publié le 05 juin 2019
Circulaire ministérielle relative à l'alarme harcèlement dans le cadre de la violence entre ex-partenaires
SERVICE PUBLIC FEDERAL JUSTICE ET SERVICE PUBLIC FEDERAL INTERIEUR
29 MAI 2019. - Circulaire ministérielle relative à l'alarme harcèlement dans le cadre de la violence entre ex-partenaires
Introduction Selon l'étude « Violence à l'égard des femmes : une enquête à l'échelle de l'UE » réalisée en 2014 par l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne(1), une femme belge sur cinq (24 %) a déjà été victime de harcèlement depuis l'âge de 15 ans. Ce chiffre est beaucoup plus élevé que la moyenne européenne (18 %). 6 % des femmes belges ont signalé avoir été victimes de harcèlement au cours des 12 derniers mois, alors que la moyenne européenne s'élève à 5 %.
Pour 35 % des victimes belges ayant subi une forme de harcèlement depuis l'âge de 15 ans, l'auteur était leur partenaire ; chez un tiers des victimes, le cas de harcèlement le plus grave a duré plus d'un an ; 5 % des victimes seulement indiquent avoir contacté une organisation d'aide aux victimes suite des cas de harcèlement les plus graves et, enfin, la police n'a été informée que d'un tiers de ces cas.
Les chiffres belges de l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes datant de 2010 montrent que 7 % des femmes et 3 % des hommes ont été suivi?e?s, harcelé?e?s ou menacé?e?s de mort par leur ex-partenaire au cours des 12 mois qui ont précédé l'étude. 12,5 % des répondant?e?s ont également déclaré avoir subi au moins un acte de violence commis par leur partenaire ou ex-partenaire au cours des 12 derniers mois(2). En outre, environ 150 personnes en Belgique décèdent chaque année des suites de violence entre partenaires.
En d'autres termes, le harcèlement est un problème auquel les victimes de violence entre partenaires sont fréquemment confrontées. Les cas extrêmes de harcèlement se terminent souvent dans la violence, parfois avec des conséquences fatales. Par conséquent, une alarme harcèlement a été mise au point afin de permettre aux victimes de harcèlement mettant leur vie en danger et commis par leur ex-partenaire d'avertir rapidement les services de secours. Cette alarme peut non seulement sauver des vies, mais le fait que la victime sache que la police sera sur place rapidement a aussi une influence majeure sur sa perception de la sécurité et sur son comportement envers le harceleur. De plus, l'alarme harcèlement est associée à une concertation multidisciplinaire (voir ci-dessous) en vue de mettre fin au harcèlement et de garantir la sécurité de la victime.
La présente circulaire définit les tâches des services de police, notamment les zones de police locales et les centres d'information et de communication (CIC) de la police fédérale, dans ce cadre. 1. Objectif et description de l'alarme harcèlement dans le cadre de la violence entre ex-partenaires Cette circulaire vise les objectifs suivants : - la sensibilisation des fonctionnaires de police en ce qui concerne le phénomène du harcèlement par un ex-partenaire et les conséquences pour la victime ; - la gestion correcte de l'alarme harcèlement par les différents services de police ; - la collecte de toutes les informations nécessaires pour permettre une intervention policière efficace.
L'alarme harcèlement est une application qui a été intégrée dans l'app-112 et qui fonctionne avec un bouton portable relié par bluetooth au smartphone de la victime. Lorsque la victime se trouve en situation de danger imminent et appuie sur le bouton, un appel est lancé au CIC de la police. Au CIC, l'appel entrant est clairement signalé comme provenant d'une alarme harcèlement. Le CIC prend les mesures nécessaires pour envoyer immédiatement une équipe d'intervention de la police à l'endroit indiqué par l'app-112 à la centrale d'urgence. En outre, l'équipe d'intervention est informée des circonstances particulières liées à l'enregistrement de la victime, ce qui permet une intervention plus efficace. Enfin, l'app-112 envoie chaque jour un rapport reprenant diverses informations utiles dans le cadre du suivi de la victime. 2. Définitions - Concertation multidisciplinaire : une concertation entre différentes parties prenantes dont la composition, le fonctionnement et les modalités sont définis dans un protocole établi dans le cadre de l'article 458ter du Code pénal et de la circulaire n° 04/2018 du Collège des Procureurs généraux près les cours d'appel relative à la concertation de cas et au secret professionnel. - Zone de police gestionnaire du dossier : la zone de police du lieu de résidence effectif de la victime qui fait usage de l'alarme harcèlement. - Zone de police lieu d'intervention (faits) : la zone de police responsable du territoire qui couvre l'endroit où la victime se trouve lorsqu'elle lance un appel au 101 par le biais de l'alarme harcèlement. - Protocole : les protocoles locaux relatifs à l'alarme harcèlement dans le cadre de l'article 458ter du Code pénal et de la circulaire n° 04/2018 du Collège des Procureurs généraux près les cours d'appel relative à la concertation de cas et au secret professionnel conclus par le procureur du Roi concerné. - Fonctionnaire de référence violence entre partenaires : le fonctionnaire de référence violence entre partenaires de la zone de police gestionnaire du dossier désigné comme stipulé dans la circulaire commune de la Ministre de la Justice et du Collège des Procureurs généraux du 12 octobre 2015 relative à la politique criminelle en matière de violence dans le couple (COL 4/2006). - Harcèlement : harcèlement tel que défini dans l'article 442bis du Code pénal. 3. Personnes ayant droit à une alarme harcèlement Pour bénéficier de l'alarme harcèlement, une personne doit remplir un certain nombre de conditions: - être victime de harcèlement grave et/ou mettant en danger sa vie, commis par un ex-partenaire, et pouvoir le prouver avec un (des) procès-verbal(-aux).Dans le cas contraire, être prêt?e à faire établir un procès-verbal ; - habiter/résider sur le territoire de la zone de police gestionnaire du dossier ; - ne pas entretenir de contacts volontaires avec l'ex-partenaire (à moins que cela s'avère nécessaire dans le cadre du régime de droit de visite relatif aux enfants) ; - être prêt?e à signer la convention d'utilisation (voir annexe). 4. Procédure d'octroi Les membres de la concertation multidisciplinaire décident de l'octroi de l'alarme harcèlement.Le fonctionnaire de référence violence entre partenaires fait dans tous les cas partie de cette concertation multidisciplinaire.
Lors de cette même concertation multidisciplinaire, l'équipe détermine à quels endroits le CIC apporte son assistance technique et opérationnelle, au moyen d'un « couplage urgent d'information opérationnelle ». Ces endroits comprennent le lieu de résidence et de travail de la victime, ainsi que le lieu de séjour en Belgique autre que le lieu de résidence et/ou de travail, où la victime passe au moins cinq nuits. Comme précisé dans la convention d'utilisation, la victime informe la zone de police gestionnaire du dossier de ce lieu de séjour, de la durée du séjour et tout changement de lieu de résidence et/ou de travail au moins sept jours calendriers auparavant.
La zone de police gestionnaire du dossier, et de préférence le fonctionnaire de référence violence entre partenaires, informe la concertation multidisciplinaire sur cet aspect, comme le mentionne le protocole.
Les adresses approuvées par les membres de la concertation multidisciplinaire situées en dehors du territoire des CIC bénéficient de l'assistance standard apportée lors d'un appel au 101. La victime est informée à ce propos par le biais de la convention d'utilisation.
Après trois mois, la zone de police gestionnaire du dossier, et de préférence le fonctionnaire de référence violence entre partenaires, examine, après un entretien avec la victime et une concertation multidisciplinaire, si la victime répond encore aux conditions lui donnant droit à l'alarme harcèlement. Les abus dans l'utilisation de l'alarme (par exemple des appels qui n'entrent pas dans le cadre du dossier pour lequel l'alarme harcèlement a été attribuée, ou des appels mal intentionnés ou qui ne concernent pas le 101, ou la violation de la convention d'utilisation) entraînent également un réexamen de l'octroi de l'alarme. 5. Programmation et installation de l'alarme a.Programmation i. Zone de police gestionnaire du dossier La zone de police gestionnaire du dossier rassemble tous les éléments nécessaires en vue du soutien opérationnel technique de l'alarme harcèlement et transmet ces éléments au CIC.Il s'agit des éléments suivants : - les informations nécessaires dans le cadre des procédures du « couplage urgent d'information opérationnelle » ; - l'identité et les coordonnées de la victime et de l'ex-partenaire ; - le numéro de gsm de l'appareil sur lequel l'alarme harcèlement a été installée ; - l'adresse du domicile, le lieu de travail et/ou de résidence de la victime ; - la description des faits, des risques et de tous les éléments utiles en vue de mettre sur pied une intervention policière sur place en cas d'appel d'urgence, par exemple l'historique du dossier, l'attitude de l'ex-partenaire, ses antécédents dans d'autres dossiers ; - la date à laquelle débute l'assistance.
Si le lieu de travail et/ou de résidence est situé dans une autre zone de police, la zone de police gestionnaire du dossier fournit à la zone de police compétente pour ce territoire les informations nécessaires à la procédure des « couplage urgent d'information opérationnelle ». Il faut systématiquement indiquer s'il s'agit d'un risque permanent, pendant la durée totale du dossier, ou d'une période temporaire avec une date de début et de fin.
En cas de changements, et lors de la clôture du dossier, la zone de police gestionnaire du dossier est chargée d'informer les partenaires, les zones de police et les CIC impliqués dans le dossier. ii. Zone de police compétente pour le territoire du lieu de travail et/ou résidence Le cas échéant et lorsqu'elle a reçu les informations nécessaires de la part de la zone de police gestionnaire du dossier, la zone de police compétente pour le territoire sur lequel se situe le lieu de travail et/ou de résidence demande au(x) CIC concerné(s) de mettre en oeuvre la programmation nécessaire. iii. CIC Les CIC concernés programment les données de la victime telles qu'elles ont été fournies par la zone de police gestionnaire du dossier ou la zone de police responsable du lieu d'intervention. b. Installation chez la victime La zone de police gestionnaire du dossier, et de préférence le fonctionnaire de référence, parcourt avec la victime la convention d'utilisation jointe en annexe et fournit des explications concernant toutes les obligations.La victime signe la convention d'utilisation.
La zone de police gestionnaire du dossier, et de préférence le fonctionnaire de référence violence entre partenaires, installe, avec la victime, l'app-112 sur un appareil compatible, lui remet le bouton d'alarme et lui en explique l'utilisation. La zone de police gestionnaire du dossier convient d'un rendez-vous avec le CIC afin de tester l'alarme. Le CIC apporte son soutien lors de ce test et vérifie que toutes les informations sont disponibles et correctes, afin de pouvoir apporter l'assistance nécessaire.
La date de réussite du test est en principe également la date à partir de laquelle l'assistance entre en vigueur. 6. Tâches lors d'un appel via l'alarme harcèlement a.CIC Lors de tout appel au 101 dans le cadre de l'alarme harcèlement, il est clairement mentionné qu'il s'agit d'une alarme harcèlement. Le CIC peut ainsi immédiatement informer, conformément aux procédures, et avec toutes les informations disponibles, la zone de police du lieu d'intervention (faits) en vue d'une intervention policière d'urgence. b. Zone de police lieu d'intervention (faits) La zone de police du lieu d'intervention (faits) se rend systématiquement sur place et donne la suite policière nécessaire à l'appel sur base de toutes les informations dont elle dispose grâce à l'alarme harcèlement, et ce également s'il n'y a pas eu de communication lors de l'appel ou si la victime signale une erreur de manipulation, et ce, afin de s'assurer qu'elle n'a pas dit cela « sous la contrainte ». Après l'intervention, l'assistance aux victimes prend contact avec la (les) victime(s) afin de l'accueillir, de l'informer et de la soutenir. 7. Suivi quotidien La zone de police gestionnaire du dossier, et de préférence le fonctionnaire de référence violence entre partenaires, reçoit un rapport quotidien contenant les données suivantes : 1.le nom et le numéro de téléphone de la victime ; 2. s'il y a eu ou non une alarme et, dans l'affirmative, à quel endroit ;3. si le bluetooth a été désactivé ou non et, dans l'affirmative, à quelle fréquence et durant combien de temps ;4. l'état de charge de la batterie du bouton d'alarme ;5. si le téléphone a été en ligne au cours des dernières 24 heures. Lorsqu'une alarme a été lancée, la zone de police gestionnaire du dossier, et de préférence le fonctionnaire de référence violence entre partenaires, active la concertation multidisciplinaire.
Lorsque d'autres irrégularités apparaissent dans le rapport quotidien, la zone de police gestionnaire du dossier, et de préférence le fonctionnaire de référence violence entre partenaires, contacte la victime pour les clarifier et y remédier. Si ces informations indiquent une situation préoccupante, la zone de police gestionnaire du dossier, et de préférence le fonctionnaire de référence violence entre partenaires, active la concertation multidisciplinaire. 8. Evaluation Six mois après la publication de la circulaire, une évaluation doit être effectuée afin d'optimaliser le processus. Bruxelles, 29 mai 2019.
K. PEETERS, Ministre de l'Egalité des chances P. DE CREM, Ministre de l'Intérieur K. GEENS, Ministre de la Justice _______ Notes (1) Données de l'enquête de la FRA sur la violence basée sur le genre à l'égard des femmes, 2012.Cette enquête est basée sur des entretiens en face à face avec 42.000 femmes âgées de 18 à 74 ans issues de toute l'Union européenne, réalisés entre mars et septembre 2012. Le harcèlement y était défini comme tout comportement offensant ou menaçant commis de façon répétée par un seul et même auteur. (2) Les expériences des femmes et des hommes en matière de violence psychologique, physique et sexuelle.IEFH, 2010.
Pour la consultation du tableau, voir image