publié le 27 mars 1999
Arrêt n° 140/98 du 16 décembre 1998 Numéro du rôle : 1297 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 34 de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux et les articles 182 à 184 du Code d'instr La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. Martens(...)
COUR D'ARBITRAGE
Arrêt n° 140/98 du 16 décembre 1998 Numéro du rôle : 1297 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 34 de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux et les articles 182 à 184 du Code d'instruction criminelle, posées par le Tribunal correctionnel de Bruxelles.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. Martens, G. De Baets, E. Cerexhe, A. Arts et R. Henneuse, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles Par jugement du 17 février 1998 en cause du ministère public contre M. Hendrickx et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 24 février 1998, le Tribunal correctionnel de Bruxelles a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 34 de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux est-il conforme aux articles 10 et 11 de la Constitution, éventuellement combinés à d'autres dispositions de la Constitution ou à des dispositions de droit international ayant des effets directs dans l'ordre juridique interne, et notamment l'article 15 de la Constitution ainsi que 6, 8.1 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ? 2. Les articles 182 à 184 du Code d'instruction criminelle sont-ils conformes aux articles 10 et 11 de la Constitution éventuellement combinés à d'autres dispositions constitutionnelles, et ou à d'autres dispositions de droit international ayant des effets directs dans l'ordre juridique interne en ce qu'ils autorisent le ministère public à citer directement des prévenus devant le tribunal correctionnel dans une affaire où des actes d'instruction ont été accomplis sans l'intervention d'un juge d'instruction, et ce en vertu d'une législation qui déroge aux principes figurant dans le Code d'instruction criminelle ? » II.Les faits et la procédure antérieure Plusieurs personnes ont été citées directement devant le Tribunal correctionnel de Bruxelles, par le procureur du Roi et par l'a.s.b.l. « pour la suppression des expériences sur l'animal vivant », prévenues notamment d'infractions à la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux. Les faits qui leur sont reprochés avaient fait l'objet d'une perquisition pratiquée par la police d'Ixelles en présence d'un vétérinaire agréé du ministère de l'Agriculture. Les prévenus ayant contesté la régularité de la procédure, le Tribunal a posé les deux questions précitées.
III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 24 février 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.
La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 19 mars 1998.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 28 mars 1998.
Des mémoires ont été introduits par : - J.-P. Degaute, demeurant à 1670 Pepingen, Plutsingenstraat 19, A. De Troyer, demeurant à 1400 Waterloo, chemin des Noces 45, D. De Backer, demeurant à 1470 Genappe, rue du Moulin 12, H. Zhang, demeurant à 1070 Bruxelles, avenue Docteur Zamenhof 14/91, J.-L. Vincent, demeurant à 1180 Bruxelles, rue de la Mutualité 62, R. Naeijé, demeurant à 1650 Beersel, Blarenveld 12, J. Dumont, demeurant à 1380 Lasne, chemin du Chêne aux renards 32, et J.-P. Dereume, demeurant à 1000 Bruxelles, boulevard de la Cambre 70, par lettre recommandée à la poste le 30 avril 1998; - l'Université libre de Bruxelles, dont le siège est établi à 1050 Bruxelles, avenue F.-D. Roosevelt 50, par lettre recommandée à la poste le 30 avril 1998; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 30 avril 1998.
Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 26 mai 1998.
Des mémoires en réponse ont été introduits par : - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 19 juin 1998; - J.-P. Degaute et autres, par lettre recommandée à la poste le 24 juin 1998; - l'Université libre de Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 24 juin 1998.
Par ordonnance du 30 juin 1998, la Cour a prorogé jusqu'au 24 février 1999 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.
Par ordonnance du 23 septembre 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 4 novembre 1998 après avoir invité les parties à s'expliquer à l'audience au sujet des visites et perquisitions qui, dans des lieux inaccessibles au public, peuvent se faire entre 5 heures du matin et 9 heures du soir sans autorisation du juge du tribunal de police et entre 9 heures du soir et 5 heures du matin avec autorisation du juge.
Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 24 septembre 1998.
A l'audience publique du 4 novembre 1998 : - ont comparu : . Me M. Uyttendale et Me F. Legros, avocats au barreau de Bruxelles, pour J.-P. Degaute et autres; . Me N. Van Laer loco Me E. Maron, avocats au barreau de Bruxelles, pour l'Université libre de Bruxelles; . Me W. Timmermans loco Me P. Traest, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs P. Martens et G. De Baets ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
IV. En droit - A - Sur la première question préjudicielle Mémoire du Conseil des ministres A.1.1. Le Conseil des ministres souligne que de nombreuses lois, dans le domaine socio-économique et fiscal, prévoient un régime de visite domiciliaire qui déroge au régime de droit commun, selon lequel une perquisition ne peut se faire que si elle fait l'objet d'un mandat du juge d'instruction (articles 87 et 88 du Code d'instruction criminelle). Ces sortes de visites domiciliaires administratives, ajoute-t-il, présentent le plus souvent un caractère de contrôle, d'investigation et de prévention. Il estime que la volonté de poursuivre l'intérêt des animaux de façon active implique que puissent être prises des mesures de ce genre qui consistent, par exemple, à saisir les animaux, à les vendre ou à les confier à une personne, à un refuge pour animaux, à un zoo ou à un parc d'animaux (article 42, § 2, de la loi du 14 août 1986). Il en déduit que la différence de traitement critiquée repose sur un critère objectif et est en rapport avec le but poursuivi.
A.1.2. En ce qui concerne les locaux accessibles au public, il rappelle que les fonctionnaires de police jouissent également d'un droit d'accès (article 26, alinéa 2, et article 15, 1°, de la loi du 5 août 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1992 pub. 21/10/1999 numac 1999015203 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation internationale Loi portant approbation du Protocole modifiant l'article 81 du Traité instituant l'Union économique Benelux du 3 février 1958, fait à Bruxelles le 16 février 1990 fermer sur la fonction de police). Quant aux locaux servant d'habitation, l'autorisation préalable du juge de police donne une garantie comparable à celle du mandat du juge d'instruction qui peut déléguer la mission d'effectuer la perquisition (article 89bis du Code d'instruction criminelle). Il en conclut qu'il n'y a pas de différence de traitement puisque, dans les deux cas, la loi charge un juge d'exercer un contrôle sur l'opportunité de la mesure.
Mémoires des prévenus et de l'Université libre de Bruxelles A.2. Les prévenus et l'université observent que le législateur a dérogé aux règles du droit commun, dans un souci d'efficacité et de cohérence, mais en usant de moyens disproportionnés puisque, en les privant de l'intervention d'un magistrat assis, il a porté atteinte à leurs droits de défense, dans la matière de l'inviolabilité du domicile, garantie par l'article 15 de la Constitution.
Mémoires en réponse des prévenus et de l'Université libre de Bruxelles A.3.1. Les prévenus et l'université font observer que la protection du domicile, garantie par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, s'étend aux locaux professionnels et qu'elle implique qu'une perquisition soit décidée par un juge, en pleine connaissance de cause et après avoir examiné les éléments à charge et à décharge. Ils estiment qu'une telle mission ne peut être confiée au ministère public et que l'autorisation d'un juge du tribunal de police, dont le rôle n'est ni de mener une instruction ni d'ordonner un acte d'instruction, ne fournit pas une garantie comparable à celle d'un mandat du juge d'instruction.
A.3.2. Quant à l'article 6 de la même Convention européenne, les prévenus et l'université font observer qu'il est maintenant admis que les garanties qu'il consacre, en matière de droits de la défense, sont applicables même avant la phase d'instruction ou d'information et par conséquent aux perquisitions et aux visites domiciliaires. Ils ajoutent que les pouvoirs exceptionnels et temporaires accordés au procureur du Roi en cas de flagrant délit se fondent sur des justifications qui font défaut en l'espèce étant donné qu'il n'existe ni urgence ni risque de déperdition des preuves.
A.3.3. Ils en concluent que la personne perquisitionnée ne bénéficie pas des garanties élémentaires du droit à un procès équitable et au respect de l'inviolabilité de son domicile, alors que toute personne faisant l'objet d'une accusation mise à l'instruction bénéficie de l'intervention d'un juge instruisant à charge et à décharge.
Sur la deuxième question préjudicielle Mémoire du Conseil des ministres A.4. Le Conseil des ministres considère que la réponse négative donnée à la première question implique qu'il soit également répondu négativement à la seconde.
Mémoires des prévenus et de l'Université libre de Bruxelles A.5. Les prévenus et l'université estiment que la faculté de citation directe doit être réservée aux affaires simples pour lesquelles l'information suffit mais qu'elle n'est pas admissible lorsqu'un acte d'instruction - perquisition, saisie - est nécessaire pour détecter les faits infractionnels. Ils estiment qu'en n'ayant pu faire valoir leurs droits devant des juridictions d'instruction, les prévenus ont été victimes d'une seconde discrimination.
Mémoires en réponse des prévenus et de l'Université libre de Bruxelles A.6. Les prévenus et l'université font valoir que, parmi les droits de défense garantis par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, figurent « le droit à être informé de l'accusation », « le droit à être entendu » ainsi que « le droit de demander des devoirs d'enquête », l'interrogatoire du juge d'instruction, qui est un magistrat impartial, constituant une formalité substantielle préalable au renvoi devant la juridiction de jugement. Ils ajoutent que la comparution devant la juridiction d'instruction permet à l'inculpé de plaider le non-lieu ou de demander la suspension du prononcé, ce qui lui évite de s'exposer à une procédure en audience publique. Ils en concluent que la combinaison de l'article 34 de la loi du 14 août 1986 et des articles 182 à 184 du Code d'instruction criminelle aboutit à une double discrimination en ce qu'ils permettent au ministère public, dans les faits, d'exercer à la fois l'instruction et l'action publique. - B - Sur la première question préjudicielle B.1. Aux termes des articles 87 et 88 du Code d'instruction criminelle : « Le juge d'instruction se transportera, s'il en est requis, et pourra même se transporter d'office dans le domicile de l'inculpé pour y faire la perquisition des papiers, effets et généralement de tous les objets qui seront jugés utiles à la manifestation de la vérité. » « Le juge d'instruction pourra pareillement se transporter dans les autres lieux où il présumerait qu'on aurait caché les objets dont il est parlé dans l'article précédent. » L'intervention du juge d'instruction, magistrat impartial et indépendant, apparaît comme une garantie essentielle du respect des conditions auxquelles est subordonnée une atteinte à l'inviolabilité du domicile, garantie par l'article 15 de la Constitution et par l'article 8.1 de la Convention européenne des droits de l'homme.
B.2. Dans certaines matières particulières, le législateur a cependant dérogé à cette règle. De telles dérogations ne peuvent qu'être exceptionnelles et elles doivent être justifiées par des raisons propres aux infractions qu'elles concernent.
B.3. L'article 34 de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, tel qu'il a été modifié par la loi du 4 mai 1995, déroge aux articles 87 à 88 du Code d'instruction criminelle dans les termes suivants : « Sans préjudice des pouvoirs des officiers de police judiciaire, les infractions aux dispositions de la présente loi et de ses arrêtés d'exécution sont recherchées et constatées par les agents judiciaires des parquets, la gendarmerie, la police communale ou rurale, les inspecteurs vétérinaires, les vétérinaires agréés chargés du contrôle à la frontière, les vétérinaires-fonctionnaires de l'Institut d'expertise vétérinaire, les vétérinaires agréés ou autres agents désignés par le Ministre qui a l'agriculture dans ses attributions.
Ils peuvent se faire communiquer tous renseignements et documents nécessaires à l'exercice de leurs fonctions et procéder à toutes constatations utiles.
Toutefois, les inspecteurs vétérinaires sont seuls compétents pour rechercher et constater les infractions commises dans les laboratoires.
Les procès-verbaux établis par les agents de l'autorité visés à l'alinéa 1er, font foi jusqu'à preuve du contraire; une copie en est envoyée dans les quinze jours de la constatation, aux auteurs de l'infraction.
Ils ont, dans l'exercice de leurs fonctions, libre accès à tous les moyens de transport, tous terrains, tous établissements ou tous locaux où sont détenus ou utilisés des animaux vivants. La visite de locaux servant d'habitation n'est permise qu'entre 5 heures du matin et 9 heures du soir et il ne peut y être procédé qu'avec l'autorisation du juge du tribunal de police. Cette autorisation est aussi requise pour la visite en dehors desdites heures, des locaux qui ne sont pas accessibles au public. » B.4. Il ressort du dossier que la visite litigieuse de la police communale d'Ixelles a eu lieu le 9 juillet 1996, à 13 heures, dans le laboratoire d'une faculté de médecine et que les constatations ont été faites par un inspecteur vétérinaire.
La Cour limite son examen aux dispositions en cause en ce qu'elles permettent que des visites de locaux où sont détenus ou utilisés des animaux vivants soient faites, sans autorisation d'un juge, entre 5 heures du matin et 9 heures du soir, dans des locaux inaccessibles au public, tout en exigeant que les infractions commises dans des laboratoires soient recherchées et constatées par des inspecteurs vétérinaires.
B.5. La loi du 14 août 1986 poursuit un objectif spécifique qui est ainsi défini dans l'exposé des motifs : « Le présent projet de loi a pour but de protéger les animaux et de favoriser leur bien-être.
L'accent dans la législation actuelle est mis sur la ' protection des animaux ', notion plutôt passive dont la caractéristique est la défense des animaux contre les actes de cruauté des humains.
Les conditions de vie de l'animal dans la société moderne ont changé à un point tel qu'actuellement, sur la base des idées éthiques y afférentes, on veut aller beaucoup plus loin, le bien-être général des animaux doit également être poursuivi d'une manière active, ce qui veut dire qu'il faut satisfaire à leurs besoins. » (Doc. parl., Sénat, 1982-1983, n° 469/1, p. 1).
Cet objectif est poursuivi par la définition d'obligations incombant aux personnes qui détiennent des animaux (chapitre II) et par la réglementation du commerce d'animaux (chapitre III), de leur transport (chapitre IV), de leur importation (chapitre V), de leur mise à mort (chapitre VI), des interventions (chapitre VII) et des expériences sur les animaux (chapitre VIII).
B.6. La mission confiée aux vétérinaires ainsi qu'aux autres agents autorisés à effectuer des perquisitions ne se limite pas à la découverte d'objets utiles aux poursuites pénales. La loi les autorise également à prendre les mesures préventives décrites à l'article 42, § 2, de la loi, qui consistent notamment à saisir l'animal et ensuite, selon le cas, à le restituer au propriétaire, à le mettre à mort, à le vendre ou à le confier « à une personne qui lui assure les soins et le logement appropriés, à un refuge pour animaux, zoo ou parc d'animaux ».
B.7. L'objectif spécifique de la loi, les qualifications requises de certaines personnes qui doivent prêter leur concours à son application et la nature des mesures, pénales et non pénales, qu'elle permet de prendre, justifient qu'il puisse être dérogé aux règles ordinaires de la procédure pénale. Cette différence de traitement repose sur un critère objectif qui est en rapport avec le but poursuivi, qui consiste à organiser une protection active des animaux par des mesures administratives et pénales.
B.8. En privant les intéressés de la garantie que constitue l'intervention d'un juge d'instruction, l'article 34 de la loi du 14 août 1986 porte atteinte à deux droits fondamentaux. D'une part, il restreint l'exercice des droits de défense, garantis par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'il prive les intéressés du contrôle d'un juge indépendant qui instruit à charge et à décharge. D'autre part, il peut porter atteinte à la règle de l'inviolabilité du domicile.
Cette règle est garantie par l'article 15 de la Constitution, selon lequel : « Le domicile est inviolable; aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit. » De même, l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.» Il convient d'examiner si la disposition litigieuse ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits précités.
B.9. En ce qui concerne les locaux qui ne sont pas accessibles au public mais qui ne servent pas d'habitation et où sont détenus ou utilisés des animaux vivants, la visite est permise sans autorisation du juge du tribunal de police de 5 heures du matin à 9 heures du soir, cette autorisation n'étant requise qu'« en dehors desdites heures ».
Pour cette catégorie de locaux, l'article 34 déroge substantiellement au droit commun puisqu'il autorise une visite qu'aucun juge n'a préalablement contrôlée.
Il en résulte qu'en ce qui concerne les laboratoires « où sont détenus ou utilisés des animaux vivants », une visite peut avoir lieu sans aucun contrôle judiciaire préalable.
B.10. Il est conforme au but poursuivi d'exercer une surveillance spéciale sur les lieux où il existe un risque particulier de voir des animaux maltraités. Tel est le cas des laboratoires puisque les animaux y sont détenus à des fins d'expérimentation. Le législateur a toutefois prévu à l'égard des laboratoires une garantie spécifique, les infractions ne pouvant y être recherchées ou constatées que par « les inspecteurs vétérinaires ». Cette exigence est ainsi justifiée : « dans les cas d'expériences sur les animaux, les autorités se doivent de posséder une formation scientifique particulière. De plus, le caractère scientifique de ces expériences prescrit une haute discrétion et un secret professionnel absolu. » (Doc. parl., Sénat, 1982-1983, n° 469/1, p. 13).
Il apparaît ainsi, en ce qui concerne les laboratoires, que le législateur a apporté aux droits précités une limitation qui est justifiée par la nécessité d'y exercer une surveillance particulière et qu'il a veillé à ce que cette surveillance soit confiée à des personnes ayant une compétence et une déontologie spécifiques.
B.11. Il s'ensuit que la disposition critiquée ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits des personnes qui détiennent des animaux dans des laboratoires. La première question préjudicielle appelle une réponse négative.
Sur la deuxième question préjudicielle B.12. L'article 182 du Code d'instruction criminelle dispose : « Le tribunal sera saisi, en matière correctionnelle, de la connaissance des délits de sa compétence, soit par le renvoi qui lui en sera fait d'après les articles 130 et 160 ci-dessus, soit par la citation donnée directement à l'inculpé et aux personnes civilement responsables du déli par la partie civile, et, dans tous les cas, par le procureur du Roi, soit par la convocation de l'inculpé par procès-verbal, conformément à l'article 216quater. » Les articles 183 et 184 traitent des conditions de formes et de délais auxquelles doit satisfaire la citation.
B.13. Aucun de ces textes ne précise dans quel cas il est permis ou interdit de recourir à la citation directe.
A supposer qu'il puisse être considéré comme discriminatoire de citer directement des prévenus, alors que les infractions qui leur sont reprochées ont été constatées par des visites permises par l'article 34 de la loi du 14 avril 1986, cette discrimination proviendrait non de l'article 182 du Code d'instruction criminelle, mais de l'usage qui en est fait.
La Cour n'est pas compétente pour apprécier si la manière dont une disposition législative est appliquée viole les articles 10 et 11 de la Constitution.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : 1. L'article 34 de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 15 de la Constitution et avec les articles 6 et 8.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'il permet à des inspecteurs vétérinaires de rechercher et de constater, entre 5 heures du matin et 9 heures du soir, les infractions commises dans des laboratoires. 2. La Cour n'est pas compétente pour répondre à la seconde question. Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 16 décembre 1998.
Le greffier, L. Potoms.
Le président, M. Melchior.