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Arrêt
publié le 03 mars 2023

Extrait de l'arrêt n° 112/2022 du 22 septembre 2022 Numéro du rôle : 7569 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 30 de la loi du 18 mai 1960 organique des Instituts de la Radiodiffusion-Télévision belge, posées par le T La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Gie(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 112/2022 du 22 septembre 2022 Numéro du rôle : 7569 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 30 de la loi du 18 mai 1960 organique des Instituts de la Radiodiffusion-Télévision belge, posées par le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, D. Pieters et S. de Bethune, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 31 mars 2021, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 29 avril 2021, le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles a posé les questions préjudicielles suivantes : - « (a) L'article 30 de la loi organique des instituts de radiodiffusion-télédiffusion belges du 18 mai 1960, en ce qu'il assimile la RTBF à l'Etat en ce qui concerne l'application des lois et règlements relatifs aux impôts directs de l'Etat et aux taxes ou impôts des provinces et des communales, (b) le principe général de droit ou la règle légale suivant lesquels les biens du domaine public de l'Etat et ceux de son domaine privé qui sont affectés à un service public ou d'intérêt général ne sont, de leur nature, pas susceptibles d'être soumis à l'impôt et suivant lesquels ces biens ne sont soumis à l'impôt que si une disposition légale le prévoit expressément et la disposition de l'article 172, alinéa 2, de la Constitution, aux termes de laquelle nulle exemption ou modération d'impôt ne peut être établie que par une loi, ne leur est pas applicable, ou (c) la combinaison dudit article 30 et dudit principe général de droit ou de ladite règle légale, interprétés en ce sens que la RTBF est exonérée de toutes impositions communales pour les biens du domaine public et ceux de son domaine privé qui sont affectés à un service public ou d'intérêt général, violent-ils l'article 170, § 4, de la Constitution et le principe de l'autonomie fiscale des communes ? »; - « (a) L'article 30 de la loi organique des instituts de radiodiffusion-télédiffusion belges du 18 mai 1960, en ce qu'il assimile la RTBF à l'Etat en ce qui concerne l'application des lois et règlements relatifs aux impôts directs de l'Etat et aux taxes ou impôts des provinces et des communales, (b) le principe général de droit ou la règle légale suivant lesquels les biens du domaine public de l'Etat et ceux de son domaine privé qui sont affectés à un service public ou d'intérêt général ne sont, de leur nature, pas susceptibles d'être soumis à l'impôt et suivant lesquels ces biens ne sont soumis à l'impôt que si une disposition légale le prévoit expressément et la disposition de l'article 172, alinéa 2, de la Constitution, aux termes de laquelle nulle exemption ou modération d'impôt ne peut être établie que par une loi, ne leur est pas applicable, ou (c) la combinaison dudit article 30 et dudit principe général de droit ou de ladite règle légale, interprétés en ce sens que la RTBF est exonérée de toutes impositions communales pour les biens du domaine public et ceux de son domaine privé qui sont affectés à un service public ou d'intérêt général, violent-ils les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce qu'ils créent une différence de traitement entre, d'une part, la RTBF et, d'autre part, les autres opérateurs économiques exerçant des activités analogues mais aussi la généralité des redevables des impôts communaux ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la disposition en cause B.1.1. L'article 30 de la loi du 18 mai 1960 organique des Instituts de la Radiodiffusion-Télévision belge (ci-après : la loi du 18 mai 1960) dispose : « Les instituts sont assimilés à l'Etat, en ce qui concerne l'application des lois et règlements relatifs aux impôts directs de l'Etat et aux taxes ou impôts des provinces et des communes.Ils sont exonérés des taxes sur les installations radiophoniques émettrices et réceptrices ».

Les « instituts » auxquels la loi du 18 mai 1960 fait référence désignent les établissements publics « Radiodiffusion-Télévision belge, Emissions françaises », « Belgische Radio en Televisie Nederlandse uitzendingen » et « Radiodiffusion-Télévision belge - Institut des services communs » (articles 1er, § 1er, alinéa 1er, et 2, § 1er, alinéa 1er).

B.1.2. Le premier projet à l'origine de la loi du 18 mai 1960 exonérait les instituts précités de « tout impôt ou taxe au profit des provinces et des communes ». Dans son avis, le Conseil d'Etat a observé : « L'article 26 exonère les instituts de tous impôts ou taxes au profit des provinces et communes. Cette disposition crée pour ces instituts un régime plus favorable que celui dont l'Etat lui-même jouit en ce qui concerne les impôts provinciaux et communaux. D'accord avec le Gouvernement, un autre texte est proposé ci-après » (CE, avis n° 6619/2 du 10 avril 1959, p. 45).

Le second projet à l'origine de la loi du 18 mai 1960 a tenu compte de la remarque du Conseil d'Etat et a assimilé les instituts précités à l'Etat en ce qui concerne l'application des règlements relatifs aux taxes ou impôts des provinces et des communes (Doc. parl., Sénat, 1958-1959, n° 317, p. 17).

B.1.3. Il ressort du libellé de l'article 30 de la loi du 18 mai 1960 et des travaux préparatoires précités que la disposition en cause poursuit un objectif d'exonération fiscale. En effet, en alignant le régime fiscal des instituts sur celui de l'Etat, l'article 30 de la loi du 18 mai 1960 tend à exonérer ceux-ci des impositions auxquelles l'Etat n'est pas soumis.

B.2.1. L'article 1er du décret de la Communauté française du 12 décembre 1977 « portant statut de la Radio-Télévision belge de la Communauté culturelle française (R.T.B.F.) » (ci-après : le décret du 12 décembre 1977) », dispose : « Il est institué sous la dénomination ' Radio-Télévision belge de la Communauté culturelle française ' (R.T.B.F.) un établissement public doté de la personnalité juridique et dénommé ci-après ' Institut '. [...] ».

L'article 30 du décret du 12 décembre 1977 dispose : « L'institut reprend les droits et obligations de l'institut d'émission ' Radiodiffusion-Télévision belge, émissions françaises ' visés dans la loi du 28 mai 1960 organique des instituts de la Radiodiffusion-Télévision belge et les lois postérieures ».

L'article 31 du décret du 12 décembre 1977 dispose : « En tant qu'ils concernent l'Institut d'émission ' Radiodiffusion-Télévision belge, émissions françaises ', sont abrogés les articles 1er; 9, § 2; 10; 11; 12, §§ 1er, 2, 3, 4 et 5; 13; 20; 21; 23; 24; 25, § 1er; 26; 27; 28; §§ 1er, 2, premier alinéa et 5; 29; 31; 32; 33; 34 de la loi du 18 juin 1960 organique des Instituts de la Radiodiffusion-Télévision. [...] ».

Par le décret du 12 décembre 1977, le législateur décrétal n'a donc pas abrogé l'article 30 de la loi du 18 mai 1960, contrairement à d'autres de ses dispositions.

B.2.2. Le décret du 12 décembre 1977 a été abrogé et remplacé par le décret de la Communauté française du 14 juillet 1997 « portant statut de la Radio-Télévision belge de la Communauté française (RTBF) » (ci-après : le décret du 14 juillet 1997), actuellement en vigueur. Ce décret n'a pas non plus abrogé l'article 30 de la loi du 18 mai 1960.

B.2.3. Il ressort de ce qui précède que la Radio-Télévision belge de la Communauté française (ci-après : la RTBF) peut se prévaloir de l'article 30 de la loi du 18 mai 1960, en ce qu'elle a repris les droits et les obligations de l'institut d'émission « Radiodiffusion-Télévision belge, émissions françaises ».

Quant à la recevabilité des questions préjudicielles B.3.1. La RTBF soutient que les questions préjudicielles sont irrecevables en ce qu'elles portent sur la jurisprudence de la Cour de cassation.

B.3.2. En vertu de l'article 142 de la Constitution et des articles 1er et 26 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, la Cour statue sur les recours en annulation de lois, décrets et ordonnances et sur les questions préjudicielles y relatives, posées par des juridictions.

B.3.3. L'article 30 de la loi du 18 mai 1960 assimile la RTBF à l'Etat en ce qui concerne, notamment, « l'application des règlements relatifs aux taxes ou impôts des communes ». Par un arrêt du 23 février 2018, la Cour de cassation a rejeté un pourvoi dirigé contre un arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles qui annulait plusieurs cotisations à une taxe communale en raison de l'assimilation de la RTBF à l'Etat prévue par l'article 30 de la loi du 18 mai 1960 (Cass., 23 février 2018, F.16.0102.F).

Dans cet arrêt, la Cour de cassation a jugé que « les biens du domaine public de l'Etat et ceux de son domaine privé qui sont affectés à un service public ou d'intérêt général ne sont, de leur nature, pas susceptibles d'être soumis à l'impôt. Il s'ensuit que, d'une part, ces biens ne sont soumis à l'impôt que si une disposition légale le prévoit expressément, d'autre part, la disposition de l'article 172, alinéa 2, de la Constitution, aux termes de laquelle nulle exemption ou modération ne peut être établie que par une loi, ne leur est pas applicable ».

Par un arrêt du 9 mai 2019, la Cour de cassation a jugé, de manière similaire, que « l'impôt est un prélèvement pratiqué par voie d'autorité par l'Etat, les régions, les communautés, les provinces, les agglomérations et fédérations de communes ou les communes sur les ressources des personnes qui vivent sur leur territoire ou y possèdent des intérêts, pour être affectés aux services d'utilité publique.

Partant, dans l'exercice de son activité de gestion ou d'administration des services publics fédéraux, l'Etat n'est pas susceptible d'être soumis à l'impôt » (Cass., 9 mai 2019, F.18.0010.F).

B.3.4. C'est à cette jurisprudence que la juridiction a quo fait référence dans la question préjudicielle, lorsqu'elle interprète l'article 30 de la loi du 18 mai 1960 en ce sens qu'il exonère la RTBF de toute imposition communale sur les biens du domaine public et ceux de son domaine privé qui sont affectés à un service public ou d'intérêt général.

B.4. La Cour examine les questions qui lui sont posées, non pour se prononcer sur la jurisprudence de la Cour de cassation, ce qui ne relève pas de sa compétence, mais en se plaçant dans l'hypothèse, postulée par les questions préjudicielles, selon laquelle la disposition en cause doit recevoir l'interprétation qui y est formulée.

B.5. L'exception d'irrecevabilité est rejetée.

Quant au fond En ce qui concerne la demande de question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne B.6. La commune de Schaerbeek soutient que l'exonération fiscale prévue par la disposition en cause serait contraire aux articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après : le TFUE), en ce qu'elle constitue une aide nouvelle ou existante, interdite par ces dispositions. Partant, elle demande qu'une question préjudicielle soit posée à la Cour de justice de l'Union européenne.

B.7.1. L'article 267 du TFUE habilite la Cour de justice à statuer, à titre préjudiciel, aussi bien sur l'interprétation des traités et des actes des institutions de l'Union européenne que sur la validité de ces actes. En vertu du troisième alinéa de cette disposition, une juridiction nationale est tenue de saisir la Cour de justice lorsque ses décisions - comme celles de la Cour constitutionnelle - ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne. En cas de doute sur l'interprétation ou sur la validité d'une disposition du droit de l'Union européenne importante pour la solution d'un litige pendant devant une telle juridiction nationale, celle-ci doit, même d'office, poser une question préjudicielle à la Cour de justice.

B.7.2. Les articles 107 et 108 du TFUE disposent que, sauf dérogations prévues par le Traité, les aides accordées par les Etats qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions sont incompatibles avec le marché intérieur. Ces dispositions prévoient une procédure suivant laquelle la Commission européenne est chargée, en même temps que les Etats membres, de l'examen permanent des régimes d'aide existants dans les Etats. Si elle constate, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, qu'une aide n'est pas compatible avec le marché intérieur, elle « décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine ». Cette décision n'a pas d'effet rétroactif.

En vertu des mêmes dispositions, les aides nouvelles doivent être notifiées à la Commission avant leur exécution, et la Commission juge de leur compatibilité avec les dispositions de droit européen. En cas de défaut de notification par l'Etat concerné, il appartient aussi, en dernière instance, à la Commission, sous le contrôle des juridictions européennes, de décider de la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur.

B.7.3. Il résulte de cette procédure qu'une mesure qualifiée d'aide d'Etat au sens des articles 107 et 108 du TFUE ne saurait être considérée, a priori, sans décision de la Commission européenne, comme contraire au marché intérieur. Lorsque la Commission décide que tel est le cas concernant une aide existante, l'aide est supprimée ou modifiée dans un délai déterminé par elle. Lorsqu'il s'agit d'une aide nouvelle, le seul défaut de notification préalable à la Commission ne la rend pas incompatible avec le marché intérieur. Lorsqu'une aide nouvelle mise à exécution sans notification est jugée contraire au marché intérieur par la Commission, celle-ci en exige en principe la récupération.

B.7.4. Partant, la Cour de justice « n'est pas compétente pour statuer sur la compatibilité d'une mesure nationale avec le droit de l'Union.

Elle ne saurait davantage se prononcer sur la compatibilité d'une aide d'Etat ou d'un régime d'aides avec le marché intérieur, l'appréciation de cette compatibilité relevant de la compétence exclusive de la Commission européenne, agissant sous le contrôle du juge de l'Union (arrêt Fallimento Traghetti del Mediterraneo, C-140/09, EU: C: 2010: 335, point 22 et jurisprudence citée) » (CJUE, 16 juillet 2015, C-39/14, BVVG Bodenverwertungs- und -verwaltungs GmbH, point 19).

B.8. Par conséquent, il n'est pas nécessaire de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne.

En ce qui concerne la première question préjudicielle B.9. La première question préjudicielle porte sur la compatibilité de la disposition en cause avec l'article 170, § 4, de la Constitution, en ce qu'elle limite l'autonomie fiscale des communes.

B.10. L'article 170, § 4, de la Constitution dispose actuellement : « Aucune charge, aucune imposition ne peut être établie par l'agglomération, par la fédération de communes et par la commune que par une décision de leur conseil.

La loi détermine, relativement aux impositions visées à l'alinéa 1er, les exceptions dont la nécessité est démontrée ».

Au moment de l'adoption de la loi du 18 mai 1960, l'article 110, alinéas 3 et 4, de la Constitution disposait : « Aucune charge, aucune imposition communale ne peut être établie que du consentement du conseil communal.

La loi détermine les exceptions dont l'expérience démontrera la nécessité, relativement aux impositions provinciales et communales ».

B.11.1. Conformément à cette disposition, la commune dispose d'une compétence fiscale autonome, sauf lorsque la loi a déterminé ou détermine ultérieurement les exceptions dont la nécessité est démontrée.

La loi prise sur cette base constitutionnelle doit être interprétée restrictivement dès lors qu'elle limite l'autonomie fiscale des communes.

B.11.2. Contrairement à ce que soutient la commune de Schaerbeek, la circonstance que le législateur décrétal de la Communauté française n'a pas, par ses décrets du 12 décembre 1977 et du 14 juillet 1997, abrogé l'article 30 de la loi du 18 mai 1960, n'entraîne pas une appropriation, par ce législateur décrétal, du contenu de cette disposition. Partant, il faut considérer que l'exonération qu'elle contient est bien imputable à la loi du 18 mai 1960.

B.11.3. Comme il est dit en B.1.3, l'article 30 de la loi du 18 mai 1960 tend à exonérer les « instituts » qu'il vise des impositions auxquelles l'Etat n'est pas soumis, notamment en matière de taxes et d'impôts communaux. Le législateur a ainsi fait usage du pouvoir que lui donnait l'article 110, alinéas 3 et 4, ancien, de la Constitution, pour éviter que les missions accordées aux « instituts » précités ne soient compromises par des impôts dus à d'autres pouvoirs taxateurs.

B.12. Comme il est dit en B.2.3, l'assimilation prévue par l'article 30 de la loi du 18 mai 1960 est désormais applicable à la RTBF. Il appartient à la Cour de vérifier si la condition de « nécessité », précitée, demeure démontrée.

B.13.1. L'assimilation prévue par l'article 30 de la loi du 18 mai 1960 peut être considérée comme nécessaire, dès lors que la RTBF assure un service public, que ses biens sont affectés à un service rendu à la population et que son statut distinct justifie qu'elle soit soumise à des règles particulières : s'il est exact en effet que certaines de ses activités sont semblables à celle d'autres opérateurs, il reste qu'elle est tenue, conformément au décret du 14 juillet 1997 et au contrat de gestion conclu en vertu de celui-ci, à un certain nombre d'obligations de service public qui ne pèsent pas sur ces autres opérateurs, ni sur les autres redevables des impôts communaux.

B.13.2. Par ailleurs, la RTBF est notamment financée par une subvention affectée annuellement par la Communauté française, allouée en contrepartie de l'exécution de sa mission de service public conformément au contrat de gestion, ainsi que par les recettes de ses activités commerciales, étant entendu que les bénéfices nets de ces activités doivent être affectés intégralement au financement du coût net de sa mission de service public.

B.13.3. Enfin, contrairement à ce qui était prévu par la loi du 18 juin 1930 « sur la fondation de l'Institut national belge de radiodiffusion (INR) », la RTBF n'est pas exonérée de manière inconditionnelle des impositions communales. L'article 30, précité, se limite à assimiler le régime fiscal de la RTBF à celui de l'Etat, tel qu'il est interprété par la Cour de cassation.

B.14. Partant, le législateur a raisonnablement pu considérer comme nécessaire le principe de l'assimilation du régime fiscal de la RTBF à celui de l'Etat afin d'éviter que les missions de service public confiées à la RTBF soient compromises par des impôts dus à d'autres pouvoirs taxateurs.

B.15. La première question préjudicielle appelle une réponse négative.

En ce qui concerne la seconde question préjudicielle B.16. La seconde question préjudicielle porte sur la compatibilité de la disposition en cause avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce qu'elle crée une différence de traitement entre la RTBF et, d'une part, les opérateurs économiques exerçant des activités analogues et, d'autre part, la généralité des redevables des impôts communaux.

B.17.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution garantissent le principe d'égalité et de non-discrimination. L'article 172 de la Constitution est une application particulière de ce principe en matière fiscale.

Le principe d'égalité en matière fiscale n'interdit pas au législateur de traiter de manière différente certaines contribuables, pour autant que la différence de traitement ainsi créée puisse se justifier raisonnablement.

B.17.2. Contrairement à ce que soutiennent la RTBF et la VRT, les catégories de personnes visées dans la seconde question préjudicielle sont suffisamment comparables. La RTBF exerce des activités de radio-télévision sur le même marché que d'autres opérateurs, et ce dans un contexte concurrentiel. Par ailleurs, elle est propriétaire d'immeubles de bureaux sur le territoire de la commune de Schaerbeek, comme peuvent l'être des personnes morales de droit privé.

B.18.1. La différence de traitement mentionnée en B.16 repose sur un critère objectif, à savoir le fait que la première catégorie de personnes mentionnée assure le service public de radio et de télévision de la Communauté française de Belgique, alors que les autres catégories de personnes ne sont pas chargées d'une telle mission.

B.18.2. Par rapport à l'objectif de l'article 30 de la loi du 18 mai 1960, à savoir éviter que les missions accordées à la RTBF soient compromises par des impôts dus à d'autres pouvoirs taxateurs, il est pertinent d'assimiler le régime fiscal de celle-ci en matière d'impôts communaux à celui de l'Etat, eu égard aux exonérations dont il bénéficie en matière fiscale.

B.18.3. Enfin, compte tenu du fait que les autres opérateurs de radio-télévision et, plus généralement, les personnes morales de droit privé propriétaires de bureaux sur le territoire de la commune de Schaerbeek, n'ont pas l'obligation d'assurer le service public de radio-télévision en Communauté française, l'assimilation du régime fiscal de la RTBF à celui de l'Etat en matière d'impositions communales n'a pas d'effets disproportionnés pour ces autres personnes morales, étant donné que cette mission entraîne un grand nombre d'obligations qui ne leur incombent pas.

B.19. La seconde question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 30 de la loi du 18 mai 1960 organique des Instituts de la Radiodiffusion-Télévision belge ne viole pas les articles 10, 11, 170, § 4, et 172 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 22 septembre 2022.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux P. Nihoul

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