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Arrêt
publié le 05 mai 2023

Extrait de l'arrêt n° 41/2023 du 9 mars 2023 Numéro du rôle : 7804 En cause : le recours en annulation totale ou partielle du décret de la Région flamande du 22 octobre 2021 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009, en ce qui concer La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Gi(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 41/2023 du 9 mars 2023 Numéro du rôle : 7804 En cause : le recours en annulation totale ou partielle du décret de la Région flamande du 22 octobre 2021 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009, en ce qui concerne l'interdiction de l'installation ou du remplacement d'une chaudière à mazout » et en annulation totale ou partielle de l'article 2, 4°, du décret de la Région flamande du 18 mars 2022 « modifiant le Décret sur l'Energie du 8 mai 2009 », introduit par Marguerite Weemaes et Luc Lamine.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Giet, J. Moerman, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 16 mai 2022 et parvenue au greffe le 17 mai 2022, un recours en annulation totale ou partielle du décret de la Région flamande du 22 octobre 2021 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009, en ce qui concerne l'interdiction de l'installation ou du remplacement d'une chaudière à mazout » (publié au Moniteur belge du 19 novembre 2021) et en annulation totale ou partielle de l'article 2, 4°, du décret de la Région flamande du 18 mars 2022 « modifiant le Décret sur l'Energie du 8 mai 2009 » (publié au Moniteur belge du 30 mars 2022) a été introduit par Marguerite Weemaes et Luc Lamine. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte B.1.1. Les parties requérantes demandent l'annulation totale ou partielle du décret de la Région flamande du 22 octobre 2021 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009, en ce qui concerne l'interdiction de l'installation ou du remplacement d'une chaudière à mazout » (ci-après : le décret du 22 octobre 2021), ainsi que l'annulation totale ou partielle de l'article 2, 4°, du décret de la Région flamande du 18 mars 2022 « modifiant le Décret sur l'Energie du 8 mai 2009 » (ci-après : le décret du 18 mars 2022).

B.1.2. L'article 3 du décret du 22 octobre 2021 insère dans le décret de la Région flamande du 8 mai 2009 « portant les dispositions générales en matière de la politique de l'énergie » (ci-après : le décret sur l'énergie), sous le titre XI (« Performances énergétiques de bâtiments »), un article 11.1/1.3, qui instaure l'interdiction, d'une part, d'installer une chaudière à mazout dans les bâtiments résidentiels et non résidentiels pour lesquels le permis d'environnement pour des actes urbanistiques relatifs à une nouvelle construction ou à une rénovation énergétique substantielle est demandé à partir du 1er janvier 2022 et, d'autre part, de remplacer, à partir de cette même date, dans les bâtiments existants, une chaudière à mazout par une chaudière à mazout, un corps de chaudière par un corps de chaudière ou une technologie de chauffage autre qu'une chaudière à mazout par une chaudière à mazout, sauf si aucun réseau de gaz naturel n'est disponible dans la rue.

L'article 1.1.3, 114°/1, du décret sur l'énergie, inséré par l'article 2, 3°, du décret du 22 octobre 2021, définit la notion de « chaudière à mazout » comme étant « le corps de chaudière et le brûleur combinés conçus pour transmettre à l'eau la chaleur de combustion du mazout, dans le but de fournir le chauffage de locaux ou de l'eau chaude sanitaire ». L'article 1.1.3, 74°/0, du décret sur l'énergie, inséré par l'article 2, 2°, du décret du 22 octobre 2021, définit la notion de « corps de chaudière » comme étant « l'ensemble des composants d'une chaudière à mazout qui n'assurent pas la combustion du combustible mais le transfert de la chaleur de combustion à l'eau ».

Il s'agit du « composant le plus robuste » de la chaudière à mazout (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/7, p. 6).

L'interdiction attaquée ne porte donc pas sur le remplacement du brûleur (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/5, p. 2).

L'extension de l'interdiction au remplacement d'un « corps de chaudière » par un autre « corps de chaudière » est le résultat d'un amendement, qui a été justifié comme suit : « Sur une chaudière à mazout, c'est en effet généralement le brûleur qui a besoin d'être remplacé après une quinzaine d'années. Le corps de chaudière, beaucoup plus grand, a quant à lui une durée de vie de 30 à 50 ans. Si l'on permettait également d'encore remplacer le corps de chaudière, cela créerait ainsi de nouveau un effet de verrouillage (lock-in) pour une longue période. D'autant que dans nombre de cas, ce corps de chaudière en fonte ou en acier doit être démantelé pour être éliminé, si bien qu'il s'agit d'un moment idéal pour reconsidérer le choix du système de chauffage. C'est pourquoi il est aussi proposé, en ce qui concerne les bâtiments existants, d'interdire également le remplacement du corps de chaudière » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/5, p. 3).

B.1.3. L'article 4 du décret du 22 octobre 2021, qui insère un article 11.1/1.4 dans le décret sur l'énergie, impose l'obligation aux installateurs de chaudières à mazout de communiquer trimestriellement à la « Vlaams Energie- en Klimaatagentschap » (l'Agence flamande de l'énergie et du climat, ci-après : la VEKA) une liste des adresses des bâtiments résidentiels et non résidentiels dans lesquels ils ont installé ou remplacé une ou plusieurs chaudières à mazout ou un ou plusieurs corps de chaudière au cours du trimestre précédent.

B.1.4. Les articles 5 et 6 du décret du 22 octobre 2021 prévoient que la VEKA gère une banque de données de la consommation et de la production d'énergie, dont les objectifs sont définis, et ils déterminent également l'accès aux données, ainsi que leur durée de conservation.

B.1.5. Enfin, les articles 7 et 8 du décret du 22 octobre 2021 prévoient une sanction administrative si la VEKA constate qu'une chaudière à mazout ou un corps de chaudière a été installé ou remplacé dans un bâtiment résidentiel ou non résidentiel en violation de l'interdiction prévue à l'article 11.1/1.3 du décret sur l'énergie. La sanction consiste en une amende administrative de 3 000 euros, majorée de 2 000 euros par unité de bâtiment dans l'immeuble, et est infligée à la personne soumise à déclaration, s'il s'agit d'une nouvelle construction ou d'une rénovation énergétique substantielle, et au propriétaire ou au titulaire d'un droit réel, s'il s'agit d'un bâtiment existant.

B.1.6. L'article 2, 4°, du décret du 18 mars 2022 insère à l'article 1.1.3 du décret sur l'Energie un point 92°/1/0/1, dans lequel la notion de « bâtiment non résidentiel » est définie comme suit : « un bâtiment ayant une destination principale non résidentielle, à l'exception des : a) bâtiments isolés dont la surface au sol utile totale est inférieure à 50 m2;b) bâtiments temporaires qui, en principe, ne sont pas utilisés pendant plus de deux ans;c) bâtiments utilisés pour des cultes et des activités religieuses;d) bâtiments industriels;e) ateliers;f) entrepôts à usage non industriel;g) bâtiments d'un bâtiment agricole non affectés au logement ». B.2.1. Les travaux préparatoires du décret du 22 octobre 2021 justifient l'interdiction contenue dans l'article 3 de ce décret comme suit : « Le Gouvernement flamand peut, dans le cadre de sa politique en matière d'utilisation rationnelle de l'énergie et de promotion de la performance énergétique des bâtiments, interdire l'utilisation de certaines installations de chauffage, installations techniques et systèmes techniques de bâtiment, ou soumettre leur utilisation à des conditions. Cette disposition figure à l'article 11.1/1.1 du décret sur l'énergie du 8 mai 2009, lequel a récemment été inséré par le décret du 30 octobre 2020.

La présente proposition de décret permet de fixer par voie décrétale des conditions strictes pour les chaudières à mazout, et donc d'en réglementer strictement l'utilisation. Cette lex specialis implique qu'en application de l'article 11.1/1.1 précité, le Gouvernement flamand ne peut pas instaurer de dispositions dérogatoires dans cette matière, qui a déjà été réglée par le législateur décrétal. La Région flamande oeuvre ainsi à rendre les bâtiments plus durables. Il sera par conséquent interdit désormais d'installer ou de remplacer une chaudière à mazout dans les bâtiments résidentiels et non résidentiels dont le permis d'environnement pour des actes urbanistiques relatifs à une nouvelle construction ou à une rénovation énergétique substantielle est demandé à partir du 1er janvier 2022. Même dans les bâtiments existants, il ne sera plus possible à partir de cette date - même lors de la réalisation de travaux non soumis à permis - de remplacer une chaudière à mazout par une autre chaudière à mazout, sauf si aucun réseau de gaz naturel n'est disponible dans la rue.

L'article 11.1/1.3 en projet met ainsi en oeuvre l'accord de gouvernement flamand 2019-2024 pour, d'une part, les nouvelles constructions et les rénovations énergétiques substantielles et, d'autre part, les bâtiments existants. L'accord de gouvernement prévoit en effet les dispositions suivantes en ce qui concerne les chaudières à mazout : - ' A partir de 2021, une chaudière à mazout existante ne pourra plus être remplacée si la rue abrite un réseau de gaz naturel. Les propriétaires seront informés de toutes les autres solutions possibles. ' - ' Pour cette raison, à partir de 2021, plus aucune chaudière à mazout ne pourra être installée dans le cas d'une nouvelle construction et de rénovations énergétiques substantielles, et un raccordement au gaz naturel ne sera plus possible, pour les nouveaux grands lotissements et grands immeubles à appartements, qu'à des fins de chauffage collectif par cogénération ou en combinaison avec un système d'énergie renouvelable comme chauffage principal. ' [...] Le Plan flamand sur l'énergie et le climat mentionne cependant : ' A partir de 2021, nous introduisons une interdiction des chaudières à mazout dans les constructions nouvelles et en cas de rénovation énergétique substantielle. Les chaudières à mazout existantes ne peuvent plus être remplacées par d'autres chaudières à mazout s'il existe une possibilité de raccordement à un réseau de gaz naturel dans la rue, sauf s'il peut être démontré que les chaudières à mazout ont une performance équivalente à celle des chaudières à condensation au gaz naturel les plus récentes. ' Cette problématique sera abordée plus en détail ci-après.

Le fait que cette technologie de chauffage s'avère moins efficace énergétiquement et moins écologique pour les nouvelles constructions et les rénovations énergétiques substantielles, tout en étant dépassée, est également attesté par les données statistiques ci-dessous, tirées des déclarations EPB (EPB : ' energieprestatie en binnenklimaat ' (prestation énergétique et climat intérieur)) qui ont été introduites. [...] A partir de 2022, l'installation ou le remplacement d'une chaudière à mazout par une autre chaudière à mazout ne sera plus autorisé non plus dans les bâtiments existants. La seule exception possible est le cas de figure où aucun réseau de gaz naturel n'est disponible dans la rue.

Par le remplacement d'une chaudière à mazout, l'on entend par ailleurs uniquement le remplacement de l'intégralité de l'installation, et non le remplacement de composants individuels d'une installation de chauffage existante, comme le brûleur. [...] C.2.b. La mesure telle qu'elle est formulée dans le Plan flamand sur l'énergie et le climat La mesure telle qu'elle est formulée dans le Plan flamand sur l'énergie et le climat se révèle toutefois problématique au regard de l'article 6 de la directive-cadre relative à l'écoconception et du règlement (UE) n° 813/2013. Selon cette formulation, le remplacement d'une chaudière à mazout existante par une autre, tandis qu'il existe une possibilité de raccordement à un réseau de gaz naturel dans la rue, serait malgré tout autorisé ' s'il peut être démontré que les chaudières à mazout ont une performance équivalente à celle des chaudières à condensation au gaz naturel les plus récentes '. Dans ce scénario, l'autorisation d'installer une chaudière à mazout pour en remplacer une autre dépend donc d'une évaluation des performances.

Cette évaluation des performances portera (au moins) sur l'efficacité énergétique. Or, l'Annexe II au règlement (UE) n° 813/2013 fixe déjà des exigences applicables à l'efficacité énergétique saisonnière et à l'efficacité énergétique pour le chauffage de l'eau. Si la Région flamande subordonne l'admissibilité du remplacement d'une chaudière à mazout par une autre chaudière à mazout à une évaluation complémentaire de l'efficacité énergétique, cela sera qualifié comme une exigence en matière d'écoconception qui a trait à des paramètres qui sont déjà couverts par le règlement (UE) n° 813/2013 et qui est contraire à l'article 6, paragraphe 1, de la directive-cadre relative à l'écoconception, à moins qu'il s'agisse d'une ' exigence en matière de performance énergétique ' de bâtiments ou d'unités de bâtiment ou d'une ' exigence relative aux systèmes techniques ' conformément à l'article 4, paragraphe 1, ou à l'article 8 de la directive PEB. Cette dernière hypothèse ne s'applique cependant pas en l'espèce : en effet, la condition selon laquelle une chaudière à mazout doit être aussi performante que les chaudières à condensation au gaz les plus récentes ne constitue pas une exigence relative aux systèmes techniques, mais bien une exigence en matière d'écoconception.

La mesure telle qu'elle est formulée dans le Plan flamand sur l'énergie et le climat est, pour cette raison, contraire à l'article 6 de la directive-cadre relative à l'écoconception, ainsi qu'au règlement (UE) n° 813/2013.

Pour ces raisons, la mesure ne peut se concrétiser que sous la forme établie dans l'accord de gouvernement flamand » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/1, pp. 2, 5-6 et 10-11).

Les explications qui précèdent se retrouvent également dans l'exposé relatif à la compétence de la Région flamande pour adopter le décret du 22 octobre 2021 : « En ce qui concerne l'interdiction des chaudières à mazout, la présente proposition de décret s'inscrit en effet parfaitement dans le cadre de la compétence matérielle de la Région en matière d'efficacité énergétique et de protection de l'environnement. De telles installations de chauffage au mazout ne sont effectivement pas suffisamment efficaces sur le plan énergétique, ni suffisamment écologiques, pour continuer à jouer un rôle dans la transition énergétique actuelle. En raison de la combustion du mazout, les chaudières à mazout ont une plus grande incidence sur les émissions et la qualité de l'air. A titre d'exemple, le facteur d'émission de CO2 (Ktonne CO2/PJ) du mazout est supérieur d'environ 32 % à celui du gaz naturel, et supérieur de 15 à 18 % à celui du propane et du butane.

Les émissions de NOx d'une nouvelle chaudière à mazout sont par exemple également supérieures d'environ 45 % aux émissions d'une nouvelle chaudière au gaz naturel.

En 2019, le mazout représentait 35 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur du bâtiment (tous bâtiments résidentiels et bâtiments non résidentiels confondus) et 10 % du total des émissions de gaz à effet de serre hors SEQE (système d'échange de quotas d'émission) en Flandre. Une suppression progressive des chaudières à mazout peut donc contribuer significativement à l'objectif de réduction des émissions hors SEQE à court terme (2030) et à long terme (2050) de la Flandre.

En cas de passage au gaz naturel, on peut déjà s'attendre à une réduction de 32 % grâce au seul facteur d'émission de CO2 plus faible.

En cas de passage à des installations de chauffage fonctionnant sans énergie fossile, la réduction des émissions de CO2 sera de 100 %.

La mesure exercera également une influence positive sur la qualité des sols, puisque l'utilisation des installations au mazout constitue un risque accru de pollution des sols, en raison, notamment, d'écoulements de mazout lors de la livraison ou de fuites dans les cuves à mazout. Le fait que la mesure, en plus d'influer sur l'efficacité énergétique et les émissions de gaz à effet de serre, améliore également la qualité des sols, est un objectif qui est poursuivi. La mesure produit donc des effets qui ne s'appliquent pas aux autres types d'installations de chauffage : en effet, les mesures relatives à ces autres types d'installations n'exercent pas cette pression environnementale spécifique, de sorte qu'il ne saurait s'agir d'une situation comparable.

L'utilisation de telles nouvelles installations au mazout s'intègre dès lors moins bien dans la transition énergétique vers une société pauvre en carbone. Une étude commandée par le secteur du mazout (Informazout) lui-même qui offre un autre son de cloche ne peut pas être considérée comme scientifiquement correcte. A la demande de la ministre Zuhal Demir, une tierce partie (Energyville et le panel climat) a soumis cette étude à une évaluation par les pairs. Cette évaluation conclut que le rapport d'Informazout analyse en détail, sur base d'une méthode fondée sur l'analyse du cycle de vie, une tendance vraiment hypothétique, à savoir la transition totale du chauffage au mazout classique vers le chauffage au gaz, et ce à relativement brève échéance (d'ici 2030), les chercheurs s'efforçant, par diverses hypothèses partiales en défaveur du gaz naturel, de démontrer que le mazout peut, à terme, exercer une pression plus limitée sur le climat.

Toutefois, vu les problèmes méthodologiques et les choix subjectifs effectués, l'évaluation par les pairs conclut que l'on ne saurait affirmer que ce soit le cas. L'hypothèse de travail du secteur, selon laquelle le gaz naturel serait plus nocif que le mazout, n'est dès lors ni démontrée ni crédible, mais présente un problème méthodologique, de sorte qu'elle semble n'être que le reflet d'un réflexe plutôt tendancieux et protectionniste » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/1, pp. 3-4).

B.2.2. Il ressort des explications reproduites ci-dessus que le décret du 22 octobre 2021 s'inscrit dans « l'objectif de réduction des émissions hors SEQE à court terme (2030) et à long terme (2050) de la Flandre ». Il s'agit de l'objectif imposé par l'Union européenne aux Etats membres pour les secteurs dits hors SEQE, à savoir les secteurs qui ne relèvent pas du système d'échange de droits d'émission de l'Union européenne. Il s'agit principalement des secteurs du bâtiment, du transport, de l'agriculture et des déchets. Cet objectif à court terme, fixé par le règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 « relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les Etats membres de 2021 à 2030 contribuant à l'action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l'accord de Paris et modifiant le règlement (UE) n° 525/2013 » et repris par la Région flamande dans son Plan flamand sur l'énergie et le climat, implique que la Belgique doit réduire, d'ici 2030, ses émissions de gaz à effet de serre de 35 % par rapport aux niveaux de 2005. Quant à l'objectif à long terme, il consiste en une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 80 à 95 % d'ici 2050, par rapport aux niveaux atteints en 1990.

La « loi européenne sur le climat » (règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 « établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999 ») prévoit des objectifs plus ambitieux pour l'Union européenne, lesquels consistent en une réduction, dans l'Union, des émissions nettes des gaz à effet de serre (émissions après déduction des absorptions) d'au moins 55 % d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990, ainsi qu'une neutralité climatique totale en 2050. A la lumière de ces objectifs modifiés, la Commission européenne a publié, le 14 juillet 2021, son paquet « Ajustement à l'objectif 55 », dans lequel il est proposé de relever l'objectif national de la Belgique à 47 % d'ici 2030, par rapport aux niveaux de 2005.

B.2.3. Pour ce qui concerne la Région flamande, le décret du 22 octobre 2021 s'inscrit dans le prolongement d'une série d'autres décrets récents qui, afin d'atteindre l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre hors SEQE de la Flandre pour les horizons 2030 et 2050, visent également à réduire les émissions de gaz à effet de serre provoquées par l'utilisation du gaz naturel.

Une première étape dans cette direction a été franchie avec l'article 12 du décret du 30 octobre 2020 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009 ». A la suite de cette modification, l'article 4.1.16/1 du décret sur l'énergie dispose que, dans le cas de nouveaux grands lotissements, de grands projets d'habitations de groupe ou de grands immeubles à appartements, dont le permis d'environnement pour le lotissement de terrains ou pour des actes urbanistiques a été demandé à partir du 1er janvier 2021, il ne peut plus être prévu qu'un raccordement au réseau de distribution de gaz naturel en cas de chauffage collectif par cogénération ou en combinaison avec un système d'énergie renouvelable comme chauffage principal.

L'article 6 du décret du 18 mars 2022 constitue la deuxième étape. Cet article insère, dans le décret sur l'énergie, un article 4.1.16/2, qui dispose que les gestionnaires du réseau de distribution de gaz naturel ne peuvent plus prévoir de raccordement au réseau de distribution de gaz pour les bâtiments résidentiels et non résidentiels pour lesquels une demande de permis d'environnement pour des actes urbanistiques relatifs à une nouvelle construction est introduite à partir du 1er janvier 2026. Par décret du 17 juin 2022 « modifiant l'article 4.1.16/2 du Décret sur l'Energie du 8 mai 2009 », la date prévue pour l'interdiction de raccordement au réseau de gaz naturel en cas de nouvelles constructions a été avancée au 1er janvier 2025.

Quant à la recevabilité B.3. Le Gouvernement flamand conteste l'intérêt des parties requérantes, parce qu'elles ne démontrent pas qu'elles sont affectées par l'interdiction d'installer ou de remplacer une chaudière à mazout.

B.4. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.

B.5. Les parties requérantes justifient leur intérêt en indiquant qu'elles chauffent leur logement au moyen d'une chaudière à mazout et que leur logement n'est pas raccordable au réseau de gaz naturel, bien qu'une conduite de gaz naturel soit disponible dans leur rue. Elles exposent que cette conduite de gaz naturel se trouve, par rapport à leur habitation, de l'autre côté de la rue. Elles déduisent de la circonstance qu'une conduite de gaz naturel est disponible dans leur rue que l'exception à l'interdiction d'installer ou de remplacer une chaudière à mazout ne leur est pas applicable, étant donné que cette exception vaut uniquement « si aucun réseau de gaz naturel n'est disponible dans la rue ». Elles estiment donc qu'elles sont affectées directement et défavorablement par les dispositions attaquées, puisque celles-ci leur interdiraient de remplacer leur chaudière à mazout.

B.6.1. Selon l'article 11.1/1.3, alinéa 2, du décret sur l'énergie, inséré par l'article 3 du décret du 22 octobre 2021, l'interdiction d'installer et de remplacer une chaudière à mazout dans les bâtiments existants n'est pas applicable « si aucun réseau de gaz naturel n'est disponible dans la rue ».

B.6.2. En ce qui concerne le membre de phrase « si aucun réseau de gaz naturel n'est disponible dans la rue » contenu dans cette disposition, la Cour a jugé par son arrêt n° 147/2022 du 10 novembre 2022 (ECLI:BE:GHCC:2022: ARR.147) : « B.34.3. Contrairement à ce que fait valoir la partie requérante dans l'affaire n° 7726, les cas dans lesquels une habitation peut être raccordée à une conduite de gaz naturel, même dans la situation dans laquelle le réseau de distribution de gaz naturel se trouve de l'autre côté de la rue, ont en outre été déterminés d'une manière objective et garante de la sécurité juridique.

En prévoyant une exception à l'interdiction ' si aucun réseau de gaz naturel n'est disponible dans la rue ', le décret attaqué renvoie aux articles 1.1.3, 4.1.13 et 4.1.15 du décret sur l'énergie, qui décrivent les cas dans lesquels une habitation doit ou peut être raccordée au réseau de gaz naturel.

L'article 1.1.3 du décret sur l'énergie dispose : ' Dans le présent décret, on entend par : [...] 3° unité d'habitation ou bâtiment raccordable : une unité d'habitation ou un bâtiment qui n'est pas encore raccordé au réseau de distribution de gaz naturel, et qui répond à l'une des conditions suivantes : a) une conduite à basse pression est présente le long de la voie publique du même côté de la voie et à la hauteur de l'unité d'habitation ou du bâtiment;b) l'unité d'habitation ou le bâtiment n'est pas situé dans une zone destinée à l'habitat, et une conduite à basse pression est présente le long de la voie publique à la hauteur de l'unité d'habitation ou du bâtiment, du même côté, ou non, que l'unité d'habitation ou le bâtiment concerné;c) une conduite à moyenne pression de catégorie A ou B est présente le long de la voie publique du même côté de la voie que l'unité d'habitation ou le bâtiment et cette conduite a été réalisée spécifiquement pour le raccordement respectivement des unités de logement ou des bâtiments; [...] '.

L'article 4.1.13 du décret sur l'énergie, modifié en dernier lieu par le décret du 18 mars 2022 ' modifiant le Décret sur l'Energie du 8 mai 2009 ', dispose : ' § 1er. Pour le raccordement au réseau de distribution de gaz naturel d'une unité d'habitation ou d'un bâtiment raccordable dans la zone géographique pour laquelle il a été désigné, le gestionnaire du réseau de distribution de gaz naturel peut facturer un prix maximal de 250 euros, si les conditions suivantes sont satisfaites de manière cumulative : 1° la capacité de la conduite de gaz naturel le long de la voie publique, où l'unité d'habitation ou le bâtiment raccordable est situé, est suffisante;2° la distance entre la conduite de gaz naturel et le futur point de prélèvement ne dépasse pas 20 mètres;3° la capacité de raccordement demandée est inférieure ou égale à 10 m3(n) par heure;4° la pression de fourniture demandée est de 21 ou de 25 mbar. § 2. Si le gestionnaire de réseau de distribution de gaz naturel décide néanmoins, pour des raisons d'ordre technique ou économique, de raccorder un bâtiment non raccordable situé dans une zone destinée à l'habitation, par forage sous voirie à une conduite de gaz naturel située de l'autre côté de la rue, dans la zone géographique pour laquelle il a été désigné, il peut facturer un prix maximal de 250 euros, si les conditions suivantes sont satisfaites de façon cumulative : 1° la capacité de la conduite de gaz naturel le long de la voie publique, où l'unité d'habitation ou le bâtiment non raccordable est situé, est suffisante;2° la distance entre la conduite de gaz naturel et le futur point de prélèvement ne dépasse pas 20 mètres;3° la capacité de raccordement demandée est inférieure ou égale à 10 m3(n) par heure;4° la pression de fourniture demandée est de 21 ou de 25 mbar '. L'article 4.1.15 du décret sur l'énergie, modifié en dernier lieu par le décret du 10 mars 2017 ' modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009, en ce qui concerne le raccordement à un réseau de distribution de gaz naturel et portant confirmation de la continuité de la prise de sanctions de la réglementation de la performance énergétique ', dispose : ' Chaque gestionnaire de réseau de gaz naturel est tenu de raccorder chaque client qui achète du gaz naturel pour sa propre utilisation domestique et non pas pour des activités commerciales ou professionnelles au réseau de distribution de gaz naturel en conformité avec les règles du règlement technique applicable s'il y est invité, à condition que : a) le demandeur puisse produire un permis d'environnement pour les actes urbanistiques valable en cas de construction neuve;b) l'habitation soit principalement autorisée ou réputée autorisée en cas d'unités d'habitation existantes ou d'habitations existantes '. Il résulte de ces dispositions du décret sur l'énergie qu'il appartient au gestionnaire du réseau de distribution de gaz naturel d'examiner si, pour des raisons d'ordre technique ou économique, et sur la base des critères objectifs contenus dans ces dispositions, une habitation qui, comme celle de la partie requérante dans l'affaire n° 7726, se trouve de l'autre côté de la rue par rapport au réseau de distribution de gaz naturel, peut être raccordée. Dans l'exposé des motifs de la proposition de décret qui a donné lieu au décret attaqué, il est observé à cet égard qu'on ' peut facilement vérifier, sur le site internet de Fluvius, si un bâtiment ou un immeuble d'habitation est raccordable ou non au réseau de distribution de gaz naturel ' (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/1, p. 16).

La critique formulée par la partie requérante dans l'affaire n° 7726 n'est dès lors pas fondée, d'autant que le décret attaqué permet au demandeur, si le gestionnaire du réseau de distribution de gaz naturel estime que son habitation ne peut pas être raccordée à un réseau de gaz naturel, de remplacer sa chaudière à mazout ou le corps de chaudière par une autre chaudière à mazout ou par un autre corps de chaudière. [...] ».

B.6.3. Il en ressort que le membre de phrase « si aucun réseau de gaz naturel n'est disponible dans la rue » contenu dans l'article 11.1/1.3, alinéa 2, du décret sur l'énergie doit être lu en combinaison avec les articles 1.1.3, 4.1.13 et 4.1.15 de ce décret et qu'il appartient au gestionnaire du réseau de distribution de gaz naturel d'examiner, sur la base de motifs techniques ou économiques et sur la base des critères objectifs mentionnés dans ces dispositions, si une habitation qui se trouve de l'autre côté du réseau de distribution de gaz naturel peut y être raccordée. En employant le mot « disponible » à l'article 11.1/1.3, alinéa 2, du décret sur l'énergie, le législateur décrétal a voulu indiquer que, dans le cadre du champ d'application de l'exception à l'interdiction d'installer et de remplacer une chaudière à mazout, le fait qu'un réseau de gaz naturel soit « présent » dans la rue n'est pas déterminant en soi; la réponse à la question de savoir si l'habitation en question peut être raccordée au réseau de gaz naturel est quant à elle déterminante.

Le site internet du gestionnaire du réseau de distribution Fluvius contient à cet effet une application qui permet de vérifier si une habitation peut éventuellement être raccordée au réseau de gaz naturel (https://www.fluvius.be/nl/thema/aansluitingen-aardgas/aansluitbaar-op-het-aardgasnet).

Cette application mentionne expressément qu'il peut être demandé à Fluvius d'examiner si une habitation ou une parcelle est raccordable au réseau de gaz naturel et que cette demande est gratuite pour les clients résidentiels qui souhaitent un raccordement au réseau de gaz naturel d'une capacité maximale de 25 m3/h.

B.6.4. Il s'ensuit que l'interdiction d'installer ou de remplacer une chaudière à mazout dans un bâtiment existant ne s'applique pas lorsque, à la demande de l'intéressé, le gestionnaire du réseau de distribution estime que l'habitation, sur la base de motifs techniques ou économiques et sur la base des critères objectifs mentionnés dans les dispositions précitées du décret sur l'énergie, ne peut pas être raccordée au réseau de gaz naturel, et ce même lorsqu'une conduite de gaz naturel est présente de l'autre côté de la rue.

B.7. Dès lors que l'habitation des parties requérantes n'est pas raccordable au réseau de gaz naturel, ainsi qu'elles l'affirment elles-mêmes dans leur requête, l'interdiction d'installer ou de remplacer une chaudière à mazout ne leur est pas applicable et, contrairement à ce qu'elles font valoir dans le cadre de la motivation de leur intérêt, elles ne sont pas directement et défavorablement affectées par les dispositions attaquées.

B.8. Les parties requérantes ne justifiant pas de l'intérêt requis, leur recours est irrecevable.

Par conséquent, le recours doit être rejeté et il n'y a dès lors pas lieu de poser à la Cour de justice de l'Union européenne et à la Cour de justice Benelux les questions préjudicielles suggérées par les parties requérantes.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 9 mars 2023.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux L. Lavrysen

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