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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 21 janvier 1998

Arrêt n° 81/97 du 17 décembre 1997 Numéros du rôle : 1042, 1043, 1046 et 1047 En cause : les recours en annulation de l'article 20 du décret de la Région wallonne du 27 juin 1996 relatif aux déchets, introduits par P. Beniest et autres. La composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. Martens, G. De Baets, E. Cerexh(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 81/97 du 17 décembre 1997 Numéros du rôle : 1042, 1043, 1046 et 1047 En cause : les recours en annulation de l'article 20 du décret de la Région wallonne du 27 juin 1996 relatif aux déchets, introduits par P. Beniest et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. Martens, G. De Baets, E. Cerexhe, H. Coremans et A. Arts, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste les 28 janvier 1997 et 31 janvier 1997 et parvenues au greffe les 29 janvier 1997, 30 janvier 1997 et 3 février 1997, un recours en annulation totale ou partielle de l'article 20 du décret de la Région wallonne du 27 juin 1996 relatif aux déchets (publié au Moniteur belge du 2 août 1996), pour cause de violation des règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions et des articles 10 et 11 de la Constitution, a été introduit respectivement par : a) P.Beniest, demeurant à 1435 Mont-Saint-Guibert, rue des Trois Burettes 55, et M. Beniest, demeurant à 1150 Bruxelles, avenue de Tervueren 262; b) la s.p.r.l. Pol Laurent, dont le siège social est établi à 7011 Ghlin, Résidence « La Prairie 17 »; c) la s.a. Cecosy, dont le siège social est établi à 7860 Lessines, rue René Magritte 35; d) la s.a. Carrières unies de porphyre, dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, rue de Belle-Vue 64.

II. La procédure Par ordonnances des 29 et 30 janvier 1997 et 3 février 1997, le président en exercice a désigné les juges des sièges conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Par ordonnance du 12 février 1997, la Cour réunie en séance plénière a joint les affaires.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Les recours ont été notifiés conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 4 mars 1997; l'ordonnance de jonction a été notifiée par les mêmes lettres.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 7 mars 1997.

Des mémoires ont été introduits par : - le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 21 avril 1997; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 21 avril 1997.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 29 avril 1997.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - P. Beniest et M. Beniest, par lettre recommandée à la poste le 28 mai 1997; - la s.p.r.l. Pol Laurent, par lettre recommandée à la poste le 28 mai 1997; - la s.a. Cecosy, par lettre recommandée à la poste le 29 mai 1997; - la s.a. Carrières unies de porphyre, par lettre recommandée à la poste le 29 mai 1997; - le Gouvernement wallon, par lettre recommandée à la poste le 30 mai 1997; - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 30 mai 1997.

Par ordonnance du 25 juin 1997, la Cour a prorogé jusqu'au 28 janvier 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 9 juillet 1997, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l'audience au 14 octobre 1997 après avoir invité : « a) les parties à introduire le 15 septembre 1997 au plus tard, un mémoire complémentaire portant sur le point de savoir si les moyens nouveaux formulés par le Conseil des ministres ont ou n'ont pas pour effet d'étendre le recours à des dispositions qui n'auraient pas été attaquées par les requérants, à la lumière de l'article 85, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage autorisant le Conseil des ministres à formuler de nouveaux moyens, mais la Cour ayant déjà jugé que son intervention ne peut ni modifier ni étendre le recours; b) -le Gouvernement wallon à préciser, dans un mémoire complémentaire à introduire le 15 septembre 1997 au plus tard, si l'interprétation qu'il donne dans son mémoire de l'article 20, § 5, du décret attaqué rejoint l'argumentation développée par lesdites parties requérantes dans leur dernier mémoire et, dans l'affirmative, à donner son avis sur la suggestion faite par les parties requérantes dans l'affaire n° 1042 au dernier alinéa de la page 8 de leur mémoire en réponse; - les parties requérantes dans les affaires nos 1042 et 1046 à répondre au mémoire complémentaire du Gouvernement wallon par un mémoire complémentaire à introduire le 30 septembre 1997 au plus tard ».

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 10 juillet 1997.

Des mémoires complémentaires ont été introduits par : - P. Beniest et M. Beniest, par lettres recommandées à la poste les 28 août 1997 et 29 septembre 1997; - la s.a. Carrières unies de porphyre, par lettres recommandées à la poste les 5 et 29 septembre 1997; - la s.a. Cecosy, par lettre recommandée à la poste le 5 septembre 1997; - le Gouvernement wallon, par lettre recommandée à la poste le 15 septembre 1997; - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 15 septembre 1997.

A l'audience publique du 14 octobre 1997 : --ont comparu : - Me E. Balate, avocat au barreau de Mons, pour la s.p.r.l. Pol Laurent; - Me F. Haumont et Me M. Scholasse, avocats au barreau de Bruxelles, et Me B. Paques, avocat au barreau de Nivelles, pour la s.a. Cecosy et pour la s.a. Carrières unies de porphyre; - Me A. Haelterman, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - Me V. Thiry, avocat au barreau de Liège, pour le Gouvernement wallon; - l'audience a été remise au 28 octobre 1997 à la demande de Me V. Thiry.

A l'audience publique du 28 octobre 1997 : - ont comparu : - Me J. Cruyplants, avocat au barreau de Bruxelles, pour P. Beniest et M. Beniest; - Me E. Balate, avocat au barreau de Mons, pour la s.p.r.l. Pol Laurent; - Me D. Deom loco Me F. Haumont et Me M. Scholasse, avocats au barreau de Bruxelles, et Me B. Paques, avocat au barreau de Nivelles, pour la s.a. Cecosy et pour la s.a. Carrières unies de porphyre; - Me A. Haelterman, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - Me I. Mertens loco Me V. Thiry, avocats au barreau de Liège, pour le Gouvernement wallon; - les juges-rapporteurs P. Martens et G. De Baets ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - les affaires ont été mises en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit -A - Quant à la recevabilité Recours inscrit au rôle sous le numéro 1042 Recevabilité A.1. Pierre Beniest, premier requérant, agit en sa qualité de titulaire d'un droit d'emphytéose sur d'importantes parcelles situées à Mont-Saint-Guibert. Michel Beniest, second requérant, est, avec entre autres le premier requérant, tréfoncier indivis des mêmes parcelles, dans le cadre de la succession de la grand-mère des requérants.

Les terres sous emphytéose font l'objet d'une double exploitation : des baux à sable autorisant à extraire le sable se trouvant dans le sous-sol des parcelles; des contrats de versage autorisant à déverser dans les parcelles excavées des déchets non dangereux.

La situation des requérants est directement et défavorablement affectée par la norme attaquée en ce qu'elle permet au Gouvernement wallon d'autoriser une personne morale de droit public à exproprier pour cause d'utilité publique des biens immeubles, entre autres les terrains sur lesquels les requérants sont titulaires de droits réels, nécessaires à l'implantation de centres d'enfouissement technique, tout en dispensant l'expropriant d'accorder aux expropriés une indemnité conforme à l'article 16 de la Constitution.

Premier moyen A.2. Le moyen est pris de la violation de l'article 39 de la Constitution et des articles 78 et 79 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, en ce que ces dispositions n'autorisent les gouvernements des régions à poursuivre des expropriations pour cause d'utilité publique que dans le respect des procédures judiciaires fixées par la loi et du principe de la juste et préalable indemnité visée à l'article 16 de la Constitution.

A.3. En tant qu'elle prévoit que la valeur de l'indemnité d'expropriation est établie à l'exclusion de toute référence à l'exploitation future en centre d'enfouissement technique, la disposition attaquée ne tient pas compte de la valeur d'avenir d'un bien déjà exploité comme tel avant la décision d'expropriation, alors que le législateur régional ne pouvait, le cas échéant, exclure du calcul de l'indemnité que la plus-value engendrée éventuellement par l'affectation future du site en centre d'enfouissement technique, affectation qui serait précisément rendue possible par l'expropriation.

Deuxième moyen A.4. Le moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention en ce que la disposition attaquée instaure une véritable discrimination entre personnes expropriées qui n'est susceptible d'aucune justification objective présentant un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens utilisés et le but poursuivi.

Le titulaire d'un droit réel sur un bien immobilier exproprié dans le cadre de l'implantation d'un centre d'enfouissement technique subit en effet une différence de traitement non susceptible de justification objective et raisonnable par rapport au titulaire d'un droit réel sur un immeuble exproprié pour d'autres raisons.

Recours inscrit au rôle sous le numéro 1043 Recevabilité A.5. La requérante, qui est une personne morale de droit privé, pourrait être directement et défavorablement affectée par l'article 20 du décret attaqué en ce qu'elle a obtenu le 28 août 1992 de la députation permanente du Hainaut une autorisation d'exploiter une décharge de classe III, à Mons, sur le site « La Morette - Le Ballon » et qu'elle souhaite en obtenir la prorogation au-delà de la période fixée. Or, l'article 20 du décret attaqué conduit à un transfert, du secteur privé vers le secteur public, du pouvoir de décision sur l'allocation des ressources que constitue la gestion d'une décharge.

Si les modifications législatives ou décrétales peuvent affecter la situation de la requérante, encore faut-il que, dans le respect du principe de la libre entreprise, elles ne conduisent pas à affecter nécessairement sa situation de manière défavorable en transférant la gestion des déchets ménagers et inertes aux seuls services publics. La décision de principe qu'organise l'article 20 est d'autant plus défavorable qu'elle constitue une forme de discrédit de la capacité de la requérante à gérer les déchets.

Premier moyen A.6. Le moyen est pris de la violation de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980, par l'article 20 qui limite la libre circulation des facteurs de production en ce qu'il réserve aux pouvoirs publics le monopole de l'implantation et de l'exploitation des centres d'enfouissement technique des déchets ménagers et des déchets inertes. Les formules évoquées lors des travaux préparatoires ne sont en aucun cas l'expression du maintien d'une liberté d'accès au marché ouvert au secteur privé, qu'il s'agisse de la formule de la concession, des intercommunales, de la société d'économie mixte ou de la formule spécifique envisagée à l'article 20, § 3, qui réserve la majorité aux pouvoirs publics.

A.7. Il n'existe pas de nécessité de limiter de cette manière la liberté organisée par la disposition invoquée au moyen. Les objectifs avancés sont louables mais ils ne rendent pas nécessaires le transfert de la gestion aux seuls services publics dans les conditions indiquées.

A.8. L'incohérence entre les objectifs poursuivis et les dispositions qui les organisent démontre l'absence totale de nécessité du transfert critiqué.

A.9. A supposer qu'une telle nécessité existe, à titre subsidiaire, les moyens mis en oeuvre sont disproportionnés au but poursuivi. Sans qu'aucune évaluation réellement convaincante n'ait été faite, le mécanisme de double contrôle organisé par le décret du 5 juillet 1985 est abrogé.

A.10. Les nombreuses mesures de police contenues dans le décret du 5 juillet 1985 permettent, dès lors qu'il y a un risque pour l'environnement, de le prévenir, pour autant que la police administrative soit mise en oeuvre de manière efficace.

A.11. De même, le principe de l'égalité d'accès des usagers pourrait trouver, par des mesures de contrôle drastique du secteur privé, la réponse adéquate, sans que nécessairement le service public n'assure à l'avenir un monopole en ce domaine. Or, aucune évaluation de mesures de rechange n'a été menée.

Deuxième moyen A.12. L'article 20 viole les articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec la liberté d'établissement garantie par l'article 52 du Traité C.E. A cet égard, les critiques sont les mêmes que celles qui ont été développées dans le premier moyen.

Troisième moyen A.13. L'article 20 viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il traite différemment, sans justification raisonnable, les personnes morales de droit privé et les personnes morales de droit public.

Première branche A.14. L'exposé des motifs fait apparaître des objectifs que le législateur décrétal définit mais qui ne justifient pas la solution adoptée. En effet, que ce soit la suppression de l'objectif prioritaire de lucre, la nécessité d'introduire l'égalité d'accès des usagers par la suppression des tarifs de faveur, la volonté de couper court à la spéculation immobilière et la réponse à un besoin de sécurité des citoyens en apportant la caution du secteur public, ces objectifs peuvent légitimement trouver une réponse suffisante par un contrôle accru du secteur privé et par les techniques notamment d'agrément et d'autorisation telles que prévues dans le décret du 5 juillet 1985.

A.15. La seule considération réelle qui apparaît dans l'exposé des motifs est manifestement l'amalgame entre les difficultés rencontrées par certains acteurs privés et la condamnation radicale de ce secteur pour pouvoir atteindre les objectifs assignés.

Mais cet argument est sans pertinence, dès lors qu'il est permis au secteur privé, pour les déchets industriels, d'être élevé au rang de centres d'enfouissement technique alors même que ces déchets présentent un degré de dangerosité plus grand pour les citoyens, dès lors qu'ils offrent la possibilité d'une concurrence accrue entre les opérateurs privés, concurrence qui pourrait, à suivre la thèse du législateur régional wallon, déboucher sur des objectifs de lucre ou de spéculation immobilière.

A.16. A titre subsidiaire, le législateur s'est manifestement abstenu d'examiner les solutions de rechange qui permettraient d'atteindre de manière juste et raisonnable les objectifs poursuivis.

Deuxième branche A.17. L'article 20, § 5, n'est motivé par aucun argument justifiant la volonté délibérée du législateur décrétal de ne pas prendre en considération la valeur d'avenir. Cette discrimination dans la notion de juste et préalable indemnité n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Quatrième moyen A.18. L'article 20, § 3, viole l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 5°, de la loi spéciale du 8 août 1980 modifiée par la loi spéciale du 8 août 1988 en ce qu'il apporte des modifications qui ne sont pas marginales au droit des sociétés alors que la matière est réservée au législateur fédéral.

Recours inscrit au rôle sous le numéro 1046 Recevabilité A.19. La requérante est une société dont l'objet social consiste notamment à implanter et exploiter des décharges contrôlées. Elle a donc un intérêt direct et certain à l'annulation du décret du 27 juin 1996.

Moyen unique A.20. L'article 20, §§ 1er et 2, du décret viole l'article 6, § 1er, VI, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles selon lequel, d'une part, les régions exercent leurs compétences dans le respect du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, d'autre part, l'autorité fédérale reste compétente en matière d'organisation de l'économie et de droit de la concurrence.

A.21. Les dispositions attaquées ont pour effet de rendre l'exercice de l'exploitation des centres d'enfouissement technique matériellement impossible si ce n'est par une convention de sous-traitance avec l'un des partenaires publics privilégiés par l'article 20, § 2.

A.22. La requérante se verra dans l'impossibilité de poursuivre ses activités au-delà de l'autorisation qu'elle détient déjà, ce qui signifierait la fin de son existence.

Recours inscrit au rôle sous le numéro 1047 Recevabilité A.23. La requérante est propriétaire de sites susceptibles d'être expropriés selon la procédure prévue à l'article 20, § 5, du décret du 27 juin 1996. Elle a donc intérêt à son recours.

Premier moyen A.24. L'article 20, § 5, du décret attaqué viole l'article 79 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles en ce que, en prévoyant pour le calcul de l'indemnité d'expropriation l'exclusion de toute référence à l'exploitation future en centre d'enfouissement technique, la disposition entreprise déroge au principe du caractère juste de l'indemnité consacré par l'article 16 de la Constitution, alors que la disposition précitée impose aux gouvernements des communautés et des régions de poursuivre les expropriations pour cause d'utilité publique dans le respect du principe de juste et préalable indemnité visé à l'article 16 de la Constitution.

A.25. Un site de carrière peut être valorisé deux fois : en qualité de trou où les déchets peuvent être déversés et ensuite en tant que terrain remblayé parce qu'il pourra être valorisé selon l'affectation de la zone. Or, la disposition entreprise a pour but de permettre à l'autorité expropriante de faire l'économie d'une de ces deux dimensions : la profondeur, puisque, en excluant toute référence à l'exploitation future en centre d'enfouissement technique, le décret permet à l'autorité de ne payer le terrain exproprié qu'en fonction de sa superficie. L'indemnité ne pourra donc être juste au sens de l'article 16 de la Constitution.

Deuxième moyen A.26. La disposition attaquée viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que, en prévoyant pour le calcul de l'indemnité d'expropriation l'exclusion de toute référence à l'exploitation future en centre d'enfouissement technique, la disposition entreprise a pour conséquence de traiter de façon similaire des situations objectivement différentes et de façon différente des situations similaires, alors que les principes d'égalité des Belges devant la loi et de non-discrimination consacrés par les dispositions visées au moyen interdisent non seulement que soient traitées de façon différente des personnes se trouvant dans des situations objectivement semblables, mais aussi que soient traitées de façon semblable des personnes se trouvant dans des situations objectivement différentes.

A.27. Par ailleurs, un terrain creux ne peut avoir deux valeurs selon le mode d'acquisition dont il est l'objet. En effet, un site creux aura une valeur différente selon qu'il est destiné à devenir un C.E.T. (centre d'enfouissement technique) affecté à l'usage exclusif d'un producteur de déchets ou à être exproprié pour cause d'utilité publique. En cas de cession d'un site destiné à devenir un C.E.T. affecté à l'usage exclusif d'un producteur de déchets, et partant non susceptible d'expropriation puisque ne constituant pas un service public au sens de l'article 20, § 1er, du décret, on y intégrera la valeur d'avenir du bien alors qu'en cas d'expropriation, celle-ci sera exclue.

En conséquence, une situation identique connaîtra un sort différent selon que le bien est transféré à un producteur de déchets pour y éliminer ses propres déchets ou selon que le bien est exproprié pour servir de C.E.T. tel qu'il est prévu à l'article 20, § 2, du décret.

Mémoire du Gouvernement wallon Recevabilité A.28. La s.p.r.l. Pol Laurent a obtenu le 28 août 1992 l'autorisation d'exploiter une décharge de classe III, pour un terme de dix ans.

L'article 68 du décret attaqué dispose que les autorisations accordées en application des arrêtés d'exécution du décret du 5 juillet 1985 relatif aux déchets ou du Règlement général pour la protection du travail continuent à produire leurs effets jusqu'à l'expiration du terme pour lequel elles ont été accordées. L'autorisation accordée à la requérante produira donc ses effets au moins jusqu'en 2002.

A.29. D'autre part, l'article 19, § 3, alinéa 2, du décret attaqué prévoit que, sauf force majeure, les déchets biodégradables seront interdits à la mise en centre d'enfouissement technique, au plus tard le 1er janvier 2010. Enfin, l'article 70 autorise des prorogations des autorisations accordées.

A.30. Selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, le titulaire d'une autorisation n'est pas à l'abri de toute décision en sens contraire.

A.31. La requérante n'établit ni qu'elle aurait en tout cas droit à un nouveau permis ou à une prolongation au-delà de 2002, ni qu'elle ne pourra pas bénéficier de l'article 70 du décret. Elle ne justifie pas de l'intérêt requis pour demander l'annulation des dispositions qu'elle attaque.

A.32. La s.a. Cecosy n'affirme ni ne justifie qu'elle dispose d'un agrément d'exploitant de décharge. Elle ne permet pas d'apprécier si elle pourra éventuellement bénéficier de la dérogation prévue par l'article 70. Son recours est irrecevable.

A.33. La requête de Pierre et Michel Beniest ne permet pas de déterminer s'ils ont la qualité de propriétaire pour revendiquer le bénéfice de la juste et préalable indemnité prévue par l'article 16 de la Constitution. Leur recours est irrecevable en ce qu'il est limité à l'article 20, § 5, alinéa 2, du décret.

Quant au fond Recours inscrit au rôle sous le numéro 1043 Premier moyen A.34. La requérante dénonce avant tout l'érection en service public fonctionnel de l'activité d'exploitation des centres d'enfouissement technique. Un tel choix relève du législateur. La Cour ne pourrait le censurer que si la disposition décrétale portait manifestement atteinte au principe de proportionnalité, encore qu'il ne soit pas visé au moyen.

A.35. Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour enseigne que la liberté du commerce et de l'industrie peut subir des restrictions. En l'espèce, elles sont justifiées pour assurer adéquatement la sauvegarde de l'environnement et mettre efficacement en oeuvre la compétence du législateur décrétal en matière de politique de déchets.

Ce choix était nécessaire pour assurer l'égalité d'accès des usagers et pour permettre la mise en oeuvre d'une politique efficace des déchets privilégiant la prévention et la valorisation. Le législateur décrétal a légitimement pu considérer que le secteur privé poursuit en priorité la défense d'intérêts particuliers, non de l'intérêt général.

A.36. Il existe un « ordre public écologique » consacré par le premier principe de la déclaration de Stockholm. Eriger en service public l'implantation et l'exploitation des centres d'enfouissement technique est donc nécessaire et justifie qu'il soit dérogé à la liberté du commerce et de l'industrie.

A.37. Un service public implique un contrôle public. En l'espèce, la gestion en service public constitue la réponse à un besoin de sécurité du citoyen et assure l'égalité d'accès aux usagers, en supprimant l'objectif prioritaire de lucre par l'introduction de principes tarifaires. Le décret n'exclut pas la prise en charge effective du service public par des personnes privées (article 20, § 3). L'accès au marché est ouvert. Ce qui est fermé, c'est la propriété de l'implantation.

A.38. La requérante s'étonne que le transfert de la gestion au service public ne s'impose pas aussi pour les déchets industriels. Cette différence a été justifiée dans les travaux préparatoires, les déchets industriels ayant bénéficié d'initiatives privées, tandis que les déchets ménagers sont plutôt l'affaire des communes.

A.39. La gestion en service public étant la seule adéquate, il ne peut y avoir de disproportion avec l'objectif poursuivi.

Deuxième moyen A.40. L'article 52 du Traité C.E. vise à protéger l'admission des ressortissants d'un Etat membre dans un autre Etat membre, de même que l'exercice par eux d'activités professionnelles. Il vise à écarter toute discrimination d'un ressortissant d'un autre Etat membre par rapport à un national. Quand une activité relève d'un monopole, son accès aux ressortissants des autres Etats membres n'est pas prévu puisqu'il n'existe pas au profit des nationaux.

Troisième moyen Première branche A.41.1. Le choix fondamental d'une gestion en service public pour les déchets ménagers ou inertes repose sur les éléments suivants : - La suppression de l'objectif prioritaire de lucre qui serait un frein à l'application efficace d'une politique des déchets privilégiant la prévention et la valorisation. - La nécessité d'introduire l'égalité d'accès des usagers qui se manifeste notamment dans la suppression des tarifs de faveur. - La volonté de couper court à toute spéculation immobilière en ne permettant plus l'évaluation de terrains en fonction des volumes disponibles, directement liés à la rentabilité, mais bien en fonction seulement de l'utilité publique du site, c'est-à-dire de la seule valeur intrinsèque du terrain. - La réponse à un besoin de sécurité des citoyens en apportant la caution du service public à une activité économique considérée à risques (voy. exposé des motifs du décret attaqué, Doc., Conseil régional wallon, 1994-1995, n° 344/1, p. 4).

La solution adoptée est justifiée au regard des buts poursuivis.

A.41.2. En ce qui concerne les déchets industriels, il est renvoyé à l'argumentation développée précédemment.

Deuxième branche A.42. Ce que le législateur décrétal a voulu exclure n'est nullement la valeur d'avenir du bien, mais la réalisation d'une plus-value des terrains expropriés, plus-value qui résulterait de l'affectation par l'autorité de ceux-ci en centres d'enfouissement technique.

Cette manière de faire est parfaitement admissible et d'ailleurs admise par la Cour de cassation elle-même, puisque celle-ci a précisé que des dispositions limitatives n'étaient applicables que lorsque l'expropriation est destinée à réaliser les prescriptions du plan d'aménagement (voy. Cass., 7 juin 1990, Pas., 1990, I, 1135).

Mutatis mutandis, on peut appliquer la même règle au cas d'espèce.

Quatrième moyen A.43. L'avis du Conseil d'Etat du 20 mars 1995 critiquait une disposition qui a été omise.

A.44. L'article 20, § 3, du décret attaqué trouve un fondement suffisant dans l'article 6, § 1er, II, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980 qui, rédigé en termes particulièrement larges, confie aux régions la pleine maîtrise de la politique des déchets.

Cette compétence emporte celle de régler la forme juridique des personnes morales de droit public autorisées à implanter et à exploiter des centres d'enfouissement technique, et d'organiser un contrôle par le Gouvernement wallon sur les statuts de ces personnes morales de droit public, sans qu'il soit requis de recourir à l'article 10 de la même loi spéciale.

Recours inscrit au rôle sous le numéro 1046 A.45. Le moyen unique se confond avec le premier moyen invoqué dans le recours inscrit sous le numéro 1043 du rôle et appelle la même réponse.

Recours inscrit au rôle sous le numéro 1047 Premier moyen A.46. Le moyen n'est pas recevable. Le Gouvernement wallon n'aperçoit pas en quoi l'article 79 de la loi spéciale du 8 août 1980, pris isolément, serait violé.

A.47. Subsidiairement, en ce qu'il fait grief au décret d'avoir exclu toute référence à l'exploitation future, le moyen se confond avec le troisième moyen du recours inscrit sous le numéro 1043 du rôle et appelle la même réponse.

A.48. D'autres législations mentionnent des faits qui sont clairement exclus. Des dispositions limitatives sont possibles, ainsi que l'admet la Cour de cassation dans son arrêt du 7 juin 1990.

Deuxième moyen A.49. Ce qui est reproché par la requérante, c'est que les propriétaires de sites creux seront privés de la partie de l'indemnité d'expropriation correspondant à la valorisation de cette profondeur, de sorte que les propriétaires de sites pleins seront traités de la même manière que les propriétaires de sites creux, ceux-ci ne recevant pas une indemnité supérieure à celle des premiers en cas d'expropriation.

Le but poursuivi est d'éviter les spéculations immobilières.

D'autre part, l'on ne voit pas pourquoi le propriétaire d'un terrain « creux » devrait être favorisé par rapport au propriétaire d'un terrain « plein ».

En tout état de cause, les travaux préparatoires du décret attaqué prévoient bien que « l'évaluation ne devrait tenir compte que de la valeur de la surface du bien, sauf si l'acquisi tion antérieure de celui-ci avait pris en compte la valeur du gisement ».

Il est donc clair que dans l'application du paragraphe 5 de l'article 20 du décret, il est tenu compte de la valeur réelle du terrain « creux » s'il avait été tenu compte de cette possibilité antérieurement.

La prétendue discrimination invoquée par la requérante est donc inexistante. Le moyen est non fondé.

Recours inscrit au rôle sous le numéro 1042 A.50. Le Gouvernement wallon renvoie aux arguments exposés ci-avant dans le cadre des autres recours fondés sur les mêmes moyens.

En ce qu'il est pris de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950 et de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention, le moyen ne formule pas de griefs distincts.

Mémoire du Conseil des ministres Recevabilité A.51. Les requêtes en annulation sont recevables. Il en est de même du mémoire du Conseil des ministres dans lequel celui-ci formule de nouveaux moyens à l'encontre des dispositions critiquées. Ces nouveaux moyens sont recevables en application de l'article 85, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Quant au fond Premier moyen nouveau A.52. L'article 20 du décret attaqué empiète sur la compétence fédérale en matière de conditions d'accès à la profession. Il viole ainsi l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, l'autorité fédérale étant seule compétente en la matière.

A.53. Il est communément admis que le respect du contenu de cette disposition s'impose aux régions non seulement en matière économique, mais également dans le cadre de l'exercice de toutes les compétences dont elles disposent. Les limitations contenues dans cette disposition sont donc bien applicables en l'occurrence.

A.54. La compétence attribuée à l'autorité fédérale en la matière est une compétence exclusive, ce qui ressort de la rédaction de la disposition précitée, si on la compare à l'alinéa 4 du même article, qui n'utilise pas la formule selon laquelle l'autorité fédérale est « seule compétente ».

Il s'agit par ailleurs d'une compétence d'une importance capitale en tant qu'elle participe du cadre de l'union économique et des principes essentiels concernant la matière de l'économie.

A.55. Dans plusieurs arrêts, la Cour d'arbitrage a eu l'occasion d'indiquer, dans une énumération non exhaustive, ce qui relève de l'accès à la profession (arrêts nos 55/92, 66/92, 88/95 et n° 36).

A.56. En indiquant que, sauf exception, l'autorisation d'implanter et d'exploiter un C.E.T. est octroyée exclusivement aux demandeurs qui revêtent certaines formes juridiques particulières, à savoir pour l'essentiel la forme de personnes morales de droit public, le législateur décrétal wallon n'a rien fait d'autre que de fixer des conditions d'exercice propres à une activité économique déterminée, auxquelles l'octroi d'une autorisation préalable requise est subordonné.

A.57. On ne peut soutenir que la réglementation des conditions d'accès à la profession se prêterait à un règlement différencié sous peine d'introduire des risques d'inégalités et d'incohérences que le législateur spécial a précisément empêchés en confiant la matière à l'Etat.

En tout état de cause, l'atteinte à cette compétence réservée n'est pas, en l'espèce, marginale. L'application de l'article 10 de la loi spéciale ne pourrait donc être admise.

Deuxième moyen nouveau A.58. L'article 20 du décret attaqué empiète sur la compétence fédérale pour la politique des prix et revenus et viole ainsi l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980.

A.59. Dans son arrêt n° 55/96, la Cour a admis la constitutionnalité d'une disposition décrétale qui se bornait à habiliter un gouvernement de région à fixer uniquement des prix minimums.

Le texte critiqué ne se borne pas à une telle habilitation. Le Gouvernement wallon est habilité, de manière extrêmement large et sans aucune limite, à fixer les règles tarifaires applicables lors de la mise de déchets en C.E.T..

A.60. En vertu de l'article 1er de l'arrêté- loi du 22 janvier 1945Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/01/1945 pub. 20/09/2016 numac 2016000546 source service public federal interieur Loi sur la réglementation économique et les prix. - Coordination officieuse en langue allemande de la version fédérale fermer, l'ensemble des produits, matières et denrées sont susceptibles de relever de la politique nationale des prix; d'autre part, en vertu de l'article 3 de l'arrêté ministériel du 20 avril 1993 portant des dispositions particulières en matière de prix, les entreprises de traitement des déchets ne peuvent appliquer des hausses de prix sans autorisation préalable de l'inspection générale des prix et de la concurrence. Il existe donc bien une politique des prix fédérale en matière de traitement des déchets à laquelle la disposition critiquée porte atteinte.

Le décret ne se bornant pas à limiter son habilitation à un prix minimum, l'article 10 de la loi spéciale ne peut trouver à s'appliquer.

Troisième moyen nouveau A.61. L'article 20 du décret attaqué est susceptible d'empiéter sur la compétence fédérale en matière de droit commercial et de droit des sociétés, violant ainsi l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 5°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

A.62. Faute d'un débat particulier au cours des travaux préparatoires, en recourant aux concepts de « droit commercial et de droit des sociétés » le législateur spécial a nécessairement entendu se référer à leur sens juridique courant.

Le droit commercial et le droit des sociétés recouvrent les dispositions législatives et réglementaires relatives notamment à la forme des sociétés commerciales, à l'acquisition par elles de la personnalité juridique, à leur mode de fonctionnement et à leur statut, à la tenue de leurs comptes, à leur contrôle interne et externe, à leur dissolution, ainsi que celles qui ont trait à la protection du capital social et à la protection des tiers.

A.63. En ce qu'il prévoit que les personnes morales de droit privé qui exploitent un C.E.T. de déchets industriels sont soumises au pouvoir de contrôle du Gouvernement wallon, l'article 20, § 4, du décret empiète sur la compétence fédérale ci-dessus rappelée.

A.64. Le contrôle des sociétés relève en effet clairement du droit des sociétés, ainsi que l'a rappelé la section de législation du Conseil d'Etat dans son avis relatif à l'avant-projet de décret wallon relatif aux déchets (Doc., Conseil régional wallon, 1995, n° 49/1, p. 57).

A.65. La même conclusion s'applique au paragraphe 3, alinéa 3, de l'article 20, qui prévoit l'approbation du Gouvernement wallon à l'égard des statuts et de leur modification.

A.66. Il en est de même de la dernière phrase de l'alinéa 2 du paragraphe 3 de l'article 20, en ce qu'elle impose l'adoption d'une forme déterminée de société, soit une société anonyme, soit une société coopérative, pour l'association entre une personne morale de droit public et une personne morale de droit privé. La détermination des différentes formes de sociétés relève clairement des lois coordonnées sur les sociétés commerciales.

A.67. La première phrase du paragraphe 3, alinéa 3, de l'article 20, selon laquelle pour « tout ce qui n'est pas réglé par le présent décret et par les statuts, les prescriptions relatives aux sociétés commerciales [...] sont applicables », viole également la disposition de la loi spéciale précitée. Il n'appartient pas aux législateurs communautaires ou régionaux de définir le champ d'application des dispositions législatives et réglementaires relevant de la compétence fédérale.

Un législateur décrétal n'est pas compétent pour rappeler que des dispositions fédérales sont d'application (voy. l'arrêt n° 88/95).

Dans son avis relatif au projet d'ordonnance organique de la planification et de l'urbanisme, la section de législation du Conseil d'Etat a indiqué qu'il ne revenait pas à un législateur décrétal de reproduire des dispositions relevant de la compétence fédérale, à supposer même qu'il ne les modifie aucunement (Doc., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 1990-1991, n° 108/1, p. 101).

A.68. L'article 20, § 3, alinéa 3, qui entend déterminer les modalités de contrôle des comptes de l'association, et l'article 20, § 6, qui impose la tenue d'une comptabilité séparée par C.E.T. distinct, empiètent manifestement sur la compétence fédérale en matière de comptabilité et de comptes annuels des entreprises. Etant notamment régie par la loi du 17 juillet 1975Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/07/1975 pub. 30/06/2010 numac 2010000387 source service public federal interieur Loi relative à la comptabilité des entreprises fermer relative à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises, cette matière relève incontestablement du droit commercial et du droit des sociétés.

A.69. La matière ne se prêtant pas à un règlement différencié, l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 n'est pas d'application.

Mémoire en réponse des requérants Pierre et Michel Beniest Recevabilité A.70. C'est à tort que le Gouvernement wallon conteste la recevabilité du recours au motif que les requérants n'établissent pas qu'ils ont la qualité de propriétaire pour revendiquer le bénéfice de la juste et préalable indemnité prévue par l'article 16 de la Constitution.

A.71. Les termes « sa propriété » utilisés à l'article 16 de la Constitution ne se confondent pas avec le droit réel de propriété visé à l'article 544 du Code civil.

L'expropriation est l'acte juridique du transfert forcé, non seulement d'une chose ou d'un droit réel, mais de tout bien, c'est-à-dire de tout droit subjectif patrimonial, la loi prévoyant d'ailleurs l'obligation d'appeler à la cause les « tiers intéressés », c'est-à-dire ceux qui sont énumérés à l'article 6 de la loi du 26 juillet 1962Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1962 pub. 26/02/2010 numac 2010000080 source service public federal interieur Loi relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, de même que les titulaires d'actions réelles et de sûretés hypothécaires (article 18 de la loi), cette énumération n'ayant pas de caractère limitatif. Le droit à indemnité appartient donc à tout titulaire d'un droit réel ou personnel sur l'immeuble visé par l'expropriation.

A.72. Les requérants sont donc recevables à introduire le recours en leur qualité d'emphytéotes ou de tréfonciers indivis d'importantes parcelles de terrain situées dans le Brabant wallon et déjà exploitées comme décharges de déchets industriels et de déchets ménagers.

A.73. En tout état de cause, en leur qualité d'héritiers de Mme Jacqmotte par représentation de leur mère, les requérants sont propriétaires indivis et tréfonciers de ces mêmes parcelles et ils se réservent de produire l'acte définitif de partage leur attribuant la propriété de ces parcelles.

Quant au fond Premier moyen A.74. Contrairement à ce que soutient le Gouvernement wallon, la disposition attaquée exclut du calcul de l'indemnité de l'expropriation toute plus-value résultant de l'exploitation future du terrain exproprié sans faire la moindre distinction entre la plus-value résultant de l'affectation du terrain en centre d'enfouissement technique par l'autorité et la plus-value résultant de la valeur d'avenir du bien déjà exploité en tant qu'installation d'élimination des déchets avant la décision d'expropriation.

L'intention exprimée par le Gouvernement wallon ne peut aller à l'encontre du texte clair de la disposition attaquée.

A.75. Les travaux préparatoires démontrent que le législateur décrétal a bien voulu exclure toute référence à l'exploitation future du terrain exproprié en centre d'enfouissement technique puisqu'il n'a pas tenu compte de l'avis du Conseil d'Etat et que plusieurs amendements visant à lever les ambiguïtés du texte ont été rejetés.

A.76. Si la position exprimée par le Gouvernement devait néanmoins être retenue, la Cour devrait, selon la technique du double dispositif, préciser que l'article 20, § 5, alinéa 2, viole les articles 10 et 11 de la Constitution dans l'interprétation que lui ont donnée les requérants mais ne viole pas ces mêmes dispositions s'il est interprété comme excluant du calcul de l'indemnité d'expropriation la plus-value qui résulterait de l'affectation du terrain exproprié en centre d'enfouissement technique par l'autorité compétente lors de la procédure d'expropriation.

Deuxième moyen A.77. Pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être développés, le Gouvernement wallon ne peut être suivi lorsqu'il considère que la disposition attaquée ne vise pas à exclure la valeur d'avenir du bien exproprié.

A.78. En matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, la nécessité d'une juste et préalable indemnité doit s'apprécier non seulement au regard de l'article 16 de la Constitution, mais également en tenant compte de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

La disposition attaquée n'est pas compatible avec ces dispositions en ce qu'elle empêche l'exproprié de bénéficier d'indemnités d'expropriation tenant compte de la valeur d'avenir d'un bien dont l'exploitation future en C.E.T. n'est que la continuité d'exploitations identiques existant avant même la décision d'expropriation.

En prévoyant que le Gouvernement wallon peut autoriser des personnes morales de droit public à procéder à une expropriation sans accorder à l'exproprié une indemnité tenant compte de la valeur d'avenir du bien, la disposition attaquée s'analyse en une privation de propriété au sens de la seconde phrase de l'article 1er du Premier Protocole additionnel.

Cet ingérence ne ménage pas un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu (voy. les arrêts de la Cour européenne « Raffineries grecques » du 9 décembre 1994, point 69, et Lithgow du 8 juillet 1986, série A, n° 102, p. 50).

A.79. En l'espèce, le titulaire d'un droit réel sur un bien immobilier exproprié dans le cadre de l'implantation d'un C.E.T. est bien amené à subir une différence de traitement non susceptible de justification objective et raisonnable par rapport au titulaire d'un droit réel sur un bien immeuble exproprié pour d'autres raisons et/ou dans un autre contexte.

Mémoire en réponse de la s.p.r.l. Pol Laurent Recevabilité A.80. Le Gouvernement wallon ne conteste pas que, pour le terme de l'année 2002, la requérante ne pourra voir son projet économique achevé.

A.81. En ce qui concerne l'article 70 du décret, il est clair que le terme que constitue l'entrée en vigueur du plan des C.E.T. est la mise en oeuvre d'une logique nouvelle de gestion des déchets pour la Région wallonne qui serait inconciliable avec la possibilité d'accorder ultérieurement des autorisations sur la base de l'ancienne législation ou de la prorogation de celle-ci.

Il ne peut être soutenu que les prorogations pourraient être accordées après que le plan des centres d'enfouissement technique aura été adopté, ce qui serait contraire à la ratio legis du texte, sauf si la Région wallonne prend clairement position à ce sujet, ce qu'elle ne fait pas.

A.82. La distinction que fait le Gouvernement wallon entre le contentieux de l'annulation devant le Conseil d'Etat et le contentieux de l'annulation devant la Cour d'arbitrage n'est pas pertinente. C'est l'environnement juridique dans lequel une société commerciale peut prétendre exercer librement une activité économique qui est modifié par le décret.

A.83. La requérante a donc fait la preuve de son intérêt au recours.

Quant au fond Premier moyen A.84.1. Les travaux préparatoires ne contiennent aucune démonstration suffisante de la nécessité d'ériger au rang de service public fonctionnel la gestion des déchets et cette indigence de justification ne pourrait être ultérieurement corrigée. La règle de l'égalité d'accès des usagers ne peut à elle seule justifier le choix du législateur décrétal. La réglementation permet de manière tout aussi efficace d'atteindre l'objectif poursuivi. Quant à la prévention et à la valorisation, il s'agit de deux objectifs qui peuvent être atteints autrement, notamment par des contrôles accrus.

A.84.2. L'existence d'un ordre public écologique, affirmé dans une déclaration qui d'ailleurs n'a pas fait l'objet d'une loi introduisant ce texte international dans l'ordre juridique belge, ne justifie pas automatiquement l'appropriation par les pouvoirs publics de la gestion des déchets.

Le devoir solennel de protéger et d'améliorer l'environnement peut s'accommoder d'autres formules, la Région wallonne ne démontrant pas que le choix qu'elle a fait est nécessairement le seul qui s'impose.

A.85. Les comparaisons faites avec le régime des télécommunications ou avec le service universel sont dénuées de pertinence.

A.86. La Région wallonne ne justifie en rien la différence de traitement entre la gestion des déchets industriels et la gestion des déchets ménagers.

Deuxième moyen A.87. La requérante se réfère à sa requête.

Troisième moyen Première branche A.88.1. Il est inexact de prétendre que les objectifs ne pourraient être atteints par un contrôle accru du secteur privé. La rentabilité procède de toute activité économique. La distinction traditionnelle entre service public et service privé selon laquelle l'un pourrait ne pas gérer son activité de manière rentable est obsolète.

Ce n'est pas le jugement des erreurs commises dans le passé mais bien l'incapacité du pouvoir exécutif à relayer les injonctions contenues dans les décrets qui est à l'origine du jugement de valeur non fondé sur le secteur privé.

Affirmer que seul le contrôle par les autorisations qui seraient accordées aux pouvoirs publics est celui qui permet de rencontrer les objectifs fixés est dépourvu de toute démonstration pertinente.

Deuxième branche A.88.2. C'est à tort que la Région wallonne tire argument de l'arrêt prononcé par la Cour de cassation le 7 juin 1990. Rien ne permet de soutenir qu'une lecture extensive de l'arrêt permettrait d'en déduire une assimilation entre les plans de secteur et les plans de centres d'enfouissement technique dont il faudrait dégager, nonobstant la spécificité des objectifs poursuivis par les expropriations, qu'il ne pourrait être tenu compte dans ce cas de la plus-value ou de la moins-value. Une interprétation par analogie n'est pas défendable pour méconnaître le principe essentiel contenu à l'article 11 de la Constitution.

Quatrième moyen A.89. La requérante s'en réfère aux arguments développés par le Conseil des ministres dans son mémoire.

Mémoire en réponse de la s.a. Cecosy Recevabilité A.90. La requérante a été constituée en 1992 et son objet social comporte l'exploitation et l'aménagement de décharges contrôlées. Elle dispose d'un bail emphytéotique, conclu le 30 novembre 1992, sur des terrains situés à Lessines et parfaitement adaptés à l'exploitation comme décharge contrôlée. Même si elle n'exerce pas à l'heure actuelle l'activité d'exploitant de décharges, il reste que le décret attaqué risque de l'affecter directement dans la mesure où ces dispositions compromettront sans aucun doute le développement normal des activités relevant de son objet statutaire. Ce risque s'est d'ailleurs déjà concrétisé, ainsi qu'il ressort d'une correspondance échangée avec la Société publique d'aide à la qualité de l'environnement (SPAQUE).

Il est ainsi démontré à suffisance que la disposition attaquée est d'ores et déjà invoquée par l'administration à l'encontre des projets de la requérante, de sorte que l'intérêt de celle-ci à l'annulation est actuel et individualisé.

Quant au fond A.91. Contrairement à ce qu'expose la Région wallonne, le grief de la requérante ne porte pas sur la qualification de l'activité des centres d'enfouissement technique comme services publics fonctionnels, mais sur les dispositions qui limitent l'accès des personnes morales de droit privé à l'exercice de cette activité.

A.92. Si le législateur régional est compétent pour ériger une activité en service public, ce qui relève de son appréciation politique, il est néanmoins tenu de respecter les limites de ses compétences et notamment de respecter les principes fondamentaux qui sont érigés en règles répartitrices de compétences par l'article 6, § 1er, VI, de la loi spéciale du 8 août 1980.

A.93. Les dispositions attaquées portent au principe de la liberté du commerce et de l'industrie une atteinte beaucoup plus caractérisée que les décrets antérieurement soumis à la Cour et à propos desquels celle-ci a admis que le législateur régional puisse apporter des limitations à cette liberté, en tant qu'il estime devoir réglementer l'exercice d'une activité économique.

A.94. En l'espèce, les dispositions attaquées instaurent un nouveau monopole public. La circonstance que les personnes morales de droit public titulaires des autorisations pourront confier l'exploitation des centres à des entreprises privées n'est en rien de nature à énerver cette constatation. La plupart des monopoles traditionnellement accordés aux pouvoirs publics s'assortissent de possibilités de concessions, sans que l'existence d'un véritable monopole puisse pour autant être niée.

A.95. L'instauration d'un monopole public n'est pas seulement une atteinte ou une restriction à la liberté du commerce et de l'industrie : elle en constitue la suppression pure et simple dans le secteur considéré. Le législateur régional est dès lors incompétent pour instaurer un monopole public, ce qui constitue la négation même du principe que la loi spéciale lui impose de respecter.

A.96. A supposer même que le législateur régional puisse instaurer un monopole public, encore faut-il vérifier si celui-ci est justifié en termes de proportionnalité.

Or, ni les arguments avancés par la Région wallonne ni les travaux préparatoires ne suffisent à fournir une justification.

En particulier, il n'apparaît pas pourquoi le monopole se justifie davantage pour les déchets ménagers ou inertes que pour les déchets industriels, a priori plus dangereux pour l'environnement. La section de législation du Conseil d'Etat a elle-même émis un avis dubitatif sur la valeur des justifications fournies par le Gouvernement wallon (Doc., Conseil régional wallon, 1994-1995, n° 344/1, annexe I, p. 57).

A.97. La disposition attaquée est également entachée d'excès de compétence en ce qu'elle contrevient aux principes fondamentaux du Traité C.E., dont le respect délimite la compétence régionale en vertu de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980.

Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes que le droit communautaire n'admet que dans une mesure très restrictive le maintien ou l'instauration de monopoles publics (voy. arrêt R.T.T., aff. C-18/88 du 17 décembre 1991, Rec. p. 5973; arrêt Corbeau, aff. C-320/91, J.T.D.E. 1993, p. 14; arrêt commune d'Almelo, aff. C-393/92, 27 avril 1994).

Dans le cas présent, la Région wallonne reste en défaut d'exposer en quoi le monopole créé par les dispositions attaquées serait indispensable à l'exercice d'une mission spécifique liée au fonctionnement d'un service d'intérêt économique régional.

Mémoire de la s.a. Carrières unies de porphyre Premier moyen A.98. L'article 79 de la loi spéciale du 8 août 1980 précise clairement le champ de compétence des autorités fédérées : elles peuvent poursuivre les expropriations d'utilité publique mais sont soumises à l'article 16 de la Constitution : les gouvernements ne peuvent déroger au principe de la juste indemnité. Puisque l'article 79 renvoie à l'article 16 de la Constitution, on voit mal pourquoi le moyen serait irrecevable, comme le soutient le Gouvernement wallon, en tant qu'il viserait isolément cet article 79.

A.99. La jurisprudence des tribunaux a dégagé la notion de juste indemnité. Pour être juste, l'indemnité doit être intégrale. Le principe de base est la recherche de la valeur vénale. La valeur du bien est estimée au moment du transfert de propriété et elle est chiffrée au jour où le juge statue. L'expropriation ou les mesures antérieures ne peuvent influencer la détermination de la valeur du bien considéré.

A.100. En ce qui concerne le sort réservé aux expropriations de carrières, il convient d'opérer une distinction entre les carrières ouvertes et celles qui ne sont pas encore en exploitation.

Pour les carrières en exploitation, l'indemnisation est estimée en tant que perte d'exploitation et, comme pour les industries atteintes par une expropriation, la réparation devra couvrir le bénéfice perdu.

Pour les carrières non ouvertes, il n'est plus aujourd'hui contesté que les potentialités renfermées dans le sous-sol doivent être indemnisées, étant entendu que seul le préjudice certain peut l'être.

A.101. Pour être complète, la juste indemnité doit donc correspondre à la valeur vénale du bien entrepris. L'indemnité pécuniaire doit remplacer dans le patrimoine de l'exproprié la valeur que représentait le bien, avec tous ses droits et avantages, actuels ou futurs. Cette valeur correspond à ce qu'il aurait pu obtenir en vendant ce bien, dans des conditions normales de publicité. En vertu de ce principe, il est tenu compte des potentialités d'exploitation du sol ou du sous-sol. S'il en allait autrement, l'indemnité ne serait plus complète puisqu'elle ne tiendrait pas compte d'un avantage du bien, lequel aurait certainement influencé son prix en cas de vente.

Il ressort d'une analyse des travaux préparatoires de l'article 20 du décret attaqué qu'il existe un certain décalage entre la lettre claire du texte et certaines mentions des travaux préparatoires.

L'article 20, § 5, vise en réalité deux hypothèses.

Si un plan des centres d'enfouissement technique a été adopté, non seulement l'indemnité ne pourra tenir compte de la plus-value apportée par ce plan, mais, surtout, en tout état de cause, la hauteur de l'indemnité ne pourra jamais tenir compte de l'exploitation future en centre d'enfouissement technique.

Si aucun plan des centres d'enfouissement technique n'a été adopté, on tient compte de la valeur du bien à la veille de l'arrêté d'expropriation, en excluant toute référence à l'exploitation future en centre d'enfouissement technique.

A.102. Il ressort de ces considérations que l'objectif déclaré par le Gouvernement, étant d'éviter de devoir indemniser une plus-value apportée par le plan, porte à faux. En effet, lorsqu'aucun plan n'existe, cet argument est sans fondement.

Par ailleurs, si un plan a été adopté, il n'est pas davantage tenu compte de la plus-value qui préexistait à son adoption et qui est générée par l'affectation future normale du bien ou son affectation actuelle de fait ou de droit.

En réalité, l'exclusion de toute référence à l'exploitation en centre d'enfouissement technique est détachée de l'incidence du plan et le but poursuivi est clairement de pouvoir exproprier à bas prix en rejetant toute référence à l'exploitation actuelle ou future.

Cet objectif viole l'article 16 de la Constitution en ce que le montant de l'indemnité ne correspond aucunement à la valeur vénale du bien.

A.103. La référence faite par le Gouvernement wallon aux dispositions des législations urbanistiques des trois régions est inappropriée.

Dans le cadre de celles-ci, le législateur a voulu éviter qu'une mesure adoptée par le gouvernement soit responsable de l'augmentation de la valeur d'un bien à exproprier. En l'occurrence, si le plan de secteur affecte un terrain agricole en zone à bâtir, la plus-value est uniquement issue de la mesure adoptée par le gouvernement. A l'inverse, si le bien présente toutes les caractéristiques d'un terrain à bâtir, puisque l'incidence du plan est écartée, il sera tenu compte de la valeur effective du bien.

A.104. Il n'en va pas de même en ce qui concerne l'article 20, § 5.

Même s'il n'y a pas de plan, il ne sera pas tenu compte de l'exploitation future en centre d'enfouissement technique.

A.105. La disposition entreprise est donc contraire à l'article 79 de la loi spéciale du 8 août 1980 en ce qu'elle viole l'article 16 de la Constitution.

Deuxième moyen A.106.1. La différence de traitement dénoncée par la requérante n'est pas justifiable.

Exiger d'être indemnisée en tenant compte de la valeur objective de son bien ne peut être considéré en soi comme une opération spéculative.

L'objectif de l'article 20, § 5, est bien de permettre des expropriations en écartant toute valeur issue de l'exploitation en centre d'enfouissement de déchets.

En réalité, lorsque le Gouvernement wallon estime que le but est d'éviter la spéculation, il devrait plutôt dire qu'il cherche à éviter qu'un propriétaire ne revendique une indemnité, forcément plus élevée, intégrant la valeur de l'exploitation qui est en cours ou qu'il projette.

A.106.2. Un tel objectif ne rencontre pas les exigences mentionnées ci-dessus en ce qui concerne les critères de distinction créant une discrimination entre les personnes visées par la disposition entreprise.

A.107. En conclusion, le critère de distinction établi se fonde uniquement sur le souci d'exproprier à moindre prix en excluant toute référence à l'exploitation future d'un centre d'enfouissement technique. Cet objectif, purement budgétaire, n'est pas en lien avec le but de la loi ou de l'expropriation qui est d'assurer une maîtrise par les pouvoirs publics de l'exploitation des centres d'enfouissement technique.

Mémoire en réponse du Gouvernement wallon Quant aux nouveaux moyens soulevés par le Conseil des ministres Premier moyen A.108.1. La compétence dévolue aux régions en matière de politique des déchets, qui est formulée dans des termes particulièrement larges, inclut notamment celle de déterminer les conditions dans lesquelles les déchets doivent être gérés ou éliminés.

A.108.2. En l'espèce, la Région wallonne a choisi d'ériger en service public fonctionnel la gestion, l'implantation et l'exploitation des centres d'enfouissement technique des déchets. Ce choix n'est pas manifestement disproportionné au but poursuivi.

A.109. Dans ce cadre, la Région pouvait légitimement prendre les dispositions qui figurent à l'article 20, § 2.

A.110. Ce faisant, la Région wallonne n'a nullement empiété sur la compétence dévolue à l'autorité fédérale en matière de conditions d'accès à la profession.

A.111. D'une part, il n'est pas exact de prétendre que l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 6°, s'impose aux régions et aux communautés dans toutes les matières qui leur sont attribuées, la disposition prévoyant elle-même l'exception de la matière du tourisme.

A.112. D'autre part, cette disposition vise exclusivement les conditions d'accès alors que le texte litigieux concerne les conditions d'exercice propres à une activité économique déterminée.

Tel qu'il est formulé, le moyen manque en droit.

A.113. Si on devait considérer que la loi spéciale interdit aux régions de fixer les conditions d'exercice propres à une activité économique déterminée, et de subordonner cet exercice à certaines autorisations, on n'aperçoit pas comment les régions pourraient valablement mettre en oeuvre leur compétence, notamment en matière de politique économique ou en matière de politique des déchets.

A.114. Plus fondamentalement, la disposition précitée de la loi spéciale vise exclusivement les conditions d'accès à une profession.

Cette disposition est de stricte interprétation. Elle ne s'applique pas aux fonctions exercées dans les services publics au sens organique, ni aux fonctions exercées par des personnes qui accomplissent à titre professionnel et de manière habituelle, quelle que soit la nature de leurs relations juridiques avec l'administration, une tâche d'intérêt général et qui fournissent ainsi un service public au sens fonctionnel du terme (arrêt n° 2/97, B.9.1).

A.115. L'article 20 du décret a pour objet de réglementer, non pas l'accès à une profession déterminée, mais une activité d'intérêt général dans le cadre d'un service public fonctionnel. Le moyen n'est pas fondé.

Deuxième moyen A.116. En vertu de l'article 6, § 1er, II, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980, les régions sont compétentes en matière de politique des déchets. Cette compétence comporte également celle de fixer les règles tarifaires applicables lors de la mise de déchets en centre d'enfouissement technique, sans qu'en soi cela implique un empiétement sur la compétence dévolue à l'autorité fédérale en matière de politique des prix et des revenus (voy. arrêt n° 56/96, B.21).

A.117. Quant à l'habilitation donnée au Gouvernement wallon par l'article 20, § 1er, alinéa 2, elle ne saurait en soi violer les exigences constitutionnelles ou les règles répartitrices de compétences. Il appartiendra aux juges administratif et judiciaire d'exercer un contrôle sur la manière dont cette habilitation aura été mise en oeuvre (voy. arrêts nos 10/92, 13/92, 55/92, 13/93, 14/93, 43/93, 47/93, 75/93 et 88/93).

Troisième moyen A.118. L'article 20, § 3, du décret fixe les conditions dans lesquelles une personne morale de droit public peut confier à des tiers l'exploitation d'un centre d'enfouissement technique et règle notamment la forme que doit revêtir la convention passée entre la société de droit public et la personne morale de droit privé, en prévoyant qu'une entité ainsi créée doit être majoritairement publique.

Cette disposition n'empiète nullement sur la matière du droit des sociétés. Elle concerne exclusivement des associations de droit public. Elle ne règle ni la forme, ni le contrôle de personnes morales de droit privé. Elle n'a pas pour objectif de définir, à l'égard d'une personne morale de droit privé, le champ d'application des lois sur les sociétés commerciales ou des lois sur la comptabilité et les comptes annuels des entreprises.

A.119. Cette disposition trouve un fondement dans l'article 6, § 1er, II, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980.

A.120. L'article 8 de la loi spéciale précise que les compétences du conseil régional, dans les matières énumérées à l'article 6, comprennent le pouvoir d'adopter les dispositions et autres mesures relatives à l'infrastructure nécessaire à l'exercice de ces compétences.

Dès lors, en ce qu'il vise l'article 20, § 3, du décret, le moyen manque en droit, en toutes ses branches.

A.121.1. La compétence attribuée aux régions en matière de politique des déchets emporte nécessairement celle de contrôler l'exploitation des centres d'enfouissement technique. Il s'agit d'une règle de police administrative qui n'empiète pas sur la compétence dévolue à l'autorité fédérale en matière de droit des sociétés. Une politique d'environnement efficace implique nécessairement que les activités susceptibles de perturber l'environnement soient contrôlées (arrêt n° 55/92).

A.121.2. Quant à l'article 26, § 6, qui exige la tenue d'une comptabilité séparée pour chaque centre d'enfouissement technique, il s'agit d'une mesure nécessaire pour permettre au Gouvernement wallon d'assurer le contrôle des centres d'enfouissement technique.

La disposition n'empiète pas sur la compétence de l'autorité fédérale en matière de droit des sociétés, même lorsque le centre est exploité par une personne de droit privé.

Mémoire en réponse du Conseil des ministres Recevabilité A.122. Il ressort de l'exposé des requêtes que les requérants justifient de l'intérêt à leur recours, soit en leur qualité de titulaire de droits réels sur des parcelles exploitées, soit en qualité d'exploitant de décharge.

Quant au fond A.123. En plus des observations qu'il a formulées dans son mémoire, le Conseil des ministres entend faire les observations suivantes.

A.124. Si les régions ont la pleine maîtrise de la politique des déchets, il reste qu'il ne leur appartient pas, en la menant, d'empiéter sur des compétences relevant du législateur fédéral, spécialement lorsqu'il s'agit de compétences exclusivement réservées à celui-ci par l'article 6 de la loi spéciale de réformes institutionnelles.

A.125. Dans son avis précédant l'adoption du décret attaqué, la section de législation du Conseil d'Etat a notamment estimé que la disposition critiquée, alors en projet, réglait une question relevant du droit des sociétés, matière de compétence fédérale, en ce qu'elle prévoyait que les personnes morales de droit privé exploitant un C.E.T. de déchets industriels étaient soumises au pouvoir de contrôle du Gouvernement.

Le législateur décrétal n'a pas tenu compte du contenu essentiel de la remarque formulée par le Conseil d'Etat.

A.126. La disposition attaquée instaure un contrôle du Gouvernement wallon sur les sociétés, leur forme juridique, leurs comptes et leurs statuts.

La Cour n'a admis qu'un législateur régional impose des contraintes à des sociétés et les soumette à un contrôle qu'en tant que ce législateur a entendu confier aux sociétés une mission de service public (arrêt n° 36/95). En l'espèce, la disposition critiquée n'a pas pour objet de confier à des sociétés privées une mission de service public en ce que cette mission est pour l'essentiel réservée au secteur public.

A.127. A supposer que la disposition attaquée et celle dont il était question dans l'arrêt n° 36/95 visent une même situation objective, dans ce même arrêt, la Cour n'a admis l'instauration d'un contrôle sur des sociétés que dans le cadre de la mission que le législateur régional entend leur confier et en tant que cette mission relève de sa compétence. Elle n'a admis l'imposition de contraintes que si elles ont un objet extrêmement limité, relevant d'une politique de compétence régionale.

En l'espèce, les contraintes et les contrôles imposés aux sociétés par la disposition attaquée excèdent manifestement les limites fixées par la Cour.

A.128. Le contrôle des statuts et celui des comptes ne se justifient nullement par un souci relevant de la politique des déchets, en tant qu'ils sont formulés en termes extrêmement larges.

A.129. Il serait déraisonnable de considérer que la matière du droit commercial et du droit des sociétés serait susceptible de faire l'objet d'un règlement différencié. Les diverses dispositions de l'article 20 touchent à des éléments essentiels de cette matière.

Leurs incidences ne peuvent être qualifiées de marginales.

A.130. Enfin, l'objectif poursuivi par le législateur wallon, relevant de la bonne gestion des déchets, aurait pu être atteint par d'autres voies, qui relevaient, elles, de sa compétence. Le recours à l'article 10 de la loi spéciale n'est donc pas permis.

A.131. Il ne peut être admis que la politique des déchets emporte celle de prendre les mesures ici critiquées.

A.132. La référence à l'article 8 de la loi spéciale est dénuée de pertinence. Le concept d'infrastructure visé dans cette disposition n'a vraisemblablement pas réellement été défini dans les travaux préparatoires, le Premier ministre s'étant borné à indiquer qu' « il recouvre tous les éléments d'une infrastructure adéquate » (rapport au Sénat, Pasin., 1980, p. 919).

Il faut donc entendre ce terme dans son sens courant, comme visant « l'ensemble des installations et des services permettant d'exercer une activité économique ou technique » (dictionnaire usuel français Hachette).

A.133. Le Conseil des ministres n'aperçoit pas en quoi l'instauration d'un contrôle du Gouvernement sur les sociétés, sur leurs comptes et sur leurs statuts ainsi que l'obligation de recourir à des formes particulières de société pourraient relever de la création de services et encore moins d'installations. Il en va, a fortiori, de même de la référence, à titre subsidiaire, aux « prescriptions relatives aux sociétés commerciales ».

Questions posées par la Cour A.134. Dans l'ordonnance de mise en état du 9 juillet 1997, la Cour a invité : « a) les parties à introduire le 15 septembre 1997 au plus tard, un mémoire complémentaire portant sur le point de savoir si les moyens nouveaux formulés par le Conseil des ministres ont ou n'ont pas pour effet d'étendre le recours à des dispositions qui n'auraient pas été attaquées par les requérants, à la lumière de l'article 85, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage autorisant le Conseil des ministres à formuler de nouveaux moyens, mais la Cour ayant déjà jugé que son intervention ne peut ni modifier ni étendre le recours; b) - le Gouvernement wallon à préciser, dans un mémoire complémentaire à introduire le 15 septembre 1997 au plus tard, si l'interprétation qu'il donne dans son mémoire de l'article 20, § 5, du décret attaqué rejoint l'argumentation développée par lesdites parties requérantes dans leur dernier mémoire et, dans l'affirmative, à donner son avis sur la suggestion faite par les parties requérantes dans l'affaire n° 1042 au dernier alinéa de la page 8 de leur mémoire en réponse; - les parties requérantes dans les affaires n° 1042 et 1046 à répondre au mémoire complémentaire du Gouvernement wallon par un mémoire complémentaire à introduire le 30 septembre 1997 au plus tard ».

Mémoire complémentaire du Conseil des ministres Premier moyen A.135. Sont particulièrement visés par le Conseil des ministres, dans l'article 20 : le paragraphe 1er, alinéa 1er, et le paragraphe 2, alinéas 1er, 2 et 3. Le paragraphe 1er est visé dans la requête de la s.a. Cecosy et dans les développements du moyen. La requête de la s.p.r.l. Pol Laurent sollicite l'annulation de l'article 20 en totalité et l'exposé des premier, deuxième et troisième moyens vise, même s'il ne le mentionne pas, l'article 20, § 1er. Cette disposition est donc sans aucun doute attaquée par les requérants.

Le paragraphe 2, alinéa 1er, est visé par la s.a. Cecosy. La s.p.r.l.

Pol Laurent vise expressément, dans ses premier et deuxième moyens, le paragraphe 2 en entier, sauf l'alinéa 4. Le paragraphe 2, alinéas 1er, 2 et 3, fait donc partie des dispositions attaquées.

Deuxième moyen A.136. Le Conseil des ministres vise particulièrement l'article 20, § 1er, alinéa 3. Aucun des requérants ne vise expressément cette disposition, mais il appartient à la Cour d'exercer son contrôle sur d'autres dispositions que celles dont l'annulation est demandée dès lors qu'elles y sont indissociablement liées, ce qui est le cas de l'alinéa 3 du paragraphe 1er : le pouvoir de fixer les règles tarifaires accordé au Gouvernement est indissociablement lié au concept de gestion des C.E.T. en service public, traduit à l'article 20, § 1er, alinéa 1er. Cette fixation des tarifs est également indissociablement liée au contrôle exercé par le Gouvernement sur les entreprises privées de gestion des C.E.T., mis en cause par le Conseil des ministres dans son troisième moyen.

Troisième moyen A.137. Est visé l'article 20, plus particulièrement § 3, fin de l'alinéa 2 et alinéa 3, et §§ 4 et 6.

Le paragraphe 3, alinéa 2, est visé au quatrième moyen développé par la s.p.r.l. Pol Laurent, qui vise très clairement la disposition inscrite à la fin de cet alinéa.

La même société incrimine le paragraphe 3. A supposer que la première phrase du paragraphe 3, alinéa 3, soit une disposition qui, d'un point de vue légistique, peut être séparée des autres phrases, elle en constitue l'accessoire nécessaire.

A.138. Enfin, si cette société ne vise pas directement les paragraphes 4 et 6 de l'article 20 - qu'elle attaque dans sa totalité -, il s'agit de dispositions indissociables de celles qui sont attaquées, en ce que leurs éléments relèvent de l'objectif global de contrôle de l'autorité publique sur l'intervention de personnes morales de droit privé dans la gestion des déchets, dans le cadre de la mission de service public qui leur est impartie par le décret. Les travaux préparatoires sont éclairants à ce sujet. Ces dispositions forment donc un tout indissociable.

Mémoire complémentaire de Pierre et Michel Beniest A.139. Les nouveaux moyens du Conseil des ministres paraissent avoir pour effet d'étendre le recours à des dispositions qui n'étaient pas attaquées par les requérants dans l'affaire portant le numéro 1042 du rôle.

N'ayant pas connaissance des recours portant les numéros 1043, 1046 et 1047 du rôle, les requérants Beniest ne peuvent toutefois se prononcer à ce sujet.

Mémoire complémentaire de la s.a. Carrières unies de porphyre et de la s.a. Cecosy A.140. Trois des quatre recours limitent leur objet à certaines dispositions de l'article 20. Toutefois, les moyens soulevés par le Conseil des ministres ne sont pas étrangers aux dispositions attaquées.

Le premier moyen ajoute une critique supplémentaire des dispositions attaquées. Le second concerne une disposition qui constitue la conséquence directe de l'érection en service public de l'activité de gestion des C.E.T.. Quant au troisième moyen, il porte sur des éléments indissociables de l'organisation du monopole accordé aux personnes morales de droit public; il s'agit en effet de critiquer la manière dont le décret organise la « sous-traitance » ou la concession de l'activité érigée en monopole. Sans l'aménagement de ces modalités, l'exercice du monopole est pratiquement impossible, les communes et associations de communes ne disposant pas des capacités techniques nécessaires pour répondre à l'ensemble des besoins. Le moyen soulevé par le Conseil des ministres se rapporte donc, indirectement, également aux dispositions des alinéas 1er et 2 du paragraphe 2, lesquelles font l'objet du recours.

A.141. Enfin, la s.p.r.l. Pol Laurent poursuit l'annulation de l'ensemble de l'article 20, de telle sorte que les moyens nouveaux ne peuvent avoir pour effet d'étendre le recours Mémoire complémentaire du Gouvernement wallon A.142. Si la Cour rejette les exceptions formulées par le Gouvernement wallon et reçoit le recours de la s.p.r.l. Pol Laurent, le premier moyen du Conseil des ministres est recevable puisqu'il s'en prend à l'article 20, § 1er, alinéa 1er, attaqué par cette société.

Le deuxième moyen est irrecevable puisqu'il attaque l'article 20, § 1er, alinéa 3, seule la s.p.r.l. Pol Laurent attaquant cette disposition, mais dans une autre mesure.

Il en est de même du troisième moyen.

A.143. En ce qui concerne la portée de l'article 20, § 5, le Gouvernement wallon soutient que le législateur décrétal a voulu exclure, non la valeur d'avenir du bien mais la réalisation d'une plus-value résultant de l'affectation nouvelle par l'autorité en C.E.T..

A.144. Plusieurs hypothèses sont donc à envisager : - L'immeuble exproprié n'est pas exploité en centre d'enfouissement technique à la veille de l'adoption provisoire du plan visé à l'article 24, § 2, du décret : aucun problème n'est soulevé. Le bien devra être évalué sans tenir compte de la plus-value éventuelle qui pourrait résulter de l'affectation nouvelle en centre d'enfouissement technique. - Le bien est un centre d'enfouissement technique lors de l'adoption provisoire du plan : il faudra bien entendu calculer la valeur du terrain tel qu'il est au moment de l'adoption du plan, c'est-à-dire exploité en centre d'enfouissement technique. - Le terrain n'est pas un centre d'enfouissement technique, mais un terrain « creux » : les travaux préparatoires prévoient expressément que « l'évaluation ne devrait tenir compte que de la valeur de surface du bien, sauf si l'acquisition antérieure de celui-ci avait pris en compte la valeur du gisement » (Doc., Conseil régional wallon, 49-SE 1995, n° 39, p. 3).

Il est donc bien clair qu'ici également, il est tenu compte de la valeur réelle du terrain « creux » s'il avait été tenu compte de cette valeur antérieurement.

Par conséquent, l'interprétation que le Gouvernement wallon donne de l'article 20, § 5, du décret attaqué ne rejoint pas l'argumentation développée par les requérants dans leur mémoire en réponse.

A.145. Quant à la suggestion des consorts Beniest, elle ne peut être retenue. La technique du double dispositif est possible dans le contentieux préjudiciel, non dans le contentieux de l'annulation.

Second mémoire complémentaire de Pierre et Michel Beniest A.146. L'article 20, § 5, est clair : il exclut du calcul de l'indemnité d'expropriation la valeur d'avenir du bien exproprié, au moins partiellement. Il ne peut être interprété a posteriori par son auteur.

Si la Cour devait l'interpréter, elle ne pourrait retenir l'interprétation réductrice donnée par la partie adverse. Il lui appartient de dire que l'article 20, § 5, viole les articles 10 et 11 de la Constitution s'il est interprété comme excluant du calcul de l'indemnité d'expropriation la valeur d'avenir du bien, notamment celle du terrain déjà exploité comme installation d'élimination de déchets antérieurement à la décision d'expropriation visant à affecter d'autorité le bien en C.E.T..

A défaut d'annulation, la Cour ne pourrait rejeter le recours que sous cette réserve d'interprétation formulée a contrario, conformément à la jurisprudence consacrée notamment par le dispositif des arrêts nos 23/92 et 24/92.

Second mémoire complémentaire de la s.a. Carrières unies de porphyre A.147. Le texte de l'article 20, § 5, contredit la thèse du Gouvernement wallon : la valeur d'un bien repris au plan comme centre d'enfouissement technique est nécessairement déterminée par référence à l'exploitation qui pourrait être faite. Il s'agit bien là d'une valeur d'avenir, définie comme une potentialité ou un événement futur dont tout acheteur tiendrait compte. On n'aperçoit pas comment tenir compte de cette valeur d'avenir, constituée par l'exploitation future en centre d'enfouissement technique, si, en vertu du texte, la valeur du bien est établie « à l'exclusion de toute référence à l'exploitation future en centre d'enfouissement technique ».

A.148. Si aucun plan des centres d'enfouissement technique n'a été adopté, on tient compte de la valeur du bien à la veille de l'arrêté d'expropriation, en excluant toute référence à l'exploitation future en centre d'enfouissement technique.

Cette hypothèse révèle l'intention réelle du législateur et contredit manifestement la thèse du Gouvernement wallon, lequel est du reste muet à cet égard.

Puisque dans ce cas, il n'existe aucun plan, il ne peut valablement être soutenu que le but est d'éviter de devoir indemniser la plus-value apportée par le plan.

Le but est bien de pouvoir exproprier à bas prix en rejetant toute référence à l'exploitation en centre d'enfouissement technique.

A.149. La référence aux travaux préparatoires ne permet nullement de conforter la thèse du Gouvernement wallon. Le passage invoqué est loin d'être aussi limpide qu'il le prétend. - B - Quant à la recevabilité B.1.1. L'article 20 du décret du 27 juin 1996 relatif aux déchets dispose que l'implantation et l'exploitation des centres d'enfouissement technique autres que ceux destinés à l'usage exclusif d'un producteur de déchets sont un service public. Il réserve à des personnes de droit public l'autorisation de les implanter et de les exploiter. Il soumet à des contraintes nouvelles l'exploitation de centres que les personnes morales de droit public peuvent confier à des tiers dans le cadre de conventions spécifiant les règles à observer. Il prévoit des règles spécifiques relatives au calcul de l'indemnité payée par les personnes morales de droit public qui sont autorisées à recourir à des expropriations.

B.1.2. De telles dispositions peuvent affecter directement et défavorablement, tant les titulaires d'un droit réel ou d'un droit personnel sur les biens susceptibles d'être ainsi expropriés, que les sociétés qui ont pour objet social d'implanter ou d'exploiter des décharges contrôlées. Les parties requérantes, qui appartiennent à l'une ou l'autre de ces catégories, justifient d'un intérêt à leur recours.

Quant aux dispositions attaquées B.2. L'article 20 du décret du 27 juin 1996 dispose : « § 1. L'implantation et l'exploitation des centres d'enfouissement technique autres que destinés à l'usage exclusif d'un producteur de déchets sont un service public.

Sans préjudice des conditions particulières d'accès, notamment financières, accordées aux communes affiliées au sein d'associations de communes, les exploitants de centres d'enfouissement technique sont tenus d'assurer l'égalité des utilisateurs dans l'accès aux centres d'enfouissement technique qu'ils exploitent.

Le Gouvernement fixe les règles tarifaires applicables lors de la mise en centre d'enfouissement technique. § 2. L'autorisation, au sens de l'article 11, d'implanter et d'exploiter un centre d'enfouissement technique destiné à recevoir des déchets ménagers et assimilés est octroyée exclusivement aux associations de communes.

L'autorisation, au sens de l'article 11, d'implanter et d'exploiter un centre d'enfouissement technique destiné à recevoir des déchets inertes est octroyée exclusivement aux communes et aux associations de communes.

L'autorisation, au sens de l'article 11, d'implanter et d'exploiter un centre d'enfouissement technique destiné à recevoir des matières enlevées du lit et des berges des cours d'eau du fait de travaux de dragage ou de curage est octroyée exclusivement aux personnes morales de droit public responsables de la réalisation de ces travaux.

L'autorisation, au sens de l'article 11, d'implanter et d'exploiter un centre d'enfouissement technique destiné à recevoir des déchets industriels est octroyée à des personnes morales de droit privé ou à des personnes morales de droit public.

Les alinéas 2 et 4 du présent paragraphe ne s'appliquent pas aux centres d'enfouissement technique destinés à l'usage exclusif d'un producteur de déchets. § 3. Les personnes morales de droit public visées au § 2 peuvent effectuer l'exploitation par leurs propres moyens ou confier celle-ci à des tiers dans le cadre de conventions spécifiant les règles à observer.

Les mêmes personnes morales de droit public décident librement d'introduire une demande d'autorisation au sens de l'article 11. Au cas où la convention visée à l'alinéa précédent prend la forme d'une association avec une personne morale de droit privé, l'entité créée doit être majoritairement publique. Elle est constituée dans la forme des sociétés anonymes ou des sociétés coopératives.

Pour tout ce qui n'est pas réglé par le présent décret et par les statuts, les prescriptions relatives aux sociétés commerciales lui sont applicables. Les statuts de la société ainsi que toute modification à ces statuts sont approuvés par le Gouvernement. Le contrôle des comptes s'effectue par un ou plusieurs commissaires choisis au sein de l'Institut des réviseurs d'entreprises et conformément aux dispositions légales applicables aux sociétés anonymes. Par dérogation au paragraphe 2, l'autorisation peut dans ce cas être octroyée à l'entité ainsi créée.

Sur avis de l'Office, le Gouvernement peut charger la société publique visée à l'article 39 de se substituer aux associations de communes et aux communes, dans l'exploitation des centres d'enfouissement technique, lorsque celles-ci n'ont pas, après mise en demeure, assumé leurs responsabilités en vertu de la planification des centres d'enfouissement technique, telle que prévue à l'article 25. § 4. Les personnes morales de droit privé qui exploitent un centre d'enfouissement technique de déchets industriels sont soumises au pouvoir de contrôle du Gouvernement.

Le Gouvernement peut soumettre la délivrance ou la mise en oeuvre des autorisations des centres d'enfouissement technique de déchets industriels visés à l'alinéa 1er à la conclusion d'un contrat de gestion entre le titulaire et le Gouvernement qui précise les missions de service public et les règles tarifaires à observer. § 5. Le Gouvernement peut autoriser les personnes morales de droit public visées au § 2, alinéas 1er à 3, et la société publique visée à l'article 39 à procéder à l'expropriation pour cause d'utilité publique des biens immeubles nécessaires à l'implantation de centres d'enfouissement technique.

Pour le calcul de la valeur de l'immeuble exproprié, il n'est tenu compte que de la valeur du bien arrêtée à la veille de l'adoption provisoire du plan visé à l'article 24, § 2, et actualisée jusqu'au jour où naît le droit à l'indemnité ou, à défaut d'un tel plan, à la veille de l'adoption de l'arrêté d'expropriation, cette valeur étant établie à l'exclusion de toute référence à l'exploitation future en centre d'enfouissement technique. § 6. Pour chaque centre d'enfouissement technique, une comptabilité séparée doit être tenue. » B.3. L'examen de la conformité d'un décret aux règles de compétence doit précéder l'examen de sa compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Quant aux moyens pris de la violation des règles répartitrices de compétences B.4. La Cour examinera le moyen qui critique l'article 20 en totalité avant d'aborder l'examen des moyens qui ne concernent que certaines dispositions de cet article.

Moyen pris de la violation de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 (premier moyen du recours portant le numéro 1042 du rôle, moyen unique du recours portant le numéro 1046 du rôle) B.5.1. Aux termes de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, modifiée par la loi spéciale du 8 août 1988 : « En matière économique, les Régions exercent leurs compétences dans le respect des principes de la libre circulation des personnes, biens, services et capitaux et de la liberté de commerce et d'industrie, ainsi que dans le respect du cadre normatif général de l'union économique et de l'unité monétaire, tel qu'il est établi par ou en vertu de la loi, et par ou en vertu des Traités internationaux. » B.5.2. Alors même qu'elles exercent leur compétence dans la matière de la protection de l'environnement qui leur est attribuée par l'article 6, § 1er, II, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980, les régions se doivent de tenir compte de la disposition limitant leur compétence, inscrite à l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la même loi spéciale.

B.5.3. Les dispositions inscrites à l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, précité ne garantissent cependant pas de manière absolue l'exercice des libertés qu'elles proclament. Des restrictions à ces libertés économiques peuvent être admises si elles sont justifiées par des exigences impérieuses d'intérêt général pour autant qu'elles ne soient pas disproportionnées par rapport aux objectifs poursuivis.

B.5.4. Les travaux préparatoires du décret attaqué entendent justifier les dispositions de l'article 20 par les considérations suivantes : « Cette option se justifie par le caractère spécifique des centres d'enfouissement technique dans la gestion des déchets. Les centres d'enfouissement technique sont en effet un procédé ultime d'élimination des déchets nécessitant, dans l'intérêt général, l'utilisation d'espaces importants réservés à cet usage. Il relève de la responsabilité des pouvoirs publics de veiller à une disponibilité spatiale suffisante en fonction des besoins, d'une manière générale par la planification [...] et d'une manière spécifique par l'acquisition de terrains [...]. Il relève également de la responsabilité des pouvoirs publics d'assurer l'égalité de tous les usagers dans l'accès aux centres d'enfouissement technique et d'introduire des principes tarifaires en fonction des conditions techniques d'implantation et d'exploitation dans un but ultime d'homogénéisation à l'échelle de la Région. Enfin, seules les autorités publiques peuvent, dans une perspective de long terme, garantir que des actions soient entreprises pour éviter que les sites ayant servi à l'enfouissement ne portent atteinte à l'environnement.

Ces objectifs justifient l'érection en service public ' fonctionnel ' de l'activité d'exploitation des centres d'enfouissement technique et n'excluent nullement la prise en charge effective de ce service public, par des personnes privées.

Celles-ci seront donc soumises aux lois dites du service public et, en particulier, à la loi d'égalité des usagers. Chaque usager qui se trouve dans les conditions fixées par le décret, l'arrêté d'exécution ou le règlement de service a le droit de bénéficier des avantages et l'obligation de supporter les charges de ce service de façon non discriminatoire - en l'occurrence l'acceptation des déchets moyennant le paiement d'un prix. » (Doc., Parlement wallon, 1994-1995, 344, n° 1, p. 16).

B.5.5. En érigeant en service public l'implantation et l'exploitation des centres d'enfouissement technique, dans les conditions et selon les modalités qu'elles prévoient et tenant compte des règles d'indemnisation qu'elles imposent, les mesures critiquées apportent aux droits et libertés invoqués au moyen des limitations qui, compte tenu des justifications d'intérêt général précitées, n'apparaissent pas manifestement disproportionnées.

B.5.6. Sans doute le législateur décrétal eût-il pu opter pour un renforcement des mesures de police ou de surveillance existantes, ce qui aurait permis aux autorités de mieux contrôler les activités d'entreprises privées, sans porter une telle atteinte aux principes et libertés dont le respect est garanti par l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale. Rien ne permet cependant à la Cour d'affirmer avec certitude que les mesures de rechange suggérées par les parties requérantes auraient permis d'atteindre l'objectif poursuivi. Il n'appartient pas à la Cour de censurer le choix du législateur décrétal, dès lors que celui-ci est justifié par des considérations qui ne sont pas manifestement déraisonnables.

B.5.7. Le moyen n'est pas fondé.

Moyen pris de la violation de l'article 39 de la Constitution et des articles 78 et 79 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (premier moyen du recours portant le numéro 1042 du rôle et du recours portant le numéro 1047 du rôle) B.6.1. Le moyen est dirigé contre l'article 20, § 5, du décret attaqué.

B.6.2. L'article 79, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose : « Sans préjudice du § 2, les Gouvernements peuvent poursuivre des expropriations pour cause d'utilité publique dans les cas et selon les modalités fixés par décret, dans le respect des procédures judiciaires fixées par la loi et du principe de la juste et préalable indemnité visé à l'article 11 [aujourd'hui 16] de la Constitution. » B.6.3. Dans l'exercice de leurs compétences en matière de politique des déchets, les régions peuvent procéder à des expropriations ou autoriser des personnes morales de droit public à le faire, pour autant qu'elles respectent les procédures judiciaires arrêtées par la loi fédérale ainsi que le principe constitutionnel de la juste et préalable indemnité.

B.6.4. Par l'article 20, § 5, du décret attaqué, la Région wallonne a exercé la compétence qu'elle tient de l'article 6, § 1er, II, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980, sans déroger aux procédures arrêtées par la loi fédérale.

B.6.5. En exigeant des régions et des communautés qu'elles respectent le principe de la juste et préalable indemnité, le législateur spécial n'a pas entendu leur enlever la compétence de déterminer le mode de calcul d'une telle indemnité. Pour être juste, l'indemnité doit assurer une réparation intégrale du préjudice subi.

B.7. Les modalités d'évaluation prévues à l'article 20, § 5, alinéa 2, ne seront compatibles avec la règle de la juste indemnité que si elles peuvent s'analyser comme des mesures qui permettent d'éliminer des éléments qui, s'ils étaient pris en considération, offriraient une indemnité dépassant ce qu'exige la réparation intégrale. Elles seront inconciliables avec la règle de la juste indemnité et, par là, excéderont la compétence régionale, si elles aboutissent à exclure du calcul de l'indemnité des éléments qui doivent en faire partie pour que la réparation soit intégrale.

B.8. Le Gouvernement wallon soutient que le législateur décrétal a voulu exclure, non la valeur d'avenir du bien, « mais la réalisation d'une plus-value qui résulterait de l'affectation par l'autorité de ceux-ci en centres d'enfouissement technique ».

B.9. Une telle lecture n'est pas conciliable avec le texte de l'article 20, § 5. En disposant que la valeur du bien est établie « à l'exclusion de toute référence à l'exploitation future en centre d'enfouissement technique », le législateur décrétal n'a pas distingué selon que la plus-value dont il entend exclure l'indemnisation est celle d'un terrain déjà exploitable comme installation d'élimination de déchets avant la décision d'expropriation ou celle qui résulterait de l'affectation du terrain exproprié par l'autorité en centre d'enfouissement technique. Si, dans la deuxième hypothèse, l'exclusion de la plus-value est conforme aux règles d'évaluation de la juste indemnité, dans la première hypothèse, le législateur décrétal exclut un élément qu'il doit prendre en compte pour la calculer.

B.10. Le moyen est fondé.

Moyen pris de la violation des règles répartitrices de compétences relatives au droit des sociétés (quatrième moyen du recours portant le numéro 1043 du rôle, troisième moyen pris par le Conseil des ministres) B.11.1. Aux termes de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, l'autorité fédérale est seule compétente pour le droit commercial et le droit des sociétés.

B.11.2. En disposant, à l'article 20, § 3, du décret attaqué, que, lorsqu'une personne morale de droit public s'associe avec une personne morale de droit privé, « l'entité créée doit être majoritairement publique » et être constituée dans la forme de sociétés anonymes ou de sociétés coopératives, le législateur décrétal n'a nullement réglementé le droit des sociétés. Il a précisé, en fonction des objectifs qu'il poursuit, quelles sont les formes de sociétés existantes qui doivent être choisies par une telle entité, sans toucher aux dispositions des lois coordonnées qui les régissent. En ajoutant que « pour tout ce qui n'est pas réglé par le présent décret et par les statuts, les prescriptions relatives aux sociétés commerciales lui sont applicables », le législateur décrétal a pris une disposition qui manifeste sa volonté de ne pas empiéter sur une compétence qui ne lui appartient pas.

B.11.3. Quant aux dispositions qui concernent le contrôle des comptes et le pouvoir de contrôle du Gouvernement, il s'agit de mesures, conformes aux objectifs du décret, qui astreignent les sociétés visées à des obligations en rapport avec ces objectifs et qui n'affectent pas la compétence attribuée à l'autorité fédérale pour régler le droit des sociétés.

B.11.4. Le moyen n'est pas fondé.

Moyen pris de la violation des règles répartitrices de compétences relatives à l'accès à la profession (premier moyen pris par le Conseil des ministres) B.12.1. L'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles dispose que l'autorité fédérale est seule compétente pour « les conditions d'accès à la profession, à l'exception des compétences régionales pour les conditions d'accès à la profession en matière de tourisme ».

B.12.2. La compétence attribuée à l'autorité fédérale pour régler les conditions d'accès à la profession comprend notamment le pouvoir de fixer des règles en matière d'accès à certaines professions.

L'implantation et l'exploitation de centres d'enfouissement technique étant érigées en service public, de telles activités ne sont pas des professions au sens de la disposition précitée. En effet, la compétence attribuée par cette disposition à l'autorité fédérale ne comprend pas celle de fixer des conditions d'accès à des fonctions publiques. Cette règle s'applique non seulement aux fonctions exercées dans les services publics au sens organique du terme, mais aussi aux fonctions exercées par les personnes qui accomplissent à titre professionnel et de manière habituelle, quelle que soit la nature de leur relation juridique avec le service décentralisé, une tâche d'intérêt général et qui fournissent ainsi un service public au sens fonctionnel du terme.

B.12.3. Le moyen n'est pas fondé.

Moyen pris de la violation des règles répartitrices de compétences en matière de politique des prix (deuxième moyen pris par le Conseil des ministres) B.13.1. L'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles dispose que l'autorité fédérale est seule compétente pour « la politique des prix et des revenus ».

B.13.2. Selon l'article 20, § 1er, alinéa 3, du décret attaqué : « Le Gouvernement fixe les règles tarifaires applicables lors de la mise en centre d'enfouissement technique ».

B.13.3. En vertu de l'article 6, § 1er, II, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980, les régions sont compétentes dans la matière de « la politique des déchets ». Cette compétence comporte celle d'arrêter les règles tarifaires applicables notamment lors de la mise en centre d'enfouissement technique.

B.13.4. Une telle compétence ne pourrait aller à l'encontre de celle qui est attribuée à l'autorité fédérale en matière de politique des prix. Cette réserve de compétence ne peut cependant aller jusqu'à enlever aux régions la compétence d'arrêter des règles tarifaires dans les matières qui leur sont attribuées. Elle signifie que, dans l'établissement de telles règles, l'autorité régionale doit tenir compte de la politique générale des prix menée par l'autorité fédérale, notamment des règles établies par ou en vertu de la loi du 22 janvier 1945Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/01/1945 pub. 20/09/2016 numac 2016000546 source service public federal interieur Loi sur la réglementation économique et les prix. - Coordination officieuse en langue allemande de la version fédérale fermer sur la réglementation économique et les prix.

B.13.5. En habilitant le Gouvernement à établir des règles tarifaires, le législateur régional n'a pas empiété sur les compétences fédérales et il ne peut être présumé avoir autorisé le Gouvernement à le faire.

B.14. Le moyen n'est pas fondé.

Quant aux moyens pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution Moyen pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention (deuxième moyen du recours portant le numéro 1042 du rôle, troisième moyen du recours portant le numéro 1043 du rôle, deuxième branche du deuxième moyen du recours portant le numéro 1047 du rôle) B.15. Ces moyens sont dirigés contre l'article 20, § 5, du décret attaqué. En raison de l'accueil du moyen pris de la violation des règles de compétence, dirigé contre la même disposition, il n'y a pas lieu d'examiner le moyen pris de la violation du principe d'égalité.

Moyen pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec les articles 52 et suivants du Traité C.E. (deuxième moyen du recours portant le numéro 1043 du rôle) B.16. Pour les motifs exprimés aux B.5.1 à B.5.7, le moyen n'est pas fondé.

Moyen pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution dans le recours portant le numéro 1043 du rôle (troisième moyen, première branche) B.17.1. Les parties requérantes soutiennent que c'est sans justification admissible que le législateur régional a recours à un service public pour les déchets ménagers ou les déchets inertes, alors qu'il permet de recourir au secteur privé ou au secteur public pour les déchets industriels. La discrimination serait d'autant moins admissible que les déchets industriels présentent une plus grande dangerosité pour les citoyens, dès lors qu'ils offrent la possibilité d'une concurrence qui pourrait déboucher, à suivre la thèse du législateur wallon, sur des objectifs de lucre ou des spéculations immobilières.

B.17.2. Le régime adopté pour les déchets ménagers est justifié par les considérations suivantes : « Depuis toujours les communes ont joué un rôle prépondérant dans la gestion des déchets ménagers et inertes, les premiers parce que produits directement par les citoyens, les seconds parce que résultant souvent de travaux publics localisés. Les déchets industriels, quant à eux, ont pu jusqu'à nos jours bénéficier d'initiatives privées quant à leur mise en centres d'enfouissement technique. » (Doc., Parlement wallon, 1994-1995, 344, n° 1, p. 16) B.17.3. Quant au régime différent retenu pour les déchets industriels, il est ainsi décrit : « Enfin, les secteurs privé et public sont laissés responsables, sans distinction, de la mise en place des infrastructures d'enfouissement pour déchets industriels. L'intervention des autorités publiques dans ce secteur devrait en principe se limiter à veiller à la disponibilité des sites dans le respect des lois du service public.

Néanmoins, dans certaines régions, lorsque des infrastructures particulières ne se justifient pas économiquement, les intercommunales pourraient voir élargi l'intérêt communal dont elles ont la charge à l'élimination de déchets industriels. » (ibidem, p. 17) B.17.4. La Cour excéderait ses compétences si, en présence de semblables considérations, elle décidait que le principe d'égalité impose de prévoir le même régime d'implantation et d'exploitation pour les déchets industriels et pour les déchets ménagers.

B.17.5. Le moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour annule l'alinéa 2 du paragraphe 5 de l'article 20 du décret de la Région wallonne du 27 juin 1996 relatif aux déchets; rejette les recours pour le surplus.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 17 décembre 1997.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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