publié le 30 mars 1999
Arrêt n° 30/99 du 3 mars 1999 Numéro du rôle : 1338 En cause : le recours en annulation partielle des articles 3, alinéa 2, et 5 de la loi du 14 juillet 1997 modifiant le livre III de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la st La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges L. Françoi(...)
Arrêt n° 30/99 du 3 mars 1999 Numéro du rôle : 1338 En cause : le recours en annulation partielle des articles 3, alinéa 2, et 5 de la loi du 14 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/07/1997 pub. 22/11/1997 numac 1997003628 source ministere des finances Loi modifiant le livre III de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'Etat fermer modifiant le livre III de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'Etat, introduit par la s.a. Ets Pollet.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges L. François, P. Martens, J. Delruelle, H. Coremans et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 19 mai 1998 et parvenue au greffe le 20 mai 1998, la s.a. Ets Pollet, dont le siège social est établi à 7501 Orcq, rue de la Grande Couture 20, a introduit un recours en annulation partielle des articles 3, alinéa 2, et 5 de la loi du 14 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/07/1997 pub. 22/11/1997 numac 1997003628 source ministere des finances Loi modifiant le livre III de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'Etat fermer modifiant le livre III de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'Etat (publiée au Moniteur belge du 22 novembre 1997).
II. La procédure Par ordonnance du 20 mai 1998Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 20/05/1998 pub. 14/07/1998 numac 1998031266 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance portant assentiment à l'accord de coopération entre l'Etat fédéral et les Régions relatif à la coordination administrative et scientifique en matière de biosécurité type ordonnance prom. 20/05/1998 pub. 17/07/1998 numac 1998031287 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance modifiant l'ordonnance du 12 décembre 1991 créant des Fonds budgétaires type ordonnance prom. 20/05/1998 pub. 12/08/1998 numac 1998031286 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance modifiant l'ordonnance du 23 juillet 1992 relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles fermer, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.
Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 15 juin 1998.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 20 juin 1998.
Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire, par lettre recommandée à la poste le 30 juillet 1998.
Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 16 septembre 1998.
La partie requérante a introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la poste le 13 octobre 1998.
Par ordonnance du 29 octobre 1998Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 29/10/1998 pub. 10/12/1998 numac 1998031490 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance modifiant l'ordonnance du 1er juillet 1993 concernant la promotion de l'expansion économique dans la Région de Bruxelles-Capitale type ordonnance prom. 29/10/1998 pub. 23/12/1998 numac 1998031489 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance portant assentiment à l'accord de coopération du 15 mai 1998 modifiant l'accord de coopération du 4 mars 1997 conclu entre l'Etat fédéral et les Régions relatif au programme de transition professionnelle fermer, la Cour a prorogé jusqu'au 20 mai 1999 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.
Par ordonnance du 16 décembre 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 20 janvier 1999.
Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 17 décembre 1998.
A l'audience publique du 20 janvier 1999 : - ont comparu : . Me G. Lefebvre, avocat au barreau de Tournai, pour la partie requérante; . Me N. Van Laer loco Me M. Uyttendaele, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs L. François et H. Coremans ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
III. Objet des dispositions attaquées 1. L'article 3 de la loi du 14 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/07/1997 pub. 22/11/1997 numac 1997003628 source ministere des finances Loi modifiant le livre III de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'Etat fermer modifiant le livre III de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'Etat dispose : « Art.3. A l'article 379 de la même loi [à savoir la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'Etat], remplacé par la loi du 7 mars 1996, la dernière phrase est remplacée par ce qui suit : ` Les unités de volume d'emballage par produit sont égales aux volumes minimaux déterminés à l'article 379bis, excepté pour les pesticides, pour lesquels l'unité de volume d'emballage est de 5 litres. L'écotaxe par emballage est toutefois fixée à 25 francs minimum. ' » 2. L'article 5 de la loi précitée du 14 juillet 1997 dispose : « Art.5. A l'article 380 de la même loi, remplacé par la loi du 7 mars 1996, au 1°, alinéa 1er, la phrase suivante est insérée entre les mots ` unité de volume d'emballage. ' et les mots ` Le Roi ' : ` Le montant de la consigne par récipient est fixé à un minimum de 12,5 francs. ' » IV. En droit - A - Requête A.1.1. La requérante justifie de l'intérêt à demander l'annulation d'une disposition qui concerne un produit qu'elle vend ou distribue.
A.1.2. Les dispositions attaquées violent les articles 10 et 11 de la Constitution par cela que les emballages inférieurs à l'unité de volume (moins de 5 litres) sont frappés d'une écotaxe égale à celle pesant sur les emballages correspondant à l'unité de volume et sont donc proportionnellement plus écotaxés que les autres. Il y a, plus précisément, une discrimination entre les entreprises qui fabriquent et distribuent les produits concentrés et celles qui fabriquent et commercialisent des produits dilués prêts à l'emploi. Les premiers, prenant naturellement moins de place et devant être dosés avant utilisation, appellent et permettent des emballages plus petits et plus maniables, généralement inférieurs à l'unité de volume définie par le législateur. Tel est le cas des produits fabriqués et distribués par la requérante, concentrés dans des emballages de 2 litres représentant l'équivalent des produits dilués vendus par les autres entreprises dans des emballages de 5 litres.
A.1.3. Les choix de production conduisant à l'adoption d'emballages inférieurs à l'unité de volume visent à satisfaire les objectifs de protection de l'environnement du législateur, tels qu'ils ont été définis lors de l'instauration des écotaxes; ils sont en outre imposés par la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d'emballages, qui « prévoit des mesures visant, comme première priorité, la prévention de déchets d'emballages » (article 1er, paragraphe 2), c'est-à -dire « la réduction de la quantité et de la nocivité pour l'environnement des emballages et déchets d'emballages aux stades du procédé de production, de la commercialisation, de la distribution, de l'utilisation et de l'élimination » (article 3, paragraphe 4). Cette directive a été transposée en droit belge par l'accord interrégional de coopération concernant la prévention et la gestion des déchets d'emballages approuvé notamment par décret de la Région wallonne du 16 janvier 1997. Les principes en cause sont contredits par l'écotaxe minimale qui frappe les petits récipients et qui ne correspond à aucune justification, l'incitant financier qu'elle aurait pu constituer étant de surcroît rendu inutile par les obligations qu'impose l'accord de coopération concernant la prévention et la gestion des déchets d'emballages.
A.1.4. Les principes d'égalité et de non-discrimination sont également violés par l'atteinte discriminatoire que les dispositions attaquées portent à la liberté de commerce et d'industrie. Ces dispositions mettent un obstacle à la production et à la distribution des produits en cause contenus dans des petits emballages. Le législateur n'a tenu aucun compte des caractéristiques des produits alors que la Commission de suivi des écotaxes l'avait expressément invité à ne pas sanctionner les produits concentrés.
A.1.5. De la même manière, en fixant le montant de la consigne à 12,5 francs par unité de volume d'emballage, l'article 5 attaqué frappe les emballages inférieurs à cette unité, sans justification, d'une écotaxe d'un même montant alors qu'ils sont d'un volume et d'un poids moindres.
Mémoire du Conseil des ministres A.2.1. Le recours doit être déclaré irrecevable si la requérante ne démontre pas que son organe compétent a pris valablement la décision de l'introduire.
A.2.2. La première disposition attaquée n'introduit pas de discrimination nouvelle à l'égard de la requérante mais réduit la différence de traitement créée par la loi du 7 mars 1996; aucun des systèmes précédents ne lui était aussi favorable que la disposition actuelle. En effet, dans sa rédaction initiale, l'article 379 de la loi du 16 juillet 1993Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/07/1993 pub. 25/03/2016 numac 2016000195 source service public federal interieur Loi ordinaire visant à achever la structure fédérale de l'Etat. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer établissait une écotaxe proportionnelle au volume de l'emballage sans tenir compte de la quantité de produit, alors que dans les petits emballages, le produit se présentait sous forme concentrée et que les grands emballages contenaient une quantité de produit moindre ou égale, mais présentée sous forme diluée.
Autrement dit, la différence entre la taille des emballages n'est généralement pas proportionnelle à la quantité de produit toxique qui s'y trouve. Ainsi, un emballage de cinq litres ne contiendra généralement pas plus de produit polluant qu'un emballage d'un litre dans la mesure où les petits emballages présentent le produit sous une forme concentrée alors que les grands emballages contiennent une même quantité de produit sous une forme diluée.
La modification de l'article 379 par la loi du 7 mars 1996 a aggravé la situation des producteurs de produits concentrés, telle la requérante. Ainsi, alors qu'avant, pour chaque emballage d'un litre, une taxe de 25 francs était due, la base taxable pour les produits pesticides concentrés y était désormais de 0,5 litres, de sorte que pour deux litres de produit concentré, la requérante devait payer 100 francs. Le producteur utilisant des emballages de cinq litres de produit dilué ne payait, quant à lui, que 25 francs par emballage de cinq litres. Ceci représentant une écotaxe par litre de 50 francs ou de 5 francs par litre suivant que ce produit est ou non concentré, le producteur utilisant des emballages d'un litre de produit concentré payait donc 10 fois plus que ceux utilisant des emballages de cinq litres de produit dilué.
En vertu de l'article 3 de la loi du 14 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/07/1997 pub. 22/11/1997 numac 1997003628 source ministere des finances Loi modifiant le livre III de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'Etat fermer, la requérante ne paiera que 25 francs par emballage au titre d'écotaxe, soit quatre fois moins que sous l'empire de la loi du 7 mars 1996. En outre, si avant l'entrée en vigueur de la loi du 14 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/07/1997 pub. 22/11/1997 numac 1997003628 source ministere des finances Loi modifiant le livre III de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'Etat fermer, la requérante devait payer dix fois plus qu'un producteur de produit dilué pour un emballage de même contenance, cette différence est actuellement effacée par la nouvelle loi.
A.2.3. La différence de traitement qui existe entre les producteurs selon qu'ils présentent leurs produits sous forme diluée ou concentrée s'explique par l'objectif poursuivi par les écotaxes, qui, s'agissant de produits industriels, visent à un changement de comportement du producteur non seulement quant à la forme de l'emballage utilisé mais également quant au produit qu'il contient.
Une écotaxe fondée sur la seule taille de l'emballage serait contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution et, dès 1996, le législateur a entendu prendre en compte la forme concentrée ou diluée du produit.
A.2.4. La circonstance que la requérante, qui présente ses produits dans des emballages de deux litres, paie proportionnellement plus qu'un producteur qui présente ses produits dans des emballages de cinq litres se justifie par le fait que la quantité de produit polluant est la même dans les deux cas. Cette différence de traitement se justifie par le fait que le législateur a considéré que le produit polluant à prendre en considération pour déterminer la base taxable n'était pas tant l'emballage que le produit qu'il contenait.
A.2.5. L'article 3 de la loi attaquée a fixé l'unité de volume d'emballage indépendamment des volumes minimaux prévus à l'article 379bis (permettant de déterminer l'usage professionnel d'un produit et aboutissant à une exonération de fait de certains pesticides) afin d'assurer la perception de l'écotaxe. Le législateur disposait à cet effet de deux possibilités : soit prévoir une base taxable différente selon que le produit se présente sous forme diluée ou concentrée, soit prévoir une base uniforme pour tous les pesticides. C'est cette seconde solution que le législateur a adoptée étant donné les différents avantages que celle-ci présentait. Il faut souligner que cette solution était également la plus favorable aux producteurs de petits emballages. En effet, comme il a été démontré plus haut, en fixant des bases taxables différentes selon que le produit se présente de façon concentrée ou non, le producteur de produits concentrés devait payer, proportionnellement au volume de l'emballage, beaucoup plus que le producteur de produits dilués. La base taxable identique réduit la différence de traitement et même si une distinction avait été établie entre produits dilués et produits concentrés, la requérante aurait, en tout état de cause, dû payer au minimum 25 francs par emballage. Il n'est, en effet, pas imaginable que l'unité de volume d'emballage choisie pour les produits pesticides concentrés soit supérieure à 2 litres. Or, l'article 379 précise que l'écotaxe est de 25 francs par unité de volume d'emballage.
A.2.6. Le minimum de 25 francs s'imposait. A défaut, l'écotaxe risquait de ne plus inciter les producteurs utilisant des petits emballages à modifier leur comportement en raison du montant négligeable auquel ceux-ci auraient été tenus. Ils peuvent par ailleurs échapper à l'écotaxe par la mise en place d'un système de consigne.
A.2.7. Il faut encore noter que la production de petits emballages nécessite moins de matières premières, moins de frais de transport, moins d'espace de stockage, moins de dépenses en matière de collecte et d'enlèvement. La mise sur le marché de produits concentrés se justifie donc notamment pour des raisons économiques et ne doit pas nécessairement aller de pair avec une écotaxe moins importante.
A.2.8. L'article 5 de la loi attaquée ne porte pas atteinte aux droits de la requérante : il vise à rendre le système de la consigne (qui permet à tout producteur d'être exonéré de l'écotaxe) plus efficace, le montant de la consigne n'ayant pas d'influence déterminante sur les ventes du producteur ou du marchand puisqu'il est restitué au consommateur.
A.2.9. Les dispositions litigieuses ne sont nullement contraires à l'avis de la Commission de suivi du 22 novembre 1996 (qui est à la base de la fixation du montant minimal de l'écotaxe par la loi attaquée), à l'objectif de la directive 94/62/CE relative aux emballages et aux déchets d'emballages ou à l'accord de coopération interrégional relatif à la prévention et à la gestion des déchets d'emballages du 5 mars 1997.
L'article 371 de la loi fixe une écotaxe sur les récipients pour boisson qui n'est pas fonction du contenu, du volume ou du matériel utilisé parce que de petits emballages sont plus préjudiciables à l'environnement que les grands emballages. Les petits emballages ne constituent pas nécessairement un avantage écologique.
Enfin, les dispositions attaquées répondent aux objectifs de l'accord de coopération interrégional précité puisque celui-ci porte non seulement sur la limitation du volume et du poids à la quantité minimale nécessaire pour garantir le niveau de sécurité et d'hygiène requis mais prend en compte l'augmentation de la quantité d'emballages recyclables par rapport à la quantité d'emballages non recyclables (article 4, § 1er, a) ainsi que la diminution de la quantité d'emballages non réutilisables (article 4, § 1er, e). Or, l'amélioration du caractère recyclable et réutilisable des emballages est stimulée par la collecte des emballages après utilisation et donc par la création d'incitants financiers minimaux (montant de consigne minimum). En outre, une écotaxe minimum permet d'influer sur le comportement des pollueurs et d'optimaliser la prévention et la gestion des déchets d'emballages.
Mémoire en réponse de la s.a. Ets Pollet A.3.1. La copie de la décision du conseil d'administration de la requérante ayant été jointe à la requête, le recours est recevable.
A.3.2. Le fait pour la loi du 14 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/07/1997 pub. 22/11/1997 numac 1997003628 source ministere des finances Loi modifiant le livre III de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'Etat fermer d'avoir substitué au régime discriminatoire de la loi du 7 mars 1996 un régime moins discriminatoire n'a pas pour effet de rendre conforme aux articles 10 et 11 de la Constitution le régime nouvellement adopté. La comparaison entre les deux régimes ne peut être retenue puisque la loi du 7 mars 1996 aboutissait à une exonération de fait des produits (« classés B ») fabriqués par la requérante.
A.3.3. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, le législateur n'a pas établi de distinction entre produits dilués et produits concentrés : c'est de facto que les produits concentrés contenus dans des emballages de moins de cinq litres sont proportionnellement plus écotaxés. Le législateur n'a pas davantage eu l'intention de modifier le comportement du producteur en ce qui concerne les produits - qui sont soumis à d'autres dispositions de la loi - puisque l'écotaxe en cause frappe le récipient.
A.3.4. La mesure attaquée ne tient pas compte de la proportion dans laquelle le pollueur contribue à la nuisance concernée. Alors qu'il s'agit de prévenir la production de déchets d'emballages - le Conseil des ministres vante lui-même les avantages des petits emballages qui nécessitent moins de matières premières, moins de frais de transport, moins d'espace de stockage, moins de dépenses en matière de collecte et d'enlèvement -, l'on sanctionne par une taxation plus lourde le producteur qui a concentré ses produits dans de petits emballages et cause ainsi la plus petite nuisance.
A.3.5. La disposition relative à la consigne est critiquable pour les mêmes motifs que ceux portant sur l'écotaxe elle-même : la consigne étant, en l'espèce, proportionnellement plus élevée, elle place la requérante dans une situation plus défavorable car même si le montant de la consigne est en finale remboursé à l'acquéreur, il n'en reste pas moins qu'il doit en faire l'avance.
A.3.6. La Commission de suivi des écotaxes a émis un avis qui démontre à lui seul le bien-fondé de la position de la requérante et il est sans pertinence de comparer l'écotaxe en cause avec celle frappant d'autres produits ou d'autres récipients. Ainsi les boissons sont-elles des produits de grande consommation et non des produits spécifiques destinés au monde professionnel. De plus, les récipients de boissons sont soumis à une écotaxe unique par emballage et non par unité de volume d'emballage comme c'est le cas pour les pesticides.
Enfin, même si elle doit être combinée avec d'autres obligations quant à la nature des emballages, la réduction de leur quantité constitue, en vertu de l'accord de coopération interrégional précité, une obligation pour les producteurs; il n'est donc pas concevable que ceux qui s'y conforment soient sanctionnés. - B - B.1.1. L'article 379, alinéa 1er, de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'Etat, dont la dernière phrase a été remplacée par l'article 3 de la loi du 14 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/07/1997 pub. 22/11/1997 numac 1997003628 source ministere des finances Loi modifiant le livre III de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'Etat fermer qui fait l'objet du recours, dispose : « Sauf lorsque le produit qu'ils contiennent est destiné à un usage non professionnel, tous les récipients contenant des encres, des colles, des solvants et des pesticides tels qu'énumérés à l'annexe 15, mis à la consommation, sont soumis à une écotaxe de 25 francs par unité de volume d'emballage, avec un maximum de 500 francs par récipient. Les unités de volume d'emballage par produit sont égales aux volumes minimaux déterminés à l'article 379bis, excepté pour les pesticides, pour lesquels l'unité de volume d'emballage est de 5 litres. L'écotaxe par emballage est toutefois fixée à 25 francs minimum. » B.1.2. L'article 380, alinéa 1er, 1°, de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 précitée, dont la troisième phrase a été insérée par l'article 5 de la loi du 14 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/07/1997 pub. 22/11/1997 numac 1997003628 source ministere des finances Loi modifiant le livre III de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'Etat fermer qui fait l'objet du recours, dispose : « Lorsque les récipients dont question à l'article 379 sont soumis à un système de consigne organisé, de prime de retour, de crédit d'emballage ou de collecte spéciale et adaptée, ils bénéficient de l'exonération de l'écotaxe prévue audit article lorsque les conditions suivantes sont remplies : 1° le montant de la consigne, de la prime de retour ou du crédit d'emballage doit être suffisant pour assurer qu'un pourcentage élevé des récipients soit restitué.Le montant de la consigne est fixé au minimum à 12,5 francs par unité de volume d'emballage, tandis que le montant de la prime de retour est fixé au minimum à 5 francs par unité de volume d'emballage. Le montant de la consigne par récipient est fixé à un minimum de 12,5 francs. Le Roi peut, sur proposition de la Commission de suivi, modifier le montant minimum de la consigne et de la prime de retour ou fixer le montant du crédit d'emballage en vue de faciliter la réalisation de cet objectif; ».
B.2.1. La requérante fabrique et distribue des produits relevant de la catégorie des pesticides. Elle ne justifie pas de l'intérêt requis pour demander l'annulation des dispositions attaquées en tant que celles-ci s'appliquent aux encres, colles et solvants.
B.2.2. Elle a joint à la requête en annulation la décision de son conseil d'administration portant sur l'introduction du recours; celui-ci est recevable.
B.3.1. Les dispositions précitées ont pour objet de déterminer le montant de l'écotaxe et de la consigne afférentes aux récipients contenant notamment des pesticides.
Le montant de l'écotaxe, régi par l'article 379, est fixé en fonction du type et de la quantité du contenu des récipients; cette quantité est exprimée sous forme d'unités de volume d'emballage. En ce qui concerne les pesticides, l'unité de volume est de cinq litres.
L'écotaxe est de 25 francs par unité de volume mais ne peut être inférieure à 25 francs par emballage.
Le montant de la consigne, régi par l'article 380, est également fixé en fonction du type et de la quantité du produit contenu dans le récipient, à raison de 12,50 francs par unité de volume d'emballage, la consigne ne pouvant cependant être inférieure à 12,50 francs par récipient.
B.3.2. Les dispositions attaquées soumettent ainsi les récipients contenant des pesticides (soumis à un usage professionnel) à une écotaxe et à une consigne dont le montant est le même pour une contenance égale ou inférieure à cinq litres.
B.3.3. Selon la requérante, une telle identité de traitement ne serait pas justifiée en ce que les récipients de moins de cinq litres, soumis à une écotaxe proportionnellement plus lourde que celle frappant les autres, correspondraient au conditionnement de produits concentrés, moins dommageables que les autres pour l'environnement. Les dispositions en cause porteraient en outre une atteinte discriminatoire à la liberté du commerce et de l'industrie en ce qu'elles constitueraient un obstacle à la production et à la distribution de pesticides contenus dans des récipients de moins de cinq litres.
B.4.1. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Les mêmes règles s'opposent, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.4.2. La liberté du commerce et de l'industrie ne peut être conçue comme une liberté illimitée. Elle ne fait pas obstacle à ce que la loi règle l'activité économique des personnes et des entreprises. Le législateur violerait toutefois le principe d'égalité et de non-discrimination s'il portait atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie de manière discriminatoire.
B.5.1. Il ressort des travaux préparatoires qu'en modifiant les articles 379 et 380 de la loi du 16 juillet 1993Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/07/1993 pub. 25/03/2016 numac 2016000195 source service public federal interieur Loi ordinaire visant à achever la structure fédérale de l'Etat. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer, le législateur a entendu porter remède à une imperfection contenue dans la rédaction qui leur avait été donnée par la loi du 7 mars 1996 et qui aboutissait à rendre impossibles la perception de l'écotaxe et la mise en oeuvre de la consigne afférentes aux pesticides (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 975/1, p. 2).
B.5.2. Les développements de la proposition de loi qui est à l'origine des dispositions attaquées montrent dans quelle intention ses auteurs, faisant leur l'avis de la Commission de suivi relative aux écotaxes, ont prévu pour les récipients de pesticides une écotaxe - et par identité de motifs, une consigne - d'un montant minimal : « Afin d'éviter que l'incitant financier prévu pour mettre en place un système plus favorable à l'environnement ne devienne négligeable dans le cas des petits emballages, la commission de suivi a fixé un montant minimum par récipient de 25 francs pour l'écotaxe et de 12,5 francs pour la consigne. » (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 975/1, p. 2.) B.5.3. L'instauration des écotaxes vise à modifier les comportements des producteurs et des consommateurs dans un sens plus favorable à l'environnement, par la poursuite des objectifs suivants : 1° dissuader les choix de production et de consommation générateurs de gaspillage de ressources rares et de pollutions diverses;2° économiser les ressources naturelles en réutilisant, en récupérant et en recyclant des matières premières;3° utiliser rationnellement l'énergie;4° recourir à des techniques de production moins polluantes. Le législateur prend dès lors une mesure conforme à l'objectif qu'il poursuit en fixant le montant de l'écotaxe d'une manière telle que la fonction dissuasive de celle-ci soit assurée. Une stricte proportionnalité aboutirait, pour les récipients de faible contenance, à ce que l'écotaxe dont ils font l'objet perde cette fonction.
B.5.4. Par ailleurs, lorsque le législateur fixe des seuils et des taux tels que ceux qui sont prévus par les dispositions en cause, il doit pouvoir faire usage, sans pour autant commettre d'erreur manifeste, de catégories qui, nécessairement, n'appréhendent la diversité des situations qu'avec un certain degré d'approximation. Le recours à ce procédé n'est pas en soi déraisonnable; il importe cependant de vérifier dans chaque espèce s'il en va de même de la manière dont il a été utilisé.
B.5.5. La circonstance que les petits récipients contiendraient, sous une forme concentrée, une quantité de produits industriels comparable à celle contenue, sous une forme diluée, par des récipients plus grands ne suffit pas à établir que la mesure attaquée ne serait pas appropriée : l'écotaxe prévue par les articles 379 et suivants de la loi du 16 juillet 1993Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/07/1993 pub. 25/03/2016 numac 2016000195 source service public federal interieur Loi ordinaire visant à achever la structure fédérale de l'Etat. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer vise en effet les récipients contenant certains produits industriels et non les produits proprement dits, d'ailleurs soumis à d'autres dispositions de la loi. Les travaux préparatoires de la loi de 1993 font apparaître que le législateur a entendu éviter que les récipients contenant certains produits industriels ne soient « éliminés de manière irréfléchie ou se retrouvent dans l'environnement pour la seule raison que les personnes directement concernées ne savent que faire de ces récipients dès que leur contenu a été utilisé »; l'écotaxe porte donc sur le récipient et ne peut être évitée que si celui-ci a été consigné (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 777/5, p. 4; dans le même sens, Sénat, 1992-1993, n° 897-17, p. 161); de même, lors de la modification de la loi du 16 juillet 1993Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/07/1993 pub. 25/03/2016 numac 2016000195 source service public federal interieur Loi ordinaire visant à achever la structure fédérale de l'Etat. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer par celle du 7 mars 1996, le législateur a entendu que les exonérations de l'écotaxe soient fondées non seulement sur un système de consigne mais également sur des systèmes de collecte spéciale et adaptée, de prime de retour ou de crédit d'emballage (Doc. parl., Chambre 1995-1996, n° 328/1, p. 7 et n° 328/3, p. 3) et a prévu un système spécial de collecte (article 380 de la loi du 16 juillet 1993Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/07/1993 pub. 25/03/2016 numac 2016000195 source service public federal interieur Loi ordinaire visant à achever la structure fédérale de l'Etat. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer). Dès lors que le souci a ainsi été exprimé d'éviter que soient abandonnés des récipients ayant contenu les produits industriels en cause et qu'à cet égard, le risque que ces récipients représentent n'est pas strictement proportionné à leur taille, le montant de l'écotaxe et de la consigne qui frappent les petits récipients en vertu des dispositions attaquées n'apparaît pas comme manifestement déraisonnable.
Certes, la Commission de suivi relative aux écotaxes a observé qu'il convenait de ne pas sanctionner les produits concentrés parce que la réduction du volume des récipients contribue à la diminution du volume des déchets de récipients; mais cette observation ne suffit pas à établir que la mesure attaquée ne serait pas appropriée puisque la Commission a elle-même considéré « que pour les petits récipients, l'écotaxe, ainsi que la consigne, doit être suffisamment élevée pour permettre au maximum la réalisation de l'objectif de la loi » (avis du 22 novembre 1996 de la Commission de suivi relative aux écotaxes, Rapport annuel 1996, p. 35).
B.5.6. Le moyen n'est pas fondé.
Par ces motifs, la Cour rejette le recours.
Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 3 mars 1999.
Le greffier, L. Potoms.
Le président, M. Melchior.