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concernant l'article 8, 3°, - chapitre II « Assujettissement de certains agents du secteur public et
de l'enseignement subventionné libre à l'assuranc La Cour d'arbitrage, composée
des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, L(...)"
Arrêt n° 82/98 du 7 juillet 1998 Numéro du rôle : 1121 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 8, 3°, - chapitre II « Assujettissement de certains agents du secteur public et de l'enseignement subventionné libre à l'assuranc La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, L(...) | Arrêt n° 82/98 du 7 juillet 1998 Numéro du rôle : 1121 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 8, 3°, - chapitre II « Assujettissement de certains agents du secteur public et de l'enseignement subventionné libre à l'assuranc La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, L(...) |
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COUR D'ARBITRAGE | COUR D'ARBITRAGE |
Arrêt n° 82/98 du 7 juillet 1998 | Arrêt n° 82/98 du 7 juillet 1998 |
Numéro du rôle : 1121 | Numéro du rôle : 1121 |
En cause : la question préjudicielle concernant l'article 8, 3°, - | En cause : la question préjudicielle concernant l'article 8, 3°, - |
chapitre II « Assujettissement de certains agents du secteur public et | chapitre II « Assujettissement de certains agents du secteur public et |
de l'enseignement subventionné libre à l'assurance contre le chômage, | de l'enseignement subventionné libre à l'assurance contre le chômage, |
à l'assurance maladie (secteur des indemnités) et à l'assurance | à l'assurance maladie (secteur des indemnités) et à l'assurance |
maternité » - de la loi du 20 juillet 1991 portant des dispositions | maternité » - de la loi du 20 juillet 1991 portant des dispositions |
sociales et diverses, posée par la Cour du travail de Gand. | sociales et diverses, posée par la Cour du travail de Gand. |
La Cour d'arbitrage, | La Cour d'arbitrage, |
composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. | composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. |
Boel, L. François, J. Delruelle, H. Coremans et M. Bossuyt, assistée | Boel, L. François, J. Delruelle, H. Coremans et M. Bossuyt, assistée |
du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, | du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, |
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : | après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : |
I. Objet de la question préjudicielle | I. Objet de la question préjudicielle |
Par arrêt du 20 juin 1997 en cause de l'Office national de l'emploi | Par arrêt du 20 juin 1997 en cause de l'Office national de l'emploi |
contre A.L., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour | contre A.L., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour |
d'arbitrage le 1er juillet 1997, la Cour du travail de Gand a posé la | d'arbitrage le 1er juillet 1997, la Cour du travail de Gand a posé la |
question préjudicielle suivante : | question préjudicielle suivante : |
« L'article 8, 3°, de la loi du 20 juillet 1991 portant des | « L'article 8, 3°, de la loi du 20 juillet 1991 portant des |
dispositions sociales et diverses (Moniteur belge du 1er août 1991) | dispositions sociales et diverses (Moniteur belge du 1er août 1991) |
est-il conforme aux principes d'égalité et de non-discrimination | est-il conforme aux principes d'égalité et de non-discrimination |
inscrits aux articles 10 et 11 de la Constitution coordonnée, en tant | inscrits aux articles 10 et 11 de la Constitution coordonnée, en tant |
qu'il aboutit à ce que des personnes dont la relation de travail en | qu'il aboutit à ce que des personnes dont la relation de travail en |
service public est rompue pour cause d'absence injustifiée sont | service public est rompue pour cause d'absence injustifiée sont |
traitées autrement que les personnes (visées à l'article 7 de la loi) | traitées autrement que les personnes (visées à l'article 7 de la loi) |
dont la relation de travail est rompue pour un autre motif, | dont la relation de travail est rompue pour un autre motif, |
quelquefois plus sérieux ou plus grave ? » | quelquefois plus sérieux ou plus grave ? » |
II. Les faits et la procédure antérieure | II. Les faits et la procédure antérieure |
A.L. a travaillé à la Société nationale des chemins de fer belges (en | A.L. a travaillé à la Société nationale des chemins de fer belges (en |
abrégé : S.N.C.B.) du 26 juin 1972 au 18 mars 1994 en qualité de | abrégé : S.N.C.B.) du 26 juin 1972 au 18 mars 1994 en qualité de |
membre du personnel statutaire. Etant donné qu'il a été mis fin à sa | membre du personnel statutaire. Etant donné qu'il a été mis fin à sa |
relation de travail pour cause d'absence injustifiée, l'Office | relation de travail pour cause d'absence injustifiée, l'Office |
national de l'emploi n'admet pas A.L. au bénéfice des allocations de | national de l'emploi n'admet pas A.L. au bénéfice des allocations de |
chômage. Cette décision se fonde notamment sur l'article 8, 3°, de la | chômage. Cette décision se fonde notamment sur l'article 8, 3°, de la |
loi du 20 juillet 1991 portant des dispositions sociales et diverses. | loi du 20 juillet 1991 portant des dispositions sociales et diverses. |
Le 7 novembre 1994, A.L. demande l'annulation de la décision devant le | Le 7 novembre 1994, A.L. demande l'annulation de la décision devant le |
Tribunal du travail d'Audenarde, qui déclare la demande fondée. | Tribunal du travail d'Audenarde, qui déclare la demande fondée. |
L'Office national de l'emploi interjette appel de ce jugement. | L'Office national de l'emploi interjette appel de ce jugement. |
La Cour du travail de Gand constate qu'un agent démis ne peut pas | La Cour du travail de Gand constate qu'un agent démis ne peut pas |
faire valoir les mêmes droits en matière d'assurance chômage et | faire valoir les mêmes droits en matière d'assurance chômage et |
d'assurance maladie, selon qu'il est démis pour absence injustifiée ou | d'assurance maladie, selon qu'il est démis pour absence injustifiée ou |
pour d'autres faits graves, même pénalement punissables, tels que le | pour d'autres faits graves, même pénalement punissables, tels que le |
vol, l'escroquerie, le faux en écriture et la corruption. Avant de | vol, l'escroquerie, le faux en écriture et la corruption. Avant de |
statuer au fond, la Cour du travail de Gand pose la question | statuer au fond, la Cour du travail de Gand pose la question |
préjudicielle susmentionnée. | préjudicielle susmentionnée. |
III. La procédure devant la Cour | III. La procédure devant la Cour |
Par ordonnance du 1er juillet 1997, le président en exercice a désigné | Par ordonnance du 1er juillet 1997, le président en exercice a désigné |
les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi | les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi |
spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. | spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. |
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application | Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application |
des articles 71 ou 72 de la loi organique. | des articles 71 ou 72 de la loi organique. |
La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la | La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la |
loi organique, par lettres recommandées à la poste le 14 août 1997. | loi organique, par lettres recommandées à la poste le 14 août 1997. |
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au | L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au |
Moniteur belge du 19 août 1997. | Moniteur belge du 19 août 1997. |
Des mémoires ont été introduits par : | Des mémoires ont été introduits par : |
- le Gouvernement de la Communauté française, place Surlet de Chokier | - le Gouvernement de la Communauté française, place Surlet de Chokier |
15-17, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 1er | 15-17, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 1er |
octobre 1997; | octobre 1997; |
- A.L., Steenbergstraat 55, 9520 Sint-Lievens-Houtem, par lettre | - A.L., Steenbergstraat 55, 9520 Sint-Lievens-Houtem, par lettre |
ordinaire, le 13 octobre 1997. | ordinaire, le 13 octobre 1997. |
Par ordonnance du 21 octobre 1997, le président de la Cour constate | Par ordonnance du 21 octobre 1997, le président de la Cour constate |
que le mémoire introduit par A.L. n'a pas été introduit par lettre | que le mémoire introduit par A.L. n'a pas été introduit par lettre |
recommandée à la poste et l'a été après le délai prévu par l'article | recommandée à la poste et l'a été après le délai prévu par l'article |
85 de la loi organique et déclare que A.L. dispose d'un délai de huit | 85 de la loi organique et déclare que A.L. dispose d'un délai de huit |
jours pour introduire éventuellement des remarques écrites. | jours pour introduire éventuellement des remarques écrites. |
Cette ordonnance a été notifiée à A.L., par lettre recommandée à la | Cette ordonnance a été notifiée à A.L., par lettre recommandée à la |
poste le 21 octobre 1997. | poste le 21 octobre 1997. |
Par ordonnance du 18 novembre 1997, la Cour déclare que le mémoire | Par ordonnance du 18 novembre 1997, la Cour déclare que le mémoire |
introduit par A.L. est irrecevable et l'écarte des débats. | introduit par A.L. est irrecevable et l'écarte des débats. |
Cette ordonnance a été notifiée à A.L., par lettre recommandée à la | Cette ordonnance a été notifiée à A.L., par lettre recommandée à la |
poste le 19 novembre 1997. | poste le 19 novembre 1997. |
Par ordonnances des 18 décembre 1997 et 30 juin 1998, la Cour a | Par ordonnances des 18 décembre 1997 et 30 juin 1998, la Cour a |
prorogé respectivement jusqu'aux 1er juillet 1998 et 1er janvier 1999 | prorogé respectivement jusqu'aux 1er juillet 1998 et 1er janvier 1999 |
le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu. | le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu. |
Par ordonnance du 27 mai 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et | Par ordonnance du 27 mai 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et |
fixé l'audience au 17 juin 1998. | fixé l'audience au 17 juin 1998. |
Cette ordonnance a été notifiée au Gouvernement de la Communauté | Cette ordonnance a été notifiée au Gouvernement de la Communauté |
française ainsi qu'à son avocat, par lettres recommandées à la poste | française ainsi qu'à son avocat, par lettres recommandées à la poste |
le 28 mai 1998. | le 28 mai 1998. |
A l'audience publique du 17 juin 1998 : | A l'audience publique du 17 juin 1998 : |
- a comparu Me H. Van Laer loco Me M. Uyttendaele, avocats au barreau | - a comparu Me H. Van Laer loco Me M. Uyttendaele, avocats au barreau |
de Bruxelles, pour le Gouvernement de la Communauté française; | de Bruxelles, pour le Gouvernement de la Communauté française; |
- les juges-rapporteurs H. Coremans et L. François ont fait rapport; | - les juges-rapporteurs H. Coremans et L. François ont fait rapport; |
- l'avocat précité a été entendu; | - l'avocat précité a été entendu; |
- l'affaire a été mise en délibéré. | - l'affaire a été mise en délibéré. |
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants | La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants |
de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour. | de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour. |
IV. En droit | IV. En droit |
- A - | - A - |
Mémoire du Gouvernement de la Communauté française | Mémoire du Gouvernement de la Communauté française |
A.1. Les agents qui sont licenciés à la suite d'une décision de | A.1. Les agents qui sont licenciés à la suite d'une décision de |
l'autorité et les agents qui perdent leur emploi à la suite d'absences | l'autorité et les agents qui perdent leur emploi à la suite d'absences |
injustifiées ne sont pas comparables. | injustifiées ne sont pas comparables. |
Les travaux préparatoires de la loi du 20 juillet 1991 font apparaître | Les travaux préparatoires de la loi du 20 juillet 1991 font apparaître |
que les dispositions du chapitre II du titre Ier visent « à créer une | que les dispositions du chapitre II du titre Ier visent « à créer une |
solution en faveur des agents statutaires dont la relation de travail | solution en faveur des agents statutaires dont la relation de travail |
prend fin à cause d'un acte unilatéral de l'autorité compétente | prend fin à cause d'un acte unilatéral de l'autorité compétente |
(hiérarchique ou de tutelle) ou d'une annulation par un collège | (hiérarchique ou de tutelle) ou d'une annulation par un collège |
juridique administratif » (Doc. parl., Chambre, 1990-1991, n° 1695/6, | juridique administratif » (Doc. parl., Chambre, 1990-1991, n° 1695/6, |
p. 4). | p. 4). |
L'objectif de la loi est donc d'assujettir les agents licenciés à | L'objectif de la loi est donc d'assujettir les agents licenciés à |
l'assurance chômage, à l'assurance maladie (secteur des indemnités) et | l'assurance chômage, à l'assurance maladie (secteur des indemnités) et |
à l'assurance maternité. Pour cette première catégorie d'agents, la | à l'assurance maternité. Pour cette première catégorie d'agents, la |
relation de travail prend fin à la suite d'un acte unilatéral de | relation de travail prend fin à la suite d'un acte unilatéral de |
l'autorité hiérarchique ou de tutelle; cette décision est donc | l'autorité hiérarchique ou de tutelle; cette décision est donc |
indépendante de la volonté de l'agent mis en cause. | indépendante de la volonté de l'agent mis en cause. |
En ce qui concerne la deuxième catégorie d'agents, les travaux | En ce qui concerne la deuxième catégorie d'agents, les travaux |
préparatoires indiquent que la protection légale ne vaudra pas pour | préparatoires indiquent que la protection légale ne vaudra pas pour |
ceux dont la relation de travail est rompue à cause d'absences | ceux dont la relation de travail est rompue à cause d'absences |
injustifiées. « Dans ce cas, la rupture de la relation de travail | injustifiées. « Dans ce cas, la rupture de la relation de travail |
n'est pas à considérer comme un acte unilatéral de l'autorité ou de | n'est pas à considérer comme un acte unilatéral de l'autorité ou de |
l'employeur : elle est due au fait de l'intéressé, qui néglige de | l'employeur : elle est due au fait de l'intéressé, qui néglige de |
communiquer à ses supérieurs hiérarchiques des motifs pouvant | communiquer à ses supérieurs hiérarchiques des motifs pouvant |
justifier son absence. Il ne faut donc pas comparer une telle | justifier son absence. Il ne faut donc pas comparer une telle |
démission d'office avec une peine disciplinaire pour non-respect des | démission d'office avec une peine disciplinaire pour non-respect des |
devoirs professionnels; on peut présumer que l'absence injustifiée | devoirs professionnels; on peut présumer que l'absence injustifiée |
équivaut en fait à une démission volontaire » (Doc. parl., Sénat, | équivaut en fait à une démission volontaire » (Doc. parl., Sénat, |
1990-1991, n° 1374-1, pp. 9-10). Le Gouvernement de la Communauté | 1990-1991, n° 1374-1, pp. 9-10). Le Gouvernement de la Communauté |
française constate que l'arrêt de la Cour du travail cite erronément | française constate que l'arrêt de la Cour du travail cite erronément |
ce passage puisqu'elle assimile la démission d'office à une sanction | ce passage puisqu'elle assimile la démission d'office à une sanction |
disciplinaire pour non-respect des devoirs professionnels. | disciplinaire pour non-respect des devoirs professionnels. |
A.2. Il résulte de ce qui précède que les deux catégories d'agents ne | A.2. Il résulte de ce qui précède que les deux catégories d'agents ne |
sont pas comparables, ou qu'à tout le moins, la distinction opérée se | sont pas comparables, ou qu'à tout le moins, la distinction opérée se |
justifie de manière objective et raisonnable par rapport au but | justifie de manière objective et raisonnable par rapport au but |
poursuivi, à savoir la lutte contre la pauvreté des agents dont la | poursuivi, à savoir la lutte contre la pauvreté des agents dont la |
relation de travail est rompue à la suite d'une décision unilatérale | relation de travail est rompue à la suite d'une décision unilatérale |
de l'autorité. | de l'autorité. |
Il existe un rapport de proportionnalité raisonnable entre les moyens | Il existe un rapport de proportionnalité raisonnable entre les moyens |
utilisés et le résultat recherché. Il n'est pas manifestement | utilisés et le résultat recherché. Il n'est pas manifestement |
déraisonnable, dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, d'exclure | déraisonnable, dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, d'exclure |
du bénéfice de l'assurance chômage, de l'assurance maladie (secteur | du bénéfice de l'assurance chômage, de l'assurance maladie (secteur |
des indemnités) et de l'assurance maternité les agents ayant | des indemnités) et de l'assurance maternité les agents ayant |
démissionné volontairement de leur travail. Le système d'indemnisation | démissionné volontairement de leur travail. Le système d'indemnisation |
du chômage est en effet fondé sur le principe que, pour pouvoir | du chômage est en effet fondé sur le principe que, pour pouvoir |
bénéficier d'allocations, le chômeur doit être privé de travail et de | bénéficier d'allocations, le chômeur doit être privé de travail et de |
rémunération par suite de circonstances indépendantes de sa volonté | rémunération par suite de circonstances indépendantes de sa volonté |
(voy. l'article 44 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant | (voy. l'article 44 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant |
réglementation du chômage). | réglementation du chômage). |
Dès lors que selon les travaux préparatoires, le législateur a | Dès lors que selon les travaux préparatoires, le législateur a |
assimilé l'absence injustifiée à une démission volontaire, il a | assimilé l'absence injustifiée à une démission volontaire, il a |
raisonnablement pu exclure de la lutte contre la pauvreté les agents | raisonnablement pu exclure de la lutte contre la pauvreté les agents |
qui renoncent volontairement à leurs revenus. La disposition en cause | qui renoncent volontairement à leurs revenus. La disposition en cause |
ne viole donc pas les articles 10 et 11 de la Constitution. | ne viole donc pas les articles 10 et 11 de la Constitution. |
- B - | - B - |
B.1. L'article 8, 3°, mentionné dans la question préjudicielle figure | B.1. L'article 8, 3°, mentionné dans la question préjudicielle figure |
au chapitre II du titre Ier de la loi du 20 juillet 1991 portant des | au chapitre II du titre Ier de la loi du 20 juillet 1991 portant des |
dispositions sociales et diverses, qui porte sur l'assujettissement de | dispositions sociales et diverses, qui porte sur l'assujettissement de |
certains agents du secteur public et de personnes y assimilées à | certains agents du secteur public et de personnes y assimilées à |
l'assurance contre le chômage, à l'assurance maladie (secteur des | l'assurance contre le chômage, à l'assurance maladie (secteur des |
indemnités) et à l'assurance maternité. | indemnités) et à l'assurance maternité. |
Par les dispositions de ce chapitre, le législateur entendait | Par les dispositions de ce chapitre, le législateur entendait |
appliquer les branches précitées du régime de la sécurité sociale « au | appliquer les branches précitées du régime de la sécurité sociale « au |
personnel statutaire des services publics dont la relation de travail | personnel statutaire des services publics dont la relation de travail |
est rompue unilatéralement par l'autorité ou annulée suite à une | est rompue unilatéralement par l'autorité ou annulée suite à une |
procédure irrégulière de la nomination ». En effet : | procédure irrégulière de la nomination ». En effet : |
« les agents licenciés n'ont pas été repris dans le régime général de | « les agents licenciés n'ont pas été repris dans le régime général de |
la sécurité sociale à cause de leur lien statutaire de sorte que par | la sécurité sociale à cause de leur lien statutaire de sorte que par |
la rupture de leur relation de travail ils perdent non seulement leur | la rupture de leur relation de travail ils perdent non seulement leur |
revenu professionnel, mais également tout revenu de remplacement | revenu professionnel, mais également tout revenu de remplacement |
possible. C'est surtout lorsque des membres de la famille de l'agent | possible. C'est surtout lorsque des membres de la famille de l'agent |
licencié sont également touchés que les conséquences de la mesure | licencié sont également touchés que les conséquences de la mesure |
prise s'avèrent le plus souvent exagérément lourdes, même s'il s'agit | prise s'avèrent le plus souvent exagérément lourdes, même s'il s'agit |
dans ces cas souvent de la sanction d'une faute commise par | dans ces cas souvent de la sanction d'une faute commise par |
l'intéressé. » (Doc. parl., Sénat, 1990-1991, n° 1374-1, p. 8) | l'intéressé. » (Doc. parl., Sénat, 1990-1991, n° 1374-1, p. 8) |
« Le seul moyen qui leur reste est l'appel à l'intervention du CPAS. | « Le seul moyen qui leur reste est l'appel à l'intervention du CPAS. |
Dans un Etat moderne, axé sur le bien-être de chacun, cette situation | Dans un Etat moderne, axé sur le bien-être de chacun, cette situation |
n'est plus acceptable. [...] L'objectif unique [...] est de remédier | n'est plus acceptable. [...] L'objectif unique [...] est de remédier |
vis-à-vis des intéressés à une situation de pauvreté totalement | vis-à-vis des intéressés à une situation de pauvreté totalement |
inacceptable. » (Doc. parl., Chambre, 1990-1991, n° 1695/6, p. 5) | inacceptable. » (Doc. parl., Chambre, 1990-1991, n° 1695/6, p. 5) |
B.2. En vertu de l'article 8, 3°, de la loi du 20 juillet 1991, les | B.2. En vertu de l'article 8, 3°, de la loi du 20 juillet 1991, les |
dispositions du chapitre II ne sont toutefois pas applicables « aux | dispositions du chapitre II ne sont toutefois pas applicables « aux |
personnes dont la relation de travail en service public est rompue à | personnes dont la relation de travail en service public est rompue à |
cause d'absence injustifiée ». | cause d'absence injustifiée ». |
Les travaux préparatoires précisent à cet égard : | Les travaux préparatoires précisent à cet égard : |
« Dans ce cas, la rupture de la relation de travail n'est pas à | « Dans ce cas, la rupture de la relation de travail n'est pas à |
considérer comme un acte unilatéral de l'autorité ou de l'employeur : | considérer comme un acte unilatéral de l'autorité ou de l'employeur : |
elle est due au fait de l'intéressé, qui néglige de communiquer à ses | elle est due au fait de l'intéressé, qui néglige de communiquer à ses |
supérieurs hiérarchiques des motifs pouvant justifier son absence. Il | supérieurs hiérarchiques des motifs pouvant justifier son absence. Il |
ne faut donc pas comparer une telle démission d'office avec une peine | ne faut donc pas comparer une telle démission d'office avec une peine |
disciplinaire pour non-respect des devoirs professionnels; on peut | disciplinaire pour non-respect des devoirs professionnels; on peut |
présumer que l'absence injustifiée équivaut en fait à une démission | présumer que l'absence injustifiée équivaut en fait à une démission |
volontaire. » (Doc. parl., Sénat, 1990-1991, n° 1374-1, pp. 9-10) | volontaire. » (Doc. parl., Sénat, 1990-1991, n° 1374-1, pp. 9-10) |
B.3. La question préjudicielle soumise à la Cour porte sur la | B.3. La question préjudicielle soumise à la Cour porte sur la |
différence de traitement entre les agents des services publics dont la | différence de traitement entre les agents des services publics dont la |
relation de travail est rompue pour cause d'absence injustifiée et les | relation de travail est rompue pour cause d'absence injustifiée et les |
agents des services publics dont la relation de travail est rompue | agents des services publics dont la relation de travail est rompue |
unilatéralement par l'employeur pour un autre motif, quelque grave | unilatéralement par l'employeur pour un autre motif, quelque grave |
qu'il soit. Les derniers, à l'inverse des premiers, sont assujettis à | qu'il soit. Les derniers, à l'inverse des premiers, sont assujettis à |
l'assurance contre le chômage, à l'assurance maladie (secteur des | l'assurance contre le chômage, à l'assurance maladie (secteur des |
indemnités) et à l'assurance maternité. | indemnités) et à l'assurance maternité. |
B.4. Lorsque la loi exclut de son champ d'application une catégorie | B.4. Lorsque la loi exclut de son champ d'application une catégorie |
déterminée de personnes, la Cour doit examiner s'il existe une | déterminée de personnes, la Cour doit examiner s'il existe une |
justification raisonnable pour ce faire. | justification raisonnable pour ce faire. |
B.5. La différence de traitement repose en l'espèce sur un critère | B.5. La différence de traitement repose en l'espèce sur un critère |
objectif, à savoir le type de fait qui a causé la rupture de la | objectif, à savoir le type de fait qui a causé la rupture de la |
relation de travail, mais elle n'est pas pertinente au regard de | relation de travail, mais elle n'est pas pertinente au regard de |
l'objectif poursuivi par la réglementation, qui consiste à éviter que | l'objectif poursuivi par la réglementation, qui consiste à éviter que |
les agents statutaires des pouvoirs publics qui sont licenciés, fût-ce | les agents statutaires des pouvoirs publics qui sont licenciés, fût-ce |
en raison de leur faute, tombent dans la misère. En effet, rien ne | en raison de leur faute, tombent dans la misère. En effet, rien ne |
fait apparaître pourquoi cet objectif ne serait pas valable, ou le | fait apparaître pourquoi cet objectif ne serait pas valable, ou le |
serait moins, pour les personnes licenciées pour cause d'absence | serait moins, pour les personnes licenciées pour cause d'absence |
injustifiée que pour celles qui ont commis d'autres fautes. | injustifiée que pour celles qui ont commis d'autres fautes. |
Les travaux préparatoires justifient cette distinction par la seule | Les travaux préparatoires justifient cette distinction par la seule |
présomption que l'absence injustifiée équivaut en fait à une démission | présomption que l'absence injustifiée équivaut en fait à une démission |
volontaire. Pareille présomption, que l'intéressé n'a même pas la | volontaire. Pareille présomption, que l'intéressé n'a même pas la |
faculté de renverser, ne constitue pas une justification : d'une part, | faculté de renverser, ne constitue pas une justification : d'une part, |
toute absence injustifiée n'implique pas la volonté de démissionner; | toute absence injustifiée n'implique pas la volonté de démissionner; |
d'autre part, à supposer que certaines absences puissent être | d'autre part, à supposer que certaines absences puissent être |
assimilées à des démissions, d'autres comportements de l'agent ne le | assimilées à des démissions, d'autres comportements de l'agent ne le |
pourraient pas moins. La règle critiquée ne tient même pas compte de | pourraient pas moins. La règle critiquée ne tient même pas compte de |
la gravité des fautes. | la gravité des fautes. |
B.6. La question préjudicielle appelle une réponse affirmative. | B.6. La question préjudicielle appelle une réponse affirmative. |
Par ces motifs, | Par ces motifs, |
la Cour | la Cour |
dit pour droit : | dit pour droit : |
L'article 8, 3°, de la loi du 20 juillet 1991 portant des dispositions | L'article 8, 3°, de la loi du 20 juillet 1991 portant des dispositions |
sociales et diverses viole les articles 10 et 11 de la Constitution. | sociales et diverses viole les articles 10 et 11 de la Constitution. |
Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, | Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, |
conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur | conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur |
la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 7 juillet 1998. | la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 7 juillet 1998. |
Le greffier, | Le greffier, |
L. Potoms. | L. Potoms. |
Le président, | Le président, |
L. De Grève. | L. De Grève. |