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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 13 novembre 1998

Arrêt n° 107/98 du 21 octobre 1998 Numéros du rôle : 1182, 1183, 1184 et 1185 En cause : les recours en annulation de l'article 353bis du Code judiciaire tel qu'il a été remplacé par l'article 84 de la loi du 17 février 1997 modifiant certain La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L(...)

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1998021418
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13/11/1998
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Arrêt n° 107/98 du 21 octobre 1998 Numéros du rôle : 1182, 1183, 1184 et 1185 En cause : les recours en annulation de l'article 353bis du Code judiciaire tel qu'il a été remplacé par l'article 84 de la loi du 17 février 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/09/1997 numac 1997009532 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/08/1998 numac 1998015084 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation au developpement Loi portant assentiment de l'Accord, conclu par échange de lettres datées à Bruxelles le 9 février et le 13 février 1995, entre le Royaume des Pays-Bas et le Royaume de Belgique, concernant le statut des officiers de liaison belges attachés à l'Unité Drogues Europol à La Haye fermer modifiant certaines dispositions du Code judiciaire en ce qui concerne le personnel des greffes et des parquets, introduits par C. Servaes et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L. François, P. Martens, J. Delruelle, G. De Baets, E. Cerexhe, H. Coremans, A. Arts, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste les 28 et 29 octobre 1997 et parvenues au greffe les 29 et 30 octobre 1997, quatre recours en annulation ont été introduits contre l'article 353bis du Code judiciaire, tel qu'il a été remplacé par l'article 84 de la loi du 17 février 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/09/1997 numac 1997009532 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/08/1998 numac 1998015084 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation au developpement Loi portant assentiment de l'Accord, conclu par échange de lettres datées à Bruxelles le 9 février et le 13 février 1995, entre le Royaume des Pays-Bas et le Royaume de Belgique, concernant le statut des officiers de liaison belges attachés à l'Unité Drogues Europol à La Haye fermer modifiant certaines dispositions du Code judiciaire en ce qui concerne le personnel des greffes et des parquets (publiée au Moniteur belge du 30 avril 1997, deuxième édition), respectivement par C. Servaes, demeurant à 4451 Voroux-lez-Liers, chaussée de Tongres 89, A. Pépin, demeurant à 7387 Honnelles, Le Moulin d'Angre 3, P. Oter, demeurant à 4280 Hannut, rue de la Vallée 24, et F. Calcus, demeurant à 7950 Chièvres, Grand-Rue 81.

II. La procédure Par ordonnances des 29 et 30 octobre 1997, le président en exercice a désigné les juges des sièges conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 19 novembre 1997, la Cour a joint les affaires.

Les recours ont été notifiés conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 25 novembre 1997; l'ordonnance de jonction a été notifiée aux parties par les mêmes lettres.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 29 novembre 1997.

Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire dans chacune des affaires, par lettres recommandées à la poste le 9 janvier 1998.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 22 janvier 1998.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - F. Calcus, par lettre recommandée à la poste le 19 février 1998; - C. Servaes, par lettre recommandée à la poste le 20 février 1998; - A. Pépin, par lettre recommandée à la poste le 26 février 1998; - P. Oter, par lettre recommandée à la poste le 26 février 1998.

Par ordonnance du 25 mars 1998, la Cour a prorogé jusqu'au 28 octobre 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 27 mai 1998, le président M. Melchior a soumis les affaires à la Cour réunie en séance plénière.

Par ordonnance du même jour, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l'audience au 24 juin 1998, après avoir invité les parties à répondre dans un mémoire complémentaire à introduire le 19 juin 1998 au plus tard à la question suivante : « En référence au quatrième moyen invoqué par Mme C. Servaes, les mandats résultant de désignations motivées par l'appartenance politique des intéressés, notamment au sein d'intercommunales ou d'organismes culturels visés par la loi du 16 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/07/1973 pub. 15/06/2011 numac 2011000326 source service public federal interieur Loi garantissant la protection des tendances idéologiques et philosophiques. - Coordination officieuse en langue allemande fermer garantissant la protection des tendances idéologiques et philosophiques, sont-ils visés par les notions de 'mandat public conféré par élection' ou de 'fonction ou charge publique rémunérée, d'ordre politique ou administratif' contenues à l'article 293 du Code judiciaire, auquel la disposition attaquée de l'article 353bis inséré par l'article 84 de la loi du 17 février 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/09/1997 numac 1997009532 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/08/1998 numac 1998015084 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation au developpement Loi portant assentiment de l'Accord, conclu par échange de lettres datées à Bruxelles le 9 février et le 13 février 1995, entre le Royaume des Pays-Bas et le Royaume de Belgique, concernant le statut des officiers de liaison belges attachés à l'Unité Drogues Europol à La Haye fermer renvoie ? ».

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 28 mai 1998.

Des mémoires complémentaires ont été introduits par : - A. Pépin, par lettre recommandée à la poste le 18 juin 1998; - C. Servaes, par lettre recommandée à la poste le 19 juin 1998; - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 19 juin 1998.

A l'audience publique du 24 juin 1998 : - ont comparu : . Me X. Drion loco Me X. Ghuysen, avocats au barreau de Liège, pour C. Servaes; . A. Pépin, en personne; . Me R. Ergec loco Me P. Peeters, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs P. Martens et G. De Baets ont fait rapport; - les parties précitées ont été entendues; - les affaires ont été mises en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. Les éléments de droit - la loi attaquée 1. Les articles 292 à 304 du Code judiciaire énoncent un certain nombre d'incompatibilités applicables aux fonctions de l'Ordre judiciaire, aux membres des cours, tribunaux, parquets et greffes, ainsi qu'aux juges suppléants.Postérieurement à l'adoption de la loi attaquée, ces incompatibilités ont été étendues aux référendaires près la Cour de cassation et aux conseillers suppléants à la cour d'appel.

L'article 293 du Code judiciaire dispose : « Les fonctions de l'Ordre judiciaire sont incompatibles avec l'exercice d'un mandat public conféré par élection, avec toute fonction ou charge publique rémunérée, d'ordre politique ou administratif, avec les charges de notaire ou d'huissier de justice, avec la profession d'avocat, avec l'état militaire et avec l'état ecclésiastique.

Ces fonctions sont également incompatibles, lorsqu'elles sont exercées dans une juridiction du travail, avec toute fonction dans une organisation représentative de travailleurs salariés, de travailleurs indépendants ou d'employeurs ou dans un organisme qui participe à l'exécution de la législation en matière de sécurité sociale.

La règle énoncée à l'alinéa 2 n'est pas applicable aux fonctions exercées dans les organisations qui y sont prévues lorsque celles-ci ont exclusivement trait aux intérêts des personnes qui exercent des fonctions judiciaires. » L'article 4 de la loi du 10 octobre 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/10/1967 pub. 10/09/1997 numac 1997000085 source ministere de l'interieur Loi contenant le Code judiciaire - Traduction allemande des articles 728 et 1017 fermer contenant le Code judiciaire, qui contient des dispositions transitoires, prévoit notamment les disposition suivantes : Art. 9 : « L'application de la loi contenant le Code judiciaire ne peut porter atteinte aux traitements, majorations et suppléments de traitement et pensions des membres des cours et tribunaux, greffiers et personnel des greffes et des parquets en fonction. » Art. 37 : « Les articles 293 et 300 du Code judiciaire ne sont pas applicables aux membres des cours, tribunaux, parquets et greffes, y compris les juges et conseillers sociaux assesseurs et les juges consulaires assesseurs qui, lors de l'entrée en vigueur dudit code, exercent un mandat public conféré par élection. » L'article 354 du Code judiciaire, tel qu'il a été modifié par l'article 23 de la loi du 15 juillet 1970, disposait en son alinéa 1er : « Le Roi détermine la prestation de serment, les incompatibilités, les délégations, empêchements et remplacements, les absences, congés et vacances des secrétaires, secrétaires adjoints, commis-secrétaires des parquets et traducteurs, ainsi que des rédacteurs, employés et messagers de greffe et de parquet et des attachés au service de la documentation et de la concordance des textes auprès de la Cour de cassation. » 2. En exécution de l'article 354 du Code judiciaire, l'article 52 de l'arrêté royal du 30 mai 1970 relatif au statut des greffiers de l'Ordre judiciaire, du personnel des greffes de l'Ordre judiciaire, du personnel des greffes des Cours et tribunaux et du personnel des parquets dispose : « Outre les incompatibilités établies par les dispositions des articles 297, 298 et 299 du Code judiciaire, les secrétaires, secrétaires adjoints, commis-secrétaires et traducteurs de parquet, rédacteurs, employés et messagers de greffe et de parquet ne peuvent : 1° exercer les fonctions que l'article 293 du Code judiciaire déclare incompatibles avec celles de l'Ordre judiciaire;2° soit personnellement, soit par personne interposée, être agent d'assurances.» 3. Plusieurs arrêts du Conseil d'Etat ont déclaré cet article 52 illégal.Selon l'arrêt Pépin (n° 53.318, 17 mai 1995, J.T., 1995, p. 810), cette illégalité se fonde sur la motivation suivante : « En permettant au Roi de déterminer les incompatibilités applicables notamment aux secrétaires des parquets, l'article 354 du Code judiciaire n'a pu Lui conférer un pouvoir que les articles 8 et 162 de la Constitution réservent à la loi elle-même ». 4. La loi du 26 mars 1996 portant insertion d'un article 353bis au Code judiciaire et modification de l'article 354 du même Code (Moniteur belge, 23 juillet 1996) contient les dispositions suivantes : « Article 1er.La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2.Un article 353bis, rédigé comme suit, est inséré dans le chapitre VIII du titre II du livre II du Code judiciaire : '

Art. 353bis.Les règles d'incompatibilité déterminées à l'article 293 sont applicables au personnel des greffes et des parquets, aux attachés au service de la documentation et de la concordance des textes auprès de la Cour de cassation ainsi qu'aux membres du personnel titulaires d'un grade de qualification particulière, créé par le Roi, conformément à l'article 185.'

Art. 3.A l'article 354 du même Code, les mots 'les incompatibilités' sont supprimés.

Art. 4.Disposition transitoire.

Les membres du personnel visés à l'article 353bis du Code judiciaire qui exercent actuellement un mandat public conféré par élection sont autorisés à terminer ce mandat jusqu'aux prochaines élections.

Cette disposition est également applicable à leurs suppléants.

Art. 5.La présente loi entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge. » 5. A.Pépin a introduit un recours en annulation de cette loi devant la Cour, inscrit au rôle sous le numéro 1036. 6. Postérieurement à l'introduction du recours, l'article 353bis du Code judiciaire a été remplacé par l'article 84 de la loi du 17 février 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/09/1997 numac 1997009532 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/08/1998 numac 1998015084 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation au developpement Loi portant assentiment de l'Accord, conclu par échange de lettres datées à Bruxelles le 9 février et le 13 février 1995, entre le Royaume des Pays-Bas et le Royaume de Belgique, concernant le statut des officiers de liaison belges attachés à l'Unité Drogues Europol à La Haye fermer modifiant certaines dispositions du Code judiciaire en ce qui concerne le personnel des greffes et des parquets, (Moniteur belge, 30 avril 1997, deuxième édition, errata, Moniteur belge, 6 mai 1997), dans les termes suivants : « L'article 353bis du même Code est remplacé par les dispositions suivantes : 'Art.353bis. Les règles d'incompatibilité déterminées à l'article 293 sont applicables aux conseillers en médiation et aux assistants de médiation, aux membres du secrétariat du parquet, au personnel des greffes et des secrétariats des parquets, aux attachés au service de la documentation et de la concordance des textes auprès de la Cour de cassation ainsi qu'aux membres du personnel titulaires d'un grade de qualification particulière, créé par le Roi, conformément à l'article 185, alinéa 1er.' » L'article 84 entre en vigueur le premier jour du troisième mois qui suit celui au cours duquel la loi a été publiée, soit le 1er juillet 1997 (article 97 de la loi du 17 février 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/09/1997 numac 1997009532 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/08/1998 numac 1998015084 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation au developpement Loi portant assentiment de l'Accord, conclu par échange de lettres datées à Bruxelles le 9 février et le 13 février 1995, entre le Royaume des Pays-Bas et le Royaume de Belgique, concernant le statut des officiers de liaison belges attachés à l'Unité Drogues Europol à La Haye fermer précitée).

C'est cet article 84 de la loi du 17 février 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/09/1997 numac 1997009532 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/08/1998 numac 1998015084 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation au developpement Loi portant assentiment de l'Accord, conclu par échange de lettres datées à Bruxelles le 9 février et le 13 février 1995, entre le Royaume des Pays-Bas et le Royaume de Belgique, concernant le statut des officiers de liaison belges attachés à l'Unité Drogues Europol à La Haye fermer qui fait l'objet des présents recours en annulation.

L'article 85 de la même loi remplace par un texte nouveau l'article 354, alinéas 1er et 2, du Code judiciaire, tel qu'il avait été adapté par l'article 3 de la loi du 26 mars 1996. La nouvelle disposition confirme que le Roi n'est plus habilité à déterminer les incompatibilités du personnel visé. 7. A la suite de l'adoption de cette loi du 17 février 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/09/1997 numac 1997009532 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/08/1998 numac 1998015084 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation au developpement Loi portant assentiment de l'Accord, conclu par échange de lettres datées à Bruxelles le 9 février et le 13 février 1995, entre le Royaume des Pays-Bas et le Royaume de Belgique, concernant le statut des officiers de liaison belges attachés à l'Unité Drogues Europol à La Haye fermer, A.Pépin se désista de son précédent recours, portant le numéro 1036 du rôle.

Par son arrêt n° 57/97, du 9 octobre 1997, la Cour a décrété le désistement.

VI. En droit - A - La recevabilité A.1.1. C. Servaes, requérante dans l'affaire portant le numéro 1182 du rôle, exerce les fonctions d'employée à titre provisoire à l'auditorat général près la Cour du travail de Liège. Elle est conseillère communale, échevin et bourgmestre faisant fonction de la commune de Juprelle.

A. Pépin, requérant dans l'affaire portant le numéro 1183 du rôle, exerce les fonctions de secrétaire en chef du parquet près le Tribunal de première instance de Mons. Membre du conseil de l'aide sociale depuis le 16 octobre 1984, il est actuellement conseiller communal à Honnelles.

P. Oter, requérant dans l'affaire portant le numéro 1184 du rôle, exerce les fonctions de secrétaire-adjoint au parquet près le Tribunal de première instance de Liège. Il est membre du conseil de l'aide sociale de Hannut.

F. Calcus, requérant dans l'affaire portant le numéro 1185 du rôle, exerce les fonctions d'employé sous contrat au greffe du Tribunal de première instance de Mons. Il est membre du conseil de l'aide sociale de Chièvres.

Les requérants fondent leur intérêt sur la circonstance qu'en raison de l'incompatibilité instaurée par la disposition attaquée, ils se verraient privés de la possibilité de prétendre à un nouveau mandat lors d'une élection ultérieure au sein d'un conseil communal ou d'un conseil de l'aide sociale.

A.1.2.1. Selon le Conseil des ministres, les requérants n'auraient aucun intérêt à demander l'annulation de la disposition attaquée, qui aurait pour conséquence de faire renaître l'article 353bis du Code judiciaire dans sa version antérieure.

A.1.2.2. Le Conseil des ministres soutient aussi que les requérants n'ont intérêt à l'annulation de la loi attaquée qu'en tant qu'elle instaure une incompatibilité entre leurs fonctions et l'exercice d'un mandat de conseiller communal ou de membre d'un conseil de l'aide sociale.

A.1.3. En réplique, les requérants invoquent la jurisprudence de la Cour (arrêt n° 11/86) selon laquelle l'intérêt d'un requérant n'est pas énervé par la circonstance selon laquelle une annulation ferait revivre une norme précédente. Le législateur serait tenu de tenir compte des motifs de l'arrêt d'annulation. C'est en sa qualité de Belge que l'un des requérant agit, le droit fondamental à l'éligibilité étant ici en cause.

L'arrêt d'annulation pourrait avoir pour portée de se limiter à l'article 353bis du Code judiciaire, mais laisserait intacte la loi attaquée en tant qu'elle abroge implicitement la disposition antérieure (en ce sens : Conseil d'Etat, Picard, 29 janvier 1993, n° 41.825).

Premier moyen (premier moyen invoqué par C. Servaes, A. Pépin et F. Calcus) A.2.1. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution mis en relation avec l'article 23 de la Constitution, en tant qu'il garantit le droit de consultation et de négociation collective, et l'article 8.3 du Pacte international du 19 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Aux termes de l'arrêté royal du 29 août 1985, les incompatibilités sont des réglementations de base soumises à la négociation prévue par la loi du 19 décembre 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/1974 pub. 05/10/2012 numac 2012000586 source service public federal interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités. - Coordination officieuse en langue allemande fermer organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats relevant de ces autorités, le personnel des greffes et des parquets étant visés, à la différence des membres de l'Ordre judiciaire, par cette législation.

En ce que la loi attaquée n'a pas été soumise à la négociation syndicale, elle crée une discrimination entre les destinataires d'une loi qui, devant être soumise à la concertation syndicale, ne l'a pas été et ceux vis-à-vis desquels une pareille formalité a été observée.

A.2.2. Le Conseil des ministres, sans contester l'absence de négociation syndicale, répond que cette formalité n'est pas énoncée parmi celles qui, aux termes de l'article 124bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, relèvent de la compétence de la Cour (arrêt n° 45/92).

A.2.3. Il est répliqué à cette argumentation que l'arrêt n° 45/92 a été rendu antérieurement au 31 janvier 1994, date d'adoption de l'article 23 de la Constitution, et qu'il rejetait un moyen pris de l'absence de consultation syndicale au motif qu'il s'agissait d'une exigence portée par une loi non encore en vigueur.

En outre, c'est le principe d'égalité qui est ici invoqué, et non le non-respect d'une règle de procédure. L'article 23 nouveau de la Constitution interdit au législateur de rétrograder quant à cette obligation de concertation syndicale.

Deuxième moyen (deuxième moyen invoqué par C. Servaes, A. Pépin et F. Calcus et premier moyen invoqué par P. Oter) A.3.1. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec l'article 8 de la Constitution et l'article 25 du Pacte international du 19 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques, aucune justification n'étant donnée à la restriction apportée par la disposition attaquée au droit de prendre part à la direction des affaires publiques. Il n'existe aucun rapport de proportionnalité entre l'objectif poursuivi par la disposition attaquée de renforcer la confiance à l'égard de la Justice et l'incompatibilité générale instaurée, celle-ci frappant en outre des personnes n'appartenant pas à l'Ordre judiciaire, mais au personnel administratif.

A.3.2. La mesure attaquée, selon le Conseil des ministres, vise à assurer une confiance dans la neutralité et l'objectivité des personnes qui exercent les fonctions visées et à tenir compte du fait qu'il est difficile pour le justiciable de distinguer entre le personnel administratif et les membres de l'Ordre judiciaire. Elle tend aussi à écarter toute mesure susceptible de nuire aux efforts consentis pour résorber l'arriéré judiciaire. Elle traite d'ailleurs le personnel concerné de la même manière que celui du greffe du Conseil d'Etat et le personnel administratif de la Cour d'arbitrage (art. 110 des lois coordonnnées sur le Conseil d'Etat; art. 48 de la loi spéciale du 6 janvier 1989).

A.3.3. Le statut des membres du personnel du Conseil d'Etat et de la Cour d'arbitrage ne peut porter préjudice à la requérante, selon C. Servaes. La possibilité de contester ces dispositions législatives est trop récente pour permettre d'en tirer des conclusions. A. Pépin attire l'attention sur le fait que le statut de ce personnel autorise des dérogations, conformément au statut général de la fonction publique qui leur est applicable, et que l'Etat a souscrit à une obligation de standstill en ratifiant le Pacte relatif aux droits civils et politiques. Il indique aussi que de nombreux parlementaires se sont opposés à la loi attaquée au motif qu'elle comporte des atteintes excessives à l'exercice des droits politiques.

Troisième moyen (troisième moyen invoqué par C. Servaes et deuxième moyen invoqué par P. Oter) A.4.1. Le troisième moyen, pris de la violation des article 10 et 11 de la Constitution, reproche à la loi attaquée de traiter différemment les titulaires des fonctions administratives visées, représentés par le ministre de la Justice, des titulaires de mêmes fonctions administratives, mais représentés par tout autre ministre. Il n'y a pas de justification à traiter ainsi différemment ces deux catégories de membres de la fonction publique fédérale. Les personnes visées, accomplissant des tâches administratives, ne peuvent mettre en péril l'impartialité des membres de l'Ordre judiciaire, auxquels on ne peut les assimiler.

A.4.2. Le Conseil des ministres se réfère à sa réponse au deuxième moyen en ce qui concerne la justification de la mesure prise.

Quatrième moyen (quatrième moyen invoqué par C. Servaes) A.5.1. Le quatrième moyen, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, fait grief à la loi attaquée de discriminer les titulaires des emplois visés selon qu'ils exercent un mandat public conféré ou non par élection. Des mandats conférés par désignation, comme ceux qui sont exercés au sein des intercommunales ou dans les organismes visés par la loi dite du Pacte culturel, sont, comme les mandats électoraux, identifiés politiquement, mais ils ne sont pas soumis à l'incompatibilité critiquée.

A.5.2. Le Conseil des ministres observe que les membres des intercommunales sont également visés par la disposition attaquée, étant nécessairement membres d'un conseil communal ou d'un conseil de l'aide sociale, ce que conteste C. Servaes. En outre, seuls les mandats conférés par élection ont un caractère politique.

Cinquième moyen (troisième moyen invoqué par A. Pépin) A.6.1. Le requérant invoque un cinquième moyen pris de la violation de l'article 9 des dispositions transitoires prévues à l'article 4 de la loi du 10 octobre 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/10/1967 pub. 10/09/1997 numac 1997000085 source ministere de l'interieur Loi contenant le Code judiciaire - Traduction allemande des articles 728 et 1017 fermer contenant le Code judiciaire, selon lequel le législateur n'a jamais eu l'intention de frapper d'inéligibilité le personnel administratif des greffes et des parquets et ajoute que, selon l'article 9 précité, des dispositions transitoires ont même permis aux membres de l'Ordre judiciaire concernés de continuer à exercer un mandat public conféré par élection. De même, l'article 9 de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'aide sociale et la nouvelle loi communale n'ont pas prévu de régime aussi rigoureux que celui instauré par la loi attaquée. Celle-ci peut conduire le requérant à devoir abandonner ses fonctions publiques; cette situation, par la privation d'avantages pécuniaires qu'elle comporterait, violerait l'article 6 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, garantissant le droit au travail. Le requérant se trouve ainsi contraint de choisir entre l'exercice de ses droits patrimoniaux acquis et l'exercice de ses droits politiques.

A.6.2. Selon le Conseil des ministres, le moyen ne relève pas de la compétence de la Cour.

Quant au fond, les articles 10 et 11 de la Constitution ne requièrent pas qu'une disposition transitoire maintienne inchangée une situation antérieure ni que le législateur ne puisse revenir sur ses objectifs pour en poursuivre d'autres. Dès l'arrêté royal du 30 mai 1970, l'incompatibilité critiquée était prévue, même si elle avait été instaurée par une autorité incompétente. La mesure transitoire permettant aux titulaires des fonctions publiques visées de poursuivre leur mandat jusqu'aux prochaines élections, qui se justifie par la nécessité de respecter le choix des électeurs, résulte, non de la loi attaquée, mais de la loi du 26 mars 1996. Prévoir une disposition transitoire plus ample serait injuste à l'égard des titulaires de fonctions au sein des greffes et des secrétariats de parquet qui ont, quant à eux, respecté les incompatibilités prévues par l'article 52 de l'arrêté royal du 30 mai 1970. Si l'absence de disposition transitoire est déclarée discriminatoire, le principe de l'incompatibilité elle-même n'en serait pas affecté.

En outre, la disposition transitoire de la loi du 10 octobre 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/10/1967 pub. 10/09/1997 numac 1997000085 source ministere de l'interieur Loi contenant le Code judiciaire - Traduction allemande des articles 728 et 1017 fermer ne lie pas le législateur ultérieur. En tout état de cause, la disposition transitoire de 1967 visait la sauvegarde, notamment, du statut pécuniaire des intéressés, qui peut être modifié ultérieurement et qui, en toute hypothèse, n'est pas en cause dans la loi attaquée dans la présente affaire. Il n'y a donc pas atteinte au droit au travail.

Sixième moyen (quatrième moyen invoqué par A. Pépin) A.7.1. Le requérant invoque un sixième moyen pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il s'est vu privé du droit de faire trancher par la Cour le recours en annulation qu'il avait dirigé contre la loi du 26 mars 1996, étant ainsi privé par le pouvoir exécutif d'une garantie juridictionnelle essentielle. La loi attaquée, qui reprend pour les membres des secrétariats des parquets le texte de la loi du 26 mars 1996, a en effet été sanctionnée, le 17 février 1997, après la notification au Conseil des ministres, le 5 février 1997, de ce recours en annulation. L'adoption de la nouvelle loi a conduit le requérant à se désister de son recours.

A.7.2. Le Conseil des ministres indique que c'est le requérant lui-même qui s'est désisté de son recours précédent. Ce n'est pas une initiative du pouvoir exécutif qui est à l'origine de l'arrêt constatant ce désistement. En outre, le requérant a pu déposer un recours en annulation de la loi attaquée dans la présente cause.

A.7.3. Le requérant réplique que son désistement n'a fait qu'anticiper un arrêt d'irrecevabilité due à un défaut d'objet, provoqué par la loi nouvelle ici attaquée. Si l'action du pouvoir exécutif est ici critiquée, c'est en raison du rôle post-parlementaire qu'il a joué dans l'adoption de la loi nouvelle en soumettant le projet à la sanction royale. - B - Quant à la recevabilité B.1.1. Selon le Conseil des ministres, les requérants n'auraient aucun intérêt à demander l'annulation de la disposition attaquée, qui aurait pour conséquence de faire renaître l'article 353bis du Code judiciaire dans sa version antérieure.

B.1.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme entreprise.

B.1.3. Lorsque, dans une législation nouvelle, le législateur reprend une disposition ancienne, cette circonstance, en principe, ne fait pas obstacle à ce qu'un recours puisse être introduit contre la disposition reprise, dans les six mois de sa publication, puisque le législateur manifeste ainsi sa volonté de légiférer en la matière.

La circonstance que la disposition attaquée reproduit partiellement une disposition identique de la législation antérieure ne prive pas, en l'espèce, le requérant de son intérêt au recours.

La remise en vigueur de l'article 353bis ancien, qui serait la conséquence de l'annulation de l'article 353bis nouveau, fût-il, pour l'essentiel, identique à la disposition annulée, n'a pas d'incidence sur l'intérêt à l'annulation de la disposition attaquée.

En effet, si l'article 353bis ancien ne peut plus faire l'objet d'un recours en annulation, sa constitutionnalité pourrait encore être contestée en faisant l'objet d'une question préjudicielle.

B.2.1. Le Conseil des ministres soutient aussi que les requérants n'ont intérêt à l'annulation de la loi attaquée qu'en tant qu'elle instaure une incompatibilité entre leurs fonctions et l'exercice d'un mandat de conseiller communal ou de membre d'un conseil de l'aide sociale.

B.2.2. Les requérants, respectivement employée au parquet, secrétaire en chef de parquet, secrétaire-adjoint de parquet et employé de greffe, exercent des mandats publics conférés par élection. Ils justifient de l'intérêt requis pour demander l'annulation de la disposition attaquée dans la mesure où elle interdit aux catégories de personnes auxquelles ils appartiennent d'exercer en même temps un mandat public électif.

La Cour limite son examen aux incompatibilités qui concernent ces seules catégories de personnes.

Quant au premier moyen B.3.1. Aux termes du premier moyen, l'omission, lors de l'élaboration de la loi attaquée, de la formalité substantielle que constitue la négociation syndicale, prévue par la loi du 19 décembre 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/1974 pub. 05/10/2012 numac 2012000586 source service public federal interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités. - Coordination officieuse en langue allemande fermer organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités, crée, parmi les agents soumis à cette loi, une différence de traitement contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que les agents soumis à la disposition attaquée n'ont pas bénéficié de la garantie que constituerait l'application de la loi de 1974 précitée.

B.3.2. La Cour est compétente pour contrôler la constitutionnalité de dispositions législatives, non quant à leur processus d'élaboration (sous réserve de l'article 124bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989), mais seulement quant à leur contenu.

La Cour n'est pas compétente pour connaître du moyen.

Quant au deuxième moyen B.4.1. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec l'article 8 de la Constitution et l'article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, aucune justification n'étant donnée à la restriction, apportée par la disposition attaquée, au droit de prendre part à la direction des affaires publiques. Il n'existe, selon les requérants, aucun rapport de proportionnalité entre l'objectif poursuivi par la disposition attaquée de renforcer la confiance à l'égard de la Justice et l'incompatibilité générale instaurée, celle-ci frappant en outre des personnes n'appartenant pas à l'Ordre judiciaire, mais au personnel administratif.

B.4.2. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 26 mars 1996, qui a inséré la première version de l'article 353bis du Code judiciaire, que le législateur a entendu à la fois garantir la neutralité et l'objectivité des personnes qui participent à l'exercice des fonctions judiciaires, même celles qui ne relèvent pas de l'Ordre judiciaire, et écarter toute mesure susceptible de nuire aux efforts consentis pour résorber l'arriéré judiciaire (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 234/1, pp. 2 et 4). Les travaux préparatoires de l'article 84 de la loi du 17 février 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/09/1997 numac 1997009532 source ministere de la justice Loi modifiant les articles 30 et 34 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence type loi prom. 17/02/1997 pub. 11/08/1998 numac 1998015084 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation au developpement Loi portant assentiment de l'Accord, conclu par échange de lettres datées à Bruxelles le 9 février et le 13 février 1995, entre le Royaume des Pays-Bas et le Royaume de Belgique, concernant le statut des officiers de liaison belges attachés à l'Unité Drogues Europol à La Haye fermer, qui a remplacé l'article 353bis par une nouvelle disposition en cause dans la présente affaire, n'indiquent pas que des objectifs différents aient été poursuivis.

B.4.3. Si le régime attaqué n'a pas pour objet les conditions d'exercice d'un mandat politique, il a cependant pour conséquence qu'il n'est pas possible d'exercer en même temps les fonctions qu'il vise, ce qui peut dissuader les titulaires de ces fonctions de postuler un mandat politique puisque l'exercice de ce mandat entraînerait la perte de leur emploi.

B.4.4. Si l'éligibilité est un droit fondamental dans une société démocratique, l'indépendance et l'impartialité du pouvoir judiciaire sont également des exigences qui tiennent aux valeurs fondamentales de la démocratie. L'exercice d'un mandat politique électif impliquant que son titulaire s'engage publiquement en faveur de ses options politiques et cherche à s'attacher la confiance des électeurs, le législateur a pu raisonnablement considérer que des limitations au droit d'exercer un tel mandat étaient indispensables à l'exercice de fonctions judiciaires. Il a également pu estimer que, afin de garantir le fonctionnement impartial de la justice aux yeux d'un public qui peut être insuffisamment informé de la répartition des tâches au sein de l'institution judiciaire, les incompatibilités devaient s'étendre à tous ceux qui, fût-ce pour y accomplir des tâches administratives, travaillent au sein des greffes et des parquets.

B.4.5. Sans doute le législateur pourrait-il permettre des dérogations, ainsi qu'il l'a fait en faveur du personnel administratif du Conseil d'Etat et de la Cour d'arbitrage (article 110 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat; article 48 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage).

Mais la seule constatation qu'aucune dérogation n'est actuellement permise ne suffit pas à établir le caractère discriminatoire de la mesure critiquée.

B.4.6. Il est vrai qu'en permettant aux personnes atteintes par la disposition nouvelle de terminer leur mandat en cours mais non de se présenter aux prochaines élections, le législateur a prévu une mesure transitoire moins favorable que celles qui figurent à l'article 4 de la loi du 10 octobre 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/10/1967 pub. 10/09/1997 numac 1997000085 source ministere de l'interieur Loi contenant le Code judiciaire - Traduction allemande des articles 728 et 1017 fermer contenant le Code judiciaire. Mais c'est au législateur qu'il appartient d'apprécier dans quelle mesure il convient de retarder l'application d'un régime nouveau d'incompatibilité afin de ménager une transition raisonnable avec le régime antérieur. La seule circonstance qu'il ait pris, en 1997, une mesure différente de celle qu'il avait adoptée en 1967, n'établit aucune discrimination.

Quant au troisième moyen B.5.1. Le troisième moyen, pris de la violation des article 10 et 11 de la Constitution, reproche à la loi attaquée de traiter différemment les titulaires des fonctions administratives visées, qui dépendent du ministère de la Justice, des titulaires de mêmes fonctions administratives, mais qui dépendent d'autres ministères. Il n'y aurait pas de justification à traiter différemment ces deux catégories de membres de la fonction publique fédérale, les personnes visées, qui accomplissent des tâches administratives, ne pouvant mettre en péril l'impartialité des membres de l'Ordre judiciaire, auxquels on ne peut les assimiler.

B.5.2. Il existe entre les membres du personnel des greffes et du secrétariat des parquets, d'une part, et les autres agents de la fonction publique, d'autre part, une différence fondée sur des critères objectifs : les premiers participent, fût-ce indirectement, aux services liés au fonctionnement du ministère public ou des cours et tribunaux de l'Ordre judiciaire; les seconds n'y participent pas.

Pour les motifs indiqués en B.4.4, cette différence justifie que seuls les premiers soient soumis aux incompatibilités critiquées.

Le moyen n'est pas fondé.

Quant au quatrième moyen B.6.1. Le quatrième moyen, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, fait grief à la loi attaquée de discriminer les titulaires des emplois visés selon qu'ils exercent un mandat public conféré ou non par élection. Des mandats conférés par désignation, comme ceux qui sont exercés au sein des intercommunales ou dans les organismes visés par la loi dite du Pacte culturel, sont, comme les mandats électoraux, identifiés politiquement, mais ils ne sont pas soumis à l'incompatibilité critiquée.

B.6.2. Il ressort de déclarations faites par le ministre de la Justice au cours des travaux préparatoires - et ce point de vue est confirmé dans le mémoire complémentaire du Conseil des ministres - que les incompatibilités critiquées visent les titulaires de mandats politiques conférés « par voie d'élection, qu'il s'agisse d'une élection directe (conseillers communaux), d'une élection indirecte (échevins, membres du conseil de l'aide sociale) ou d'une désignation (nomination comme bourgmestre) » (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 234/4, p. 7).

Par contre, interrogé au sujet des désignations dans des intercommunales ou dans des organismes culturels, le ministre a répondu que l'interdiction n'était pas applicable à ces mandats « dérivés » (Doc. parl., Sénat, 1995-1996, n° 1-245/2, pp. 5 et 6).

B.6.3. Lorsque le législateur apporte des limitations à l'exercice d'un droit fondamental, il ne peut le faire que dans la mesure indispensable à l'objectif qu'il poursuit.

Il n'est pas déraisonnable de considérer que l'indépendance et l'impartialité du pouvoir judiciaire risquent d'être mises en péril, non par tous ceux qui exercent un mandat « identifié politiquement », mais par ceux qui exercent un mandat politique et qui se sont soumis au suffrage des électeurs.

En limitant les incompatibilités à cette catégorie de personnes, le législateur n'a pas pris une mesure discriminatoire.

Le moyen n'est pas fondé.

Quant au cinquième moyen B.7.1. Le cinquième moyen est pris de la violation de l'article 9 des dispositions transitoires prévues à l'article 4 de la loi du 10 octobre 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/10/1967 pub. 10/09/1997 numac 1997000085 source ministere de l'interieur Loi contenant le Code judiciaire - Traduction allemande des articles 728 et 1017 fermer contenant le Code judiciaire, en ce que le législateur n'a jamais eu l'intention de frapper d'inéligibilité le personnel administratif des greffes et des parquets et que, selon l'article 9 précité, des dispositions transitoires ont même permis aux membres de l'Ordre judiciaire concernés de continuer à exercer un mandat public conféré par élection. De même, l'article 9 de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'aide sociale et la nouvelle loi communale n'ont pas prévu de régime aussi rigoureux que celui instauré par la loi attaquée. Celle-ci peut conduire le requérant à devoir abandonner ses fonctions publiques; cette situation, par la privation qu'elle comporterait d'avantages pécuniaires, violerait l'article 6 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, garantissant le droit au travail. Le requérant se trouve ainsi contraint de choisir entre l'exercice de ses droits patrimoniaux acquis et l'exercice de ses droits politiques.

B.7.2. Se fondant exclusivement sur la violation de normes qui ne sont pas de celles dont la Cour contrôle le respect, le moyen ne peut être accueilli.

Quant au sixième moyen B.8.1. Le sixième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que le requérant A. Pépin n'a pas pu faire trancher par la Cour le recours en annulation qu'il avait dirigé contre la loi du 26 mars 1996, étant ainsi privé par le pouvoir exécutif d'une garantie juridictionnelle essentielle. Le requérant ajoute que la loi attaquée, qui reprend pour les membres des secrétariats des parquets le texte de la loi du 26 mars 1996, a en effet été sanctionnée, le 17 février 1997, après la notification au Conseil des ministres, le 5 février 1997, de ce recours en annulation.

Le requérant affirme que l'adoption de la nouvelle loi l'a conduit à se désister de son recours.

B.8.2. La circonstance qu'une loi fait l'objet d'un recours en annulation ne prive pas le législateur de ses prérogatives constitutionnelles, même si, en les exerçant, il remplace une loi en discussion devant la Cour. L'adoption de pareille disposition législative nouvelle n'oblige pas un requérant à se désister du recours qu'il a introduit contre la loi ancienne et elle ne prive pas les institutions et les personnes visées à l'article 2 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage de leur droit d'introduire contre celle-ci un recours nouveau.

Le moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette les recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 21 octobre 1998.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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