publié le 12 février 2002
Arrêté royal rendant obligatoire la convention collective de travail n° 80 du 27 novembre 2001, conclue au sein du Conseil national du Travail, instaurant un droit aux pauses d'allaitement
21 JANVIER 2002. - Arrêté royal rendant obligatoire la convention collective de travail n° 80 du 27 novembre 2001, conclue au sein du Conseil national du Travail, instaurant un droit aux pauses d'allaitement (1)
ALBERT II, Roi des Belges, A tous, présents et à venir, Salut.
Vu la loi du 5 décembre 1968Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/12/1968 pub. 22/05/2009 numac 2009000346 source service public federal interieur Loi sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires. - Coordination officieuse en langue allemande fermer sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, notamment les articles 18 et 28;
Vu la demande du Conseil national du Travail;
Sur la proposition de Notre Ministre de l'Emploi, Nous avons arrêté et arrêtons :
Article 1er.Est rendue obligatoire la convention collective de travail n° 80, reprise en annexe, conclue le 27 novembre 2001 au sein du Conseil national du Travail, instaurant un droit aux pauses d'allaitement.
Art. 2.Notre Ministre de l'Emploi est chargé de l'exécution du présent arrêté.
Donné à Bruxelles, le 21 janvier 2002.
ALBERT Par le Roi : La Ministre de l'Emploi, Mme L. ONKELINX _______ Note (1) Référence au Moniteur belge : Loi du 5 décembre 1968Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/12/1968 pub. 22/05/2009 numac 2009000346 source service public federal interieur Loi sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, Moniteur belge du 15 janvier 1969. Annexe Conseil national du Travail Convention collective de travail n° 80 du 27 novembre 2001, conclue au sein du Conseil national du Travail, instaurant un droit aux pauses d'allaitement Enregistrée le 5 décembre 2001 sous le n° 60071/CO/300 Vu la loi du 5 décembre 1968Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/12/1968 pub. 22/05/2009 numac 2009000346 source service public federal interieur Loi sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires. - Coordination officieuse en langue allemande fermer sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires;
Vu la Charte sociale européenne et plus particulièrement son article 8, § 3 relatif à la rémunération des pauses d'allaitement;
Vu la Convention n° 183 de l'Organisation internationale du Travail concernant la révision de la convention (révisée) sur la protection de la maternité, 1952 et plus spécialement son article 10 instituant un droit aux pauses d'allaitement;
Vu la loi du 16 mars 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/03/1971 pub. 28/10/1998 numac 1998000346 source ministere de l'interieur Loi sur le travail - Traduction allemande fermer sur le travail et plus particulièrement son article 40;
Vu le Règlement général pour la protection du travail et plus spécifiquement, ses articles 88, alinéa 5, 100 et 101, § 3.
Considérant le choix opéré par les interlocuteurs sociaux de régler l'octroi d'un droit aux pauses d'allaitement et ses modalités d'exercice par voie de convention collective de travail;
Considérant l'avis n° 1.377 par le Conseil national du Travail le 27 novembre 2001 et formulant des propositions quant au principe du financement ainsi qu'aux modalités d'indemnisation des pauses d'allaitement.
Les organisations interprofessionnelles d'employeurs et de travailleurs suivantes : - la Fédération des Entreprises de Belgique - les organisations nationales des Classes moyennes, agréées conformément aux lois relatives à l'organisation des Classes moyennes coordonnées le 28 mai 1979 - "De Boerenbond" - la Fédération wallonne de l'Agriculture - la Confédération des Syndicats chrétiens de Belgique - la Fédération générale du Travail de Belgique - la Centrale générale des Syndicats libéraux de Belgique ont conclu, le 27 novembre 2001 au sein du Conseil national du Travail, la convention collective de travail suivante. CHAPITRE Ier. - Portée de la convention
Article 1er.Dans la ligne de la Convention n° 183 de l'Organisation internationale du Travail concernant la révision de la convention (révisée) sur la protection de la maternité, 1952 et de la Charte sociale européenne, la présente convention collective de travail a pour objet d'instaurer un droit à des pauses d'allaitement dans les conditions et modalités fixées ci-après.
Les pauses d'allaitement visent l'allaitement de l'enfant au lait maternel et/ou doivent permettre à la mère de tirer son lait. CHAPITRE II. - Champ d'application
Art. 2.La présente convention collective de travail s'applique aux travailleuses engagées dans les liens d'un contrat de travail, ainsi qu'aux employeurs qui les occupent. CHAPITRE III. - Droit aux pauses d'allaitement
Art. 3.La travailleuse a, selon les modalités fixées aux chapitres IV et V de la présente convention, le droit de suspendre l'exécution de son contrat de travail afin d'allaiter son enfant au lait maternel et/ou de tirer son lait.
Commentaire Le droit à des pauses d'allaitement que consacre le présent article consiste en une suspension du contrat de travail. Comme telle, cette suspension n'est pas rémunérée par l'employeur.
Toutefois, la travailleuse a droit à sa rémunération qu'elle perçoit sous la forme d'une indemnité à charge du secteur de l'assurance maladie-invalidité et dont le financement est solidarisé.
Art. 4.§ 1er. En principe, pour allaiter et/ou tirer son lait, la travailleuse utilise l'endroit discret, bien aéré, bien éclairé, propre et convenablement chauffé qui, en exécution de l'article 88, alinéa 5 du Règlement général pour la protection au travail, est mis par l'employeur à la disposition des femmes enceintes et des mères allaitantes afin qu'elles aient la possibilité de se reposer en position allongée dans des conditions appropriées. § 2. Par référence à l'article 100 du Règlement général pour la protection au travail, un endroit de l'habitation de l'employeur peut tenir lieu d'endroit où la travailleuse allaite et/ou tire son lait, pour autant qu'il soit utilisable comme tel et à condition : a) qu'il s'agisse d'un établissement dont le nombre de travailleuses pouvant être appelées à l'utiliser n'excède pas au total 10 unités;b) que l'habitation comprenne le lieu de travail lui-même ou soit contiguë à ce dernier ou bien encore qu'elle se trouve à très peu de distance, de manière qu'il n'en résulte aucune perte de temps appréciable pour les travailleuses qui devront s'y rendre;c) que dans cette habitation, les installations requises soient effectivement mises à la disposition des travailleuses;d) que l'utilisation de ces installations ait lieu dans toutes les conditions de décence désirables;e) que l'employeur autorise les médecins-inspecteurs du travail, les visiteurs(euses) d'hygiène du travail à inspecter, pendant les heures de travail, les installations de son habitation mises à la disposition des travailleuses qui allaitent et/ou tirent leur lait. § 3. Par référence à l'article 101, § 3 du Règlement général pour la protection au travail, dans les galeries commerciales, l'endroit mis à la disposition des travailleuses qui allaitent et/ou tirent leur lait pourra être commun à plusieurs employeurs. § 4. Par dérogation aux §§ 1er, 2 et 3, la travailleuse et son employeur peuvent convenir d'un autre endroit où la travailleuse allaite et/ou tire son lait.
Commentaire L'objectif, aux termes du présent article, est de spécifier par rapport au droit aux pauses d'allaitement, les dispositions du Règlement général pour la protection au travail prévues en matière de locaux de repos.
L'autre endroit convenu, en application du § 4 du présent article, entre la travailleuse et son employeur, peut, à titre d'exemple, consister en un autre endroit de l'entreprise que celui visé aux §§ 1er, 2 et 3 et notamment la crèche de l'entreprise, ou une crèche située en dehors de l'entreprise ou le domicile de la travailleuse. CHAPITRE IV. - Modalités de l'exercice du droit aux pauses d'allaitement
Art. 5.§ 1er. La pause d'allaitement est d'une demi-heure. § 2. La travailleuse dont les prestations sont, au cours d'une journée de travail, de 4 heures ou plus a droit à une pause sur cette journée.
La travailleuse dont les prestations sont, au cours d'une journée de travail, d'au moins 7 heures 30 a droit à deux pauses sur cette journée. § 3. Lorsque la travailleuse a droit à deux pauses au cours d'une journée de travail, elle peut les prendre en une ou deux fois sur cette même journée. § 4. La durée de la ou des pause(s) visée(s) au § 2 du présent article est incluse dans la durée des prestations de la journée de travail.
Commentaire Aux termes du présent article, la travailleuse qui allaite et/ou tire son lait a droit selon la durée de ses prestations par journée de travail considérée, à une ou deux pause(s) à prendre pendant ce même jour de travail.
Les heures de travail prises en compte pour déterminer le nombre de pauses auquel la travailleuse a droit par jour de travail, sont les heures de travail effectivement prestées au cours de la journée de travail considérée.
A titre d'exemple : Une travailleuse preste 18 heures de travail par semaine, réparties comme suit : un jour elle preste 3 heures, un autre 7 heures et un troisième 8 heures.
Elle ne bénéficie pas de pause pour la journée pendant laquelle elle preste 3 heures, ses prestations de travail n'atteignant pas la durée de la journée de travail prévue au § 2, alinéa 1er du présent article.
Elle a droit à une pause pour la journée pendant laquelle elle preste 7 heures. Concrètement, ce jour-là , elle prend une pause et preste effectivement 6 heures 30 de travail conformément au § 2, alinéa 1er et au § 4 du présent article.
Elle a droit à deux pauses pour la journée pendant laquelle elle preste 8 heures. Concrètement, ce jour-là , elle prend deux pauses et preste effectivement 7 heures de travail conformément au § 2, alinéa 2, § 3 et § 4 du présent article.
Art. 6.La période totale pendant laquelle la travailleuse a le droit de prendre des pauses d'allaitement est de 7 mois à partir de la naissance de l'enfant.
Art. 7.Dans des circonstances exceptionnelles liées à l'état de santé de l'enfant, attestées par un certificat médical, la période totale pendant laquelle la travailleuse a le droit de prendre des pauses d'allaitement peut être prolongée d'au maximum deux mois.
Commentaire Est notamment considérée, aux termes du présent article, comme une circonstance exceptionnelle, la naissance prématurée de l'enfant.
Art. 8.§ 1er. Le(s) moment(s) de la journée au(x)quel(s) la travailleuse peut prendre la ou les pauses d'allaitement est (sont) à convenir entre celle-ci et son employeur. § 2. A défaut d'accord, les pauses d'allaitement suivent ou précédent directement les temps de repos prévus au règlement de travail.
Commentaire La (les) pause(s) convenue(s) entre la travailleuse et son employeur peut (peuvent) être prises à tout moment de la journée de travail.
En outre, il va de soi qu'en fonction de l'évolution de l'allaitement, la travailleuse et l'employeur peuvent toujours de commun accord revoir le ou les moments des prises des pauses d'allaitement tel(s) que convenu(s) en application du § 1er du présent article. CHAPITRE V. - Modalités d'attestation et de notification de l'exercice du droit aux pauses d'allaitement
Art. 9.§ 1er. La travailleuse qui souhaite obtenir le bénéfice de la présente convention en avertit son employeur 2 mois à l'avance.
Le délai de 2 mois peut être réduit de commun accord entre l'employeur et la travailleuse. § 2. La notification de l'avertissement se fait par lettre recommandée ou par la remise d'un écrit dont le double est signé par l'employeur au titre de réception.
Art. 10.§ 1er. Le droit aux pauses d'allaitement est accordé moyennant la preuve de l'allaitement. § 2. La preuve de l'allaitement est apportée à partir du début de l'exercice du droit aux pauses d'allaitement, au choix de la travailleuse, par une attestation d'un centre de consultation des nourrissons (O.N.E. ou Kind en gezin) ou par un certificat médical. § 3. Une attestation ou un certificat médical doit ensuite être remis par la travailleuse chaque mois à l'employeur, à la date anniversaire de l'exercice du droit aux pauses d'allaitement. CHAPITRE VI. - Protection contre le licenciement
Art. 11.§ 1er. L'employeur qui occupe une travailleuse allaitante et/ou tirant son lait ne peut faire un acte tendant à mettre fin unilatéralement à la relation de travail à partir du moment où il a été informé de l'exercice du droit visé au chapitre III de la présente convention jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois prenant cours le jour suivant l'expiration de validité de la dernière attestation ou du dernier certificat médical visés à l'article 10 de la présente convention, sauf pour des motifs étrangers à l'état physique résultant de l'allaitement et/ou du tirage du lait. § 2. La charge de la preuve de ces motifs incombe à l'employeur. A la demande de la travailleuse, l'employeur lui en donne connaissance par écrit. § 3. Si le motif invoqué à l'appui du licenciement ne répond pas aux prescriptions de l'alinéa 1er du présent article, ou à défaut de motif, l'employeur payera à la travailleuse une indemnité forfaitaire égale à la rémunération brute de 6 mois, sans préjudice des indemnités dues à la travailleuse en cas de rupture du contrat de travail. § 4. L'indemnité versée à la travailleuse en application du § 3 du présent article ne peut être cumulée avec celle prévue à l'article 40, § 3 de la loi du 16 mars 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/03/1971 pub. 28/10/1998 numac 1998000346 source ministere de l'interieur Loi sur le travail - Traduction allemande fermer sur le travail. § 5. Les règles de cumul applicables à l'indemnité prévue à l'article 40, § 3 de la loi du 16 mars 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/03/1971 pub. 28/10/1998 numac 1998000346 source ministere de l'interieur Loi sur le travail - Traduction allemande fermer sur le travail, le sont également à l'indemnité visée au § 3 du présent article. CHAPITRE VII. - Dispositions finales
Art. 12.La présente convention produit ses effets à partir du 1er juillet 2002.
Elle est conclue pour une durée indéterminée.
Elle pourra être révisée ou dénoncée à la demande de la partie signataire la plus diligente, moyennant un préavis de six mois.
L'organisation qui prend l'initiative de la révision ou de la dénonciation doit en indiquer les motifs et déposer des propositions d'amendements que les autres organisations s'engagent à discuter au sein du Conseil national du Travail dans le délai d'un mois de leur réception.
Bruxelles, le 27 novembre 2001.
Vu pour être annexé à l'arrêté royal du 21 janvier 2002.
La Ministre de l'Emploi, Mme L. ONKELINX
AVIS N° 1.377 FORMULANT DES PROPOSITIONS QUANT AU PRINCIPE DU FINANCEMENT AINSI QU'AUX MODALITES D'INDEMNISATION DES PAUSES D'ALLAITEMENT Séance du mardi 27 novembre 2001 Objet : Convention - OIT concernant la révision de la convention sur la protection de la maternité - Pauses d'allaitement Suite à l'adoption par la Conférence internationale du travail en juin 2000 d'une nouvelle convention (n° 183) sur la protection de la maternité, Mme ONKELINX, Ministre de l'Emploi, a demandé au Conseil national du Travail, dans sa lettre du 30 juin 2000, d'actualiser le point de vue qu'il avait adopté lors de la préparation de cette convention en ce qui concerne l'octroi de pauses d'allaitement aux travailleuses (avis n° 1.292 du 17 novembre 1999).
L'examen de cette question a été confié à la Commission des Relations individuelles du travail.
Au cours des discussions au sein de la commission, la saisine a été élargie par le Bureau du Conseil pour comprendre tous les problèmes devant être réglés afin de mettre le droit belge en conformité avec cette convention.
Sur rapport de la commission, le Conseil a conclu, le 27 novembre 2001, la convention collective de travail n° 80 instaurant le droit à des pauses d'allaitement rémunérées.
Sur la base des discussions en commission, le Conseil a émis à la même date l'avis unanime suivant.
AVIS DU CONSEIL NATIONAL DU TRAVAIL I. INTRODUCTION A. Historique de la saisine Le Conseil rappelle qu'au cours de sa 88e session (juin 2000), la Conférence internationale du travail a adopté, le 15 juin 2000, une nouvelle convention n° 183 concernant la protection de la maternité (ainsi qu'une nouvelle recommandation, n° 191).
Il rappelle également que, depuis que la question de la révision de la convention n° 103 et de la recommandation n° 95 concernant la protection de la maternité a été inscrite à l'ordre du jour de la Conférence internationale du travail, il a déjà émis deux avis sur cette problématique.
Le 16 juin 1998, le Conseil a émis l'avis n° 1.237 dans lequel il formulait des remarques sur un certain nombre de points du questionnaire adressé aux Gouvernements, qui était inclus dans le premier rapport du Bureau international du travail sur cette problématique.
Suite à la demande d'avis concernant les projets de convention et de recommandation, le Conseil a émis le 17 novembre 1999 l'avis n° 1.292.
Entre-temps, le Conseil s'était prononcé, le 17 juillet 1998, sur le 13e rapport du Comité gouvernemental de la Charte sociale européenne qui avait donné un avertissement à la Belgique parce que, en contradiction avec la Charte, les employeurs en Belgique ne sont pas légalement tenus d'octroyer des pauses d'allaitement rémunérées aux travailleuses pendant les heures de travail (1) (avis n° 1.242).
B. Contexte de la saisine En vue d'une ratification éventuelle de la nouvelle convention n° 183 (2) Mme ONKELINX, Ministre de l'Emploi, a demandé au Conseil national du Travail, dans sa lettre du 30 juin 2000, d'actualiser le point de vue qu'il avait adopté lors de la préparation de cette convention en ce qui concerne l'octroi de pauses d'allaitement aux travailleuses (avis n° 1.292 du 17 novembre 1999).
Pour ce qui concerne le principe des pauses d'allaitement, le Conseil avait déclaré, dans son avis n° 1.292 : "Le Conseil est d'avis que le droit pour la mère de choisir librement d'allaiter son enfant et la possibilité matérielle d'exercer ce libre choix doivent être garantis dans le dispositif. Toutefois, la façon de permettre que ce choix soit effectif devrait être laissée à l'appréciation des Etats Membres qui prendront les mesures appropriées en fonction de leur culture nationale. » Après examen de la problématique par la Commission des Relations individuelles du travail, le Bureau du Conseil a toutefois estimé qu'une approche cohérente de la problématique de la protection de la maternité nécessitait que le Conseil examine la mise en oeuvre de la Convention-OIT n° 183 dans sa totalité en vue d'émettre un avis global.
La Ministre s'est ralliée à l'avis du Bureau dans sa lettre du 11 janvier 2001.
Lorsque, dernièrement, le Conseil a été saisi de trois propositions de loi relatives au congé de maternité (3) alors qu'il avait déjà entamé ses travaux sur la mise en conformité du droit belge avec la nouvelle Convention-OIT, il a décidé de terminer d'abord ces travaux, et de communiquer ensuite ses conclusions au Parlement dans une perspective d'approche interactive de la problématique (avis n° 1.353 du 15 mai 2001).
Le 23 juillet 2001, M. A. DE DECKER, président du Sénat, a également demandé l'avis du Conseil au sujet d'un certain nombre de propositions de loi relatives au congé de maternité.
II. POSITION DU CONSEIL NATIONAL DU TRAVAIL Le Conseil a examiné de façon approfondie la problématique de la protection de la maternité, à la lumière de la nouvelle Convention-OIT n° 183 et de la Charte sociale européenne. Le Conseil a mené son examen sur la base d'une note du Ministère de l'Emploi et du Travail sur la mise en conformité du droit du travail belge avec la Convention-OIT n° 183, qui lui avait été envoyée par la Ministre de l'Emploi.
Dans le cadre de cet examen, il avait déjà pris connaissance de l'avis du Conseil de l'Egalité des Chances entre hommes et femmes du 14 juillet 2000, qui lui avait été transmis par la Présidente de ce Conseil.
Le Conseil a décidé d'examiner avec la plus grande attention la mise en conformité du droit belge avec les sources de droit internationales susmentionnées en ce qui concerne, premièrement, l'obligation de prévoir des pauses d'allaitement rémunérées pendant les heures de travail pour les travailleuses, deuxièmement, l'obligation de prévoir un congé complémentaire en cas de maladie, de complications ou de risque de complications résultant de la grossesse ou de l'accouchement et, troisièmement, l'interdiction de principe d'exiger d'une femme candidate à un emploi un test de grossesse ou un certificat concernant un test de ce type.
A. Pauses d'allaitement Le Conseil fait observer que la nouvelle Convention-OIT n° 183 prévoit en son article 10 qu'une travailleuse a droit à une ou plusieurs pauses quotidiennes ou à une réduction journalière de la durée du travail pour allaiter son enfant et que ces pauses ou cette réduction doivent être comptées comme temps de travail et rémunérées en conséquence.
Il souligne également que les parties contractantes s'engagent dans l'article 8, § 3 de la Charte sociale européenne "en vue d'assurer l'exercice effectif du droit des travailleuses à la protection, à assurer aux mères qui allaitent leurs enfants des pauses suffisantes à cette fin".
Le Conseil conclut qu'une ratification éventuelle de la Convention-OIT n° 183 par la Belgique nécessite donc, d'une part, que les travailleuses belges aient le droit de prendre des pauses d'allaitement, et, d'autre part, que, pour cela, une compensation financière soit prévue.1. La convention collective de travail n° 80 instaurant un droit aux pauses d'allaitement Le Conseil constate que la réglementation belge comprend un certain nombre de mesures visant à la sécurité et à la santé des travailleuses enceintes ou allaitantes et/ou de leurs enfants (congé de maternité, congé de prophylaxie, suspension du contrat de travail pour subir des examens médicaux liés à la grossesse, limitation du travail de nuit et des heures supplémentaires, congé de paternité, congé parental) mais que les travailleuses belges n'ont aucun droit effectif à un congé d'allaitement. Pour remédier à ce problème, le Conseil a décidé de mettre en place un cadre conventionnel (la convention collective de travail n° 80 instaurant un droit aux pauses d'allaitement) qui impose aux employeurs en Belgique l'obligation d'accorder aux travailleuses des pauses d'allaitement pendant les heures de travail, aux conditions déterminées dans cette convention collective de travail.
Il fait observer que la convention collective de travail qui a été conclue en son sein en vue d'instaurer le droit à des pauses d'allaitement lie l'exercice de ce droit aux principes suivants : - en ce qui concerne la durée du droit : les travailleuses ont droit à des pauses d'allaitement jusqu'à 7 mois après la naissance de leur enfant (9 mois dans des cas exceptionnels). - en ce qui concerne la durée des pauses d'allaitement : la travailleuse a droit, selon la durée de ses prestations par journée de travail, à une ou deux pause(s) à prendre pendant ce même jour de travail. Un temps de travail effectif d'au moins 4 heures donne droit à une pause; un temps de travail effectif de 7 heures 30 ou plus donne droit à deux pauses. Une pause dure une demi-heure. S'il s'agit de deux pauses, celles-ci peuvent être prises en deux périodes d'une demi-heure chacune ou en une seule période d'une heure. La durée des pauses est incluse dans la durée des prestations de la journée de travail. - en ce qui concerne les modalités de l'exercice du droit : la travailleuse avertit son employeur deux mois à l'avance de son intention d'utiliser son droit à des pauses d'allaitement, bien que ce délai puisse être réduit de commun accord entre l'employeur et la travailleuse; elle apporte la preuve de l'allaitement par une attestation de l'ONE ou de « Kind en Gezin » ou par un certificat médical (à renouveler chaque mois) et elle peut convenir avec son employeur du moment où elle prend les pauses; à défaut d'accord, les pauses suivent ou précèdent directement les temps de repos prévus dans le règlement de travail. - en ce qui concerne la protection contre le licenciement : la travailleuse utilisant son droit à des pauses d'allaitement est protégée contre le licenciement pour des raisons liées à l'allaitement ou au fait qu'elle tire son lait, depuis le moment où elle a informé son employeur de son intention d'exercer son droit aux pauses d'allaitement jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois prenant cours le jour suivant l'expiration de validité de l'attestation de l'ONE ou de « Kind en Gezin », ou du certificat médical.
Le Conseil est d'avis que, de la sorte, la Belgique satisfait aux exigences résultant des sources de droit internationales susmentionnées et qu'elle offre aux femmes qui allaitent la possibilité de reprendre le travail dès que possible, évite qu'elles soient victimes de discriminations, et veille à ce qu'elles aient la garantie de pouvoir choisir d'allaiter ou non leur enfant.
Il ajoute que cette convention collective de travail ne concerne évidemment que les employeurs et les travailleurs auxquels s'applique la loi du 5 décembre 1968Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/12/1968 pub. 22/05/2009 numac 2009000346 source service public federal interieur Loi sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires. - Coordination officieuse en langue allemande fermer sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires.
Le Conseil estime opportun qu'il soit élaboré un règlement, analogue à celui de la convention collective de travail conclue en son sein, qui tiendra compte des spécificités des procédures dans le secteur public.
Il demande par conséquent que le gouvernement prenne les dispositions nécessaires à cet effet, en concertation avec les organisations syndicales représentatives du personnel des services publics. 2. Mesures d'accompagnement Le Conseil fait observer que la nouvelle Convention-OIT n° 183 exige en son article 10.2 que les pauses d'allaitement soient rémunérées comme temps de travail.
Il estime nécessaire, pour que la convention puisse produire tous ses effets, que les autorités compétentes prennent les mesures adéquates afin d'assurer la compensation financière des pauses d'allaitement pour les travailleuses.
Il propose que cela se fasse en tenant compte d'un certain nombre de principes qu'il expose dans le présent avis.
Le droit à des pauses d'allaitement est un élément de la protection de la maternité. Pour cette raison, le Conseil opte pour le système de l'assurance-maternité comme cadre de référence pour la compensation financière des travailleuses qui exercent leur droit à des pauses d'allaitement.
En ce qui concerne le financement du système, le Conseil propose que le risque soit solidarisé, comme c'est le cas pour l'assurance-maternité.
En ce qui concerne le montant de l'allocation pour les pauses d'allaitement, il propose que la travailleuse reçoive le même montant que pour l'allocation de maternité, soit 82 % du salaire non plafonné.
Le Conseil demande aux instances compétentes de mettre en place une procédure qui soit la plus simple, la plus souple et la plus efficace possible, vu le souhait exprimé par les partenaires sociaux d'un paiement mensuel. Les employeurs doivent communiquer à l'instance compétente les données nécessaires au paiement, et, en aucun cas, la procédure de paiement ne peut compromettre l'accès au droit.
Le Conseil souligne en outre que les pauses d'allaitement, bien qu'elles consistent, selon les termes de la convention collective de travail conclue en son sein, en une suspension de l'exécution du contrat de travail avec garantie de revenu mais sans maintien de salaire à charge de l'employeur, doivent être considérées comme temps de travail pour l'application de la législation sociale, et en particulier en ce qui concerne le bénéfice des droits de la sécurité sociale.
Enfin, il demande à être consulté sur les dispositions réglementaires qui doivent être prises en exécution du présent avis.
Le Conseil insiste pour que cette consultation ait lieu en temps opportun afin que ces dispositions réglementaires soient prises au moment où la convention collective de travail n° 80 entrera en vigueur, soit le 1er juillet 2002.
B. Congés complémentaires Le Conseil constate que la Convention-OIT n° 183 prévoit en son article 5 qu'un congé doit être accordé à la travailleuse, avant ou après la période de congé de maternité, sur présentation d'un certificat médical, en cas de maladie, complications ou risque de complications résultant de la grossesse ou de l'accouchement. La nature et la durée maximale de ce congé peuvent être précisées conformément à la législation et à la pratique nationales.
Après un examen approfondi de la question, le Conseil est parvenu à la conclusion que la réglementation actuelle du congé de maternité telle qu'elle existe en Belgique prévoit, dans son ensemble, une protection équilibrée de la (future) mère et de son enfant et que, en tant que telle, elle est en conformité avec les objectifs de la convention susmentionnée.
Il est par conséquent d'avis qu'il n'est pas nécessaire, pour l'instant, que les autorités apportent à la réglementation du congé de maternité des modifications, qui pourraient perturber cet équilibre.
Le Conseil considère toutefois que toute réglementation peut être améliorée. A cet égard, il souligne que la protection de la maternité est une matière qui relève traditionnellement du champ de compétence des partenaires sociaux. Le Conseil, considérant que cette problématique devrait plutôt être débattue dans le cadre de négociations globales, ce qui permettrait qu'elle soit traitée de façon intégrée et cohérente, estime préférable qu'elle soit examinée lors des prochaines négociations en vue d'un accord interprofessionnel.
Les partenaires sociaux réunis au sein du Conseil s'engagent dès lors à discuter de la problématique du congé de maternité dans tous ses aspects lors des négociations qui seront menées en vue de la conclusion d'un accord interprofessionnel pour la période 2003-2004.
C. Tests de grossesse Le Conseil constate que la Convention-OIT n° 183 précise en son article 9 que tout membre doit adopter des mesures propres à garantir que la maternité ne constitue pas une source de discrimination en matière d'emploi, y compris d'accès à l'emploi. En outre, elle dispose que ces mesures doivent comprendre l'interdiction d'exiger d'une femme qui pose sa candidature à un poste qu'elle se soumette à un test de grossesse ou qu'elle présente un certificat attestant ou non de l'état de grossesse, sauf lorsque la législation nationale le prévoit pour des travaux qui : - sont interdits, totalement ou partiellement, en vertu de la législation nationale, aux femmes enceintes ou à celles qui allaitent, ou - comportent un risque reconnu ou significatif pour la santé de la femme et de l'enfant.
Le Conseil fait observer qu'aux termes de la note précitée du Ministère de l'Emploi et du Travail, il est admis dans la pratique en Belgique que l'employeur puisse demander à une femme qui pose sa candidature à un poste un test de grossesse ou un certificat concernant un test de ce type, lorsque l'évaluation obligatoire des risques montre que la fonction pourrait être préjudiciable à la sécurité ou à la santé de la travailleuse enceinte.
Il souligne que cette pratique s'inscrit dans le cadre de la réglementation relative au congé de prophylaxie : dès qu'une travailleuse enceinte a mis son employeur au courant de sa situation, ou qu'après l'accouchement, elle l'a informé du fait qu'elle allaite son enfant, et lorsque l'évaluation générale montre l'existence d'un risque pour la sécurité ou la santé de la travailleuse ou de son enfant, elle doit se soumettre à un examen médical, selon les dispositions du RGPT; le médecin propose une mesure afin d'éviter l'exposition de la travailleuse au risque (articles 41bis et 42 de la loi sur le travail; arrêté royal du 2 mai 1995).
Le Conseil demande que les instances compétentes veillent à ce que l'interdiction de principe prévue dans la Convention-OIT soit inscrite dans le droit belge et que les dérogations jugées nécessaires soient décrites clairement dans la réglementation.
Le Conseil a jugé opportun de poursuivre son examen de la problématique du congé de maternité dans le cadre de la Convention-OIT avant de se pencher sur les propositions de loi dont M. A. DE DECKER l'a saisi le 23 juillet 2001.
La nouvelle convention collective de travail n° 80 et le présent avis sont un premier résultat substantiel de cet examen et offrent déjà une réponse aux propositions des parlementaires dans le cadre de cette problématique.
En outre, comme indiqué dans le présent avis, les partenaires sociaux réunis au sein du Conseil prennent l'engagement d'examiner la problématique du congé de maternité dans tous ses aspects lors des négociations qui seront menées en vue de la conclusion d'un accord interprofessionnel pour la période 2003-2004. Ils sont en effet d'avis que cette matière relève traditionnellement du champ de leur compétence et qu'il serait préférable qu'elle soit débattue dans le cadre de négociations globales. (1) La Belgique a ratifié l'article 8, § 3 de la Charte sociale européenne par la loi du 11 juillet 1990.Lors de l'examen de la problématique, le Conseil a pris connaissance de l'avis du Conseil de l'Egalité des Chances entre hommes et femmes, du 12 mars 1999. (2) La Convention-OIT n° 103 n'a pas été ratifiée par la Belgique.(3) Saisine de M.H. DE CROO, Président de la Chambre des représentants, en date du 27 mars 2001.