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Extrait de l'arrêt n° 9/2018 du 1 er février 2018 Numéros du rôle : 6448, 6449 et 6520 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle, posées par la chambre des mises en La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. (...) Extrait de l'arrêt n° 9/2018 du 1 er février 2018 Numéros du rôle : 6448, 6449 et 6520 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle, posées par la chambre des mises en La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. (...)
COUR CONSTITUTIONNELLE COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 9/2018 du 1er février 2018 Extrait de l'arrêt n° 9/2018 du 1er février 2018
Numéros du rôle : 6448, 6449 et 6520 Numéros du rôle : 6448, 6449 et 6520
En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 479 à En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 479 à
482bis du Code d'instruction criminelle, posées par la chambre des 482bis du Code d'instruction criminelle, posées par la chambre des
mises en accusation de la Cour d'appel de Liège. mises en accusation de la Cour d'appel de Liège.
La Cour constitutionnelle, La Cour constitutionnelle,
composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L.
Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T.
Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée
du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet des questions préjudicielles et procédure I. Objet des questions préjudicielles et procédure
a. Par deux arrêts du 6 juin 2016 en cause du ministère public contre a. Par deux arrêts du 6 juin 2016 en cause du ministère public contre
L.M., dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour le 14 L.M., dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour le 14
juin 2016, la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de juin 2016, la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de
Liège a posé les questions préjudicielles suivantes : Liège a posé les questions préjudicielles suivantes :
1. « Les articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle 1. « Les articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle
violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils
privent les justiciables visés à l'article 479 dudit Code du droit de privent les justiciables visés à l'article 479 dudit Code du droit de
faire contrôler par la chambre des mises en accusation la régularité faire contrôler par la chambre des mises en accusation la régularité
de la procédure et de l'instruction menée à leur égard, durant le de la procédure et de l'instruction menée à leur égard, durant le
cours de celle-ci et du droit d'intenter, devant la chambre des mises cours de celle-ci et du droit d'intenter, devant la chambre des mises
en accusation, des recours à l'encontre des décisions rendues par le en accusation, des recours à l'encontre des décisions rendues par le
magistrat instructeur sur des requêtes qu'ils lui présentent, alors magistrat instructeur sur des requêtes qu'ils lui présentent, alors
que les articles 6 de chacune des deux lois du 25 juin 1998 réglant la que les articles 6 de chacune des deux lois du 25 juin 1998 réglant la
responsabilité pénale des ministres (fédéraux), d'une part, et celle responsabilité pénale des ministres (fédéraux), d'une part, et celle
des membres des gouvernements de communauté ou de région, d'autre des membres des gouvernements de communauté ou de région, d'autre
part, accordent ces droits à ces derniers ? »; part, accordent ces droits à ces derniers ? »;
2. « Les articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle 2. « Les articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle
violent-ils l'article 13 de la Constitution, combiné ou non avec violent-ils l'article 13 de la Constitution, combiné ou non avec
l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales en tant qu'ils empêchent les l'homme et des libertés fondamentales en tant qu'ils empêchent les
justiciables visés à l'article 479 dudit Code du droit d'intenter au justiciables visés à l'article 479 dudit Code du droit d'intenter au
cours de l'instruction, devant la chambre des mises en accusation, des cours de l'instruction, devant la chambre des mises en accusation, des
recours à l'encontre des décisions rendues par le magistrat recours à l'encontre des décisions rendues par le magistrat
instructeur sur des requêtes qu'ils lui présentent et du droit de instructeur sur des requêtes qu'ils lui présentent et du droit de
faire contrôler par la chambre des mises en accusation la régularité faire contrôler par la chambre des mises en accusation la régularité
de la procédure et de l'instruction ? ». de la procédure et de l'instruction ? ».
b. Par arrêt du 26 septembre 2016 en cause du ministère public contre b. Par arrêt du 26 septembre 2016 en cause du ministère public contre
L.M., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 29 L.M., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 29
septembre 2016, la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel septembre 2016, la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel
de Liège a posé les questions préjudicielles suivantes : de Liège a posé les questions préjudicielles suivantes :
1. « Les articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle 1. « Les articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle
violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils
privent les justiciables visés à l'article 479 dudit Code du droit privent les justiciables visés à l'article 479 dudit Code du droit
d'intenter, devant la chambre des mises en accusation, des recours à d'intenter, devant la chambre des mises en accusation, des recours à
l'encontre des décisions rendues par le magistrat instructeur sur des l'encontre des décisions rendues par le magistrat instructeur sur des
requêtes qu'ils lui présentent, alors que les articles 6 de chacune requêtes qu'ils lui présentent, alors que les articles 6 de chacune
des deux lois du 25 juin 1998 réglant la responsabilité pénale des des deux lois du 25 juin 1998 réglant la responsabilité pénale des
ministres (fédéraux), d'une part, et celle des membres des ministres (fédéraux), d'une part, et celle des membres des
gouvernements de communauté ou de région, d'autre part, accordent ces gouvernements de communauté ou de région, d'autre part, accordent ces
droits à ces derniers ? »; droits à ces derniers ? »;
2. « Les articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle 2. « Les articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle
violent-ils l'article 13 de la Constitution, combiné ou non avec violent-ils l'article 13 de la Constitution, combiné ou non avec
l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales en tant qu'ils empêchent les l'homme et des libertés fondamentales en tant qu'ils empêchent les
justiciables visés à l'article 479 dudit Code du droit d'intenter au justiciables visés à l'article 479 dudit Code du droit d'intenter au
cours de l'instruction, devant la chambre des mises en accusation, des cours de l'instruction, devant la chambre des mises en accusation, des
recours à l'encontre des décisions rendues par le magistrat recours à l'encontre des décisions rendues par le magistrat
instructeur sur des requêtes qu'ils lui présentent ? ». instructeur sur des requêtes qu'ils lui présentent ? ».
Ces affaires, inscrites sous les numéros 6448, 6449 et 6520 du rôle de Ces affaires, inscrites sous les numéros 6448, 6449 et 6520 du rôle de
la Cour, ont été jointes. la Cour, ont été jointes.
(...) (...)
III. En droit III. En droit
(...) (...)
B.1.1. Par une première question préjudicielle dans les affaires nos B.1.1. Par une première question préjudicielle dans les affaires nos
6448 et 6449, la Cour est interrogée sur la compatibilité, avec les 6448 et 6449, la Cour est interrogée sur la compatibilité, avec les
articles 10 et 11 de la Constitution, des articles 479 à 482bis du articles 10 et 11 de la Constitution, des articles 479 à 482bis du
Code d'instruction criminelle en ce qu'ils priveraient les personnes Code d'instruction criminelle en ce qu'ils priveraient les personnes
qui y sont visées du droit de faire contrôler par la chambre des mises qui y sont visées du droit de faire contrôler par la chambre des mises
en accusation la régularité de la procédure et de l'instruction menée en accusation la régularité de la procédure et de l'instruction menée
à leur égard, durant le cours de celle-ci, et du droit d'intenter, à leur égard, durant le cours de celle-ci, et du droit d'intenter,
devant la chambre des mises en accusation, un recours à l'encontre des devant la chambre des mises en accusation, un recours à l'encontre des
décisions rendues par le magistrat instructeur sur des requêtes décisions rendues par le magistrat instructeur sur des requêtes
qu'elles lui présentent alors que les articles 6 des lois ordinaire et qu'elles lui présentent alors que les articles 6 des lois ordinaire et
spéciale du 25 juin 1998 réglant respectivement la responsabilité spéciale du 25 juin 1998 réglant respectivement la responsabilité
pénale des ministres fédéraux et des membres des gouvernements de pénale des ministres fédéraux et des membres des gouvernements de
communauté ou de région accordent ces droits aux ministres précités. communauté ou de région accordent ces droits aux ministres précités.
B.1.2. Par une seconde question préjudicielle dans les affaires nos B.1.2. Par une seconde question préjudicielle dans les affaires nos
6448 et 6449, la Cour est interrogée sur la compatibilité, avec 6448 et 6449, la Cour est interrogée sur la compatibilité, avec
l'article 13 de la Constitution, combiné ou non avec l'article 6 de la l'article 13 de la Constitution, combiné ou non avec l'article 6 de la
Convention européenne des droits de l'homme, des mêmes dispositions du Convention européenne des droits de l'homme, des mêmes dispositions du
Code d'instruction criminelle en tant qu'elles priveraient les Code d'instruction criminelle en tant qu'elles priveraient les
personnes qui y sont visées du droit de faire contrôler par la chambre personnes qui y sont visées du droit de faire contrôler par la chambre
des mises en accusation la régularité de la procédure et de des mises en accusation la régularité de la procédure et de
l'instruction menée à leur égard, durant le cours de celle-ci, et du l'instruction menée à leur égard, durant le cours de celle-ci, et du
droit d'intenter, devant la chambre des mises en accusation, un droit d'intenter, devant la chambre des mises en accusation, un
recours à l'encontre des décisions rendues par le magistrat recours à l'encontre des décisions rendues par le magistrat
instructeur sur des requêtes qu'elles lui présentent. instructeur sur des requêtes qu'elles lui présentent.
B.1.3. Les deux questions préjudicielles posées dans l'affaire n° 6520 B.1.3. Les deux questions préjudicielles posées dans l'affaire n° 6520
sont identiques à celles qui sont posées dans les affaires nos 6448 et sont identiques à celles qui sont posées dans les affaires nos 6448 et
6449 en tant qu'elles portent sur l'absence de recours, devant la 6449 en tant qu'elles portent sur l'absence de recours, devant la
chambre des mises en accusation, à l'encontre des décisions rendues chambre des mises en accusation, à l'encontre des décisions rendues
par le magistrat instructeur sur des requêtes que lui présentent les par le magistrat instructeur sur des requêtes que lui présentent les
personnes poursuivies. personnes poursuivies.
B.2.1. Les articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle, qui B.2.1. Les articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle, qui
font partie du livre II, titre IV (« De quelques procédures font partie du livre II, titre IV (« De quelques procédures
particulières »), chapitre III (« Des crimes commis par des juges, particulières »), chapitre III (« Des crimes commis par des juges,
hors de leurs fonctions et dans l'exercice de leurs fonctions »), de hors de leurs fonctions et dans l'exercice de leurs fonctions »), de
ce Code, disposent : ce Code, disposent :
«

Art. 479.Lorsqu'un juge de paix, un juge au tribunal de police, un

«

Art. 479.Lorsqu'un juge de paix, un juge au tribunal de police, un

juge au tribunal de première instance, au tribunal du travail ou au juge au tribunal de première instance, au tribunal du travail ou au
tribunal de commerce, un conseiller à la cour d'appel ou à la cour du tribunal de commerce, un conseiller à la cour d'appel ou à la cour du
travail, un conseiller à la Cour de cassation, un magistrat du parquet travail, un conseiller à la Cour de cassation, un magistrat du parquet
près un tribunal ou une cour, un référendaire près la Cour de près un tribunal ou une cour, un référendaire près la Cour de
cassation, un membre de la Cour des comptes, un membre du Conseil cassation, un membre de la Cour des comptes, un membre du Conseil
d'Etat de l'auditorat ou du bureau de coordination près le Conseil d'Etat de l'auditorat ou du bureau de coordination près le Conseil
d'Etat, un membre de la Cour constitutionnelle, un référendaire près d'Etat, un membre de la Cour constitutionnelle, un référendaire près
cette Cour, les membres du Conseil du Contentieux des étrangers, un cette Cour, les membres du Conseil du Contentieux des étrangers, un
gouverneur de province est prévenu d'avoir commis, hors de ses gouverneur de province est prévenu d'avoir commis, hors de ses
fonctions, un délit emportant une peine correctionnelle, le procureur fonctions, un délit emportant une peine correctionnelle, le procureur
général près la cour d'appel le fait citer devant cette cour, qui général près la cour d'appel le fait citer devant cette cour, qui
prononce sans qu'il puisse y avoir appel. prononce sans qu'il puisse y avoir appel.

Art. 480.S'il s'agit d'une infraction punissable d'une peine

Art. 480.S'il s'agit d'une infraction punissable d'une peine

criminelle, le procureur général près la cour d'appel et le premier criminelle, le procureur général près la cour d'appel et le premier
président de cette cour désigneront, le premier, le magistrat qui président de cette cour désigneront, le premier, le magistrat qui
exercera les fonctions d'officier de police judiciaire; le second, le exercera les fonctions d'officier de police judiciaire; le second, le
magistrat qui exercera les fonctions de juge d'instruction. magistrat qui exercera les fonctions de juge d'instruction.

Art. 481.Si c'est un membre de cour d'appel ou un officier exerçant

Art. 481.Si c'est un membre de cour d'appel ou un officier exerçant

près d'elle le ministère public, qui soit inculpé d'avoir commis un près d'elle le ministère public, qui soit inculpé d'avoir commis un
délit ou un crime hors de ses fonctions, l'officier qui aura reçu les délit ou un crime hors de ses fonctions, l'officier qui aura reçu les
dénonciations ou les plaintes sera tenu d'en envoyer de suite des dénonciations ou les plaintes sera tenu d'en envoyer de suite des
copies au Ministre de la Justice, sans aucun retard de l'instruction copies au Ministre de la Justice, sans aucun retard de l'instruction
qui sera continuée comme il est précédemment réglé, et il adressera qui sera continuée comme il est précédemment réglé, et il adressera
pareillement au grand juge une copie des pièces. pareillement au grand juge une copie des pièces.

Art. 482.Le Ministre de la Justice transmettra les pièces à la Cour

Art. 482.Le Ministre de la Justice transmettra les pièces à la Cour

de cassation, qui renverra l'affaire, s'il y a lieu, soit à un de cassation, qui renverra l'affaire, s'il y a lieu, soit à un
tribunal de police correctionnelle, soit à un juge d'instruction, pris tribunal de police correctionnelle, soit à un juge d'instruction, pris
l'un et l'autre hors du ressort de la cour à laquelle appartient le l'un et l'autre hors du ressort de la cour à laquelle appartient le
membre inculpé. membre inculpé.
S'il s'agit de prononcer la mise en accusation, le renvoi sera fait à S'il s'agit de prononcer la mise en accusation, le renvoi sera fait à
une autre cour d'appel. une autre cour d'appel.

Art. 482bis.Les coauteurs et les complices de l'infraction pour

Art. 482bis.Les coauteurs et les complices de l'infraction pour

laquelle un fonctionnaire de la qualité exprimée à l'article 479 est laquelle un fonctionnaire de la qualité exprimée à l'article 479 est
poursuivi, et les auteurs des infractions connexes sont poursuivis et poursuivi, et les auteurs des infractions connexes sont poursuivis et
jugés en même temps que le fonctionnaire. jugés en même temps que le fonctionnaire.
L'alinéa 1er ne s'applique toutefois pas aux auteurs de crimes et de L'alinéa 1er ne s'applique toutefois pas aux auteurs de crimes et de
délits politiques et délits de presse qui sont connexes avec délits politiques et délits de presse qui sont connexes avec
l'infraction pour laquelle le fonctionnaire est poursuivi ». l'infraction pour laquelle le fonctionnaire est poursuivi ».
B.2.2. L'article 6 de la loi du 25 juin 1998 réglant la responsabilité B.2.2. L'article 6 de la loi du 25 juin 1998 réglant la responsabilité
pénale des ministres, également mentionné dans les questions pénale des ministres, également mentionné dans les questions
préjudicielles, dispose : préjudicielles, dispose :
«

Art. 6.Les règles en matière d'instruction criminelle qui ne sont

«

Art. 6.Les règles en matière d'instruction criminelle qui ne sont

pas contraires aux formes de procéder prescrites par la présente loi, pas contraires aux formes de procéder prescrites par la présente loi,
sont également respectées ». sont également respectées ».
L'article 6 de la loi spéciale du 25 juin 1998 réglant la L'article 6 de la loi spéciale du 25 juin 1998 réglant la
responsabilité pénale des membres des gouvernements de communauté ou responsabilité pénale des membres des gouvernements de communauté ou
de région prévoit une règle identique. de région prévoit une règle identique.
Quant à la portée des questions préjudicielles Quant à la portée des questions préjudicielles
B.3.1. Le Conseil des ministres soutient que la réponse aux questions B.3.1. Le Conseil des ministres soutient que la réponse aux questions
préjudicielles n'est manifestement pas utile à la solution du litige préjudicielles n'est manifestement pas utile à la solution du litige
en tant qu'elles visent d'autres magistrats que ceux qui ont la en tant qu'elles visent d'autres magistrats que ceux qui ont la
qualité de juge au tribunal de première instance. qualité de juge au tribunal de première instance.
B.3.2. Il appartient à la juridiction a quo de déterminer les B.3.2. Il appartient à la juridiction a quo de déterminer les
dispositions qui sont applicables au litige dont cette juridiction est dispositions qui sont applicables au litige dont cette juridiction est
saisie; les parties ne sont pas habilitées à mettre ce choix en cause saisie; les parties ne sont pas habilitées à mettre ce choix en cause
devant la Cour. La Cour ne pourrait par ailleurs s'abstenir de devant la Cour. La Cour ne pourrait par ailleurs s'abstenir de
répondre à la question qui lui est posée que si la réponse à cette répondre à la question qui lui est posée que si la réponse à cette
question n'était manifestement pas utile pour la solution de ce question n'était manifestement pas utile pour la solution de ce
litige. litige.
B.3.3. Comme le relève le Conseil des ministres, les litiges devant la B.3.3. Comme le relève le Conseil des ministres, les litiges devant la
juridiction a quo qui ont donné lieu aux questions préjudicielles juridiction a quo qui ont donné lieu aux questions préjudicielles
posées dans les trois affaires jointes concernent le même magistrat, posées dans les trois affaires jointes concernent le même magistrat,
qui revêt la qualité de juge au tribunal de première instance. La Cour qui revêt la qualité de juge au tribunal de première instance. La Cour
limite dès lors l'examen des dispositions en cause à cette catégorie limite dès lors l'examen des dispositions en cause à cette catégorie
de magistrats visée aux articles 479 et 480 du Code d'instruction de magistrats visée aux articles 479 et 480 du Code d'instruction
criminelle. criminelle.
Les questions préjudicielles n'appellent en revanche pas de réponse en Les questions préjudicielles n'appellent en revanche pas de réponse en
ce qu'elles portent sur les articles 481 et 482 du Code d'instruction ce qu'elles portent sur les articles 481 et 482 du Code d'instruction
criminelle, qui concernent la procédure pour les membres d'une cour criminelle, qui concernent la procédure pour les membres d'une cour
d'appel ou pour un officier qui exerce le ministère public auprès de d'appel ou pour un officier qui exerce le ministère public auprès de
la cour, et sur l'article 482bis du même Code, qui concerne la la cour, et sur l'article 482bis du même Code, qui concerne la
procédure pour les coauteurs et les complices de l'infraction pour procédure pour les coauteurs et les complices de l'infraction pour
laquelle un magistrat est poursuivi. En effet, ces dispositions ne laquelle un magistrat est poursuivi. En effet, ces dispositions ne
sont pas applicables aux litiges pendants devant la juridiction a quo. sont pas applicables aux litiges pendants devant la juridiction a quo.
Quant au fond Quant au fond
B.4.1. Les articles 479 et 480 du Code d'instruction criminelle B.4.1. Les articles 479 et 480 du Code d'instruction criminelle
prévoient une procédure dérogeant au droit commun de la procédure prévoient une procédure dérogeant au droit commun de la procédure
pénale pour les infractions commises par les magistrats et par pénale pour les infractions commises par les magistrats et par
certains autres titulaires de fonctions publiques. Cette procédure certains autres titulaires de fonctions publiques. Cette procédure
particulière qu'implique le « privilège de juridiction » a été particulière qu'implique le « privilège de juridiction » a été
instaurée en vue de garantir, à l'égard de ces personnes, une instaurée en vue de garantir, à l'égard de ces personnes, une
administration de la justice impartiale et sereine. Les règles administration de la justice impartiale et sereine. Les règles
spécifiques d'instruction, de poursuite et de jugement tendent à spécifiques d'instruction, de poursuite et de jugement tendent à
éviter, d'une part, que des poursuites téméraires, injustifiées ou éviter, d'une part, que des poursuites téméraires, injustifiées ou
vexatoires soient intentées contre les personnes concernées et, vexatoires soient intentées contre les personnes concernées et,
d'autre part, que ces mêmes personnes soient traitées avec trop de d'autre part, que ces mêmes personnes soient traitées avec trop de
sévérité ou trop de clémence. sévérité ou trop de clémence.
B.4.2. En vertu de l'article 479 en cause du Code d'instruction B.4.2. En vertu de l'article 479 en cause du Code d'instruction
criminelle, seul le procureur général près la cour d'appel est criminelle, seul le procureur général près la cour d'appel est
compétent pour mettre l'action publique en mouvement à charge des compétent pour mettre l'action publique en mouvement à charge des
magistrats visés dans cette disposition qui sont soupçonnés d'avoir magistrats visés dans cette disposition qui sont soupçonnés d'avoir
commis un délit ou un crime. commis un délit ou un crime.
Si le procureur général près la cour d'appel estime qu'une mise à Si le procureur général près la cour d'appel estime qu'une mise à
l'instruction est souhaitable, il demande au premier président de la l'instruction est souhaitable, il demande au premier président de la
cour d'appel de désigner le magistrat qui exercera les fonctions de cour d'appel de désigner le magistrat qui exercera les fonctions de
juge d'instruction (article 480 du Code d'instruction criminelle). juge d'instruction (article 480 du Code d'instruction criminelle).
Bien que l'article 480 concerne uniquement les crimes, la possibilité Bien que l'article 480 concerne uniquement les crimes, la possibilité
d'instruction pour un délit est admise, aux mêmes conditions (Cass., d'instruction pour un délit est admise, aux mêmes conditions (Cass.,
31 juillet 1882, Pas., 1882, I, 332). Au terme de l'information ou de 31 juillet 1882, Pas., 1882, I, 332). Au terme de l'information ou de
l'instruction, seul le procureur général décide, sans l'intervention l'instruction, seul le procureur général décide, sans l'intervention
d'une juridiction d'instruction, des suites à réserver à la procédure. d'une juridiction d'instruction, des suites à réserver à la procédure.
Il peut, ce faisant, décider de ne pas poursuivre ou, s'il estime Il peut, ce faisant, décider de ne pas poursuivre ou, s'il estime
qu'il existe des charges suffisantes, saisir, par citation directe, la qu'il existe des charges suffisantes, saisir, par citation directe, la
cour d'appel, qui statue en premier et dernier ressort. Ce n'est que cour d'appel, qui statue en premier et dernier ressort. Ce n'est que
dans l'hypothèse où le procureur général estime que l'affaire doit dans l'hypothèse où le procureur général estime que l'affaire doit
être renvoyée devant la cour d'assises qu'il doit, conformément au être renvoyée devant la cour d'assises qu'il doit, conformément au
droit commun, demander le règlement de la procédure par la chambre des droit commun, demander le règlement de la procédure par la chambre des
mises en accusation (articles 217 et suivants du Code d'instruction mises en accusation (articles 217 et suivants du Code d'instruction
criminelle). criminelle).
Ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation, la Ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation, la
chambre des mises en accusation est incompétente pour exercer un chambre des mises en accusation est incompétente pour exercer un
contrôle sur l'instruction en application de l'article 136 du Code contrôle sur l'instruction en application de l'article 136 du Code
d'instruction criminelle et pour connaître de l'appel formé contre les d'instruction criminelle et pour connaître de l'appel formé contre les
actes du magistrat instructeur (Cass., 4 décembre 2007, Pas., 2007, n° actes du magistrat instructeur (Cass., 4 décembre 2007, Pas., 2007, n°
608; Cass., 4 décembre 2007, Pas., 2007, n° 611). 608; Cass., 4 décembre 2007, Pas., 2007, n° 611).
B.5.1. La loi du 25 juin 1998 réglant la responsabilité pénale des B.5.1. La loi du 25 juin 1998 réglant la responsabilité pénale des
ministres et la loi spéciale du 25 juin 1998 réglant la responsabilité ministres et la loi spéciale du 25 juin 1998 réglant la responsabilité
pénale des membres des gouvernements de communauté ou de région pénale des membres des gouvernements de communauté ou de région
(ci-après : les lois ordinaire et spéciale du 25 juin 1998) prévoient (ci-après : les lois ordinaire et spéciale du 25 juin 1998) prévoient
une procédure particulière pour les infractions commises par les une procédure particulière pour les infractions commises par les
ministres dans l'exercice de leurs fonctions ou en dehors de ministres dans l'exercice de leurs fonctions ou en dehors de
l'exercice de leurs fonctions mais jugées au cours de l'exercice de l'exercice de leurs fonctions mais jugées au cours de l'exercice de
leurs fonctions. leurs fonctions.
Lors de l'adoption des règles relatives au « privilège de juridiction Lors de l'adoption des règles relatives au « privilège de juridiction
» des ministres, le législateur a voulu reprendre le système existant » des ministres, le législateur a voulu reprendre le système existant
du « privilège de juridiction » des magistrats : du « privilège de juridiction » des magistrats :
« La pondération des différentes alternatives a abouti à la conclusion « La pondération des différentes alternatives a abouti à la conclusion
qu'il n'est pas opportun de créer un nouveau régime pour le seul qu'il n'est pas opportun de créer un nouveau régime pour le seul
jugement de ministres. C'est la raison pour laquelle le choix s'est jugement de ministres. C'est la raison pour laquelle le choix s'est
porté sur le régime du privilège de juridiction tel qu'il existe porté sur le régime du privilège de juridiction tel qu'il existe
actuellement pour les juges et les autres personnes énumérées à actuellement pour les juges et les autres personnes énumérées à
l'article 479 et suivants du Code d'instruction criminelle, étant l'article 479 et suivants du Code d'instruction criminelle, étant
donné que la philosophie qui sous-tend ce privilège de juridiction donné que la philosophie qui sous-tend ce privilège de juridiction
paraît parfaitement applicable aux ministres » (Doc. parl., Chambre, paraît parfaitement applicable aux ministres » (Doc. parl., Chambre,
1997-1998, n° 1258/1, p. 5). 1997-1998, n° 1258/1, p. 5).
« Le régime du privilège de juridiction devient applicable aux « Le régime du privilège de juridiction devient applicable aux
ministres, conformément au système en vigueur pour les magistrats ministres, conformément au système en vigueur pour les magistrats
(articles 479 et suivants du Code d'instruction criminelle), ce qui (articles 479 et suivants du Code d'instruction criminelle), ce qui
signifie que les intéressés seront jugés directement par la cour signifie que les intéressés seront jugés directement par la cour
d'appel » (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1258/5, p. 6). d'appel » (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1258/5, p. 6).
B.5.2. Bien que le législateur ait donc entendu rapprocher les régimes B.5.2. Bien que le législateur ait donc entendu rapprocher les régimes
du « privilège de juridiction » applicables aux magistrats et du « privilège de juridiction » applicables aux magistrats et
ministres, il existe des différences substantielles entre les deux ministres, il existe des différences substantielles entre les deux
régimes en ce qui concerne les règles relatives à l'instruction régimes en ce qui concerne les règles relatives à l'instruction
pénale. pénale.
Certes, pour les ministres aussi, le procureur général près la cour Certes, pour les ministres aussi, le procureur général près la cour
d'appel est seul compétent pour mettre l'action publique en mouvement, d'appel est seul compétent pour mettre l'action publique en mouvement,
l'instruction est menée par un magistrat qui est désigné par le l'instruction est menée par un magistrat qui est désigné par le
premier président de la cour d'appel compétente et seule la cour premier président de la cour d'appel compétente et seule la cour
d'appel est compétente pour juger les ministres en premier et dernier d'appel est compétente pour juger les ministres en premier et dernier
ressort (articles 103, alinéa 4, et 125, alinéa 4, de la Constitution ressort (articles 103, alinéa 4, et 125, alinéa 4, de la Constitution
et articles 3 et 4 des lois ordinaire et spéciale du 25 juin 1998). et articles 3 et 4 des lois ordinaire et spéciale du 25 juin 1998).
Toutefois, à la différence des magistrats, au terme de l'instruction, Toutefois, à la différence des magistrats, au terme de l'instruction,
il est prévu, pour les ministres, un règlement de la procédure par la il est prévu, pour les ministres, un règlement de la procédure par la
chambre des mises en accusation de la cour d'appel compétente, qui chambre des mises en accusation de la cour d'appel compétente, qui
peut décider qu'il n'y a pas lieu à poursuivre, qui peut ordonner des peut décider qu'il n'y a pas lieu à poursuivre, qui peut ordonner des
actes d'instruction complémentaires ou renvoyer l'affaire à la cour actes d'instruction complémentaires ou renvoyer l'affaire à la cour
d'appel compétente (articles 9 et 16 des lois ordinaire et spéciale du d'appel compétente (articles 9 et 16 des lois ordinaire et spéciale du
25 juin 1998). Pour le surplus, le procureur général près la cour 25 juin 1998). Pour le surplus, le procureur général près la cour
d'appel doit, tant pour la demande de règlement de la procédure que d'appel doit, tant pour la demande de règlement de la procédure que
pour la citation directe, recevoir l'autorisation préalable du pour la citation directe, recevoir l'autorisation préalable du
Parlement devant lequel le ministre doit ou devait se justifier Parlement devant lequel le ministre doit ou devait se justifier
(articles 10, 11 et 13 des lois ordinaire et spéciale du 25 juin (articles 10, 11 et 13 des lois ordinaire et spéciale du 25 juin
1998). 1998).
B.6. Les questions préjudicielles portent d'abord sur certaines de ces B.6. Les questions préjudicielles portent d'abord sur certaines de ces
différences de traitement entre les magistrats et les ministres. Plus différences de traitement entre les magistrats et les ministres. Plus
spécifiquement, la Cour est interrogée au sujet de la compatibilité spécifiquement, la Cour est interrogée au sujet de la compatibilité
des dispositions en cause avec les articles 10 et 11 de la des dispositions en cause avec les articles 10 et 11 de la
Constitution en ce qu'elles ne prévoient pas, pour les magistrats de Constitution en ce qu'elles ne prévoient pas, pour les magistrats de
première instance, l'intervention d'une juridiction d'instruction au première instance, l'intervention d'une juridiction d'instruction au
cours de l'instruction pénale menée à leur égard, afin de contrôler la cours de l'instruction pénale menée à leur égard, afin de contrôler la
régularité de la procédure et afin de statuer, en tant qu'instance de régularité de la procédure et afin de statuer, en tant qu'instance de
recours, sur les décisions du magistrat désigné en tant que juge recours, sur les décisions du magistrat désigné en tant que juge
d'instruction, alors que les lois ordinaire et spéciale du 25 juin d'instruction, alors que les lois ordinaire et spéciale du 25 juin
1998 prévoient quant à elles, pour les ministres, une telle 1998 prévoient quant à elles, pour les ministres, une telle
intervention d'une juridiction d'instruction. Pour le surplus, il est intervention d'une juridiction d'instruction. Pour le surplus, il est
demandé à la Cour si les dispositions en cause portent ainsi atteinte demandé à la Cour si les dispositions en cause portent ainsi atteinte
à l'article 13 de la Constitution, combiné ou non avec l'article 6 de à l'article 13 de la Constitution, combiné ou non avec l'article 6 de
la Convention européenne des droits de l'homme. la Convention européenne des droits de l'homme.
Eu égard à leur connexité, la Cour examine conjointement les Eu égard à leur connexité, la Cour examine conjointement les
différentes questions préjudicielles. différentes questions préjudicielles.
B.7. Il appartient en principe au législateur de décider pour quelles B.7. Il appartient en principe au législateur de décider pour quelles
fonctions publiques il y a lieu de prévoir des règles dérogatoires aux fonctions publiques il y a lieu de prévoir des règles dérogatoires aux
règles ordinaires de la procédure pénale afin d'atteindre les règles ordinaires de la procédure pénale afin d'atteindre les
objectifs d'intérêt général tels que ceux qui sont cités en B.4.1. objectifs d'intérêt général tels que ceux qui sont cités en B.4.1.
Le fait que des règles procédurales différentes soient prévues dans le Le fait que des règles procédurales différentes soient prévues dans le
cadre du régime de « privilège de juridiction » pour les magistrats et cadre du régime de « privilège de juridiction » pour les magistrats et
les ministres ne peut être tenu pour discriminatoire en soi. Il n'y les ministres ne peut être tenu pour discriminatoire en soi. Il n'y
aurait discrimination que si la différence de traitement qui découle aurait discrimination que si la différence de traitement qui découle
de l'application de ces règles procédurales emportait une limitation de l'application de ces règles procédurales emportait une limitation
disproportionnée des droits des personnes en cause. disproportionnée des droits des personnes en cause.
B.8.1. L'article 13 de la Constitution implique un droit d'accès au B.8.1. L'article 13 de la Constitution implique un droit d'accès au
juge compétent. Ce droit est également garanti par l'article 6.1 de la juge compétent. Ce droit est également garanti par l'article 6.1 de la
Convention européenne des droits de l'homme et par un principe général Convention européenne des droits de l'homme et par un principe général
de droit. de droit.
B.8.2. Comme l'a jugé la Cour européenne des droits de l'homme, le B.8.2. Comme l'a jugé la Cour européenne des droits de l'homme, le
fait pour les Etats d'accorder généralement des « privilèges de fait pour les Etats d'accorder généralement des « privilèges de
juridiction » aux magistrats constitue une pratique de longue date, juridiction » aux magistrats constitue une pratique de longue date,
destinée à assurer le bon fonctionnement de la justice. En ce qui destinée à assurer le bon fonctionnement de la justice. En ce qui
concerne plus particulièrement les règles spécifiques belges en concerne plus particulièrement les règles spécifiques belges en
matière d'instruction, de poursuite et de jugement qu'implique le « matière d'instruction, de poursuite et de jugement qu'implique le «
privilège de juridiction », la Cour européenne a souligné que ces privilège de juridiction », la Cour européenne a souligné que ces
règles visent à éviter, d'une part, que des poursuites téméraires, règles visent à éviter, d'une part, que des poursuites téméraires,
injustifiées ou vexatoires soient intentées contre les personnes injustifiées ou vexatoires soient intentées contre les personnes
auxquelles ce régime est applicable et, d'autre part, que ces mêmes auxquelles ce régime est applicable et, d'autre part, que ces mêmes
personnes soient traitées avec trop de sévérité ou trop de clémence. personnes soient traitées avec trop de sévérité ou trop de clémence.
D'après la Cour européenne, de tels objectifs doivent être tenus pour D'après la Cour européenne, de tels objectifs doivent être tenus pour
légitimes (CEDH, 15 octobre 2003, Ernst et autres c. Belgique, § 50). légitimes (CEDH, 15 octobre 2003, Ernst et autres c. Belgique, § 50).
La Cour européenne a par ailleurs jugé que le « privilège de La Cour européenne a par ailleurs jugé que le « privilège de
juridiction » organisé par les autorités nationales ne viole pas juridiction » organisé par les autorités nationales ne viole pas
l'article 6 de la Convention européenne pour autant que les droits l'article 6 de la Convention européenne pour autant que les droits
garantis, dont est privé le bénéficiaire, soient compensés garantis, dont est privé le bénéficiaire, soient compensés
raisonnablement par d'autres moyens (CEDH, 15 octobre 2003, Ernst et raisonnablement par d'autres moyens (CEDH, 15 octobre 2003, Ernst et
autres c. Belgique, § 53; 30 avril 2003, Cordova c. Italie, § 65). autres c. Belgique, § 53; 30 avril 2003, Cordova c. Italie, § 65).
B.9. Par dérogation à la procédure pénale de droit commun, les B.9. Par dérogation à la procédure pénale de droit commun, les
dispositions en cause ne prévoient pas, pour les magistrats de dispositions en cause ne prévoient pas, pour les magistrats de
première instance, l'intervention d'une juridiction d'instruction afin première instance, l'intervention d'une juridiction d'instruction afin
de contrôler, au cours de l'instruction, la régularité de la procédure de contrôler, au cours de l'instruction, la régularité de la procédure
et de statuer en tant qu'instance de recours sur les décisions du et de statuer en tant qu'instance de recours sur les décisions du
magistrat désigné en tant que juge d'instruction et afin de régler la magistrat désigné en tant que juge d'instruction et afin de régler la
procédure au terme de l'instruction. procédure au terme de l'instruction.
B.10.1. Dans la logique du système établi, qui ne prévoit pas de B.10.1. Dans la logique du système établi, qui ne prévoit pas de
possibilité de recours contre la décision rendue par la cour d'appel, possibilité de recours contre la décision rendue par la cour d'appel,
il n'est pas sans justification raisonnable que le législateur n'ait il n'est pas sans justification raisonnable que le législateur n'ait
pas davantage prévu une possibilité de recours contre les décisions pas davantage prévu une possibilité de recours contre les décisions
rendues par le magistrat désigné en tant que juge d'instruction sur rendues par le magistrat désigné en tant que juge d'instruction sur
des requêtes qui lui sont présentées, à condition que suffisamment de des requêtes qui lui sont présentées, à condition que suffisamment de
garanties soient offertes aux magistrats concernés en vue de respecter garanties soient offertes aux magistrats concernés en vue de respecter
le droit de la défense. le droit de la défense.
B.10.2. A cet égard, la Cour a jugé, par son arrêt n° 131/2016 du 20 B.10.2. A cet égard, la Cour a jugé, par son arrêt n° 131/2016 du 20
octobre 2016 : octobre 2016 :
« B.10.2. [...] « B.10.2. [...]
Le législateur a pu considérer qu'en ce qui concerne les magistrats Le législateur a pu considérer qu'en ce qui concerne les magistrats
des cours d'appel, le fait que les fonctions de juge d'instruction des cours d'appel, le fait que les fonctions de juge d'instruction
soient exercées par un magistrat désigné à cette fin par le premier soient exercées par un magistrat désigné à cette fin par le premier
président de la cour d'appel d'un ressort autre que le leur, le fait président de la cour d'appel d'un ressort autre que le leur, le fait
qu'ils soient jugés par le plus haut juge du fond qui relève d'un qu'ils soient jugés par le plus haut juge du fond qui relève d'un
ressort autre que le leur et l'intervention de la Cour de cassation, ressort autre que le leur et l'intervention de la Cour de cassation,
qui doit décider des suites qu'il y a lieu de réserver à la procédure, qui doit décider des suites qu'il y a lieu de réserver à la procédure,
offrent des garanties suffisantes. Comme il est dit en B.5.3, la Cour offrent des garanties suffisantes. Comme il est dit en B.5.3, la Cour
de cassation, statuant en chambre du conseil, peut décider à cette de cassation, statuant en chambre du conseil, peut décider à cette
occasion qu'il n'y a pas lieu à poursuivre ou à renvoyer directement occasion qu'il n'y a pas lieu à poursuivre ou à renvoyer directement
l'affaire à la cour d'appel si les charges sont suffisantes, ou encore l'affaire à la cour d'appel si les charges sont suffisantes, ou encore
à requérir des actes d'instruction complémentaires. à requérir des actes d'instruction complémentaires.
Les magistrats des cours d'appel ont donc la garantie que la Cour de Les magistrats des cours d'appel ont donc la garantie que la Cour de
cassation, comme une juridiction d'instruction dans la procédure cassation, comme une juridiction d'instruction dans la procédure
pénale de droit commun, procède au règlement de la procédure et pénale de droit commun, procède au règlement de la procédure et
examine à cette occasion si les charges sont suffisantes et si la examine à cette occasion si les charges sont suffisantes et si la
procédure est régulière. procédure est régulière.
B.11.1. Cependant, la procédure dans l'affaire soumise à la B.11.1. Cependant, la procédure dans l'affaire soumise à la
juridiction a quo fait apparaître que, lorsque la Cour de cassation a juridiction a quo fait apparaître que, lorsque la Cour de cassation a
requis des devoirs complémentaires et a, à cette fin, renvoyé requis des devoirs complémentaires et a, à cette fin, renvoyé
l'affaire au premier président d'une cour d'appel autre que celle du l'affaire au premier président d'une cour d'appel autre que celle du
ressort du magistrat concerné afin qu'il désigne un magistrat ressort du magistrat concerné afin qu'il désigne un magistrat
instructeur, le procureur général près cette cour d'appel est réputé instructeur, le procureur général près cette cour d'appel est réputé
compétent pour décider, au terme de l'instruction requise, si compétent pour décider, au terme de l'instruction requise, si
l'affaire doit ou non être renvoyée à la juridiction de jugement, sans l'affaire doit ou non être renvoyée à la juridiction de jugement, sans
qu'une nouvelle décision de la Cour de cassation soit requise en la qu'une nouvelle décision de la Cour de cassation soit requise en la
matière. matière.
Dès lors, dans la mesure où, au terme de l'instruction requise par la Dès lors, dans la mesure où, au terme de l'instruction requise par la
Cour de cassation, il n'y a pas d'intervention d'un organe Cour de cassation, il n'y a pas d'intervention d'un organe
juridictionnel qui procède, dans le cadre d'une procédure juridictionnel qui procède, dans le cadre d'une procédure
contradictoire, au règlement de la procédure et examine ce faisant si contradictoire, au règlement de la procédure et examine ce faisant si
les charges sont suffisantes et si la procédure est régulière, il est les charges sont suffisantes et si la procédure est régulière, il est
porté une atteinte disproportionnée aux droits des magistrats des porté une atteinte disproportionnée aux droits des magistrats des
cours d'appel concernés et de leurs coauteurs et complices. cours d'appel concernés et de leurs coauteurs et complices.
B.11.2. Dans l'interprétation mentionnée en B.11.1, les dispositions B.11.2. Dans l'interprétation mentionnée en B.11.1, les dispositions
en cause ne sont pas compatibles avec les articles 10 et 11 de la en cause ne sont pas compatibles avec les articles 10 et 11 de la
Constitution et les questions préjudicielles appellent une réponse Constitution et les questions préjudicielles appellent une réponse
affirmative. affirmative.
B.12. Les dispositions en cause peuvent toutefois faire l'objet d'une B.12. Les dispositions en cause peuvent toutefois faire l'objet d'une
autre interprétation selon laquelle, au terme de l'instruction requise autre interprétation selon laquelle, au terme de l'instruction requise
par la Cour de cassation, l'affaire doit être renvoyée à cette Cour, par la Cour de cassation, l'affaire doit être renvoyée à cette Cour,
dont la compétence est, dans cette procédure, comparable à celle d'une dont la compétence est, dans cette procédure, comparable à celle d'une
juridiction d'instruction et qui procède, dans le cadre d'une juridiction d'instruction et qui procède, dans le cadre d'une
procédure contradictoire, au règlement de la procédure et examine à procédure contradictoire, au règlement de la procédure et examine à
cette occasion si les charges sont suffisantes et si la procédure est cette occasion si les charges sont suffisantes et si la procédure est
régulière. régulière.
Le magistrat de la cour d'appel poursuivi et ses coauteurs et Le magistrat de la cour d'appel poursuivi et ses coauteurs et
complices disposent alors de la possibilité de soulever d'éventuelles complices disposent alors de la possibilité de soulever d'éventuelles
objections, nullités ou irrégularités et de demander, le cas échéant, objections, nullités ou irrégularités et de demander, le cas échéant,
à la Cour de cassation de requérir des actes d'instruction à la Cour de cassation de requérir des actes d'instruction
complémentaires. complémentaires.
Dans cette interprétation, les dispositions en cause sont compatibles Dans cette interprétation, les dispositions en cause sont compatibles
avec les articles 10 et 11 de la Constitution et les questions avec les articles 10 et 11 de la Constitution et les questions
préjudicielles appellent une réponse négative ». préjudicielles appellent une réponse négative ».
B.10.3. En ce qui concerne les magistrats de première instance, en B.10.3. En ce qui concerne les magistrats de première instance, en
confiant les fonctions de juge d'instruction à un magistrat désigné à confiant les fonctions de juge d'instruction à un magistrat désigné à
cette fin par le premier président de la cour d'appel et en prévoyant cette fin par le premier président de la cour d'appel et en prévoyant
que les magistrats concernés doivent être jugés par le plus haut juge que les magistrats concernés doivent être jugés par le plus haut juge
du fond, le législateur a entendu leur offrir des garanties du fond, le législateur a entendu leur offrir des garanties
déterminées de nature à assurer une administration de la justice déterminées de nature à assurer une administration de la justice
impartiale et sereine, conformément à l'objectif mentionné en B.4.1. impartiale et sereine, conformément à l'objectif mentionné en B.4.1.
B.10.4. Cependant, comme il est dit en B.4.2, le procureur général B.10.4. Cependant, comme il est dit en B.4.2, le procureur général
près la cour d'appel est seul compétent pour décider, au terme de près la cour d'appel est seul compétent pour décider, au terme de
l'instruction requise, si l'affaire doit ou non être renvoyée à la l'instruction requise, si l'affaire doit ou non être renvoyée à la
juridiction de jugement. Etant donné qu'au terme de l'instruction, il juridiction de jugement. Etant donné qu'au terme de l'instruction, il
n'y a pas, pour les magistrats de première instance, d'intervention n'y a pas, pour les magistrats de première instance, d'intervention
d'une juridiction d'instruction qui procède, dans le cadre d'une d'une juridiction d'instruction qui procède, dans le cadre d'une
procédure contradictoire, au règlement de la procédure et examine ce procédure contradictoire, au règlement de la procédure et examine ce
faisant si les charges sont suffisantes et si la procédure est faisant si les charges sont suffisantes et si la procédure est
régulière, comme c'est le cas de la Cour de cassation pour les régulière, comme c'est le cas de la Cour de cassation pour les
magistrats des cours d'appel, les dispositions en cause portent une magistrats des cours d'appel, les dispositions en cause portent une
atteinte disproportionnée aux droits des magistrats concernés en ce atteinte disproportionnée aux droits des magistrats concernés en ce
qu'elles ne prévoient pas l'intervention d'une juridiction qu'elles ne prévoient pas l'intervention d'une juridiction
d'instruction afin de contrôler, au cours de l'instruction, la d'instruction afin de contrôler, au cours de l'instruction, la
régularité de la procédure et de statuer en tant qu'instance de régularité de la procédure et de statuer en tant qu'instance de
recours sur les décisions du magistrat désigné en tant que juge recours sur les décisions du magistrat désigné en tant que juge
d'instruction. d'instruction.
B.10.5. Les articles 479 et 480 du Code d'instruction criminelle ne B.10.5. Les articles 479 et 480 du Code d'instruction criminelle ne
sont dès lors pas compatibles avec les articles 10, 11 et 13 de la sont dès lors pas compatibles avec les articles 10, 11 et 13 de la
Constitution, combinés avec l'article 6 de la Convention européenne Constitution, combinés avec l'article 6 de la Convention européenne
des droits de l'homme. des droits de l'homme.
B.11. Dans l'attente d'une intervention du législateur, dès lors que B.11. Dans l'attente d'une intervention du législateur, dès lors que
le constat de la lacune qui a été fait en B.10.4 est exprimé en des le constat de la lacune qui a été fait en B.10.4 est exprimé en des
termes suffisamment précis et complets qui permettent l'application termes suffisamment précis et complets qui permettent l'application
des dispositions en cause dans le respect des normes de référence sur des dispositions en cause dans le respect des normes de référence sur
la base desquelles la Cour exerce son contrôle, il appartient au juge la base desquelles la Cour exerce son contrôle, il appartient au juge
a quo de mettre fin à la violation de ces normes par l'application des a quo de mettre fin à la violation de ces normes par l'application des
règles de droit commun de la procédure pénale. règles de droit commun de la procédure pénale.
B.12. Les questions préjudicielles appellent une réponse affirmative. B.12. Les questions préjudicielles appellent une réponse affirmative.
Par ces motifs, Par ces motifs,
la Cour la Cour
dit pour droit : dit pour droit :
- Les articles 479 et 480 du Code d'instruction criminelle violent les - Les articles 479 et 480 du Code d'instruction criminelle violent les
articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils ne prévoient pas articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils ne prévoient pas
l'intervention d'une juridiction d'instruction afin de contrôler, au l'intervention d'une juridiction d'instruction afin de contrôler, au
cours de l'instruction, la régularité de la procédure et de statuer en cours de l'instruction, la régularité de la procédure et de statuer en
tant qu'instance de recours sur les décisions du magistrat désigné en tant qu'instance de recours sur les décisions du magistrat désigné en
tant que juge d'instruction. tant que juge d'instruction.
- Les questions préjudicielles n'appellent pas de réponse en ce - Les questions préjudicielles n'appellent pas de réponse en ce
qu'elles portent sur les articles 481 à 482bis du Code d'instruction qu'elles portent sur les articles 481 à 482bis du Code d'instruction
criminelle. criminelle.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise,
conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur
la Cour constitutionnelle, le 1er février 2018. la Cour constitutionnelle, le 1er février 2018.
Le greffier, Le greffier,
F. Meersschaut F. Meersschaut
Le président, Le président,
J. Spreutels J. Spreutels
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