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Extrait de l'arrêt n° 47/2016 du 24 mars 2016 Numéro du rôle : 6152 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 342, § 3, du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par le Tribunal de première instance du Hainaut, divis La Cour constitutionnelle, composée du président J. Spreutels, du juge A. Alen, faisant fonction(...) Extrait de l'arrêt n° 47/2016 du 24 mars 2016 Numéro du rôle : 6152 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 342, § 3, du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par le Tribunal de première instance du Hainaut, divis La Cour constitutionnelle, composée du président J. Spreutels, du juge A. Alen, faisant fonction(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 47/2016 du 24 mars 2016 Extrait de l'arrêt n° 47/2016 du 24 mars 2016
Numéro du rôle : 6152 Numéro du rôle : 6152
En cause : la question préjudicielle relative à l'article 342, § 3, du En cause : la question préjudicielle relative à l'article 342, § 3, du
Code des impôts sur les revenus 1992, posée par le Tribunal de Code des impôts sur les revenus 1992, posée par le Tribunal de
première instance du Hainaut, division Mons. première instance du Hainaut, division Mons.
La Cour constitutionnelle, La Cour constitutionnelle,
composée du président J. Spreutels, du juge A. Alen, faisant fonction composée du président J. Spreutels, du juge A. Alen, faisant fonction
de président, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, de président, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman,
E. Derycke et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, E. Derycke et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux,
présidée par le président J. Spreutels, présidée par le président J. Spreutels,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par jugement du 20 mai 2014 en cause de Ashraf Sakeel contre l'Etat Par jugement du 20 mai 2014 en cause de Ashraf Sakeel contre l'Etat
belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 4 belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 4
février 2015, le Tribunal de première instance du Hainaut, division février 2015, le Tribunal de première instance du Hainaut, division
Mons, a posé la question préjudicielle suivante : Mons, a posé la question préjudicielle suivante :
« L'article 342, § 3, du CIR92 viole-t-il les articles 10, 11 et 172 « L'article 342, § 3, du CIR92 viole-t-il les articles 10, 11 et 172
de la Constitution en ce que cette disposition instaure des minima de la Constitution en ce que cette disposition instaure des minima
imposables et prive le contribuable de la possibilité d'établir le imposables et prive le contribuable de la possibilité d'établir le
caractère arbitraire de la taxation opérée par l'administration caractère arbitraire de la taxation opérée par l'administration
fiscale, alors que les autres contribuables imposés d'office mais pas fiscale, alors que les autres contribuables imposés d'office mais pas
sur la base desdits minima disposent de cette faculté ? ». sur la base desdits minima disposent de cette faculté ? ».
(...) (...)
III. En droit III. En droit
(...) (...)
B.1.1. L'article 342 du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR B.1.1. L'article 342 du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR
1992), dans sa version applicable à l'exercice d'imposition 2010, 1992), dans sa version applicable à l'exercice d'imposition 2010,
dispose : dispose :
« § 1er. A défaut d'éléments probants fournis soit par les intéressés, « § 1er. A défaut d'éléments probants fournis soit par les intéressés,
soit par l'administration, les bénéfices ou profits visés à l'article soit par l'administration, les bénéfices ou profits visés à l'article
23, § 1er, 1° et 2°, sont déterminés, pour chaque contribuable, eu 23, § 1er, 1° et 2°, sont déterminés, pour chaque contribuable, eu
égard aux bénéfices ou profits normaux d'au moins trois contribuables égard aux bénéfices ou profits normaux d'au moins trois contribuables
similaires et en tenant compte, suivant le cas, du capital investi, du similaires et en tenant compte, suivant le cas, du capital investi, du
chiffre d'affaires, du nombre d'ouvriers, de la force motrice chiffre d'affaires, du nombre d'ouvriers, de la force motrice
utilisée, de la valeur locative des terres exploitées, ainsi que de utilisée, de la valeur locative des terres exploitées, ainsi que de
tous autres renseignements utiles. tous autres renseignements utiles.
L'administration peut, à cet effet, arrêter, d'accord avec les L'administration peut, à cet effet, arrêter, d'accord avec les
groupements professionnels intéressés, des bases forfaitaires de groupements professionnels intéressés, des bases forfaitaires de
taxation. taxation.
Les bases forfaitaires de taxation visées à l'alinéa qui précède Les bases forfaitaires de taxation visées à l'alinéa qui précède
peuvent être arrêtées pour trois exercices d'imposition successifs. peuvent être arrêtées pour trois exercices d'imposition successifs.
L'administration peut également arrêter, d'accord avec les groupements L'administration peut également arrêter, d'accord avec les groupements
professionnels intéressés, des forfaits pour l'évaluation des dépenses professionnels intéressés, des forfaits pour l'évaluation des dépenses
ou charges professionnelles qu'il n'est généralement pas possible de ou charges professionnelles qu'il n'est généralement pas possible de
justifier au moyen de documents probants. justifier au moyen de documents probants.
§ 2. Le Roi détermine, eu égard aux éléments indiqués au § 1er, alinéa § 2. Le Roi détermine, eu égard aux éléments indiqués au § 1er, alinéa
1er, le minimum des bénéfices imposables dans le chef des firmes 1er, le minimum des bénéfices imposables dans le chef des firmes
étrangères opérant en Belgique. étrangères opérant en Belgique.
§ 3. En cas d'absence de déclaration ou de remise tardive de celle-ci, § 3. En cas d'absence de déclaration ou de remise tardive de celle-ci,
les minima imposables établis par le Roi en exécution du § 2 sont les minima imposables établis par le Roi en exécution du § 2 sont
également applicables à toute entreprise et titulaire de profession également applicables à toute entreprise et titulaire de profession
libérale ». libérale ».
B.1.2. Pris en application de la délégation inscrite au paragraphe 2 B.1.2. Pris en application de la délégation inscrite au paragraphe 2
de l'article précité, l'article 182 de l'arrêté royal du 27 août 1993 de l'article précité, l'article 182 de l'arrêté royal du 27 août 1993
d'exécution du CIR 1992 dispose : d'exécution du CIR 1992 dispose :
« § 1er. Le minimum des bénéfices imposables dans le chef des firmes « § 1er. Le minimum des bénéfices imposables dans le chef des firmes
étrangères opérant en Belgique qui sont taxables selon la procédure de étrangères opérant en Belgique qui sont taxables selon la procédure de
comparaison prévue à l'article 342, § 1er, alinéa 1er, du Code des comparaison prévue à l'article 342, § 1er, alinéa 1er, du Code des
impôts sur les revenus 1992, ainsi que, en cas d'absence de impôts sur les revenus 1992, ainsi que, en cas d'absence de
déclaration ou de remise tardive de celle-ci, le minimum des bénéfices déclaration ou de remise tardive de celle-ci, le minimum des bénéfices
imposables dans le chef des entreprises belges, sont fixés comme suit imposables dans le chef des entreprises belges, sont fixés comme suit
: :
1° exploitations agricoles, exploitations horticoles ou pépinières : 1° exploitations agricoles, exploitations horticoles ou pépinières :
barème forfaitaire établi pour les contribuables belges exerçant une barème forfaitaire établi pour les contribuables belges exerçant une
profession similaire dans la même région agricole; profession similaire dans la même région agricole;
2° entreprises appartenant à : 2° entreprises appartenant à :
a) l'industrie chimique : 22 000 EUR par membre du personnel (nombre a) l'industrie chimique : 22 000 EUR par membre du personnel (nombre
moyen pour l'année envisagée); moyen pour l'année envisagée);
b) l'industrie alimentaire: 12 000 EUR par membre du personnel (nombre b) l'industrie alimentaire: 12 000 EUR par membre du personnel (nombre
moyen pour l'année envisagée); moyen pour l'année envisagée);
c) l'industrie métallurgique, l'industrie de la mécanique de c) l'industrie métallurgique, l'industrie de la mécanique de
précision, les exploitations et les entreprises d'extraction et de précision, les exploitations et les entreprises d'extraction et de
transformation de minéraux non énergétiques, l'industrie de la transformation de minéraux non énergétiques, l'industrie de la
construction et toutes autres industries, exploitations et construction et toutes autres industries, exploitations et
entreprises, non visées sub a et b ci-avant : 7 000 EUR par membre du entreprises, non visées sub a et b ci-avant : 7 000 EUR par membre du
personnel (nombre moyen pour l'année envisagée); personnel (nombre moyen pour l'année envisagée);
3° entreprises des secteurs du commerce et de la fourniture de 3° entreprises des secteurs du commerce et de la fourniture de
services : services :
a) commerce en gros, commerce de détail, transports, horeca, bureaux a) commerce en gros, commerce de détail, transports, horeca, bureaux
d'ingénieurs et d'études, informatique et électronique et autres d'ingénieurs et d'études, informatique et électronique et autres
services aux entreprises : 2,50 EUR par 25 EUR de chiffre d'affaires services aux entreprises : 2,50 EUR par 25 EUR de chiffre d'affaires
avec un minimum de 7 000 EUR par membre du personnel (nombre moyen avec un minimum de 7 000 EUR par membre du personnel (nombre moyen
pour l'année envisagée); pour l'année envisagée);
b) intermédiaires du commerce et des transports : 2,50 EUR par 25 EUR b) intermédiaires du commerce et des transports : 2,50 EUR par 25 EUR
de chiffre d'affaires, avec un minimum de 14 500 EUR par membre du de chiffre d'affaires, avec un minimum de 14 500 EUR par membre du
personnel (nombre moyen pour l'année envisagée); personnel (nombre moyen pour l'année envisagée);
c) banques, établissements de crédit et de change : 24 000 EUR par c) banques, établissements de crédit et de change : 24 000 EUR par
membre du personnel (nombre moyen pour l'année envisagée); membre du personnel (nombre moyen pour l'année envisagée);
d) assurances : 2,50 EUR par 25 EUR de primes encaissées; d) assurances : 2,50 EUR par 25 EUR de primes encaissées;
e) toutes autres exploitations et entreprises de commerce et de e) toutes autres exploitations et entreprises de commerce et de
fourniture de services : 2,50 EUR par 25 EUR de chiffre d'affaires, fourniture de services : 2,50 EUR par 25 EUR de chiffre d'affaires,
avec un minimum de 7 000 EUR par membre du personnel (nombre moyen avec un minimum de 7 000 EUR par membre du personnel (nombre moyen
pour l'année envisagée). pour l'année envisagée).
§ 2. En aucun cas, le montant des bénéfices imposables déterminé § 2. En aucun cas, le montant des bénéfices imposables déterminé
conformément au § 1er ne peut être inférieur à 19 000 EUR. conformément au § 1er ne peut être inférieur à 19 000 EUR.
En cas d'absence de déclaration ou de remise tardive de celle-ci, le En cas d'absence de déclaration ou de remise tardive de celle-ci, le
montant minimum prévu à l'alinéa 1er est également applicable aux montant minimum prévu à l'alinéa 1er est également applicable aux
profits imposables des titulaires de profession libérale. profits imposables des titulaires de profession libérale.
§ 3. Les revenus imposables fixés conformément au § 1er ne comprennent § 3. Les revenus imposables fixés conformément au § 1er ne comprennent
pas les plus-values visées à l'article 228, § 2, 9°, g et i, du même pas les plus-values visées à l'article 228, § 2, 9°, g et i, du même
Code ». Code ».
B.2. Le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité de l'article B.2. Le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité de l'article
342, § 3, du CIR 1992 avec les articles 10, 11 et 172 de la 342, § 3, du CIR 1992 avec les articles 10, 11 et 172 de la
Constitution, en ce que cette disposition instaure des minima Constitution, en ce que cette disposition instaure des minima
imposables et prive le contribuable de la possibilité d'établir le imposables et prive le contribuable de la possibilité d'établir le
caractère arbitraire de la taxation opérée par l'administration caractère arbitraire de la taxation opérée par l'administration
fiscale, alors que les autres contribuables imposés d'office mais pas fiscale, alors que les autres contribuables imposés d'office mais pas
sur la base desdits minima disposent de cette faculté. sur la base desdits minima disposent de cette faculté.
B.3.1. L'article 342 du CIR 1992 constitue un moyen de preuve par B.3.1. L'article 342 du CIR 1992 constitue un moyen de preuve par
présomptions légales dont dispose l'administration pour établir présomptions légales dont dispose l'administration pour établir
l'existence et le montant de la dette d'impôt lorsque le contribuable l'existence et le montant de la dette d'impôt lorsque le contribuable
néglige pour l'une ou l'autre raison de mettre ces informations à néglige pour l'une ou l'autre raison de mettre ces informations à
disposition de l'administration. Son champ d'application est limité disposition de l'administration. Son champ d'application est limité
aux revenus professionnels constitués par les bénéfices ou profits aux revenus professionnels constitués par les bénéfices ou profits
visés à l'article 23, § 1er, 1° et 2°, du CIR 1992. Le législateur visés à l'article 23, § 1er, 1° et 2°, du CIR 1992. Le législateur
prévoit différents modes de preuve pour établir le revenu imposable, prévoit différents modes de preuve pour établir le revenu imposable,
notamment une comparaison avec au moins trois contribuables notamment une comparaison avec au moins trois contribuables
similaires, les bases forfaitaires de taxation et le minimum des similaires, les bases forfaitaires de taxation et le minimum des
bénéfices imposables. bénéfices imposables.
B.3.2. En adoptant l'article 41 de la loi-programme du 11 juillet B.3.2. En adoptant l'article 41 de la loi-programme du 11 juillet
2005, le législateur a étendu le système existant du minimum 2005, le législateur a étendu le système existant du minimum
forfaitaire des bénéfices prévu à l'article 342, § 2, du CIR 1992, forfaitaire des bénéfices prévu à l'article 342, § 2, du CIR 1992,
jusqu'alors applicable uniquement aux entreprises étrangères opérant jusqu'alors applicable uniquement aux entreprises étrangères opérant
en Belgique, à toute entreprise (personne physique et personne morale) en Belgique, à toute entreprise (personne physique et personne morale)
et à tout titulaire de profession libérale qui ne remplissent pas de et à tout titulaire de profession libérale qui ne remplissent pas de
déclaration fiscale à l'impôt sur les revenus ou qui remettent déclaration fiscale à l'impôt sur les revenus ou qui remettent
celle-ci en dehors des délais prévus aux articles 308 à 311 du CIR celle-ci en dehors des délais prévus aux articles 308 à 311 du CIR
1992. 1992.
B.3.3. L'exposé des motifs du projet devenu la loi-programme précise : B.3.3. L'exposé des motifs du projet devenu la loi-programme précise :
« La présente disposition vise à étendre le système existant du « La présente disposition vise à étendre le système existant du
minimum forfaitaire des bénéfices prévu à l'article 342, § 2, du Code minimum forfaitaire des bénéfices prévu à l'article 342, § 2, du Code
des impôts sur les revenus 1992 (CIR 92), à toute entreprise (personne des impôts sur les revenus 1992 (CIR 92), à toute entreprise (personne
physique et personne morale) et titulaire de profession libérale qui physique et personne morale) et titulaire de profession libérale qui
ne remplissent pas de déclaration fiscale à l'impôt sur les revenus ou ne remplissent pas de déclaration fiscale à l'impôt sur les revenus ou
qui remettent celle-ci en dehors des délais prévus aux articles 308 à qui remettent celle-ci en dehors des délais prévus aux articles 308 à
311, CIR 92. 311, CIR 92.
Ce système de minima qui s'inscrit dans le cadre de la taxation par Ce système de minima qui s'inscrit dans le cadre de la taxation par
présomption légale, et notamment de la taxation par comparaison avec présomption légale, et notamment de la taxation par comparaison avec
au moins trois contribuables similaires prévue au § 1er de l'article au moins trois contribuables similaires prévue au § 1er de l'article
342 CIR 92, est en effet actuellement applicable uniquement aux 342 CIR 92, est en effet actuellement applicable uniquement aux
entreprises étrangères opérant en Belgique. Pour ces entreprises, entreprises étrangères opérant en Belgique. Pour ces entreprises,
l'article 182, AR/CIR 92 fixe forfaitairement et par secteur des l'article 182, AR/CIR 92 fixe forfaitairement et par secteur des
minima de bénéfices imposables. minima de bénéfices imposables.
L'extension de ces minima à toute entreprise ou tout titulaire de L'extension de ces minima à toute entreprise ou tout titulaire de
profession libérale permettrait dès lors d'éviter l'écueil que profession libérale permettrait dès lors d'éviter l'écueil que
représente trop souvent pour le fisc l'obligation d'établir une représente trop souvent pour le fisc l'obligation d'établir une
taxation d'office suffisamment motivée en l'absence de déclaration taxation d'office suffisamment motivée en l'absence de déclaration
fiscale. fiscale.
La mesure vise donc à inciter toutes les entreprises et les titulaires La mesure vise donc à inciter toutes les entreprises et les titulaires
de profession libérale à respecter leurs obligations fiscales en de profession libérale à respecter leurs obligations fiscales en
matière de dépôt de déclaration. matière de dépôt de déclaration.
Cette disposition concrétise ainsi dans son principe la proposition de Cette disposition concrétise ainsi dans son principe la proposition de
loi déposée le 22 juillet 2004 par [...] (DOC 51-1300/01) dont elle loi déposée le 22 juillet 2004 par [...] (DOC 51-1300/01) dont elle
partage les objectifs, à savoir notamment doter le fisc d'un moyen de partage les objectifs, à savoir notamment doter le fisc d'un moyen de
défense plus efficace lorsque les entreprises ou les titulaires de défense plus efficace lorsque les entreprises ou les titulaires de
profession libérale ne remettent pas de déclaration fiscale ou la profession libérale ne remettent pas de déclaration fiscale ou la
remettent tardivement » (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC remettent tardivement » (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC
51-1820/001, p. 30). 51-1820/001, p. 30).
B.4.1. Comme cela ressort du texte de l'article 342, § 3, en cause du B.4.1. Comme cela ressort du texte de l'article 342, § 3, en cause du
CIR 1992 et de ses travaux préparatoires, lorsqu'une entreprise ou le CIR 1992 et de ses travaux préparatoires, lorsqu'une entreprise ou le
titulaire d'une profession libérale établi en Belgique est en défaut titulaire d'une profession libérale établi en Belgique est en défaut
de remettre sa déclaration fiscale ou de la remettre dans les délais de remettre sa déclaration fiscale ou de la remettre dans les délais
prescrits, l'absence de déclaration qui en découle a pour effet de prescrits, l'absence de déclaration qui en découle a pour effet de
permettre à l'administration d'imposer cette catégorie de permettre à l'administration d'imposer cette catégorie de
contribuables en tenant compte de la base forfaitaire minimale fixée contribuables en tenant compte de la base forfaitaire minimale fixée
par le Roi. Les minimas fixés constituent une présomption légale par par le Roi. Les minimas fixés constituent une présomption légale par
comparaison non seulement avec trois contribuables similaires, mais comparaison non seulement avec trois contribuables similaires, mais
aussi avec tout un secteur ou un groupe de contribuables. aussi avec tout un secteur ou un groupe de contribuables.
B.4.2. Tant à l'égard des entreprises étrangères visées à l'article B.4.2. Tant à l'égard des entreprises étrangères visées à l'article
342, § 2, du CIR 1992 qu'à l'égard des entreprises ou des titulaires 342, § 2, du CIR 1992 qu'à l'égard des entreprises ou des titulaires
de professions libérales visés à l'article 342, § 3, le législateur de professions libérales visés à l'article 342, § 3, le législateur
poursuit un même but. Dans les deux cas, il s'agit en effet d'inciter poursuit un même but. Dans les deux cas, il s'agit en effet d'inciter
ces catégories de contribuables à respecter leurs obligations fiscales ces catégories de contribuables à respecter leurs obligations fiscales
en dotant le fisc d'un moyen de défense plus efficace lorsqu'ils en dotant le fisc d'un moyen de défense plus efficace lorsqu'ils
restent en défaut de le faire (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC restent en défaut de le faire (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC
51-1820/001, p. 30). Dans les deux cas, le législateur recourt à une 51-1820/001, p. 30). Dans les deux cas, le législateur recourt à une
présomption légale afin de permettre à l'administration fiscale présomption légale afin de permettre à l'administration fiscale
d'établir la base imposable lorsque le contribuable ne fournit pas les d'établir la base imposable lorsque le contribuable ne fournit pas les
informations nécessaires à cet effet, soit à défaut d'éléments informations nécessaires à cet effet, soit à défaut d'éléments
probants (article 342, § 2), soit parce qu'il ne remet pas ou remet probants (article 342, § 2), soit parce qu'il ne remet pas ou remet
tardivement sa déclaration (article 342, § 3). L'efficacité des tardivement sa déclaration (article 342, § 3). L'efficacité des
contrôles fiscaux constitue un motif d'intérêt général et la poursuite contrôles fiscaux constitue un motif d'intérêt général et la poursuite
de celle-ci est un objectif légitime. de celle-ci est un objectif légitime.
B.4.3. L'établissement de modes de preuve particuliers pour déterminer B.4.3. L'établissement de modes de preuve particuliers pour déterminer
la base d'imposition applicable aux revenus des entreprises ou la base d'imposition applicable aux revenus des entreprises ou
titulaires de professions libérales peut se justifier par une plus titulaires de professions libérales peut se justifier par une plus
grande difficulté, pour l'administration fiscale, d'établir le montant grande difficulté, pour l'administration fiscale, d'établir le montant
des revenus que les titulaires de professions libérales perçoivent, des revenus que les titulaires de professions libérales perçoivent,
ces revenus provenant de sources diverses et étant susceptibles de ces revenus provenant de sources diverses et étant susceptibles de
varier fortement d'une année à l'autre, alors que les rémunérations varier fortement d'une année à l'autre, alors que les rémunérations
des travailleurs salariés sont en principe déterminées à l'avance et des travailleurs salariés sont en principe déterminées à l'avance et
ne sont pas soumises à des variations aléatoires. ne sont pas soumises à des variations aléatoires.
B.5.1. La Cour doit toutefois examiner si le législateur n'a pas porté B.5.1. La Cour doit toutefois examiner si le législateur n'a pas porté
une atteinte disproportionnée aux droits des contribuables visés à une atteinte disproportionnée aux droits des contribuables visés à
l'article 342, § 3, du CIR 1992 en permettant à l'administration de l'article 342, § 3, du CIR 1992 en permettant à l'administration de
leur appliquer des minimas imposables fixés par l'article 182 de leur appliquer des minimas imposables fixés par l'article 182 de
l'arrêté d'exécution du CIR 1992, lorsque ces contribuables sont l'arrêté d'exécution du CIR 1992, lorsque ces contribuables sont
restés en défaut de rentrer une déclaration d'impôt ou de la remettre restés en défaut de rentrer une déclaration d'impôt ou de la remettre
dans les délais. dans les délais.
Pour répondre à la question préjudicielle, la Cour doit plus Pour répondre à la question préjudicielle, la Cour doit plus
particulièrement contrôler la compatibilité, au regard des articles particulièrement contrôler la compatibilité, au regard des articles
10, 11 et 172 de la Constitution, de l'article 342, § 3, du CIR 1992, 10, 11 et 172 de la Constitution, de l'article 342, § 3, du CIR 1992,
en ce qu'il prive les contribuables visés par cette disposition de la en ce qu'il prive les contribuables visés par cette disposition de la
possibilité d'établir le caractère arbitraire de la taxation opérée possibilité d'établir le caractère arbitraire de la taxation opérée
par l'administration fiscale, alors que les autres contribuables par l'administration fiscale, alors que les autres contribuables
imposés d'office disposent de cette faculté. imposés d'office disposent de cette faculté.
B.5.2. La question préjudicielle invite la Cour à comparer le régime B.5.2. La question préjudicielle invite la Cour à comparer le régime
applicable aux contribuables taxés d'office sur la base de l'article applicable aux contribuables taxés d'office sur la base de l'article
342, § 1er, du CIR 1992 avec celui qui est applicable aux 342, § 1er, du CIR 1992 avec celui qui est applicable aux
contribuables taxés d'office sur la base de l'article 342, § 3, du CIR contribuables taxés d'office sur la base de l'article 342, § 3, du CIR
1992 parce qu'ils n'ont pas remis de déclaration ou qu'ils ont remis 1992 parce qu'ils n'ont pas remis de déclaration ou qu'ils ont remis
cette déclaration tardivement. cette déclaration tardivement.
Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, la question Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, la question
précise ainsi les catégories de contribuables qui doivent être précise ainsi les catégories de contribuables qui doivent être
comparées. comparées.
B.5.3. Concernant la mesure en cause, il a été mentionné dans les B.5.3. Concernant la mesure en cause, il a été mentionné dans les
travaux préparatoires : travaux préparatoires :
« Le Gouvernement tient à préciser à ce sujet que la mesure proposée « Le Gouvernement tient à préciser à ce sujet que la mesure proposée
s'inscrit dans le cadre de la procédure de taxation d'office prévue s'inscrit dans le cadre de la procédure de taxation d'office prévue
aux articles 351 à 352bis, CIR 92 dont elle tend uniquement à aux articles 351 à 352bis, CIR 92 dont elle tend uniquement à
accélérer la mise en oeuvre par une estimation forfaitaire de la base accélérer la mise en oeuvre par une estimation forfaitaire de la base
imposable. De la sorte, le contribuable taxé par application des imposable. De la sorte, le contribuable taxé par application des
minima de bénéfices ou de profits imposables du fait du non-respect de minima de bénéfices ou de profits imposables du fait du non-respect de
ses obligations fiscales en matière de déclaration, conserve ses obligations fiscales en matière de déclaration, conserve
l'ensemble des droits prévus par cette procédure, notamment le droit l'ensemble des droits prévus par cette procédure, notamment le droit
d'apporter la preuve du chiffre exact de ses revenus imposables, d'apporter la preuve du chiffre exact de ses revenus imposables,
conformément à l'article 352, alinéa 1er, CIR 92. conformément à l'article 352, alinéa 1er, CIR 92.
De plus, la nouvelle mesure se rattache à la présomption légale de De plus, la nouvelle mesure se rattache à la présomption légale de
l'article 342, CIR 92, mais uniquement pour les contribuables qui l'article 342, CIR 92, mais uniquement pour les contribuables qui
n'ont pas introduit leur déclaration ou qui l'ont fait tardivement. Il n'ont pas introduit leur déclaration ou qui l'ont fait tardivement. Il
convient à ce sujet d'attirer l'attention sur le fait que les minima convient à ce sujet d'attirer l'attention sur le fait que les minima
fixés consistent en soi également en une présomption légale par fixés consistent en soi également en une présomption légale par
comparaison non seulement avec trois contribuables similaires, mais comparaison non seulement avec trois contribuables similaires, mais
avec tout un secteur ou un groupe de contribuables » (Doc. parl., avec tout un secteur ou un groupe de contribuables » (Doc. parl.,
Chambre, 2004-2005, DOC 51-1820/001, p. 31). Chambre, 2004-2005, DOC 51-1820/001, p. 31).
B.5.4. L'article 342, § 3, du CIR 1992 est par conséquent lié à la B.5.4. L'article 342, § 3, du CIR 1992 est par conséquent lié à la
procédure de taxation d'office visée aux articles 351 à 352bis du même procédure de taxation d'office visée aux articles 351 à 352bis du même
Code et elle a pour but d'en accélérer l'application en prévoyant une Code et elle a pour but d'en accélérer l'application en prévoyant une
estimation forfaitaire de la base imposable. La procédure de taxation estimation forfaitaire de la base imposable. La procédure de taxation
d'office a pour effet de renverser la charge de la preuve en ce qui d'office a pour effet de renverser la charge de la preuve en ce qui
concerne la détermination du montant imposable. concerne la détermination du montant imposable.
B.5.5. Avant d'établir l'imposition d'office, l'administration B.5.5. Avant d'établir l'imposition d'office, l'administration
notifie, par lettre recommandée à la poste, au contribuable n'ayant notifie, par lettre recommandée à la poste, au contribuable n'ayant
pas remis ou ayant remis tardivement sa déclaration les motifs du pas remis ou ayant remis tardivement sa déclaration les motifs du
recours à cette procédure, le montant des revenus et autres éléments recours à cette procédure, le montant des revenus et autres éléments
sur lesquels la taxation sera basée, ainsi que le mode de sur lesquels la taxation sera basée, ainsi que le mode de
détermination de ces revenus et éléments (article 351, alinéa 2). En détermination de ces revenus et éléments (article 351, alinéa 2). En
principe, le contribuable dispose d'un délai d'un mois pour faire principe, le contribuable dispose d'un délai d'un mois pour faire
valoir ses observations et la cotisation ne peut être établie avant valoir ses observations et la cotisation ne peut être établie avant
l'expiration de ce délai (article 351, alinéa 3). l'expiration de ce délai (article 351, alinéa 3).
B.5.6. Conformément à l'article 352 du CIR 1992, le contribuable a, en B.5.6. Conformément à l'article 352 du CIR 1992, le contribuable a, en
outre, toujours le droit de contester la cotisation forfaitaire en outre, toujours le droit de contester la cotisation forfaitaire en
apportant la preuve contraire, c'est-à-dire le chiffre exact de ses apportant la preuve contraire, c'est-à-dire le chiffre exact de ses
revenus. revenus.
B.6. Il ressort de ce qui précède que la disposition en cause est un B.6. Il ressort de ce qui précède que la disposition en cause est un
moyen pertinent pour atteindre l'objectif rappelé en B.4.2 qui moyen pertinent pour atteindre l'objectif rappelé en B.4.2 qui
consiste à fournir à l'administration les éléments nécessaires pour consiste à fournir à l'administration les éléments nécessaires pour
pouvoir établir la cotisation fiscale. Elle n'a pas non plus d'effets pouvoir établir la cotisation fiscale. Elle n'a pas non plus d'effets
disproportionnés dès lors que la présomption légale qui en résulte disproportionnés dès lors que la présomption légale qui en résulte
peut être renversée par le contribuable défaillant en apportant la peut être renversée par le contribuable défaillant en apportant la
preuve du montant exact des revenus générés par l'exercice de sa preuve du montant exact des revenus générés par l'exercice de sa
profession. Par ailleurs, en cas de déclaration tardive, le profession. Par ailleurs, en cas de déclaration tardive, le
contribuable peut invoquer la force majeure si les conditions sont contribuable peut invoquer la force majeure si les conditions sont
remplies. remplies.
B.7. La Cour doit encore examiner si le contribuable imposé d'office B.7. La Cour doit encore examiner si le contribuable imposé d'office
sur la base de l'article 342, § 3, peut, sans apporter la preuve du sur la base de l'article 342, § 3, peut, sans apporter la preuve du
montant exact des revenus générés par l'exercice de sa profession, montant exact des revenus générés par l'exercice de sa profession,
établir le caractère arbitraire de la taxation opérée par établir le caractère arbitraire de la taxation opérée par
l'administration fiscale. l'administration fiscale.
Comme le relève le Conseil des ministres, tous les contribuables qui Comme le relève le Conseil des ministres, tous les contribuables qui
sont imposés d'office, que ce soit sur la base des minima imposables sont imposés d'office, que ce soit sur la base des minima imposables
ou sur une autre base, sont soumis à une même procédure et disposent ou sur une autre base, sont soumis à une même procédure et disposent
de droits semblables. Ceci ressort de l'article 352, alinéa 1er, du de droits semblables. Ceci ressort de l'article 352, alinéa 1er, du
CIR 1992, comme il est mentionné dans les travaux préparatoires cités CIR 1992, comme il est mentionné dans les travaux préparatoires cités
en B.5.3. Ils ont donc le droit de contester la cotisation forfaitaire en B.5.3. Ils ont donc le droit de contester la cotisation forfaitaire
en prouvant que la base imposable a été déterminée arbitrairement par en prouvant que la base imposable a été déterminée arbitrairement par
l'administration parce qu'elle a commis une erreur de droit ou s'est l'administration parce qu'elle a commis une erreur de droit ou s'est
fondée sur des faits inexacts ou a déduit de faits exacts des fondée sur des faits inexacts ou a déduit de faits exacts des
conséquences que ces faits ne peuvent justifier. La procédure de conséquences que ces faits ne peuvent justifier. La procédure de
taxation d'office a pour effet de renverser la charge de la preuve en taxation d'office a pour effet de renverser la charge de la preuve en
ce qui concerne le revenu imposable; elle ne dispense cependant pas ce qui concerne le revenu imposable; elle ne dispense cependant pas
l'administration de prendre en compte des éléments probants permettant l'administration de prendre en compte des éléments probants permettant
de déterminer le revenu du contribuable. Le renversement de la charge de déterminer le revenu du contribuable. Le renversement de la charge
de la preuve est inhérent à la procédure de taxation d'office. de la preuve est inhérent à la procédure de taxation d'office.
Dès lors que tous les contribuables imposés d'office ont la Dès lors que tous les contribuables imposés d'office ont la
possibilité d'établir le caractère arbitraire de la taxation opérée possibilité d'établir le caractère arbitraire de la taxation opérée
par l'administration fiscale, la question préjudicielle appelle une par l'administration fiscale, la question préjudicielle appelle une
réponse négative. réponse négative.
Par ces motifs, Par ces motifs,
la Cour la Cour
dit pour droit : dit pour droit :
L'article 342, § 3, du Code des impôts sur les revenus 1992 ne viole L'article 342, § 3, du Code des impôts sur les revenus 1992 ne viole
pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution. pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise,
conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur
la Cour constitutionnelle, le 24 mars 2016. la Cour constitutionnelle, le 24 mars 2016.
Le greffier, Le greffier,
P.-Y. Dutilleux P.-Y. Dutilleux
Le président, Le président,
J. Spreutels J. Spreutels
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