publié le 20 janvier 1999
Arrêt n° 111/98 du 4 novembre 1998 Numéro du rôle : 1207 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 14 à 16 et 23 de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, posée par la Cour de cassation. La Cour d'arbitrage, composée du président L. De Grève et du juge L. François, faisant fonction (...)
Arrêt n° 111/98 du 4 novembre 1998 Numéro du rôle : 1207 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 14 à 16 et 23 de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, posée par la Cour de cassation.
La Cour d'arbitrage, composée du président L. De Grève et du juge L. François, faisant fonction de président, et des juges P. Martens, G. De Baets, E. Cerexhe, A. Arts et R. Henneuse, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par arrêt du 25 novembre 1997 en cause du ministère public contre L. Van den Troost, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 4 décembre 1997, la Cour de cassation a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 23 de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant l'emploi des langues en matière judiciaire viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, en tant qu'en son alinéa 2, cette disposition légale limite la demande d'un prévenu de changer de langue de procédure au prévenu qui ne connaît que la langue demandée ou s'exprime plus facilement dans cette langue et qu'en son alinéa 4, elle confère au tribunal la possibilité de ne pas faire droit à une demande du prévenu de changer de langue de procédure à raison des circonstances de la cause, alors que le tribunal ne peut refuser la demande faite par des demandeurs visés aux articles 14 à 16 de la même loi que lorsque le demandeur ne comprend pas la langue dont il demande l'emploi pour la procédure ? » II. Les faits et la procédure antérieure L. Van den Troost, demeurant à Turnhout, a été condamné, dans deux affaires distinctes, par le Tribunal de première instance de Turnhout, siégeant en matière répressive et en degré d'appel.
Devant le juge du fond, il avait allégué qu'il existait, sur la base de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, une discrimination entre différentes catégories d'habitants quant à la possibilité de faire traiter l'affaire dans une autre langue. Bien que le néerlandais soit sa langue maternelle, il avait lui-même demandé que son affaire soit traitée en français, ce qui lui fut refusé par le juge, sur la base de l'article 23 de la loi précitée. Le juge rejeta la demande visant à faire poser une question préjudicielle concernant le caractère discriminatoire allégué de cette disposition par rapport aux articles 14 à 16 de la même loi, qui garantissent qu'à d'autres habitants, le changement de langue demandé pour des motifs identiques ne peut être refusé.
L. Van den Troost s'est pourvu en cassation contre les jugements du Tribunal correctionnel de Turnhout et a demandé à la Cour de cassation de poser la question préjudicielle précitée.
III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 4 décembre 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.
La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 16 janvier 1998.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 28 janvier 1998.
Des mémoires ont été introduits par : - L. Van den Troost, Hertenstraat 31, 2300 Turnhout, par lettre recommandée à la poste le 9 février 1998; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 3 mars 1998.
Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 17 mars 1998.
Des mémoires en réponse ont été introduits par : - L. Van den Troost, par lettre recommandée à la poste le 24 mars 1998; - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 9 avril 1998.
Par ordonnance du 27 mai 1998, la Cour a prorogé jusqu'au 4 décembre 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.
Par ordonnance du 8 juillet 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 30 septembre 1998.
Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 10 juillet 1998.
A l'audience publique du 30 septembre 1998 : - ont comparu : . Me J. Verschaeren, avocat au barreau de Turnhout, pour L. Van den Troost; . Me W. Timmermans loco Me P. Traest, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs G. De Baets et P. Martens ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
IV. En droit - A - Position du Conseil des ministres A.1. La discrimination dénoncée concerne les traitements différents qui sont réservés aux personnes auxquelles s'applique la règle générale concernant l'emploi des langues en matière judiciaire (articles 14 et 2 de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer) et à celles auxquelles s'appliquent les règles particulières (concernant l'emploi des langues à l'égard des inculpés habitant dans un canton ou une commune à statut linguistique spécial et concernant l'emploi des langues dans les tribunaux dont le ressort s'étend à des communes à statut linguistique spécial).
A.2. En tant qu'une comparaison est établie avec des inculpés devant comparaître devant des tribunaux de police de l'arrondissement de Bruxelles dont le ressort ne s'étend pas exclusivement à des communes unilingues et devant le tribunal correctionnel (article 16 de la loi), il n'existe pas de différence de traitement : tous les prévenus, y compris le demandeur en cassation, sont traités de la même manière, où qu'ils soient domiciliés. Tous ceux qui, à Bruxelles, sont cités à comparaître devant un tribunal pénal peuvent dès lors bénéficier du régime avantageux du changement de langue.
A.3.1. En tant qu'est dénoncée une différence de traitement par rapport aux habitants de cantons ou de communes à statut linguistique spécial (articles 14, alinéas 2 à 7, et 15), auxquels le changement de langue ne peut être refusé que lorsqu'ils ne maîtrisent pas la langue demandée, elle résulte du régime linguistique spécial applicable à ces communes.
A.3.2. La différence de traitement est basée sur un critère objectif, à savoir le domicile du prévenu et le tribunal devant lequel il est cité. Ce sont là deux critères objectifs qui peuvent être vérifiés sans ambiguïté.
A.3.3. La différence de traitement est aussi raisonnablement justifiée. En opérant une distinction dans les conditions qui permettent le changement de langue en matière judiciaire, selon que c'est la règle générale ou la règle particulière qui s'applique, le législateur a voulu appliquer l'article 30 de la Constitution, qui garantit la liberté de l'emploi des langues, sans préjudice du règlement de cet emploi, notamment pour les actes en matière judiciaire, en appliquant le principe de territorialité et en tenant compte de la situation particulière des habitants de certaines communes.
Le principe de territorialité, qui considère comme une exception l'emploi d'une autre langue dans une région linguistique unilingue, est l'un des fondements de la structure de notre Etat fédéral. Le droit qu'a chaque citoyen de parler sa propre langue et d'être aidé dans sa propre langue doit donc être interprété à la lumière du principe de territorialité, qui est du reste reconnu, dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, comme un fondement tant de la législation linguistique que de l'ensemble de la structure de l'Etat belge. La règle générale concernant le changement de langue trouve son fondement dans le principe de territorialité. La dérogation contenue dans la règle particulière, selon laquelle le changement de langue peut s'opérer à la demande de l'inculpé, doit demeurer l'exception.
La règle particulière s'applique tout d'abord à Bruxelles, qui est déjà une région linguistique bilingue, de sorte que l'article 16 de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer doit être interprété dans cette perspective. Les autres règles particulières, applicables aux communes dites à facilités, trouvent directement leur fondement dans la Constitution, qui prévoit elle-même de telles dérogations. La nécessité d'aboutir à une réglementation particulière concernant l'emploi des langues en matière judiciaire à l'égard des habitants de certaines communes à facilités s'inscrit dans l'ensemble plus vaste des règles visant à protéger de manière équilibrée les minorités linguistiques dans certaines régions du pays.
A.3.4. En application de la règle générale, le changement de langue ne peut être autorisé que lorsque le prévenu ne connaît que l'autre langue ou s'exprime plus facilement dans celle-ci, mais elle peut néanmoins être refusée en raison des circonstances de la cause, par exemple lorsque le renvoi de l'affaire entraînerait le déplacement d'un trop grand nombre de témoins, lorsque les intérêts de la partie civile s'en trouveraient menacés, lorsque le prévenu a déposé une déclaration de connaissance linguistique manifestement fausse ou lorsque le changement de langue est demandé pour des raisons purement dilatoires.
Il n'est pas déraisonnable d'exiger de prévenus domiciliés dans la région unilingue de langue néerlandaise qu'ils puissent démontrer qu'ils parlent uniquement ou mieux le français en vue de pouvoir obtenir le changement de langue en matière répressive. Les circonstances particulières qui pourraient empêcher le changement de langue ne sont par ailleurs appliquées qu'exceptionnellement, dans des cas très manifestes, tel celui du demandeur en cassation qui doit lui-même utiliser le néerlandais dans ses activités professionnelles.
En outre, les jugements par lesquels le changement de langue est refusé sont susceptibles d'appel. Enfin, le principe général de la liberté de l'emploi des langues devant le tribunal s'applique à tous les prévenus. Il résulte en effet de l'article 31 de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer que l'inculpé fait usage de la langue de son choix pour toutes ses déclarations devant le tribunal de police ainsi que pendant l'instruction. Lorsque le tribunal de police ne connaît pas cette langue, il est fait appel au concours d'un traducteur juré.
Position de L. Van den Troost A.4. Il existe une différence de traitement entre les habitants des cantons de Mouscron, de Comines, de Fouron-Saint-Martin, les habitants des six communes de la périphérie de Bruxelles, les habitants de la partie flamande ou wallonne du pays qui doivent comparaître devant les tribunaux de police de l'arrondissement de Bruxelles, autres que ceux des six communes de la périphérie, ou devant le tribunal correctionnel de Bruxelles, ainsi que les habitants de l'agglomération bruxelloise, d'une part, et tous les autres justiciables qui ne tombent pas sous l'application des articles 14 à 16 de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, d'autre part.
A.5. Cette différence de traitement n'est pas susceptible d'une justification objective et raisonnable. Pourquoi, en matière répressive, les habitants de certaines communes auraient-ils un droit absolu au choix de la langue, auquel le juge est tenu d'acquiescer, à moins qu'il ne soit établi que le requérant ne connaît pas la langue choisie, alors qu'une semblable demande émanant d'habitants d'autres communes est laissée à l'appréciation du juge ? A.6.1. L'argumentation du Conseil des ministres, qui se réfère à la législation linguistique en matière d'enseignement et en matière administrative, ne peut pas être utilisée en matière répressive, étant donné qu'il s'agit des droits de l'individu concernant le traitement d'une procédure engagée à sa charge, traitement auquel des considérations d'intérêt général, propres à l'emploi des langues en matière d'enseignement et en matière administrative, ne peuvent s'appliquer mutatis mutandis. L'article 23 de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, qui est en cause, fait dépendre les droits dont on dispose en tant que prévenu du lieu où l'on habite ou réside.
Le domicile est certes un critère objectif, mais il n'est pas raisonnablement justifié puisqu'il s'agit des droits du prévenu en matière répressive. Le principe de territorialité ne peut suffire à justifier objectivement et raisonnablement qu'un régime plus favorable soit accordé à certains prévenus.
A.6.2. L'article 30 de la Constitution n'autorise nullement le législateur à violer, lorsqu'il met en oeuvre cette disposition, les articles 10 et 11 de la Constitution. Ni le principe de territorialité ni la situation particulière des habitants de certaines communes ne fournit une justification raisonnable pour cette différence. La question se pose de savoir pourquoi les minorités linguistiques ne doivent pas être protégées de la même manière équilibrée en matière répressive dans d'autres régions que « certaines régions du pays » énumérées aux articles 14 à 16 de la loi sur l'emploi des langues.
Les circonstances qui sont invoquées pour refuser un tel changement de langue (déplacement de témoins, caractère dilatoire, menaces pour les intérêts de la partie civile, risque de fausses déclarations) valent également pour les habitants des communes à statut linguistique spécial et pas seulement pour les habitants de communes auxquels le droit absolu du choix de la langue n'est pas accordé. Le critère invoqué de la territorialité (au sens large) est justifié par des motifs qui n'ont aucun rapport avec le principe de territorialité.
L'argument selon lequel tout prévenu peut se faire assister d'un interprète ne constitue pas non plus une justification objective et raisonnable. Indépendamment de la constatation que l'intervention d'un interprète n'offre pas les mêmes garanties que lorsque le prévenu peut s'adresser directement au juge dans sa propre langue, il s'agit en effet d'une garantie accordée par convention à tous les inculpés, indépendamment de leur domicile, et qui ne peut servir de justification pour accorder à certains prévenus davantage qu'à d'autres le droit au changement de langue. La discrimination dénoncée n'existe du reste pas seulement pour les habitants allophones d'une région linguistique mais également pour les prévenus, autres que ceux énumérés aux articles 14 à 16 de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, domiciliés dans la région linguistique correspondant à leur propre langue mais qui sont poursuivis par un tribunal d'une autre région linguistique.
De surcroît, les catégories de prévenus actuellement privilégiées peuvent également faire appel à la garantie de l'assistance d'un interprète, de sorte que l'avantage qui leur est accordé n'est pas nécessaire. - B - B.1. L'article 23 de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, tel qu'il a été remplacé par l'article 15 de la loi du 23 septembre 1985 relative à l'emploi de la langue allemande en matière judiciaire et à l'organisation judiciaire, est libellé comme suit : « Le prévenu qui ne connaît que le néerlandais ou s'exprime plus facilement dans cette langue et qui est traduit devant un tribunal de police ou un tribunal correctionnel où la procédure est faite en français ou en allemand, peut demander que celle-ci ait lieu en néerlandais.
Le prévenu qui ne connaît que le français ou s'exprime plus facilement dans cette langue et qui est traduit devant un tribunal de police ou un tribunal correctionnel où la procédure est faite en néerlandais, peut demander que celle-ci ait lieu en français.
Le prévenu qui ne connaît que l'allemand ou s'exprime plus facilement dans cette langue et qui est traduit devant un tribunal de police ou un tribunal correctionnel où la procédure est faite en néerlandais ou en français, peut demander que celle-ci ait lieu en allemand.
Dans les cas visés aux alinéas 1er à 3, le tribunal ordonne le renvoi à la juridiction de même ordre la plus rapprochée où la procédure est faite dans la langue demandée par le prévenu. Toutefois le tribunal peut décider qu'il ne peut faire droit à la demande du prévenu à raison des circonstances de la cause.
Le prévenu qui ne connaît que le français ou s'exprime plus facilement dans cette langue et qui est traduit devant un tribunal de police ou un tribunal correctionnel où la procédure est faite en allemand, peut demander que celle-ci ait lieu en français. Dans ce cas, la procédure est poursuivie dans la langue demandée par le prévenu devant cette même juridiction. » Lors de l'examen de la question préjudicielle, la Cour doit également tenir compte des articles 14 à 16 de la loi précitée, dont les dispositions pertinentes en l'espèce sont libellées comme suit : «
Art. 14.Devant les tribunaux de police et les tribunaux correctionnels statuant en première instance, toute la procédure est faite en français, en néerlandais ou en allemand, selon que le siège de ces juridictions est établi dans les provinces et les arrondissements indiqués respectivement à l'article 1er, à l'article 2, ou à l'article 2bis.
Il est dérogé à cette règle lorsque l'inculpé demeurant dans un des cantons de Mouscron, de Comines, ou de Fouron-Saint-Martin en fait la demande dans les formes ci-après :
Art. 15.§ 1er. Devant les tribunaux de police de l'arrondissement de Bruxelles dont le ressort est composé exclusivement de communes de la région de langue néerlandaise, toute la procédure est faite en néerlandais. § 2. Il est dérogé à cette règle lorsque l'inculpé demeurant dans une des communes de Drogenbos, Kraainem, Linkebeek, Rhode-Saint-Genèse, Wemmel, Wezembeek-Oppem, en fait la demande dans les formes prévues à l'article 16, § 2.
Art. 16.§ 1er. Devant les tribunaux de police de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles autres que ceux visés à l'article précédent et devant le tribunal correctionnel de Bruxelles, statuant en première instance, la procédure est faite en français, si le prévenu est domicilié dans la région de langue française; en néerlandais, si le prévenu est domicilié dans la région de langue néerlandaise, en français ou en néerlandais si le prévenu est domicilié dans l'agglomération bruxelloise, selon qu'il a fait usage à l'instruction ou, à défaut de celle-ci, à l'information de l'une ou de l'autre de ces langues pour ses déclarations. Dans tous les autres cas, il est fait usage du français ou du néerlandais selon les nécessités de la cause. § 2. [...] § 3.Le même changement de langue peut être demandé dans les mêmes conditions par un inculpé demeurant dans une des communes de Drogenbos, Kraainem, Linkebeek, Rhode-Saint-Genèse, Wemmel et Wezembeek-Oppem, lorsqu'il en fait la demande dans les formes prévues au § 2 de cet article. » B.2.1. Ainsi qu'il ressort de la formulation de la question préjudicielle, la Cour doit se borner à contrôler l'article 23 précité de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, en tant qu'il résulte de cette disposition, lue conjointement avec les articles 14 à 16 précités de la même loi, une différence de traitement entre, d'une part, le prévenu traduit devant un tribunal de police ou un tribunal correctionnel dont la langue de procédure est exclusivement la langue de la région linguistique unilingue dans laquelle le prévenu est poursuivi et le tribunal situé (articles 1er, 2, 2bis et 14, alinéa 1er, de la loi) et, d'autre part, le prévenu traduit devant un tribunal de police ou un tribunal correctionnel dont la langue de procédure n'est pas exclusivement la langue de la région linguistique, soit parce que le tribunal est situé dans une région linguistique bilingue (article 16 de la loi), soit parce que ce tribunal est situé dans une région linguistique unilingue mais que le prévenu est domicilié dans une commune aux habitants de laquelle sont accordées des facilités linguistiques (articles 14, alinéa 2, et 15, § 2, de la loi).
B.2.2. La différence de traitement visée par la question préjudicielle consiste en ce que le tribunal devant lequel est poursuivi le prévenu auquel s'appliquent les règles de l'article 23 de la loi peut décider, suivant les circonstances de la cause, de ne pas faire droit à la demande du prévenu qui connaît exclusivement une autre langue que la langue de la procédure ou qui s'exprime plus facilement dans une autre langue que celle-ci, de poursuivre la procédure dans cette langue, alors qu'au prévenu auquel s'appliquent les règles des articles 14 à 16 de la loi, le tribunal ne peut pas refuser le changement de langue de la procédure en raison des circonstances de la cause, mais exclusivement lorsqu'il constate que le prévenu ne comprend pas la langue dont il demande l'usage pour la procédure.
B.3. L'article 30 de la Constitution dispose que l'emploi des langues usitées en Belgique est facultatif et qu'il ne peut être réglé que par la loi, et seulement pour les actes de l'autorité publique et pour les affaires judiciaires.
Lorsqu'il règle l'emploi des langues pour les actes de l'autorité publique et pour les affaires judiciaires, en exécution de l'article précité, le législateur doit respecter le principe d'égalité garanti par l'article 10 de la Constitution et l'interdiction de discrimination imposée par l'article 11 de la Constitution.
B.4.1. Le traitement différent réservé à la catégorie des prévenus auxquels s'applique l'article 23 de la loi, lu conjointement avec les articles 1er, 2, 2bis et 14, alinéa 1er, et à la catégorie des prévenus visés à l'article 16, § 1er, de la loi, repose sur un critère objectif, à savoir le caractère unilingue ou bilingue de la région linguistique dans laquelle est situé le ressort du tribunal concerné.
B.4.2. Lorsqu'il règle l'emploi des langues en matière judiciaire, le législateur doit concilier la liberté fondamentale qu'a l'individu d'utiliser la langue de son choix, et le bon fonctionnement de l'administration de la justice.
Ce faisant, le législateur doit tenir compte de la diversité linguistique consacrée par la Constitution qui établit quatre régions linguistiques, dont une est bilingue.
B.4.3. Compte tenu de ces objectifs, il est pertinent de faire dépendre la possibilité du changement de langue, pour le prévenu traduit devant un tribunal dans une région linguistique unilingue, de la double condition que ce prévenu connaisse exclusivement cette autre langue ou s'exprime plus facilement dans celle-ci et que les circonstances de la cause ne s'opposent pas à ce changement de langue qui conduit inévitablement au renvoi de l'affaire dans un autre ressort. Il va de soi que lesdites circonstances doivent être en rapport avec une bonne administration de la justice, ce que confirment les exemples donnés au cours des travaux préparatoires de l'article 23 (Doc. parl., Sénat, 1934-1935, n° 86, p. 22; Doc. parl., Chambre, 1934-1935, n° 135; Ann., Chambre, 4 juin 1935, p. 1290).
En offrant au prévenu traduit devant un tribunal situé dans une région linguistique bilingue la possibilité d'obtenir, quel que soit le lieu de son domicile, le changement de langue de la procédure pour l'autre langue de la région linguistique, sauf si le prévenu ne maîtrise pas la langue demandée, le législateur a pris une mesure par laquelle la liberté d'emploi des langues, dans la perspective de l'existence de quatre régions linguistiques, n'est pas limitée plus qu'il n'est nécessaire pour une bonne administration de la justice, dès lors que ce changement de langue n'entraîne point le renvoi de l'affaire dans un autre ressort judiciaire, comme c'est le cas pour les tribunaux situés dans une région linguistique unilingue.
B.4.4. Etant donné qu'il a tenu compte de l'existence constitutionnelle de quatre régions linguistiques, dont trois sont unilingues, et qu'il n'a pas limité la liberté individuelle d'emploi des langues plus qu'il n'est nécessaire pour concilier cette liberté avec les exigences d'une bonne administration de la justice, il a pris une mesure qui n'est pas disproportionnée.
B.4.5. La question préjudicielle appelle une réponse négative en ce qui concerne la différence de traitement mentionnée au B.4.1.
B.5.1. La différence de traitement entre la catégorie des prévenus auxquels s'applique l'article 23 de la loi, lu conjointement avec les articles 2 et 14, alinéa 1er, et la catégorie des prévenus visés aux articles 14, alinéa 2, et 15, § 2, repose également sur un critère objectif, à savoir que le domicile du prévenu est situé ou non dans une commune à statut linguistique spécial. Puisque la Constitution elle-même a prévu que la loi puisse prescrire ou permettre, dans des communes ou groupes de communes contigus à une autre région linguistique, l'emploi d'une autre langue que celle de la région dans laquelle ils sont situés, l'objectivité de ce critère de distinction n'est pas contestable.
B.5.2. Les articles 14, alinéas 2 et suivants, et 15 précités de la loi accordent aux prévenus qu'ils visent un avantage dont sont privés les prévenus auxquels s'applique l'article 23.
En accordant aux inculpés domiciliés dans les communes visées aux articles 14 et 15 de la loi cet avantage du changement de langue prédécrit, le législateur a pris une mesure qui cadre avec la volonté d'assurer une bonne administration de la justice et avec l'attribution de facilités linguistiques aux citoyens domiciliés dans certaines communes à statut linguistique spécial, et qui n'est pas disproportionnée à l'objectif qu'il poursuit.
B.5.3. La question préjudicielle appelle une réponse négative en ce qui concerne la différence de traitement mentionnée au B.5.1.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 23 de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant l'emploi des langues en matière judiciaire ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 4 novembre 1998.
Le greffier, L. Potoms.
Le président, L. De Grève.