, la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer rend impossibles ou difficilement praticables diverses activités, parmi lesquelles sont désignés certains commerces, l'activité publicitaire, l'édition de journaux ou de périodiques et l'organisation de manifestations sportives - en particulier les sports automoteurs.

B.20. La liberté de commerce et d'industrie ne peut être conçue comme une liberté absolue. Le législateur compétent peut être amené - que ce soit dans le secteur économique ou dans d'autres secteurs B à limiter la liberté d'action des personnes ou entreprises, ce qui aura nécessairement une incidence sur la liberté de commerce et d'industrie. Il ne violerait la liberté de commerce et d'industrie que s'il limitait cette liberté sans qu'existe une quelconque nécessité pour le faire ou si cette limitation était manifestement disproportionnée au but poursuivi.

B.21.1. La viabilité des commerces autres que les commerces de tabac et ceux qui vendent des produits de diversification mais qui vendent accessoirement du tabac et de tels produits ne dépend normalement pas des seules recettes liées à la publicité en faveur des produits du tabac. Cette publicité ne peut constituer un élément essentiel de l'exercice de cette activité.

La Cour rappelle que la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer soustrait dans une certaine mesure à l'interdiction de publicité les magasins de tabac et les magasins de journaux qui vendent des produits du tabac et que le principe d'égalité commande qu'il soit fait de même en ce qui concerne les commerces offrant en vente des produits de diversification.

Le législateur a donc pu raisonnablement ne pas prévoir de telles exceptions pour ces autres commerces.

B.21.2. En ce qui concerne l'incidence des mesures en cause sur le secteur de la publicité, les quatre requérants se réfèrent à une déclaration faite lors des travaux préparatoires par le représentant de l'industrie du tabac entendu en Commission de la Chambre (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 346/4, p. 21) : « Une interdiction éventuelle de la publicité pour le tabac ne sera pas directement préjudiciable à l'industrie du tabac mais bien plus aux entreprises publicitaires. Financièrement, on pourrait même dire que l'industrie du tabac sera même avantagée en raison du fait qu'elle ne devra plus investir dans la publicité. » L'incidence financière des mesures contestées pour le secteur de la publicité a été évaluée à 815 millions, soit 1,8 p.c. des dépenses totales de publicité (Doc. parl., Sénat, 1997-1998, n° 1-520/14, p. 17), sans que ce chiffre ne soit contesté par le secteur intéressé.

Si l'importance de cette perte financière pour le secteur - à supposer d'ailleurs que celle-ci atteigne effectivement l'évaluation précitée - ne peut être niée, il n'apparaît pas toutefois qu'elle affecte de façon disproportionnée la liberté de commerce et d'industrie. En effet, une perte moyenne de 1,8 p.c. du chiffre d'affaires ne peut être considérée comme mettant en cause la viabilité financière du secteur, d'autant plus qu'il n'est pas déraisonnable de considérer que celle-ci puisse être compensée, ne fût-ce qu'en partie, par d'autres marchés. La Cour observe que la mise en balance de la perte financière subie par le secteur avec l'importance des effets du tabac sur la santé n'aboutit pas au constat que les interdictions de publicité en cause seraient disproportionnées au regard du principe de liberté de commerce et d'industrie.

B.21.3. Cette même considération vaut pour le secteur de la presse écrite d'autant plus que la mesure attaquée perdrait toute efficacité si elle n'était pas applicable à ce secteur.

B.21.4. Il résulte de ce qui précède que les conséquences financières éventuelles subies par les secteurs de la publicité, de la presse écrite et par les commerces autres que ceux du tabac et des produits de diversification, ne peuvent être considérées comme portant une atteinte disproportionnée à la liberté de commerce et d'industrie.

B.22.1. Les parties requérantes soutiennent également que les interdictions de publicité pour et de parrainage par les produits du tabac rendent impossible l'organisation de manifestations - en particulier des sports automoteurs - actuellement financées ou parrainées par le secteur du tabac; certaines parties requérantes critiquent plus particulièrement le fait qu'un sort distinct n'ait pas été réservé aux manifestations de renommée mondiale et le fait que, pour celles-ci, il n'ait pas été fait usage de la faculté de reporter l'entrée en vigueur des interdictions précitées, faculté prévue par l'article 6, paragraphe 3, de la directive 98/43/CE du 6 juillet 1998.

B.22.2. Il y a lieu de vérifier si, par leurs effets, les interdictions en cause présentent un rapport raisonnable de proportionnalité avec les objectifs poursuivis.

B.22.3. A cet égard, il y a lieu de distinguer les événements et activités organisés au niveau mondial et les autres événements et activités.

B.23.1. Le législateur peut estimer que les pertes financières et les pertes d'emploi qui en résultent inévitablement ne sauraient en principe être disproportionnées, même si elles sont importantes, dès lors qu'elles sont le prix d'une mesure protégeant efficacement la santé. Il n'est d'ailleurs nullement tenu de faire usage de la simple faculté, prévue par la directive 98/43/CE du 6 juillet 1998, de différer l'entrée en vigueur de certaines dispositions de celle-ci.

Mais étant donné que les autres Etats membres de l'Union européenne peuvent faire usage de la faculté non exceptionnelle de différer en ce qui concerne le parrainage l'application de l'article 6, paragraphe 3, de la directive 98/43/CE du 6 juillet 1998 jusqu'à deux ans après le 30 juillet 2001, le risque allégué d'une délocalisation d'activités ou manifestations dont l'organisation ne relève pas d'une initiative nationale et se distingue par une portée mondiale ne peut être négligé, même si la Cour est consciente que certains utilisent ce risque pour faire pression sur l'autorité.

De telles manifestations ou activités sont vues surtout par voie de retransmission télévisée par un public extrêmement large, dont fait partie la population belge. La directive 98/43/CE du 6 juillet 1998 a d'ailleurs reconnu qu'elles posaient un problème spécifique, en prévoyant en son article 6, paragraphe 3, que la mise en application de l'interdiction pouvait, dans certaines limites, être différée, pour les « événements ou activités organisés au niveau mondial ». Ainsi seules les personnes assistant physiquement aux quelques activités organisées en Belgique échapperont aux effets de la publicité et du parrainage en cause, alors qu'un nombre beaucoup plus élevé de téléspectateurs continueront d'être touchés lors de la retransmission télévisée des activités de même type se déroulant à l'étranger et échapperont encore à l'interdiction.

En ce qui concerne certaines des manifestations et activités touchées par la mesure, l'efficacité de celle-ci est donc considérablement réduite.

Compte tenu de cette inefficacité relative et, d'autre part, des conséquences économiques, financières et sociales qu'un déplacement de ces activités entraînerait localement sans alternative compensatoire, la mesure est disproportionnée dans l'état actuel des choses.

B.23.2. Il s'ensuit qu'en prévoyant l'entrée en vigueur de l'article 6 de la loi avant le 31 juillet 2003, la loi attaquée viole les articles 10 et 11 de la Constitution.

Pour les motifs exposés ci-dessus, il y a lieu de limiter l'annulation à l'applicabilité de cette loi aux événements ou activités organisés au niveau mondial.

Quant aux articles 19 et 25 de la Constitution et à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme B.24.1. Selon les parties requérantes, les interdictions de publicité relative aux produits à base de tabac et aux produits de marque affecterait la liberté d'expression garantie par les dispositions précitées, et ce au détriment, selon le cas, des prestataires et des bénéficiaires de cette publicité.

B.24.2. L'article 19 de la Constitution garantit la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de cette liberté. L'article 25 garantit la liberté de la presse; à cette fin, il prohibe la censure et le cautionnement et institue un régime de responsabilité en cascade. L'article 10, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme garantit pour sa part la liberté d'expression, en incluant dans celle-ci la liberté d'opinion, d'une part, et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations et des idées, d'autre part.

La liberté d'expression n'est toutefois pas absolue. Il résulte des articles 19 et 25 précités combinés avec l'article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 19, paragraphe 3, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques que la liberté d'expression peut être soumise à certaines restrictions prévues par la loi, qui constituent, dans une société démocratique, des mesures nécessaires à la protection des objectifs explicitement mentionnés dans les dispositions conventionnelles précitées.

B.24.3. Bien que les informations de caractère commercial fassent partie du champ d'application des dispositions précitées, il n'apparaît pas toutefois que les interdictions qu'édicte en la matière la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer, s'agissant des produits du tabac et des produits de marques qui y sont liées, excèdent les limites et conditions dans lesquelles le législateur peut restreindre la liberté d'expression.

B.24.4. La protection de la santé figure expressément, aux termes de l'article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, parmi les intérêts de nature à justifier des restrictions à la liberté d'expression. Il reste dès lors à examiner si elles peuvent être considérées comme « nécessaires dans une société démocratique », au sens de l'article 10, paragraphe 2, précité.

B.24.5. Ainsi qu'il est exposé au B.3.1, l'interdiction de publicité pour les produits du tabac répond à un besoin social impérieux et peut, en conséquence, être considérée comme satisfaisant aux exigences de l'article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme.

Les moyens pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution lus en combinaison avec les articles 19 et 25 de la Constitution et avec l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ne peuvent être accueillis.

Quant à l'article 16 de la Constitution et à l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, d'une part, et à la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle (article 6quinquies, B) et de la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 concernant le rapprochement des législations relatives aux marques de fabrique des Etats membres (article 3), d'autre part B.25. Contrairement à ce qu'allèguent certains requérants, l'interdiction en cause ne constitue dans aucun de ses éléments une des mesures tombant dans le champ d'application des dispositions invoquées.

Les moyens ne peuvent être accueillis.

Quant aux articles 28 à 30 (anciennement 30 à 36) et 49 à 55 (anciennement 59 à 66) du Traité instituant la Communauté européenne B.26. Même à supposer que les interdictions de publicité attaquées portent atteinte aux articles 28 et 49 du Traité C.E., la Cour - prenant en considération le fait que la publicité constitue, selon la jurisprudence de la Cour de justice, une « modalité de vente », le fait que les interdictions n'ont pas pour objet de régir les échanges de marchandises entre Etats membres et le fait que ces interdictions ont, en fait comme en droit, la même influence sur la commercialisation des produits nationaux et sur celle des produits provenant des Etats membres - considère que les interdictions attaquées sont conformes au droit communautaire en raison de l'importance que celui-ci réserve à la protection de la santé publique, notamment à l'article 30 du Traité C.E. Les moyens ne peuvent être accueillis.

Par ces motifs, la Cour 1. annule le paragraphe 2bis, 3°, de l'article 7 de la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, inséré par la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer interdisant la publicité pour les produits du tabac, en ce que des exceptions analogues à celles prévues au 2° de cette disposition ne sont pas prévues en ce qui concerne l'interdiction de publicité relative à des produits dont la marque doit principalement sa notoriété à un produit de tabac;2. annule l'article 6 de la loi du 10 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/12/1997 pub. 11/02/1998 numac 1998022015 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi interdisant la publicité pour les produits du tabac fermer interdisant la publicité pour les produits du tabac en tant qu'il s'applique avant le 31 juillet 2003 aux événements et activités organisés au niveau mondial;3. rejette les recours pour le surplus. Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 30 septembre 1999.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

^