publié le 14 juin 2011
Circulaire CP4 concernant la gestion négociée de l'espace public pour la police intégrée, structurée à deux niveaux
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11 MAI 2011. - Circulaire CP4 concernant la gestion négociée de l'espace public pour la police intégrée, structurée à deux niveaux
A Mesdames et Messieurs les Gouverneurs, A Mesdames et Messieurs les Bourgmestres, A Mesdames et Messieurs les Présidents des collèges de police, A Mesdames et Messieurs les Chefs de corps de la police locale, A Monsieur le Commissaire général de la police fédérale, Pour info : à Monsieur le Ministre de la Justice, au Président de la Commission permanente de la Police locale Mesdames, Messieurs, 1. Introduction La présente circulaire concerne la police administrative générale et comprend l'élaboration du cadre de référence (1) pour la gestion négociée d'événements (2) et/ou de rassemblements.Ce cadre n'est pas neuf, il est enseigné depuis 2001 dans la formation de base et la formation continuée au sein de différentes écoles de police (3).
Un certain nombre de raisons spécifiques sont à la base de cette circulaire. Le Comité P (4) conclut, sur la base d'observations et d'évaluations de la gestion policière lors d'événements de grande envergure, que le cadre de référence est couramment mais pas toujours respecté et que son application est plutôt fragmentaire. Dans ce même ordre d'idées, le Conseil fédéral de police stipule dans son rapport « 10 ans de réforme des services de police » que le cadre de référence devrait être officialisé comme philosophie générale pour la gestion des événements et la protection des biens, personnes et institutions et que la nécessité d'une circulaire est à cet égard évidente. (5) Finalement, j'ai moi-même constaté que la dernière directive ministérielle en la matière date d'avant la réforme des polices, c'est-à-dire du 10 décembre 1987.
Mon objectif est, via cette circulaire, premièrement de tracer les grandes lignes de la gestion policière lors d'événements dans le domaine de l'ordre public et dans ce cadre de pouvoir proposer une fonction de police identique dans tout le pays. Deuxièmement, je souhaite poser les fondements qui serviront à faire concorder d'autres directives relatives à cette gestion policière.
C'est pourquoi, cette circulaire a pour but - de faire état d'un certain nombre d'évolutions sociales qui ont été importantes en marge du cadre de référence comme l'institutionnalisation de conflits (sociaux), la professionnalisation de l'organisateur dans l'encadrement d'événements et les réactions adaptées à celles-ci de la part des autorités et services de police; - de décrire la notion 'événement (dans le domaine de l'ordre public)' ainsi que la stratégie de 'gestion' attendue dans ce cadre, vu la philosophie d'une fonction de police orientée vers la communauté (6); - d'expliquer les implications quant aux responsabilités et tâches des autorités, services de police et organisateurs. 2. Evolutions sociales Nous savons sur la base d'études historiques que l'expression d'une quelconque protestation a depuis le 19e siècle peu à peu été institutionnalisée dans les pays occidentaux et que les conflits sociaux se sont transformés en une problématique incluant toujours plus de concertations et moins de conflits.Par conséquent, la diminution du nombre d'incidents graves ne serait pas tellement la conséquence de l'utilisation de moyens efficaces de contrôle social mais bien de l'intégration réussie de divergences d'opinion dans le processus de démocratisation. Les formes concrètes d'expression comme les manifestations sont de plus en plus devenues une pratique courante et conventionnelle de participation politique.
Cette évolution va de pair avec la professionnalisation de groupes d'intérêts, incluant la formation de 'stewards' et l'usage de propres services d'ordre. De cette manière, on est petit à petit arrivé au développement de systèmes visant à une gestion mieux négociée de l'espace public.
En effet, depuis la fin des années soixante et le début des années septante, une évolution peut également être observée dans l'approche, par les autorités et les services de police, des manifestations mais aussi d'autres événements dans le domaine de l'ordre public comme les matches de football ou les concerts. Les caractéristiques-clés en sont la communication et la négociation, devenues acceptables, entre les participants à des événements et l'autorité, une meilleure préparation et planification de l'événement et un encadrement plus professionnel de son déroulement. Dans les années quatre-vingt, la notion de 'protection' a aussi de plus en plus occupé le devant de la scène à la suite du drame du Heysel.
En se montrant comme des partenaires de discussion fiables, tous ces acteurs continuent à contribuer au processus de pacification, un terme dans lequel je souhaite englober les trois évolutions ou mouvements.
Certains événements dans le domaine de l'ordre public comme des échauffourées spontanées ne font malheureusement pas partie de ce processus. Le passé nous a toutefois appris qu'il fallait ici aussi jouer au maximum la carte de la concertation et reporter le plus possible l'usage de la contrainte et de la violence. 3. Cadre de référence pour la gestion d'événements et la protection de personnes, de biens et d'institutions Appliquer la fonction de police orientée vers la communauté dans le domaine de l'ordre public signifie avant tout que l'organisateur, les autorités, les services de police et éventuellement d'autres partenaires créent ensemble les conditions d'un déroulement sûr et aisé où les droits et libertés fondamentaux, en particulier la liberté d'expression et de réunion, sont totalement respectés, conformément à la Convention européenne de défense des droits de l'homme (7) ainsi qu'à la Constitution belge coordonnée (8). Ceci se traduit en une stratégie orientée vers la gestion d'événements et la protection des personnes, des biens et des institutions. On entend par événements tout ce qui est susceptible d'avoir un impact sur la tranquillité, la sécurité et la santé publiques : un accident de la route, une explosion, la diffusion de gaz dangereux ou toxiques, un incendie étendu, des transports devant être accompagnés par la police ou des rassemblements. En ce qui concerne ces derniers, certains d'entre eux seront l'expression de conflits plus profonds (par exemple : manifestations, grèves, barrages routiers). D'autres rassemblements, ceux par exemple engendrés par des concerts, des courses cyclistes ou autres, ont un caractère purement récréatif.
Tous ces événements, qu'il s'agisse de protestation ou de rassemblements récréatifs ou même d'accidents de la route ont ceci en commun : ils sont potentiellement porteurs de conflits car soit ils impliquent des personnes tierces devant subir les conséquences de l'événement (des riverains, des automobilistes bloqués par des barrages ou simplement dans des files, des voyageurs victimes de grèves, etc.), soit il existe des conflits entre les groupes impliqués eux-mêmes. Autrement dit, il s'agit de situations qui doivent être gérées et lors desquelles des missions de protection se succèderont.
Gérer et protéger supposent avant tout de rechercher un équilibre entre les exigences, les attentes et les intérêts différents de tous les groupes qui pour l'une ou l'autre raison, volontairement ou non, participent à l'événement ou y sont confrontés. C'est pourquoi, la concertation débutera aussi vite que possible dans le temps et se clôturera lorsque toutes les leçons seront tirées, en concertation avec les différents acteurs.
Dans une stratégie qui se limite à la 'maîtrise', l'accent est mis sur les incidents. Maintenir et si nécessaire rétablir sont au centre de l'élaboration de l'approche. Gérer et protéger constituent un point de départ plus large pour analyser et évaluer l'événement dans sa totalité ainsi que des incidents potentiels en particulier. En d'autres termes, les incidents et leur maîtrise font intégralement partie de la gestion et de la protection. Les deux stratégies - maîtriser et gérer - sont représentées sur un axe temporel qui permet de visualiser l'événement. Les incidents ou troubles de l'ordre potentiels sont décrits à l'aide d'un point d'inition (ou d'embrasement) sur cet axe. Sur ce schéma, on voit la manière dont la gestion englobe effectivement la maîtrise et donc l'incorpore.
L'axe temporel et les stades qu'il représente, constituent également le point de départ de la concrétisation de l'approche dans les différentes activités de résolution de problème qui, chaque fois, correspondent à une phase temporelle précise : provention (avant), prévention (avant), désescalade (pendant), et évaluation et feed-back (après).
Pour la consultation du tableau, voir image La provention concerne l'identification de conditions qui créent un environnement de conflit (avant qu'elles ne se développent complètement et/ou ne soient exprimées), la suppression de ces conditions via des changements structurels et la création de conditions qui créent des liens de coopération. Il n'est pas rare que la provention se situe dans le domaine du bien-être ou dans l'élaboration de réseaux et de partenariats dans les communautés.
La prévention est l'étape suivante et consiste à contrer les effets négatifs une fois que le conflit existe et/ou qu'un rassemblement a lieu. Concrètement, il s'agit d'initiatives préventives qui doivent permettre que le risque d'incidents soit aussi réduit que possible : le choix de l'itinéraire constitue en la matière un bon exemple.
La désescalade renvoie à une situation d'interaction lors de laquelle l'explosion de violence est imminente mais où l'on tente au maximum de l'éviter par le biais de la négociation et de compromis. Si cela ne fonctionne pas, on procède alors à la régulation et, si nécessaire, à la répression.
L'évaluation et le feed-back concernent les leçons à tirer pour des événements futurs. L'élément de responsabilité mais aussi celui d'implication capable sont ici intégrés. En effet, le point de vue de chaque intéressé, en ce qui concerne les événements antérieurs, est précieux. 4. Implications pour les autorités, services de police et organisateurs Les autorités administratives sont chargées d'assurer l'ordre public. C'est pourquoi elles tendent toujours vers une gestion négociée et ont généralement l'initiative dans la concertation préalable aux événements. Lors de cette concertation, les points de vue sont confrontés les uns aux autres et les autorités éclaircissent leur vision par rapport à l'événement. Dans ce cadre, toutes les mesures policières, tous les arrêtés et règlements, considérés comme nécessaires, sont pris. Les seuils de tolérance sont clairement délimités et communiqués à tous les acteurs concernés. Des accords sont pris entre les acteurs ou partenaires de manière réciproque (9), ainsi qu'avec le parquet en ce qui concerne l'application d'une politique de poursuite conséquente pour tous les faits avérés et considérés comme punissables. Il doit être clair que l'autorité administrative reste à tout moment responsable de l'ordre public, y compris par exemple lorsqu'aucun accord n'a été trouvé avec les parties concernées.
La police doit prendre à coeur les mesures visant à assurer l'ordre public, par le biais du dialogue, de la concertation et d'un état d'alerte vraisemblable, elle doit garder l'initiative et ainsi éviter ou limiter d'importants troubles de l'ordre ou échauffourées. La police utilise de manière optimale les mécanismes d'auto-régulation au sein de l'organisation de l'événement. La mise en oeuvre de moyens policiers se fait graduellement, en tenant compte de l'évolution de la situation. La police définit de préférence, et en particulier en ce qui concerne les unités d'intervention, un seuil de visibilité bas et se montre discrète et tolérante par rapport à des rassemblements et manifestations pacifiques. Si la police opte pour une visibilité plus élevée, elle doit alors toujours être consciente de l'impact possible qu'engendre cette visibilité auprès des participants à l'événement. Un tel choix est dès lors fait en concertation et de la manière la plus transparente.
La police oriente ses efforts vers la gestion et la protection par les tâches suivantes : o Elle entretient, avec l'aide ou non d'une personne de contact désignée à cette fin, la communication avec l'organisateur à travers les différentes phases de la gestion d'un événement; o Elle fournit un maximum d'efforts afin d'obtenir les renseignements nationaux ou internationaux pertinents venant des services de police et de renseignements avant, pendant et après l'événement, et elle utilise ces renseignements pour une analyse de risques approfondie à tous les niveaux; o Elle organise toujours un briefing efficace et décrit, dans un ordre d'opération correctement élaboré, l'attitude et le comportement attendus de la part des policiers sur le terrain (10); o Elle encadre les rassemblements de manière professionnelle, c'est à dire qu'elle facilite et essaie de ne pas frustrer ou de ne pas provoquer, et elle apporte une contribution active à la protection de personnes, de biens et d'institutions; o Elle accorde de l'attention à des éléments qui, la plupart du temps, se déroulent en marge de l'événement, par exemple l'aspect 'mobilité', la nuisance possible, la criminalité spécifique qui pourrait aller de pair avec l'événement, la protection de VIP et/ou d'éventuelles menaces terroristes, le renvoi correct pour des déclarations et des plaintes; o Elle prévoit un encadrement adéquat de groupes à risques et, lors d'éventuelles actions policières, la police procède de manière réfléchie, orientée et restreinte afin d'ainsi limiter autant que possible les dégâts, l'escalade éventuelle et la nuisance sociale et de ne pas impliquer les participants pacifiques de manière négative; o Elle effectue des arrestations administratives et judiciaires conformément aux dispositions de la Loi sur la Fonction de police et aux seuils de tolérance des autorités administratives. La police ne procède à des arrestations qu'en cas d'absolue nécessité. Par ailleurs, lorsqu'il s'agit de personnes arrêtées, une attention particulière est portée à leurs droits. Dans le cadre de la politique de poursuite convenue avec le parquet, la police doit fournir des efforts afin d'accroître la charge de la preuve à l'égard des auteurs.
L'organisateur est responsable de la bonne organisation de l'événement en soi et fournit à cette fin les conditions et/ou mesures matérielles. En d'autres termes, il doit consentir tous les efforts possibles afin qu'un événement se déroule de la manière la plus sûre et la plus calme possible. Lorsque c'est possible, il essaie de prévoir un premier encadrement. L'organisateur fonctionne toujours conformément à la réglementation et aux accords conclus lors des réunions de coordination.
Les différents partenaires établissent, en concertation mutuelle et si cela est considéré comme nécessaire, un plan médiatique et de communication concernant l'événement et les groupes qui en font partie.
Mesdames et Messieurs, je souhaite valider, par le biais de cette circulaire, la gestion négociée qui est déjà largement appliquée à l'heure actuelle. Nous vivons dans une démocratie mature et je pense que nous devons tenter d'agir autant que possible en en tenant compte.
Je veux également indiquer la direction à suivre en ce qui concerne les grandes lignes que ce cadre implique. C'est pourquoi je souhaite que ce cadre de référence devienne le fil conducteur pour chaque autorité chargée d'assurer l'ordre public. En outre, il est souhaitable d'actualiser la Circulaire ministérielle de 1987 sur la base du cadre de référence et de la réalité de la police intégrée.
Jusque là, la circulaire est toutefois encore d'application. Enfin, je souhaite que le choix de mesures policières, méthodes, techniques et tactiques, tenue, équipement et moyens soit cohérent avec la stratégie de gestion et de protection, ainsi qu'avec l'attitude discrète qui en découle.
La Ministre de l'Intérieur, Mme A. TURTELBOOM _______ Notes (1) Pour plus d'informations, voir Van Ryckeghem, Dominique, 'De hedendaagse rol van politie bij conflicten in de publieke ruimte : de ontwikkeling van een referentiekader', p.155-178 dans Cahier Politiestudies Social Disorder, 2011/1 (18). (2) A comprendre comme ces événements susceptibles d'avoir un impact sur l'ordre public.(3) Le guide pratique de police 'Gold Commander & Silver Commander. Policing Events. La gestion policière stratégique d'événements en ordre public' de l'Ecole nationale pour Officiers en est la référence. (4) Comité P., Rapport d'observatoire, 2009. (5) Bruggeman et al., 10 ans de réforme des services de police, Conseil fédéral de Police, 2009, p. 62. (6) Circulaire ministérielle CP 1 du 27 mai 2003 concernant la définition de l'interprétation du Community Policing applicable au service de police intégré, structuré à deux niveaux (7) Articles 10 et 11.(8) Articles 19 et 26.(9) Si l'autorité administrative, en fonction de l'analyse de risques, décide d'établir un plan particulier d'urgence et d'intervention, cela doit se faire conformément à l'arrêté royal du 16 février 2006 et aux arrêtés d'exécution qui y sont liés (NPU-1). (10) Un exemple d'un bon ordre d'opération peut être consulté dans le guide pratique de police de l'Ecole nationale pour Officiers.