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Arrêté Ministériel du 18 avril 2023
publié le 24 mai 2023

Arrêté ministériel classant, comme momument, en raison de leurs intérêts architectural, artistique et technique qui satisfont aux critères d'authenticité, d'intégrité, de représentativité et de rareté, certaines parties de la Maison Van der Schrick à Liège

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service public de wallonie
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2023015323
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24/05/2023
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18/04/2023
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SERVICE PUBLIC DE WALLONIE


18 AVRIL 2023. - Arrêté ministériel classant, comme momument, en raison de leurs intérêts architectural, artistique et technique qui satisfont aux critères d'authenticité, d'intégrité, de représentativité et de rareté, certaines parties de la Maison Van der Schrick à Liège


La Ministre du Patrimoine, Vu le Code Wallon du Patrimoine, les articles 16,17, 18, 21, 23 et R.18 ;

Vu l'arrêté du Gouvernement wallon du 13 janvier 2022 fixant la répartition des compétences entre les Ministres et réglant la signature des actes du Gouvernement ;

Considérant la Déclaration de Politique Régionale (2019-2024) qui, en son chapitre 26 « Le Patrimoine », propose de : - « mener rapidement à bien l'inventaire du patrimoine en danger, notamment le patrimoine industriel et l'architecture du XXème siècle » ; - « dynamiser la concertation entre la Wallonie, la Région de Bruxelles-Capitale et la Fédération Wallonie-Bruxelles afin de mener des projets communs de valorisation du patrimoine » ;

Considérant que la maison Van der Schrick a été sélectionnée comme dossier prioritaire conjointement par la Fédération Wallonie-Bruxelles et l'Agence wallonne du Patrimoine dans le cadre du travail de recensement effectué en réponse aux deux points énoncés ci-dessus ;

Considérant que le bien est inscrit pastillé à l'Inventaire régional ;

Considérant que ce bien est repris dans le guide « architecture moderne et contemporaine (1895-2014) - LIEGE publié par la Cellule Architecture de la Fédération-Wallonie-Bruxelles avec l'aide de l'Agence wallonne du Patrimoine ;

Considérant la fiche patrimoniale rédigée par l'Agence wallonne du Patrimoine en février 2022 ;

Considérant la décision ministérielle du 17 octobre 2022 d'entamer la procédure d'enquête en vue du classement, au titre de monument, de certaines parties de la Maison Van der Schrick, à savoir : - les façades et toitures ; - les structures portantes dont les dalles de béton du rez-de-chaussée et du deuxième étage (correspondant à la toiture d'origine avec citerne d'eau de pluie) ; - le hall d'entrée avec son sol en mosaïque et ses menuiseries pourvues de verre martelé ; - les menuiseries intérieures (lambris, portes, armoire monte-plats) ainsi que la cage d'escalier ; - le garage et les murs de clôture du jardin ;

Considérant que la décision d'entamer la procédure de classement a été notifiée le 24 octobre 2022 aux autorités prévues à l'article 17, § 2 du Code wallon du Patrimoine ;

Considérant l'enquête publique réalisée du 19 novembre au 5 décembre 2022, conformément aux dispositions de l'article 17 du Code wallon du Patrimoine ;

Considérant qu'aucune réclamation n'a été introduite dans les délais ;

Considérant l'avis favorable motivé de la Commission Consultative de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité émis en séance le 9 novembre 2022 ;

Considérant l'avis favorable de la Commission royale des Monuments, Sites et Fouilles émis en séance le 8 novembre 2022 ;

Considérant l'avis favorable motivé du Conseil communal de Liège émis en séance le 13 février 2023 à condition qu'y soit ajouté « les éventuels décors muraux d'origine masqués par les papiers peints » ;

Considérant que la demande du Conseil communal se fonde sur le fait qu'il « est probable que des motifs floraux ou inspirés de la nature aient été peints sur les murs intérieurs (sur papier ou sur enduit) dans le prolongement des menuiseries intérieures ; que les papiers peints recouvrant actuellement les murs intérieurs ne sont pas d'origine ; que I'on peut supposer que les décors d'origine ont été conservés sous ses papiers peints ; que la proposition de classement propose de classer des éléments de décors ou de structures intérieures mais pas les décors d'origine cachés ; que cette maison est une oeuvre globale de style Art Nouveau ; qu'il y a lieu de favoriser sa restauration dans sa totalité et dans son style d'origine ; que si ces décors n'existent pas ou plus, leur intégration au classement n'a pas d'impact ; que par contre, s'il s'avère qu'ils ont été conservés, leur intégration au classement permettrait d'assurer la restauration de la Maison Van der Schrick d'une manière plus complète, plus globale comme l'a pensé son concepteur, ainsi que d'éviter le remplacement de décor par une simple couche de peinture en aplat blanc en contradiction avec le style Art Nouveau » ;

Considérant qu'en effet si des décors cachés devaient apparaître un jour, il n'est pas exclu qu'ils participent pleinement aux qualités patrimoniales du bien ;

Considérant toutefois que la demande du Conseil communal ne peut être favorablement accueillie dans le cadre de la procédure en cours, en ce que l'existence des éléments visés par la demande est hypothétique et à ce jour non-avérée ;

Considérant que l'article 15 du CoPat précise que « le Gouvernement peut reconnaître le statut de bien classé à tout bien qui relève du patrimoine » ;

Considérant que l'article 2, 7°, définit la notion de bien classé comme « tout bien faisant l'objet d'une protection en raison de sa valeur patrimoniale » ;

Considérant que l'article 1er du CoPat précise que « le patrimoine comprend l'ensemble des biens immobiliers qui constituent un reflet et une expression des valeurs, croyances, savoirs, savoir-faire et traditions en continuelle évolution, dont la protection se justifie en raison de leur intérêt notamment archéologique, historique, architectural, scientifique, artistique, social, mémoriel, esthétique, technique, paysager ou urbanistique et en tenant compte de critères de rareté, d'authenticité, d'intégrité ou de représentativité. Cela inclut tous les aspects de l'environnement résultant de l'interaction dans le temps entre les personnes et les lieux » ;

Considérant qu'il est impossible, dans le chef d'élément dont l'existence est hypothétique ou non avérée à ce jour, de vérifier in concreto les conditions d'appartenance au patrimoine de ces éléments, à savoir l'intérêt et les critères de sélection et d'évaluation tels que définis à l'article 1er du CoPat ;

Considérant qu'il ressort d'une jurisprudence constante du Conseil d'Etat que « la motivation interne d'une décision administrative cristallise le pouvoir d'appréciation de l'autorité administrative et suppose, pour être régulière, qu'elle repose sur des motifs exacts, pertinents et admissibles qui ressortent ou peuvent être déduits du dossier administratif (C.E., n° 255.035 du 17 novembre 2022, Amormino) » ;

Considérant que le classement d'élément dont l'existence est hypothétique et non-avérée à ce jour ne permettrait pas à l'arrêté de classement de satisfaire aux obligations de motivation formelles des actes administratifs ;

Considérant qu'il convient donc de ne pas intégrer la demande du Conseil communal sous peine de porter atteinte à la régularité de l'arrêté de classement ;

Considérant que si, le cas échéant, des décors cachés dont l'existence n'est pas connue à ce jour sont découverts ultérieurement, une procédure de classement pourrait être entamée pour ces éléments ;

Considérant que la maison Van der Schrick, de style Art nouveau, bâtie en 1905-1906 revêt un intérêt architectural en ce qu'elle constitue l'aboutissement des recherches menées par l'architecte liégeois, Paul Jaspar (1859 - 1945) portant autant sur des dimensions formelles et constructives que sur des techniques constructives ;

Considérant que Paul Jaspar a été chargé de rehausser cet immeuble d'un étage ce qui porte à quatre le nombre de niveaux de la maison dès 1911 ;

Considérant que Paul Jaspar est le précurseur et le chef de file du mouvement Art nouveau à Liège et que l'intégration des arts décoratifs, mais aussi de données régionales (combinaison de matériaux locaux et de styles du passé) dans son architecture conçue comme une oeuvre totale participe à l'originalité de sa production ;

Considérant que le bien témoigne de la modernité de la production de Paul Jaspar qui recourt aux nouveaux matériaux comme le béton armé, le métal et le verre qu'il n'hésite pas à laisser apparents dans une franche affirmation de ceux-ci (dalle de béton au rez-de-chaussée et au deuxième niveau, poutrelles métalliques apparentes aux étages, verre martelé de menuiseries intérieures et châssis métalliques de la façade arrière) ;

Considérant qu'il est un pionnier et virtuose de l'usage du béton armé ainsi qu'un partisan de la toiture plate dans l'habitat privé pour lequel il recherche aussi à augmenter la qualité de la luminosité, des conditions d'hygiène et de confort des usagers et qu'à cet égard, il peut être vu comme un précurseur de l'architecture moderne à Liège ;

Considérant que le bien revêt un intérêt artistique en ce que la façade à rue fait preuve d'une esthétique épurée typique du style Art nouveau géométrique : briques vernissées blanches, loggia en bois, arcs outrepassés surmontant cinq baies et la porte d'entrée, bandeaux de pierre, corniche débordante et ornée de deux sculptures de singe, baies alignées sur les deuxième et troisième étages ;

Considérant que l'utilisation d'arcs mauresques et la grande sobriété de la composition des façades sont les caractéristiques stylistiques de l'architecture de Paul Jaspar ;

Considérant que la réflexion esthétique au niveau des façades, des ouvrages d'ébénisterie intérieurs, de la mosaïque et du faux-appareil des murs du hall témoignent d'une réflexion globale typique du style Art nouveau ;

Considérant que Paul Jaspar a conçu de nombreux éléments ornementaux pour cette maison à savoir un escalier dont le départ est soigneusement décoré de motifs floraux, des menuiseries intérieurs (portes, huisseries, lambris) et du mobilier (armoire monte-plats, banc de l'atelier à l'étage) au dessin caractéristique de son travail ; une double-porte au motif japonisant donnant sur le jardin qui témoigne de l'influence de Paul Hankar ; le motif ornemental de la mosaïque ainsi que la conception des cheminées et plafonds ;

Considérant que la maison Van der Schrick mérite aussi une attention particulière par la présence de deux singes sculptés d'Oscar Berchmans (1869-1950) dont le travail d'ornementation de nombreuses façades de style Art nouveau est reconnu en région liégeoise ;

Considérant que la grande taille de ces sculptures en vue d'en faciliter la lisibilité, vu leur positionnement en hauteur au niveau de la corniche de la maison, les distinguent des oeuvres habituellement intégrées aux façades de style Art nouveau en région liégeoise ;

Considérant que la maison Van der Schrick revêt un intérêt technique en ce que Paul Jaspar, résolument tourné vers la modernité, fait usage du béton et de la toiture plate dans l'habitat unifamilial ;

Considérant que Paul Jaspar, rodé à l'utilisation du béton armé dans les planchers, utilise cette technique dans la maison Van der Schrick pour notamment supporter le poids d'une citerne d'eau de pluie qu'il installe au niveau de la toiture ;

Considérant que l'architecte effectue des recherches en vue d'améliorer le confort des habitants (augmenter la luminosité, souci des conditions d'hygiène, ventilateur pour réguler le mouvement du monte-plats qui va de la cave-cuisine vers les étages, large cheminée de ventilation dans la cuisine pour éviter les odeurs aux étages, ou une citerne d'eau de pluie sur le toit ) tout en se souciant d'une recherche d'économie du coût de construction par l'usage de matériaux modernes issu de l'industrie ;

Considérant que cet ensemble d'avancées techniques sont le témoignage des interrogations de l'époque en matière d'accessibilité à un logement confortable répondant aux questions d'hygiène et d'économie de moyens ;

Considérant que cette maison est également équipée, au fond du jardin, d'un garage avec une plaque tournante de trois mètres de diamètre, réalisée par les ateliers de construction et chaudronnerie « SA du Nord de Liège-Ancienne firme Veuve Alphonse Frédéric », permettant la rotation d'un véhicule et ainsi en faciliter la sortie vers la rue ;

Considérant que les murs de clôtures du jardin, d'une hauteur de deux mètres quarante, ont également été dessinés par Paul Jaspar ;

Considérant que les archives de la CRMSF détiennent encore de nombreux plans, parfois à taille d'exécution, de cette maison (plan généraux, menuiseries intérieures et extérieures, garage avec sa plaque-tournante, plafonds, cheminées, boite-aux-lettres, etc.) ;

Considérant que ces plans enrichissent et documentent de manière précise l'édifice qui est encore en grande partie préservé tel que conçu par l'architecte, Arrête : Article unique. sont classées, comme monument, en raison de leurs intérêts architectural, artistique et technique qui satisfont aux critères d'authenticité, d'intégrité, de représentativité et de rareté, certaines parties de la Maison Van der Schrick, à savoir : - les façades et toitures ; - les structures portantes dont les dalles de béton du rez-de-chaussée et du deuxième étage (correspondant à la toiture d'origine avec citerne d'eau de pluie) ; - le hall d'entrée avec son sol en mosaïque et ses menuiseries pourvues de verre martelé ; - les menuiseries intérieures (lambris, portes, armoire monte-plats) ainsi que la cage d'escalier ; - le garage et les murs de clôture du jardin.

A titre informatif, le bien est sis dans la commune de Liège, Division 14, Section C, parcelle n° 76 F/5 au plan parcellaire tel qu'existant au 1er janvier 2022.

Fait à Namur, le 18 avril 2023.

V. DE BUE

Pour la consultation du tableau, voir image

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