publié le 17 février 2014
Circulaire ministérielle GPI 78L relative au traitement de l'information au profit d'une approche intégrée du terrorisme et de la radicalisation violente par la police
SERVICE PUBLIC FEDERAL INTERIEUR
31 JANVIER 2014. - Circulaire ministérielle GPI 78L relative au traitement de l'information au profit d'une approche intégrée du terrorisme et de la radicalisation violente par la police
A Mesdames et Messieurs les Gouverneurs de province, A Monsieur le Gouverneur de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale, A Mesdames et Messieurs les Bourgmestres, A Mesdames et Messieurs les Présidents des Collèges de police, A Mesdames et Messieurs les Chefs de corps de la police locale, A Madame la Commissaire générale de la police fédérale, Pour information : A Monsieur le Directeur général de la Direction générale Sécurité et Prévention, A Monsieur le Président de la Commission permanente de la police locale, Au Collège des Procureurs généraux, A l'Administrateur général de la Sûreté de l'Etat, Au Chef du Service général de Renseignement et de Sécurité, Madame, Monsieur le Gouverneur, Madame, Monsieur le Bourgmestre, Madame, Monsieur le Président, Madame, Monsieur le Chef de corps, Madame la Commissaire générale, Mesdames et Messieurs, 1. Définitions La radicalisation violente est un processus par lequel un individu ou un groupe est influencé de sorte que l'individu ou le groupe en question soit mentalement prêt à commettre des actes extrémistes, ces actes allant jusqu'à être violents ou même terroristes.L'adjectif "violent" est dans ce cas utilisé pour établir une distinction claire entre d'une part les idées non punissables et leur expression et, d'autre part, les infractions ou actes qui représentent un danger pour la sécurité publique commis pour réaliser ces idées ou l'intention de commettre ces infractions ou actes.
Par violence extrémiste, on entend la violence contre les personnes ou les biens commise par motivation idéologique, politique ou religieuse sans toutefois répondre à la définition pénale du terrorisme.
Pour la notion de terrorisme, je fais référence à l'article 137, § 1, du code pénal.
Le programme 'Terrorisme et violence extrémiste' est un ensemble cohérent d'actions possibles en matière de lutte ou de suivi de ces phénomènes spécifiques pour lesquelles une approche intégrée judiciaire et administrative est requise. Ce programme a été élaboré conformément à l'article 95 de la loi du 7 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/12/1998 pub. 05/01/1999 numac 1998021488 source services du premier ministre Loi organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux fermer sur la police intégrée (LPI ) par la police judiciaire fédérale, mais doit servir de fil conducteur dans la lutte contre le terrorisme pour toute la police intégrée.
Une `Local Task Force' (LTF) est une plate-forme de concertation, instaurée à un niveau déconcentré, au sein de laquelle les services de police et de renseignement échangent des informations et des renseignements sur la radicalisation violente et concluent des accords de coordination sur la collecte de ces informations.
Les termes informations et renseignements sont utilisés dans leur signification classique. Les informations sont les données brutes que la police apprend dans le cadre de l'exécution de ses tâches. Les renseignements sont des données traitées, commentées et analysées après un processus de traitement défini. 2. Contexte La menace du terrorisme et de la violence extrémiste constitue depuis plus d'une décennie déjà un point d'attention important pour les services de sécurité et reste d'actualité. La manifestation de ce phénomène a, depuis le début de ce siècle, quelque peu évolué. Là où il y a dix ans l'attention se portait sur la menace des organisations structurées extérieures à la Belgique, depuis quelques années, c'est la radicalisation violente d'habitants de notre pays qui est de plus en plus à l'avant-plan. Toutefois, le terrorisme n'a pas encore disparu et plusieurs études indiquent que ce ne sera pas le cas à court terme.
La police doit donc accorder une attention permanente à la lutte contre le terrorisme et faire évoluer son approche en fonction des circonstances.
La radicalisation violente est un processus plus ou moins long. Un tel processus peut être de nature diverse, est plutôt irrégulier, à vitesse variable et ne débouche pas toujours, et même généralement pas, sur des faits de terrorisme ou de violence extrémiste. Il n'est pas non plus simple d'identifier un tel processus ou de déterminer à quel moment la situation devient dangereuse et qu'il est indiqué de prendre des contre-mesures. Le fait d'avoir des idées ou visions radicales n'est pas un problème en soi, cela est même garanti par la Constitution, mais propager ou concrétiser ces idées ou visions de manière illégale ou violente ne peut être admis dans une société harmonieuse et dans un état de droit démocratique.
Il y va de l'intérêt de la société d'identifier le plus rapidement possible de tels processus de radicalisation violente. En effet, une détection précoce du problème permet une intervention préventive, dissuasive et canalisatrice alors que si on identifie le problème plus (trop) tard, il y a souvent déjà eu un préjudice, si bien qu'il ne reste que l'option, la moins préférable, de la répression.
La police doit donc investir dans la reconnaissance rapide de ces processus de radicalisation.
Mais en tant que partenaire important dans la chaîne de la sécurité, la police intégrée ne peut se contenter purement d'une approche réactive, judiciaire de la radicalisation violente comme signe avant-coureur possible de terrorisme. L'attention doit tout autant se porter sur une participation active dans une approche préventive sous la direction des autorités (administratives) et en collaboration avec les partenaires issus, entre autres, de la société civile développée dans l'esprit du programme de prévention de la radicalisation violente du 16-04-2013 élaborée par le SPF Intérieur (1).
Ces tâches sont dans un premier temps orientées sur la prévention des infractions et s'intègrent parfaitement dans les compétences et missions de police administrative dévolues à la police par l'article 14 de la Loi sur la Fonction de Police. 3. Informations policières et leur utilisation dans le cadre d'une approche intégrée En se reposant sur le principe de la 'fonction de police guidée par l'information', la police déterminera aussi sa politique dans les matières de la radicalisation violente et de la criminalité extrémiste et terroriste et mettra au point des actions sur la base de l'image et des informations dont elle dispose.Cela ne s'applique pas seulement aux enquêtes pénales. Toutes les autres actions que la police entreprend sont guidées par les informations disponibles qui, elles-mêmes, sont traitées conformément aux dispositions légales et réglementaires ou mises à disposition par des partenaires belges et étrangers.
En effet, la police n'a pas seulement une finalité judiciaire. Dans le cadre de l'approche intégrée du terrorisme, elle devra aussi développer des actions de police administrative, visant à prévenir les infractions et à protéger la population. Eu égard à la criminalité terroriste, extrémiste et à la radicalisation violente, les limites entre les deux domaines ne sont en effet pas faciles à tracer et la répartition entre information de nature administrative et judiciaire est surtout théorique.
Ces actions sont décrites dans le programme `Terrorisme et violence extrémiste'. Ce programme réunit un nombre d'actions en quatre piliers en fonction de leurs objectifs et constitue notamment une traduction de la stratégie de l'UE et du plan d'action européen de lutte contre le terrorisme. - Le pilier `prévention' comprend des mesures visant à empêcher des personnes de trop progresser dans leur processus de radicalisation au cours duquel elles sont ouvertes à l'exécution d'actes représentant un danger pour la tranquilité et la sécurité publiques; il comprend aussi des actions qui ont pour but de déradicaliser ces personnes. - Les actions du pilier `déstabiliser' visent à empêcher des structures, groupements et individus de se préparer matériellement à l'exécution d'infractions terroristes et autres infractions à l'ordre public et, cela va de soi, d'exécuter l'infraction même. Les enquêtes et la poursuite des suspects constituent un aspect important de ce pilier. - Le pilier `protection' comprend toutes les actions visant à veiller sur les cibles et victimes possibles d'actes terroristes potentiels et de les protéger. - Enfin, le pilier `réaction' comprend les actions que la police, en collaboration avec d'autres services, doit préparer pour intervenir de manière adéquate en cas d'incident terroriste afin de réduire les conséquences pour la communauté et de restaurer la vie normale le plus rapidement possible.
Ensuite, ces mêmes informations doivent permettre à l'Organe de coordination pour l'analyse de la menace (OCAM) de réaliser des analyses complètes et de qualité sur la base desquelles la politique des pouvoirs publics peut être concordée et qui doivent permettre de prendre les mesures idoines.
Entre-temps, il est clair que la collecte et le traitement des informations dans ce domaine est et peut être non seulement une mission des services antiterroristes spécialisés de la recherche (fédérale), mais aussi de chaque unité opérationnelle de première ligne de la police intégrée - intervention locale, travail de proximité, police des chemins de fer,... - toujours dans le cadre de ses missions et tâches normales. Pour des raisons d'efficacité et d'efficience, les informations récoltées par toutes les entités doivent être coordonnées et harmonisées en premier lieu au niveau de l'arrondissement. Ce n'est qu'en agissant de la sorte, avec les moyens réduits dont nous disposons, que nous obtiendrons un maximum d'informations et un aperçu le plus complet possible des phénomènes et des défis qu'ils représentent.
Dans chaque arrondissement, le directeur coordonnateur en collaboration avec tous les services concernés est responsable de l'élaboration d'un programme de recherche général et d'un ou de plusieurs programmes de recherche particuliers contenant une description des objectifs et la répartition des tâches. En outre, l'attention ne sera pas uniquement accordée aux groupements, aux personnes potentiellement impliquées dans des activités dans les domaines visés et aux lieux où ces personnes et groupement sont actifs (le volet 'auteur'). Il convient aussi d'accorder de l'attention à la collecte d'informations sur des cibles potentielles afin de détecter d'éventuelles situations suspectes ou des menaces (le volet 'victime').
Les collaborateurs des niveaux local et fédéral font face à une tâche difficile. Les processus de radicalisation ou agissements suspects ayant trait au terrorisme ne sont en effet pas toujours simples à interpréter.
Les responsables des services de police doivent veiller que les collaborateurs de première ligne reçoivent l'appui nécessaire pour mener à bien cette tâche en investissant dans la connaissance et l'expertise.
Premièrement, une formation de qualité doit être dispensée pour apprendre la matière et adopter une attitude adéquate. La police fédérale et les écoles agréées assureront ces formations de manière suffisante, tant durant la formation de base qu'ensuite en formation continuée. Les résultats du projet européen COPPRA peuvent servir de première source d'inspiration, pour donner corps à ces formations.
Ensuite, les collaborateurs des services de première ligne doivent, durant leurs activités quotidiennes, pouvoir compter sur l'avis et l'appui des experts en deuxième ligne dans le domaine du terrorisme et de la radicalisation violente. Les chefs de corps et les chefs de service doivent organiser cet appui au sein du service ou, mieux encore, l'organiser avec les services spécialisés au sein de la police intégrée (CIA, PJF,...) ou à l'extérieur de celle-ci (services de renseignement, OCAM). Les 'Taskforces locales' sont les plates-formes indiquées pour organiser cet appui de deuxième ligne. La continuité au sein de ces services et de cette plate-forme est un élément crucial en vue du développement de l'expertise nécessaire. 4. Collaboration locale des services de sécurité - `Taskforce locale' La police n'est certainement pas seule face à ce défi de taille qu'est la constitution d'un aperçu correct du phénomène de la radicalisation violente. Le suivi de la radicalisation et la lutte contre le terrorisme sont aussi - implicitement ou explicitement - une mission des services de renseignement (Sûreté de l'Etat et Service général de Renseignement et de Sécurité). Il va aussi de soi qu'à tous les niveaux, ils sont des partenaires importants de la police avec laquelle informations et renseignements doivent être échangés et des accords conclus par rapport à la collecte de ces informations. Cet échange (2)interviendra idéalement dans le cadre des `Taskforces locales' qui doivent être mises en place partout dans le pays, par arrondissement (3) ou, en fonction des besoins opérationnels, à un niveau inférieur.
L'OCAM peut aussi contribuer de manière constructive à cette concertation locale et ponctuellement d'autres services publics pourraient être impliqués en fonction des caractéristiques locales.
Ainsi, par exemple, la douane peut s'avérer utile dans les régions englobant une frontière extérieure.
Le parquet local est libre d'y participer ou pas, mais sa présence est vivement recommandée.
En concertation mutuelle et en tenant compte de la loi et des caractéristiques de chacun, les services concernés organisent leur coopération et la traduisent en règles de fonctionnement internes concrètes.
Toutes les entités de police doivent être impliquées dans le fonctionnement de la LTF de leur circonscription. La forme et l'intensité de la participation doivent être interprétées au niveau local en fonction des besoins et sa coordination peut dépendre des habitudes locales. Il va de soi que les différents CIA, vu leur fonction centrale dans le traitement de l'information, seront impliqués de manière intensive. Un rôle stimulant est dévolu aux directeurs coordonnateurs.
Les 'Taskforces locales' seront soutenues et assistées par le service central antiterrorisme de DGJ et par DAO. Les deux services sont censés donner, entre autres, des indications concrètes par rapport aux entités pour lesquelles, dans le cadre du plan radicalisme, un effort d'information particulier doit être livré. Ils formuleront, en concertation mutuelle, les directives et recommandations nécessaires et les diffuseront à tous les services concernés de la police intégrée. Dans l'esprit de la MFO3, il convient de continuer à encourager un échange maximum d'informations dans les deux sens; les informations collectées au niveau local retournent après traitement, enrichissement et analyse au niveau fédéral pour stimuler et diriger de nouvelles actions. 5. Demande Il est encore et toujours capital d'accorder une attention particulière au terrorisme et à la violence extrémiste, y compris la radicalisation violente comme signe précurseur et de continuer à l'aborder de manière globale et intégrée. Je demande à tous les services de la police intégrée de : - créer un environnement professionnel dans lequel les collaborateurs peuvent prêter attention à la radicalisation violente et être soutenus quand nécessaire; - collecter et traiter des informations ciblées et coordonnées - entre eux et avec les services de renseignement - sur la radicalisation violente en exécution des programmes de recherche; - participer activement et à part entière au fonctionnement de la `Taskforce locale'; - sur la base de ces informations, concrétiser les actions prévues dans le programme terrorisme qui sont pertinentes pour votre circonscription.
Je demande tant à la police locale qu'aux services de la police fédérale d'inscrire dans le plan zonal de sécurité ou dans un ou plusieurs plans d'action, les objectifs et activités qu'ils entendent développer. 6. Abrogation La présente circulaire abroge la PLP 37 du 20 décembre 2004. La Vice-Première Ministre et Ministre de l'Intérieur et de l'Egalité des Chances, Mme J. MILQUET _______ Notes (1) Un exemplaire de ce programme peut être réclamé au SPF Intérieure, Direction Générale Sécurité et Prévention.(2) L'échange d'informations entre la police et les services de renseignement est autorisé sur la base de l'article 44/1 de la loi sur la fonction de police (LFP) et de l'article 19 de la loi des services de renseignement et de sécurité. (3) On entend par là les arrondissements judiciaires après la réforme de l'organisation judiciaire.