Extrait de l'arrêt n° 9/2018 du 1 er février 2018 Numéros du rôle : 6448, 6449 et 6520 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle, posées par la chambre des mises en La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. (...) | Extrait de l'arrêt n° 9/2018 du 1 er février 2018 Numéros du rôle : 6448, 6449 et 6520 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle, posées par la chambre des mises en La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. (...) |
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COUR CONSTITUTIONNELLE | COUR CONSTITUTIONNELLE |
Extrait de l'arrêt n° 9/2018 du 1er février 2018 | Extrait de l'arrêt n° 9/2018 du 1er février 2018 |
Numéros du rôle : 6448, 6449 et 6520 | Numéros du rôle : 6448, 6449 et 6520 |
En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 479 à | En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 479 à |
482bis du Code d'instruction criminelle, posées par la chambre des | 482bis du Code d'instruction criminelle, posées par la chambre des |
mises en accusation de la Cour d'appel de Liège. | mises en accusation de la Cour d'appel de Liège. |
La Cour constitutionnelle, | La Cour constitutionnelle, |
composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. | composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. |
Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. | Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. |
Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée | Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée |
du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, | du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, |
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : | après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : |
I. Objet des questions préjudicielles et procédure | I. Objet des questions préjudicielles et procédure |
a. Par deux arrêts du 6 juin 2016 en cause du ministère public contre | a. Par deux arrêts du 6 juin 2016 en cause du ministère public contre |
L.M., dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour le 14 | L.M., dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour le 14 |
juin 2016, la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de | juin 2016, la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de |
Liège a posé les questions préjudicielles suivantes : | Liège a posé les questions préjudicielles suivantes : |
1. « Les articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle | 1. « Les articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle |
violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils | violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils |
privent les justiciables visés à l'article 479 dudit Code du droit de | privent les justiciables visés à l'article 479 dudit Code du droit de |
faire contrôler par la chambre des mises en accusation la régularité | faire contrôler par la chambre des mises en accusation la régularité |
de la procédure et de l'instruction menée à leur égard, durant le | de la procédure et de l'instruction menée à leur égard, durant le |
cours de celle-ci et du droit d'intenter, devant la chambre des mises | cours de celle-ci et du droit d'intenter, devant la chambre des mises |
en accusation, des recours à l'encontre des décisions rendues par le | en accusation, des recours à l'encontre des décisions rendues par le |
magistrat instructeur sur des requêtes qu'ils lui présentent, alors | magistrat instructeur sur des requêtes qu'ils lui présentent, alors |
que les articles 6 de chacune des deux lois du 25 juin 1998 réglant la | que les articles 6 de chacune des deux lois du 25 juin 1998 réglant la |
responsabilité pénale des ministres (fédéraux), d'une part, et celle | responsabilité pénale des ministres (fédéraux), d'une part, et celle |
des membres des gouvernements de communauté ou de région, d'autre | des membres des gouvernements de communauté ou de région, d'autre |
part, accordent ces droits à ces derniers ? »; | part, accordent ces droits à ces derniers ? »; |
2. « Les articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle | 2. « Les articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle |
violent-ils l'article 13 de la Constitution, combiné ou non avec | violent-ils l'article 13 de la Constitution, combiné ou non avec |
l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de | l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de |
l'homme et des libertés fondamentales en tant qu'ils empêchent les | l'homme et des libertés fondamentales en tant qu'ils empêchent les |
justiciables visés à l'article 479 dudit Code du droit d'intenter au | justiciables visés à l'article 479 dudit Code du droit d'intenter au |
cours de l'instruction, devant la chambre des mises en accusation, des | cours de l'instruction, devant la chambre des mises en accusation, des |
recours à l'encontre des décisions rendues par le magistrat | recours à l'encontre des décisions rendues par le magistrat |
instructeur sur des requêtes qu'ils lui présentent et du droit de | instructeur sur des requêtes qu'ils lui présentent et du droit de |
faire contrôler par la chambre des mises en accusation la régularité | faire contrôler par la chambre des mises en accusation la régularité |
de la procédure et de l'instruction ? ». | de la procédure et de l'instruction ? ». |
b. Par arrêt du 26 septembre 2016 en cause du ministère public contre | b. Par arrêt du 26 septembre 2016 en cause du ministère public contre |
L.M., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 29 | L.M., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 29 |
septembre 2016, la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel | septembre 2016, la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel |
de Liège a posé les questions préjudicielles suivantes : | de Liège a posé les questions préjudicielles suivantes : |
1. « Les articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle | 1. « Les articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle |
violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils | violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils |
privent les justiciables visés à l'article 479 dudit Code du droit | privent les justiciables visés à l'article 479 dudit Code du droit |
d'intenter, devant la chambre des mises en accusation, des recours à | d'intenter, devant la chambre des mises en accusation, des recours à |
l'encontre des décisions rendues par le magistrat instructeur sur des | l'encontre des décisions rendues par le magistrat instructeur sur des |
requêtes qu'ils lui présentent, alors que les articles 6 de chacune | requêtes qu'ils lui présentent, alors que les articles 6 de chacune |
des deux lois du 25 juin 1998 réglant la responsabilité pénale des | des deux lois du 25 juin 1998 réglant la responsabilité pénale des |
ministres (fédéraux), d'une part, et celle des membres des | ministres (fédéraux), d'une part, et celle des membres des |
gouvernements de communauté ou de région, d'autre part, accordent ces | gouvernements de communauté ou de région, d'autre part, accordent ces |
droits à ces derniers ? »; | droits à ces derniers ? »; |
2. « Les articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle | 2. « Les articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle |
violent-ils l'article 13 de la Constitution, combiné ou non avec | violent-ils l'article 13 de la Constitution, combiné ou non avec |
l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de | l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de |
l'homme et des libertés fondamentales en tant qu'ils empêchent les | l'homme et des libertés fondamentales en tant qu'ils empêchent les |
justiciables visés à l'article 479 dudit Code du droit d'intenter au | justiciables visés à l'article 479 dudit Code du droit d'intenter au |
cours de l'instruction, devant la chambre des mises en accusation, des | cours de l'instruction, devant la chambre des mises en accusation, des |
recours à l'encontre des décisions rendues par le magistrat | recours à l'encontre des décisions rendues par le magistrat |
instructeur sur des requêtes qu'ils lui présentent ? ». | instructeur sur des requêtes qu'ils lui présentent ? ». |
Ces affaires, inscrites sous les numéros 6448, 6449 et 6520 du rôle de | Ces affaires, inscrites sous les numéros 6448, 6449 et 6520 du rôle de |
la Cour, ont été jointes. | la Cour, ont été jointes. |
(...) | (...) |
III. En droit | III. En droit |
(...) | (...) |
B.1.1. Par une première question préjudicielle dans les affaires nos | B.1.1. Par une première question préjudicielle dans les affaires nos |
6448 et 6449, la Cour est interrogée sur la compatibilité, avec les | 6448 et 6449, la Cour est interrogée sur la compatibilité, avec les |
articles 10 et 11 de la Constitution, des articles 479 à 482bis du | articles 10 et 11 de la Constitution, des articles 479 à 482bis du |
Code d'instruction criminelle en ce qu'ils priveraient les personnes | Code d'instruction criminelle en ce qu'ils priveraient les personnes |
qui y sont visées du droit de faire contrôler par la chambre des mises | qui y sont visées du droit de faire contrôler par la chambre des mises |
en accusation la régularité de la procédure et de l'instruction menée | en accusation la régularité de la procédure et de l'instruction menée |
à leur égard, durant le cours de celle-ci, et du droit d'intenter, | à leur égard, durant le cours de celle-ci, et du droit d'intenter, |
devant la chambre des mises en accusation, un recours à l'encontre des | devant la chambre des mises en accusation, un recours à l'encontre des |
décisions rendues par le magistrat instructeur sur des requêtes | décisions rendues par le magistrat instructeur sur des requêtes |
qu'elles lui présentent alors que les articles 6 des lois ordinaire et | qu'elles lui présentent alors que les articles 6 des lois ordinaire et |
spéciale du 25 juin 1998 réglant respectivement la responsabilité | spéciale du 25 juin 1998 réglant respectivement la responsabilité |
pénale des ministres fédéraux et des membres des gouvernements de | pénale des ministres fédéraux et des membres des gouvernements de |
communauté ou de région accordent ces droits aux ministres précités. | communauté ou de région accordent ces droits aux ministres précités. |
B.1.2. Par une seconde question préjudicielle dans les affaires nos | B.1.2. Par une seconde question préjudicielle dans les affaires nos |
6448 et 6449, la Cour est interrogée sur la compatibilité, avec | 6448 et 6449, la Cour est interrogée sur la compatibilité, avec |
l'article 13 de la Constitution, combiné ou non avec l'article 6 de la | l'article 13 de la Constitution, combiné ou non avec l'article 6 de la |
Convention européenne des droits de l'homme, des mêmes dispositions du | Convention européenne des droits de l'homme, des mêmes dispositions du |
Code d'instruction criminelle en tant qu'elles priveraient les | Code d'instruction criminelle en tant qu'elles priveraient les |
personnes qui y sont visées du droit de faire contrôler par la chambre | personnes qui y sont visées du droit de faire contrôler par la chambre |
des mises en accusation la régularité de la procédure et de | des mises en accusation la régularité de la procédure et de |
l'instruction menée à leur égard, durant le cours de celle-ci, et du | l'instruction menée à leur égard, durant le cours de celle-ci, et du |
droit d'intenter, devant la chambre des mises en accusation, un | droit d'intenter, devant la chambre des mises en accusation, un |
recours à l'encontre des décisions rendues par le magistrat | recours à l'encontre des décisions rendues par le magistrat |
instructeur sur des requêtes qu'elles lui présentent. | instructeur sur des requêtes qu'elles lui présentent. |
B.1.3. Les deux questions préjudicielles posées dans l'affaire n° 6520 | B.1.3. Les deux questions préjudicielles posées dans l'affaire n° 6520 |
sont identiques à celles qui sont posées dans les affaires nos 6448 et | sont identiques à celles qui sont posées dans les affaires nos 6448 et |
6449 en tant qu'elles portent sur l'absence de recours, devant la | 6449 en tant qu'elles portent sur l'absence de recours, devant la |
chambre des mises en accusation, à l'encontre des décisions rendues | chambre des mises en accusation, à l'encontre des décisions rendues |
par le magistrat instructeur sur des requêtes que lui présentent les | par le magistrat instructeur sur des requêtes que lui présentent les |
personnes poursuivies. | personnes poursuivies. |
B.2.1. Les articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle, qui | B.2.1. Les articles 479 à 482bis du Code d'instruction criminelle, qui |
font partie du livre II, titre IV (« De quelques procédures | font partie du livre II, titre IV (« De quelques procédures |
particulières »), chapitre III (« Des crimes commis par des juges, | particulières »), chapitre III (« Des crimes commis par des juges, |
hors de leurs fonctions et dans l'exercice de leurs fonctions »), de | hors de leurs fonctions et dans l'exercice de leurs fonctions »), de |
ce Code, disposent : | ce Code, disposent : |
« Art. 479.Lorsqu'un juge de paix, un juge au tribunal de police, un |
« Art. 479.Lorsqu'un juge de paix, un juge au tribunal de police, un |
juge au tribunal de première instance, au tribunal du travail ou au | juge au tribunal de première instance, au tribunal du travail ou au |
tribunal de commerce, un conseiller à la cour d'appel ou à la cour du | tribunal de commerce, un conseiller à la cour d'appel ou à la cour du |
travail, un conseiller à la Cour de cassation, un magistrat du parquet | travail, un conseiller à la Cour de cassation, un magistrat du parquet |
près un tribunal ou une cour, un référendaire près la Cour de | près un tribunal ou une cour, un référendaire près la Cour de |
cassation, un membre de la Cour des comptes, un membre du Conseil | cassation, un membre de la Cour des comptes, un membre du Conseil |
d'Etat de l'auditorat ou du bureau de coordination près le Conseil | d'Etat de l'auditorat ou du bureau de coordination près le Conseil |
d'Etat, un membre de la Cour constitutionnelle, un référendaire près | d'Etat, un membre de la Cour constitutionnelle, un référendaire près |
cette Cour, les membres du Conseil du Contentieux des étrangers, un | cette Cour, les membres du Conseil du Contentieux des étrangers, un |
gouverneur de province est prévenu d'avoir commis, hors de ses | gouverneur de province est prévenu d'avoir commis, hors de ses |
fonctions, un délit emportant une peine correctionnelle, le procureur | fonctions, un délit emportant une peine correctionnelle, le procureur |
général près la cour d'appel le fait citer devant cette cour, qui | général près la cour d'appel le fait citer devant cette cour, qui |
prononce sans qu'il puisse y avoir appel. | prononce sans qu'il puisse y avoir appel. |
Art. 480.S'il s'agit d'une infraction punissable d'une peine |
Art. 480.S'il s'agit d'une infraction punissable d'une peine |
criminelle, le procureur général près la cour d'appel et le premier | criminelle, le procureur général près la cour d'appel et le premier |
président de cette cour désigneront, le premier, le magistrat qui | président de cette cour désigneront, le premier, le magistrat qui |
exercera les fonctions d'officier de police judiciaire; le second, le | exercera les fonctions d'officier de police judiciaire; le second, le |
magistrat qui exercera les fonctions de juge d'instruction. | magistrat qui exercera les fonctions de juge d'instruction. |
Art. 481.Si c'est un membre de cour d'appel ou un officier exerçant |
Art. 481.Si c'est un membre de cour d'appel ou un officier exerçant |
près d'elle le ministère public, qui soit inculpé d'avoir commis un | près d'elle le ministère public, qui soit inculpé d'avoir commis un |
délit ou un crime hors de ses fonctions, l'officier qui aura reçu les | délit ou un crime hors de ses fonctions, l'officier qui aura reçu les |
dénonciations ou les plaintes sera tenu d'en envoyer de suite des | dénonciations ou les plaintes sera tenu d'en envoyer de suite des |
copies au Ministre de la Justice, sans aucun retard de l'instruction | copies au Ministre de la Justice, sans aucun retard de l'instruction |
qui sera continuée comme il est précédemment réglé, et il adressera | qui sera continuée comme il est précédemment réglé, et il adressera |
pareillement au grand juge une copie des pièces. | pareillement au grand juge une copie des pièces. |
Art. 482.Le Ministre de la Justice transmettra les pièces à la Cour |
Art. 482.Le Ministre de la Justice transmettra les pièces à la Cour |
de cassation, qui renverra l'affaire, s'il y a lieu, soit à un | de cassation, qui renverra l'affaire, s'il y a lieu, soit à un |
tribunal de police correctionnelle, soit à un juge d'instruction, pris | tribunal de police correctionnelle, soit à un juge d'instruction, pris |
l'un et l'autre hors du ressort de la cour à laquelle appartient le | l'un et l'autre hors du ressort de la cour à laquelle appartient le |
membre inculpé. | membre inculpé. |
S'il s'agit de prononcer la mise en accusation, le renvoi sera fait à | S'il s'agit de prononcer la mise en accusation, le renvoi sera fait à |
une autre cour d'appel. | une autre cour d'appel. |
Art. 482bis.Les coauteurs et les complices de l'infraction pour |
Art. 482bis.Les coauteurs et les complices de l'infraction pour |
laquelle un fonctionnaire de la qualité exprimée à l'article 479 est | laquelle un fonctionnaire de la qualité exprimée à l'article 479 est |
poursuivi, et les auteurs des infractions connexes sont poursuivis et | poursuivi, et les auteurs des infractions connexes sont poursuivis et |
jugés en même temps que le fonctionnaire. | jugés en même temps que le fonctionnaire. |
L'alinéa 1er ne s'applique toutefois pas aux auteurs de crimes et de | L'alinéa 1er ne s'applique toutefois pas aux auteurs de crimes et de |
délits politiques et délits de presse qui sont connexes avec | délits politiques et délits de presse qui sont connexes avec |
l'infraction pour laquelle le fonctionnaire est poursuivi ». | l'infraction pour laquelle le fonctionnaire est poursuivi ». |
B.2.2. L'article 6 de la loi du 25 juin 1998 réglant la responsabilité | B.2.2. L'article 6 de la loi du 25 juin 1998 réglant la responsabilité |
pénale des ministres, également mentionné dans les questions | pénale des ministres, également mentionné dans les questions |
préjudicielles, dispose : | préjudicielles, dispose : |
« Art. 6.Les règles en matière d'instruction criminelle qui ne sont |
« Art. 6.Les règles en matière d'instruction criminelle qui ne sont |
pas contraires aux formes de procéder prescrites par la présente loi, | pas contraires aux formes de procéder prescrites par la présente loi, |
sont également respectées ». | sont également respectées ». |
L'article 6 de la loi spéciale du 25 juin 1998 réglant la | L'article 6 de la loi spéciale du 25 juin 1998 réglant la |
responsabilité pénale des membres des gouvernements de communauté ou | responsabilité pénale des membres des gouvernements de communauté ou |
de région prévoit une règle identique. | de région prévoit une règle identique. |
Quant à la portée des questions préjudicielles | Quant à la portée des questions préjudicielles |
B.3.1. Le Conseil des ministres soutient que la réponse aux questions | B.3.1. Le Conseil des ministres soutient que la réponse aux questions |
préjudicielles n'est manifestement pas utile à la solution du litige | préjudicielles n'est manifestement pas utile à la solution du litige |
en tant qu'elles visent d'autres magistrats que ceux qui ont la | en tant qu'elles visent d'autres magistrats que ceux qui ont la |
qualité de juge au tribunal de première instance. | qualité de juge au tribunal de première instance. |
B.3.2. Il appartient à la juridiction a quo de déterminer les | B.3.2. Il appartient à la juridiction a quo de déterminer les |
dispositions qui sont applicables au litige dont cette juridiction est | dispositions qui sont applicables au litige dont cette juridiction est |
saisie; les parties ne sont pas habilitées à mettre ce choix en cause | saisie; les parties ne sont pas habilitées à mettre ce choix en cause |
devant la Cour. La Cour ne pourrait par ailleurs s'abstenir de | devant la Cour. La Cour ne pourrait par ailleurs s'abstenir de |
répondre à la question qui lui est posée que si la réponse à cette | répondre à la question qui lui est posée que si la réponse à cette |
question n'était manifestement pas utile pour la solution de ce | question n'était manifestement pas utile pour la solution de ce |
litige. | litige. |
B.3.3. Comme le relève le Conseil des ministres, les litiges devant la | B.3.3. Comme le relève le Conseil des ministres, les litiges devant la |
juridiction a quo qui ont donné lieu aux questions préjudicielles | juridiction a quo qui ont donné lieu aux questions préjudicielles |
posées dans les trois affaires jointes concernent le même magistrat, | posées dans les trois affaires jointes concernent le même magistrat, |
qui revêt la qualité de juge au tribunal de première instance. La Cour | qui revêt la qualité de juge au tribunal de première instance. La Cour |
limite dès lors l'examen des dispositions en cause à cette catégorie | limite dès lors l'examen des dispositions en cause à cette catégorie |
de magistrats visée aux articles 479 et 480 du Code d'instruction | de magistrats visée aux articles 479 et 480 du Code d'instruction |
criminelle. | criminelle. |
Les questions préjudicielles n'appellent en revanche pas de réponse en | Les questions préjudicielles n'appellent en revanche pas de réponse en |
ce qu'elles portent sur les articles 481 et 482 du Code d'instruction | ce qu'elles portent sur les articles 481 et 482 du Code d'instruction |
criminelle, qui concernent la procédure pour les membres d'une cour | criminelle, qui concernent la procédure pour les membres d'une cour |
d'appel ou pour un officier qui exerce le ministère public auprès de | d'appel ou pour un officier qui exerce le ministère public auprès de |
la cour, et sur l'article 482bis du même Code, qui concerne la | la cour, et sur l'article 482bis du même Code, qui concerne la |
procédure pour les coauteurs et les complices de l'infraction pour | procédure pour les coauteurs et les complices de l'infraction pour |
laquelle un magistrat est poursuivi. En effet, ces dispositions ne | laquelle un magistrat est poursuivi. En effet, ces dispositions ne |
sont pas applicables aux litiges pendants devant la juridiction a quo. | sont pas applicables aux litiges pendants devant la juridiction a quo. |
Quant au fond | Quant au fond |
B.4.1. Les articles 479 et 480 du Code d'instruction criminelle | B.4.1. Les articles 479 et 480 du Code d'instruction criminelle |
prévoient une procédure dérogeant au droit commun de la procédure | prévoient une procédure dérogeant au droit commun de la procédure |
pénale pour les infractions commises par les magistrats et par | pénale pour les infractions commises par les magistrats et par |
certains autres titulaires de fonctions publiques. Cette procédure | certains autres titulaires de fonctions publiques. Cette procédure |
particulière qu'implique le « privilège de juridiction » a été | particulière qu'implique le « privilège de juridiction » a été |
instaurée en vue de garantir, à l'égard de ces personnes, une | instaurée en vue de garantir, à l'égard de ces personnes, une |
administration de la justice impartiale et sereine. Les règles | administration de la justice impartiale et sereine. Les règles |
spécifiques d'instruction, de poursuite et de jugement tendent à | spécifiques d'instruction, de poursuite et de jugement tendent à |
éviter, d'une part, que des poursuites téméraires, injustifiées ou | éviter, d'une part, que des poursuites téméraires, injustifiées ou |
vexatoires soient intentées contre les personnes concernées et, | vexatoires soient intentées contre les personnes concernées et, |
d'autre part, que ces mêmes personnes soient traitées avec trop de | d'autre part, que ces mêmes personnes soient traitées avec trop de |
sévérité ou trop de clémence. | sévérité ou trop de clémence. |
B.4.2. En vertu de l'article 479 en cause du Code d'instruction | B.4.2. En vertu de l'article 479 en cause du Code d'instruction |
criminelle, seul le procureur général près la cour d'appel est | criminelle, seul le procureur général près la cour d'appel est |
compétent pour mettre l'action publique en mouvement à charge des | compétent pour mettre l'action publique en mouvement à charge des |
magistrats visés dans cette disposition qui sont soupçonnés d'avoir | magistrats visés dans cette disposition qui sont soupçonnés d'avoir |
commis un délit ou un crime. | commis un délit ou un crime. |
Si le procureur général près la cour d'appel estime qu'une mise à | Si le procureur général près la cour d'appel estime qu'une mise à |
l'instruction est souhaitable, il demande au premier président de la | l'instruction est souhaitable, il demande au premier président de la |
cour d'appel de désigner le magistrat qui exercera les fonctions de | cour d'appel de désigner le magistrat qui exercera les fonctions de |
juge d'instruction (article 480 du Code d'instruction criminelle). | juge d'instruction (article 480 du Code d'instruction criminelle). |
Bien que l'article 480 concerne uniquement les crimes, la possibilité | Bien que l'article 480 concerne uniquement les crimes, la possibilité |
d'instruction pour un délit est admise, aux mêmes conditions (Cass., | d'instruction pour un délit est admise, aux mêmes conditions (Cass., |
31 juillet 1882, Pas., 1882, I, 332). Au terme de l'information ou de | 31 juillet 1882, Pas., 1882, I, 332). Au terme de l'information ou de |
l'instruction, seul le procureur général décide, sans l'intervention | l'instruction, seul le procureur général décide, sans l'intervention |
d'une juridiction d'instruction, des suites à réserver à la procédure. | d'une juridiction d'instruction, des suites à réserver à la procédure. |
Il peut, ce faisant, décider de ne pas poursuivre ou, s'il estime | Il peut, ce faisant, décider de ne pas poursuivre ou, s'il estime |
qu'il existe des charges suffisantes, saisir, par citation directe, la | qu'il existe des charges suffisantes, saisir, par citation directe, la |
cour d'appel, qui statue en premier et dernier ressort. Ce n'est que | cour d'appel, qui statue en premier et dernier ressort. Ce n'est que |
dans l'hypothèse où le procureur général estime que l'affaire doit | dans l'hypothèse où le procureur général estime que l'affaire doit |
être renvoyée devant la cour d'assises qu'il doit, conformément au | être renvoyée devant la cour d'assises qu'il doit, conformément au |
droit commun, demander le règlement de la procédure par la chambre des | droit commun, demander le règlement de la procédure par la chambre des |
mises en accusation (articles 217 et suivants du Code d'instruction | mises en accusation (articles 217 et suivants du Code d'instruction |
criminelle). | criminelle). |
Ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation, la | Ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation, la |
chambre des mises en accusation est incompétente pour exercer un | chambre des mises en accusation est incompétente pour exercer un |
contrôle sur l'instruction en application de l'article 136 du Code | contrôle sur l'instruction en application de l'article 136 du Code |
d'instruction criminelle et pour connaître de l'appel formé contre les | d'instruction criminelle et pour connaître de l'appel formé contre les |
actes du magistrat instructeur (Cass., 4 décembre 2007, Pas., 2007, n° | actes du magistrat instructeur (Cass., 4 décembre 2007, Pas., 2007, n° |
608; Cass., 4 décembre 2007, Pas., 2007, n° 611). | 608; Cass., 4 décembre 2007, Pas., 2007, n° 611). |
B.5.1. La loi du 25 juin 1998 réglant la responsabilité pénale des | B.5.1. La loi du 25 juin 1998 réglant la responsabilité pénale des |
ministres et la loi spéciale du 25 juin 1998 réglant la responsabilité | ministres et la loi spéciale du 25 juin 1998 réglant la responsabilité |
pénale des membres des gouvernements de communauté ou de région | pénale des membres des gouvernements de communauté ou de région |
(ci-après : les lois ordinaire et spéciale du 25 juin 1998) prévoient | (ci-après : les lois ordinaire et spéciale du 25 juin 1998) prévoient |
une procédure particulière pour les infractions commises par les | une procédure particulière pour les infractions commises par les |
ministres dans l'exercice de leurs fonctions ou en dehors de | ministres dans l'exercice de leurs fonctions ou en dehors de |
l'exercice de leurs fonctions mais jugées au cours de l'exercice de | l'exercice de leurs fonctions mais jugées au cours de l'exercice de |
leurs fonctions. | leurs fonctions. |
Lors de l'adoption des règles relatives au « privilège de juridiction | Lors de l'adoption des règles relatives au « privilège de juridiction |
» des ministres, le législateur a voulu reprendre le système existant | » des ministres, le législateur a voulu reprendre le système existant |
du « privilège de juridiction » des magistrats : | du « privilège de juridiction » des magistrats : |
« La pondération des différentes alternatives a abouti à la conclusion | « La pondération des différentes alternatives a abouti à la conclusion |
qu'il n'est pas opportun de créer un nouveau régime pour le seul | qu'il n'est pas opportun de créer un nouveau régime pour le seul |
jugement de ministres. C'est la raison pour laquelle le choix s'est | jugement de ministres. C'est la raison pour laquelle le choix s'est |
porté sur le régime du privilège de juridiction tel qu'il existe | porté sur le régime du privilège de juridiction tel qu'il existe |
actuellement pour les juges et les autres personnes énumérées à | actuellement pour les juges et les autres personnes énumérées à |
l'article 479 et suivants du Code d'instruction criminelle, étant | l'article 479 et suivants du Code d'instruction criminelle, étant |
donné que la philosophie qui sous-tend ce privilège de juridiction | donné que la philosophie qui sous-tend ce privilège de juridiction |
paraît parfaitement applicable aux ministres » (Doc. parl., Chambre, | paraît parfaitement applicable aux ministres » (Doc. parl., Chambre, |
1997-1998, n° 1258/1, p. 5). | 1997-1998, n° 1258/1, p. 5). |
« Le régime du privilège de juridiction devient applicable aux | « Le régime du privilège de juridiction devient applicable aux |
ministres, conformément au système en vigueur pour les magistrats | ministres, conformément au système en vigueur pour les magistrats |
(articles 479 et suivants du Code d'instruction criminelle), ce qui | (articles 479 et suivants du Code d'instruction criminelle), ce qui |
signifie que les intéressés seront jugés directement par la cour | signifie que les intéressés seront jugés directement par la cour |
d'appel » (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1258/5, p. 6). | d'appel » (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1258/5, p. 6). |
B.5.2. Bien que le législateur ait donc entendu rapprocher les régimes | B.5.2. Bien que le législateur ait donc entendu rapprocher les régimes |
du « privilège de juridiction » applicables aux magistrats et | du « privilège de juridiction » applicables aux magistrats et |
ministres, il existe des différences substantielles entre les deux | ministres, il existe des différences substantielles entre les deux |
régimes en ce qui concerne les règles relatives à l'instruction | régimes en ce qui concerne les règles relatives à l'instruction |
pénale. | pénale. |
Certes, pour les ministres aussi, le procureur général près la cour | Certes, pour les ministres aussi, le procureur général près la cour |
d'appel est seul compétent pour mettre l'action publique en mouvement, | d'appel est seul compétent pour mettre l'action publique en mouvement, |
l'instruction est menée par un magistrat qui est désigné par le | l'instruction est menée par un magistrat qui est désigné par le |
premier président de la cour d'appel compétente et seule la cour | premier président de la cour d'appel compétente et seule la cour |
d'appel est compétente pour juger les ministres en premier et dernier | d'appel est compétente pour juger les ministres en premier et dernier |
ressort (articles 103, alinéa 4, et 125, alinéa 4, de la Constitution | ressort (articles 103, alinéa 4, et 125, alinéa 4, de la Constitution |
et articles 3 et 4 des lois ordinaire et spéciale du 25 juin 1998). | et articles 3 et 4 des lois ordinaire et spéciale du 25 juin 1998). |
Toutefois, à la différence des magistrats, au terme de l'instruction, | Toutefois, à la différence des magistrats, au terme de l'instruction, |
il est prévu, pour les ministres, un règlement de la procédure par la | il est prévu, pour les ministres, un règlement de la procédure par la |
chambre des mises en accusation de la cour d'appel compétente, qui | chambre des mises en accusation de la cour d'appel compétente, qui |
peut décider qu'il n'y a pas lieu à poursuivre, qui peut ordonner des | peut décider qu'il n'y a pas lieu à poursuivre, qui peut ordonner des |
actes d'instruction complémentaires ou renvoyer l'affaire à la cour | actes d'instruction complémentaires ou renvoyer l'affaire à la cour |
d'appel compétente (articles 9 et 16 des lois ordinaire et spéciale du | d'appel compétente (articles 9 et 16 des lois ordinaire et spéciale du |
25 juin 1998). Pour le surplus, le procureur général près la cour | 25 juin 1998). Pour le surplus, le procureur général près la cour |
d'appel doit, tant pour la demande de règlement de la procédure que | d'appel doit, tant pour la demande de règlement de la procédure que |
pour la citation directe, recevoir l'autorisation préalable du | pour la citation directe, recevoir l'autorisation préalable du |
Parlement devant lequel le ministre doit ou devait se justifier | Parlement devant lequel le ministre doit ou devait se justifier |
(articles 10, 11 et 13 des lois ordinaire et spéciale du 25 juin | (articles 10, 11 et 13 des lois ordinaire et spéciale du 25 juin |
1998). | 1998). |
B.6. Les questions préjudicielles portent d'abord sur certaines de ces | B.6. Les questions préjudicielles portent d'abord sur certaines de ces |
différences de traitement entre les magistrats et les ministres. Plus | différences de traitement entre les magistrats et les ministres. Plus |
spécifiquement, la Cour est interrogée au sujet de la compatibilité | spécifiquement, la Cour est interrogée au sujet de la compatibilité |
des dispositions en cause avec les articles 10 et 11 de la | des dispositions en cause avec les articles 10 et 11 de la |
Constitution en ce qu'elles ne prévoient pas, pour les magistrats de | Constitution en ce qu'elles ne prévoient pas, pour les magistrats de |
première instance, l'intervention d'une juridiction d'instruction au | première instance, l'intervention d'une juridiction d'instruction au |
cours de l'instruction pénale menée à leur égard, afin de contrôler la | cours de l'instruction pénale menée à leur égard, afin de contrôler la |
régularité de la procédure et afin de statuer, en tant qu'instance de | régularité de la procédure et afin de statuer, en tant qu'instance de |
recours, sur les décisions du magistrat désigné en tant que juge | recours, sur les décisions du magistrat désigné en tant que juge |
d'instruction, alors que les lois ordinaire et spéciale du 25 juin | d'instruction, alors que les lois ordinaire et spéciale du 25 juin |
1998 prévoient quant à elles, pour les ministres, une telle | 1998 prévoient quant à elles, pour les ministres, une telle |
intervention d'une juridiction d'instruction. Pour le surplus, il est | intervention d'une juridiction d'instruction. Pour le surplus, il est |
demandé à la Cour si les dispositions en cause portent ainsi atteinte | demandé à la Cour si les dispositions en cause portent ainsi atteinte |
à l'article 13 de la Constitution, combiné ou non avec l'article 6 de | à l'article 13 de la Constitution, combiné ou non avec l'article 6 de |
la Convention européenne des droits de l'homme. | la Convention européenne des droits de l'homme. |
Eu égard à leur connexité, la Cour examine conjointement les | Eu égard à leur connexité, la Cour examine conjointement les |
différentes questions préjudicielles. | différentes questions préjudicielles. |
B.7. Il appartient en principe au législateur de décider pour quelles | B.7. Il appartient en principe au législateur de décider pour quelles |
fonctions publiques il y a lieu de prévoir des règles dérogatoires aux | fonctions publiques il y a lieu de prévoir des règles dérogatoires aux |
règles ordinaires de la procédure pénale afin d'atteindre les | règles ordinaires de la procédure pénale afin d'atteindre les |
objectifs d'intérêt général tels que ceux qui sont cités en B.4.1. | objectifs d'intérêt général tels que ceux qui sont cités en B.4.1. |
Le fait que des règles procédurales différentes soient prévues dans le | Le fait que des règles procédurales différentes soient prévues dans le |
cadre du régime de « privilège de juridiction » pour les magistrats et | cadre du régime de « privilège de juridiction » pour les magistrats et |
les ministres ne peut être tenu pour discriminatoire en soi. Il n'y | les ministres ne peut être tenu pour discriminatoire en soi. Il n'y |
aurait discrimination que si la différence de traitement qui découle | aurait discrimination que si la différence de traitement qui découle |
de l'application de ces règles procédurales emportait une limitation | de l'application de ces règles procédurales emportait une limitation |
disproportionnée des droits des personnes en cause. | disproportionnée des droits des personnes en cause. |
B.8.1. L'article 13 de la Constitution implique un droit d'accès au | B.8.1. L'article 13 de la Constitution implique un droit d'accès au |
juge compétent. Ce droit est également garanti par l'article 6.1 de la | juge compétent. Ce droit est également garanti par l'article 6.1 de la |
Convention européenne des droits de l'homme et par un principe général | Convention européenne des droits de l'homme et par un principe général |
de droit. | de droit. |
B.8.2. Comme l'a jugé la Cour européenne des droits de l'homme, le | B.8.2. Comme l'a jugé la Cour européenne des droits de l'homme, le |
fait pour les Etats d'accorder généralement des « privilèges de | fait pour les Etats d'accorder généralement des « privilèges de |
juridiction » aux magistrats constitue une pratique de longue date, | juridiction » aux magistrats constitue une pratique de longue date, |
destinée à assurer le bon fonctionnement de la justice. En ce qui | destinée à assurer le bon fonctionnement de la justice. En ce qui |
concerne plus particulièrement les règles spécifiques belges en | concerne plus particulièrement les règles spécifiques belges en |
matière d'instruction, de poursuite et de jugement qu'implique le « | matière d'instruction, de poursuite et de jugement qu'implique le « |
privilège de juridiction », la Cour européenne a souligné que ces | privilège de juridiction », la Cour européenne a souligné que ces |
règles visent à éviter, d'une part, que des poursuites téméraires, | règles visent à éviter, d'une part, que des poursuites téméraires, |
injustifiées ou vexatoires soient intentées contre les personnes | injustifiées ou vexatoires soient intentées contre les personnes |
auxquelles ce régime est applicable et, d'autre part, que ces mêmes | auxquelles ce régime est applicable et, d'autre part, que ces mêmes |
personnes soient traitées avec trop de sévérité ou trop de clémence. | personnes soient traitées avec trop de sévérité ou trop de clémence. |
D'après la Cour européenne, de tels objectifs doivent être tenus pour | D'après la Cour européenne, de tels objectifs doivent être tenus pour |
légitimes (CEDH, 15 octobre 2003, Ernst et autres c. Belgique, § 50). | légitimes (CEDH, 15 octobre 2003, Ernst et autres c. Belgique, § 50). |
La Cour européenne a par ailleurs jugé que le « privilège de | La Cour européenne a par ailleurs jugé que le « privilège de |
juridiction » organisé par les autorités nationales ne viole pas | juridiction » organisé par les autorités nationales ne viole pas |
l'article 6 de la Convention européenne pour autant que les droits | l'article 6 de la Convention européenne pour autant que les droits |
garantis, dont est privé le bénéficiaire, soient compensés | garantis, dont est privé le bénéficiaire, soient compensés |
raisonnablement par d'autres moyens (CEDH, 15 octobre 2003, Ernst et | raisonnablement par d'autres moyens (CEDH, 15 octobre 2003, Ernst et |
autres c. Belgique, § 53; 30 avril 2003, Cordova c. Italie, § 65). | autres c. Belgique, § 53; 30 avril 2003, Cordova c. Italie, § 65). |
B.9. Par dérogation à la procédure pénale de droit commun, les | B.9. Par dérogation à la procédure pénale de droit commun, les |
dispositions en cause ne prévoient pas, pour les magistrats de | dispositions en cause ne prévoient pas, pour les magistrats de |
première instance, l'intervention d'une juridiction d'instruction afin | première instance, l'intervention d'une juridiction d'instruction afin |
de contrôler, au cours de l'instruction, la régularité de la procédure | de contrôler, au cours de l'instruction, la régularité de la procédure |
et de statuer en tant qu'instance de recours sur les décisions du | et de statuer en tant qu'instance de recours sur les décisions du |
magistrat désigné en tant que juge d'instruction et afin de régler la | magistrat désigné en tant que juge d'instruction et afin de régler la |
procédure au terme de l'instruction. | procédure au terme de l'instruction. |
B.10.1. Dans la logique du système établi, qui ne prévoit pas de | B.10.1. Dans la logique du système établi, qui ne prévoit pas de |
possibilité de recours contre la décision rendue par la cour d'appel, | possibilité de recours contre la décision rendue par la cour d'appel, |
il n'est pas sans justification raisonnable que le législateur n'ait | il n'est pas sans justification raisonnable que le législateur n'ait |
pas davantage prévu une possibilité de recours contre les décisions | pas davantage prévu une possibilité de recours contre les décisions |
rendues par le magistrat désigné en tant que juge d'instruction sur | rendues par le magistrat désigné en tant que juge d'instruction sur |
des requêtes qui lui sont présentées, à condition que suffisamment de | des requêtes qui lui sont présentées, à condition que suffisamment de |
garanties soient offertes aux magistrats concernés en vue de respecter | garanties soient offertes aux magistrats concernés en vue de respecter |
le droit de la défense. | le droit de la défense. |
B.10.2. A cet égard, la Cour a jugé, par son arrêt n° 131/2016 du 20 | B.10.2. A cet égard, la Cour a jugé, par son arrêt n° 131/2016 du 20 |
octobre 2016 : | octobre 2016 : |
« B.10.2. [...] | « B.10.2. [...] |
Le législateur a pu considérer qu'en ce qui concerne les magistrats | Le législateur a pu considérer qu'en ce qui concerne les magistrats |
des cours d'appel, le fait que les fonctions de juge d'instruction | des cours d'appel, le fait que les fonctions de juge d'instruction |
soient exercées par un magistrat désigné à cette fin par le premier | soient exercées par un magistrat désigné à cette fin par le premier |
président de la cour d'appel d'un ressort autre que le leur, le fait | président de la cour d'appel d'un ressort autre que le leur, le fait |
qu'ils soient jugés par le plus haut juge du fond qui relève d'un | qu'ils soient jugés par le plus haut juge du fond qui relève d'un |
ressort autre que le leur et l'intervention de la Cour de cassation, | ressort autre que le leur et l'intervention de la Cour de cassation, |
qui doit décider des suites qu'il y a lieu de réserver à la procédure, | qui doit décider des suites qu'il y a lieu de réserver à la procédure, |
offrent des garanties suffisantes. Comme il est dit en B.5.3, la Cour | offrent des garanties suffisantes. Comme il est dit en B.5.3, la Cour |
de cassation, statuant en chambre du conseil, peut décider à cette | de cassation, statuant en chambre du conseil, peut décider à cette |
occasion qu'il n'y a pas lieu à poursuivre ou à renvoyer directement | occasion qu'il n'y a pas lieu à poursuivre ou à renvoyer directement |
l'affaire à la cour d'appel si les charges sont suffisantes, ou encore | l'affaire à la cour d'appel si les charges sont suffisantes, ou encore |
à requérir des actes d'instruction complémentaires. | à requérir des actes d'instruction complémentaires. |
Les magistrats des cours d'appel ont donc la garantie que la Cour de | Les magistrats des cours d'appel ont donc la garantie que la Cour de |
cassation, comme une juridiction d'instruction dans la procédure | cassation, comme une juridiction d'instruction dans la procédure |
pénale de droit commun, procède au règlement de la procédure et | pénale de droit commun, procède au règlement de la procédure et |
examine à cette occasion si les charges sont suffisantes et si la | examine à cette occasion si les charges sont suffisantes et si la |
procédure est régulière. | procédure est régulière. |
B.11.1. Cependant, la procédure dans l'affaire soumise à la | B.11.1. Cependant, la procédure dans l'affaire soumise à la |
juridiction a quo fait apparaître que, lorsque la Cour de cassation a | juridiction a quo fait apparaître que, lorsque la Cour de cassation a |
requis des devoirs complémentaires et a, à cette fin, renvoyé | requis des devoirs complémentaires et a, à cette fin, renvoyé |
l'affaire au premier président d'une cour d'appel autre que celle du | l'affaire au premier président d'une cour d'appel autre que celle du |
ressort du magistrat concerné afin qu'il désigne un magistrat | ressort du magistrat concerné afin qu'il désigne un magistrat |
instructeur, le procureur général près cette cour d'appel est réputé | instructeur, le procureur général près cette cour d'appel est réputé |
compétent pour décider, au terme de l'instruction requise, si | compétent pour décider, au terme de l'instruction requise, si |
l'affaire doit ou non être renvoyée à la juridiction de jugement, sans | l'affaire doit ou non être renvoyée à la juridiction de jugement, sans |
qu'une nouvelle décision de la Cour de cassation soit requise en la | qu'une nouvelle décision de la Cour de cassation soit requise en la |
matière. | matière. |
Dès lors, dans la mesure où, au terme de l'instruction requise par la | Dès lors, dans la mesure où, au terme de l'instruction requise par la |
Cour de cassation, il n'y a pas d'intervention d'un organe | Cour de cassation, il n'y a pas d'intervention d'un organe |
juridictionnel qui procède, dans le cadre d'une procédure | juridictionnel qui procède, dans le cadre d'une procédure |
contradictoire, au règlement de la procédure et examine ce faisant si | contradictoire, au règlement de la procédure et examine ce faisant si |
les charges sont suffisantes et si la procédure est régulière, il est | les charges sont suffisantes et si la procédure est régulière, il est |
porté une atteinte disproportionnée aux droits des magistrats des | porté une atteinte disproportionnée aux droits des magistrats des |
cours d'appel concernés et de leurs coauteurs et complices. | cours d'appel concernés et de leurs coauteurs et complices. |
B.11.2. Dans l'interprétation mentionnée en B.11.1, les dispositions | B.11.2. Dans l'interprétation mentionnée en B.11.1, les dispositions |
en cause ne sont pas compatibles avec les articles 10 et 11 de la | en cause ne sont pas compatibles avec les articles 10 et 11 de la |
Constitution et les questions préjudicielles appellent une réponse | Constitution et les questions préjudicielles appellent une réponse |
affirmative. | affirmative. |
B.12. Les dispositions en cause peuvent toutefois faire l'objet d'une | B.12. Les dispositions en cause peuvent toutefois faire l'objet d'une |
autre interprétation selon laquelle, au terme de l'instruction requise | autre interprétation selon laquelle, au terme de l'instruction requise |
par la Cour de cassation, l'affaire doit être renvoyée à cette Cour, | par la Cour de cassation, l'affaire doit être renvoyée à cette Cour, |
dont la compétence est, dans cette procédure, comparable à celle d'une | dont la compétence est, dans cette procédure, comparable à celle d'une |
juridiction d'instruction et qui procède, dans le cadre d'une | juridiction d'instruction et qui procède, dans le cadre d'une |
procédure contradictoire, au règlement de la procédure et examine à | procédure contradictoire, au règlement de la procédure et examine à |
cette occasion si les charges sont suffisantes et si la procédure est | cette occasion si les charges sont suffisantes et si la procédure est |
régulière. | régulière. |
Le magistrat de la cour d'appel poursuivi et ses coauteurs et | Le magistrat de la cour d'appel poursuivi et ses coauteurs et |
complices disposent alors de la possibilité de soulever d'éventuelles | complices disposent alors de la possibilité de soulever d'éventuelles |
objections, nullités ou irrégularités et de demander, le cas échéant, | objections, nullités ou irrégularités et de demander, le cas échéant, |
à la Cour de cassation de requérir des actes d'instruction | à la Cour de cassation de requérir des actes d'instruction |
complémentaires. | complémentaires. |
Dans cette interprétation, les dispositions en cause sont compatibles | Dans cette interprétation, les dispositions en cause sont compatibles |
avec les articles 10 et 11 de la Constitution et les questions | avec les articles 10 et 11 de la Constitution et les questions |
préjudicielles appellent une réponse négative ». | préjudicielles appellent une réponse négative ». |
B.10.3. En ce qui concerne les magistrats de première instance, en | B.10.3. En ce qui concerne les magistrats de première instance, en |
confiant les fonctions de juge d'instruction à un magistrat désigné à | confiant les fonctions de juge d'instruction à un magistrat désigné à |
cette fin par le premier président de la cour d'appel et en prévoyant | cette fin par le premier président de la cour d'appel et en prévoyant |
que les magistrats concernés doivent être jugés par le plus haut juge | que les magistrats concernés doivent être jugés par le plus haut juge |
du fond, le législateur a entendu leur offrir des garanties | du fond, le législateur a entendu leur offrir des garanties |
déterminées de nature à assurer une administration de la justice | déterminées de nature à assurer une administration de la justice |
impartiale et sereine, conformément à l'objectif mentionné en B.4.1. | impartiale et sereine, conformément à l'objectif mentionné en B.4.1. |
B.10.4. Cependant, comme il est dit en B.4.2, le procureur général | B.10.4. Cependant, comme il est dit en B.4.2, le procureur général |
près la cour d'appel est seul compétent pour décider, au terme de | près la cour d'appel est seul compétent pour décider, au terme de |
l'instruction requise, si l'affaire doit ou non être renvoyée à la | l'instruction requise, si l'affaire doit ou non être renvoyée à la |
juridiction de jugement. Etant donné qu'au terme de l'instruction, il | juridiction de jugement. Etant donné qu'au terme de l'instruction, il |
n'y a pas, pour les magistrats de première instance, d'intervention | n'y a pas, pour les magistrats de première instance, d'intervention |
d'une juridiction d'instruction qui procède, dans le cadre d'une | d'une juridiction d'instruction qui procède, dans le cadre d'une |
procédure contradictoire, au règlement de la procédure et examine ce | procédure contradictoire, au règlement de la procédure et examine ce |
faisant si les charges sont suffisantes et si la procédure est | faisant si les charges sont suffisantes et si la procédure est |
régulière, comme c'est le cas de la Cour de cassation pour les | régulière, comme c'est le cas de la Cour de cassation pour les |
magistrats des cours d'appel, les dispositions en cause portent une | magistrats des cours d'appel, les dispositions en cause portent une |
atteinte disproportionnée aux droits des magistrats concernés en ce | atteinte disproportionnée aux droits des magistrats concernés en ce |
qu'elles ne prévoient pas l'intervention d'une juridiction | qu'elles ne prévoient pas l'intervention d'une juridiction |
d'instruction afin de contrôler, au cours de l'instruction, la | d'instruction afin de contrôler, au cours de l'instruction, la |
régularité de la procédure et de statuer en tant qu'instance de | régularité de la procédure et de statuer en tant qu'instance de |
recours sur les décisions du magistrat désigné en tant que juge | recours sur les décisions du magistrat désigné en tant que juge |
d'instruction. | d'instruction. |
B.10.5. Les articles 479 et 480 du Code d'instruction criminelle ne | B.10.5. Les articles 479 et 480 du Code d'instruction criminelle ne |
sont dès lors pas compatibles avec les articles 10, 11 et 13 de la | sont dès lors pas compatibles avec les articles 10, 11 et 13 de la |
Constitution, combinés avec l'article 6 de la Convention européenne | Constitution, combinés avec l'article 6 de la Convention européenne |
des droits de l'homme. | des droits de l'homme. |
B.11. Dans l'attente d'une intervention du législateur, dès lors que | B.11. Dans l'attente d'une intervention du législateur, dès lors que |
le constat de la lacune qui a été fait en B.10.4 est exprimé en des | le constat de la lacune qui a été fait en B.10.4 est exprimé en des |
termes suffisamment précis et complets qui permettent l'application | termes suffisamment précis et complets qui permettent l'application |
des dispositions en cause dans le respect des normes de référence sur | des dispositions en cause dans le respect des normes de référence sur |
la base desquelles la Cour exerce son contrôle, il appartient au juge | la base desquelles la Cour exerce son contrôle, il appartient au juge |
a quo de mettre fin à la violation de ces normes par l'application des | a quo de mettre fin à la violation de ces normes par l'application des |
règles de droit commun de la procédure pénale. | règles de droit commun de la procédure pénale. |
B.12. Les questions préjudicielles appellent une réponse affirmative. | B.12. Les questions préjudicielles appellent une réponse affirmative. |
Par ces motifs, | Par ces motifs, |
la Cour | la Cour |
dit pour droit : | dit pour droit : |
- Les articles 479 et 480 du Code d'instruction criminelle violent les | - Les articles 479 et 480 du Code d'instruction criminelle violent les |
articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils ne prévoient pas | articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils ne prévoient pas |
l'intervention d'une juridiction d'instruction afin de contrôler, au | l'intervention d'une juridiction d'instruction afin de contrôler, au |
cours de l'instruction, la régularité de la procédure et de statuer en | cours de l'instruction, la régularité de la procédure et de statuer en |
tant qu'instance de recours sur les décisions du magistrat désigné en | tant qu'instance de recours sur les décisions du magistrat désigné en |
tant que juge d'instruction. | tant que juge d'instruction. |
- Les questions préjudicielles n'appellent pas de réponse en ce | - Les questions préjudicielles n'appellent pas de réponse en ce |
qu'elles portent sur les articles 481 à 482bis du Code d'instruction | qu'elles portent sur les articles 481 à 482bis du Code d'instruction |
criminelle. | criminelle. |
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, | Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, |
conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur | conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur |
la Cour constitutionnelle, le 1er février 2018. | la Cour constitutionnelle, le 1er février 2018. |
Le greffier, | Le greffier, |
F. Meersschaut | F. Meersschaut |
Le président, | Le président, |
J. Spreutels | J. Spreutels |