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Arrêt
publié le 27 mars 2024

Extrait de l'arrêt n° 103/2023 du 29 juin 2023 Numéro du rôle : 7795 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 253, § 4, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été remplacé par l'article 12 de l'ordonnance d La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Gie(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 103/2023 du 29 juin 2023 Numéro du rôle : 7795 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 253, § 4, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été remplacé par l'article 12 de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 23 novembre 2017 « effectuant les adaptations législatives en vue de la reprise du service du précompte immobilier par la Région de Bruxelles-Capitale », posée par le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia et W. Verrijdt, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 17 mars 2022, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 26 avril 2022, le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 253, § 4, du Code des impôts sur les revenus 1992 (Région de Bruxelles-Capitale) en sa version telle que remplacée par l'article 12 de l' ordonnance du 23 novembre 2017Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 23/11/2017 pub. 08/12/2017 numac 2017031630 source region de bruxelles-capitale Ordonnance effectuant les adaptations législatives en vue de la reprise du service du précompte immobilier par la Région de Bruxelles-Capitale fermer effectuant les adaptations législatives en vue de la reprise du service du précompte immobilier par la Région de Bruxelles-Capitale viole-t-il les articles 10, 11 et 24 de la Constitution, en ce qu'il crée une différence de traitement entre, - d'une part, le contribuable qui donne en location son bâtiment à une entité qui l'affecte à l'enseignement subventionné et qui bénéficie de l'exonération du précompte immobilier, et, - d'autre part, le contribuable qui donne en location son bâtiment à une entité qui l'affecte à un enseignement non subventionné celui-ci fût-il reconnu ou dépourvu de but de lucre, et qui ne bénéficie plus de l'exonération du précompte immobilier ? et, par surcroît, viole-t-il, ce faisant, la liberté d'enseignement ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La question préjudicielle porte sur l'article 253, § 4, du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : le CIR 1992), tel qu'il a été remplacé par l'article 12 de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 23 novembre 2017 « effectuant les adaptations législatives en vue de la reprise du service du précompte immobilier par la Région de Bruxelles-Capitale » (ci-après : l' ordonnance du 23 novembre 2017Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 23/11/2017 pub. 08/12/2017 numac 2017031630 source region de bruxelles-capitale Ordonnance effectuant les adaptations législatives en vue de la reprise du service du précompte immobilier par la Région de Bruxelles-Capitale fermer), qui dispose : « Sur demande du contribuable, est exonéré du précompte immobilier, le revenu cadastral des biens immobiliers ou des parties de biens immobiliers utilisés quasi exclusivement comme établissement d'enseignement subventionné, y compris artistique, et pour des activités directement liées à celui-ci.

Sur demande du contribuable, est exonéré du précompte immobilier, le revenu cadastral des salles, terrains et pistes exclusivement utilisés pour la pratique collective de sports dans le cadre des activités de clubs sportifs amateurs.

Cette exonération ne peut être accordée que si un ou plusieurs sports sont enseignés à l'endroit concerné.

Cette exonération est aussi applicable aux installations attenantes ou situées à proximité immédiate, indispensables à la pratique de ces sports ou à l'accueil de l'équipe adverse ou des arbitres lors des compétitions sportives, telles des vestiaires, douches, ou buvettes.

Une salle, un terrain ou une piste, pourvus de gradins ou tribunes pouvant accueillir plus de 500 spectateurs sont présumés, jusqu'à preuve du contraire, ne pas être utilisés que par des clubs sportifs amateurs.

Un club de sport qui rémunère ses joueurs est présumé, jusqu'à preuve du contraire, ne pas être un club sportif amateur ».

B.1.2. Il ressort de la formulation de la question préjudicielle que celle-ci porte uniquement sur l'article 253, § 4, alinéa 1er, du CIR 1992, tel qu'il a été remplacé par l'article 12 de l' ordonnance du 23 novembre 2017Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 23/11/2017 pub. 08/12/2017 numac 2017031630 source region de bruxelles-capitale Ordonnance effectuant les adaptations législatives en vue de la reprise du service du précompte immobilier par la Région de Bruxelles-Capitale fermer.

La Cour limite son examen à cette disposition.

B.2.1. L'article 253, § 4, alinéa 1er, du CIR 1992, tel qu'il a été remplacé par l'article 12 de l' ordonnance du 23 novembre 2017Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 23/11/2017 pub. 08/12/2017 numac 2017031630 source region de bruxelles-capitale Ordonnance effectuant les adaptations législatives en vue de la reprise du service du précompte immobilier par la Région de Bruxelles-Capitale fermer, prévoit l'exonération, sur la demande du contribuable, du précompte immobilier du revenu cadastral des immeubles et des parties d'immeubles situés dans le ressort de la Région de Bruxelles-Capitale qui sont utilisés presque exclusivement comme des établissements d'enseignement subventionné, y compris artistique, et pour des activités directement liées à celui-ci.

B.2.2. La disposition en cause s'inscrit dans le contexte de la reprise du service du précompte immobilier par la Région de Bruxelles-Capitale, en application de l'article 5, § 3, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions. En effet, l' ordonnance du 23 novembre 2017Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 23/11/2017 pub. 08/12/2017 numac 2017031630 source region de bruxelles-capitale Ordonnance effectuant les adaptations législatives en vue de la reprise du service du précompte immobilier par la Région de Bruxelles-Capitale fermer a été prise pour fixer les règles matérielles applicables au précompte immobilier dans la Région de Bruxelles-Capitale, en vue du transfert du service d'impôt concerné.

La disposition en cause est entrée en vigueur dès l'exercice d'imposition 2018 (article 18 de l' ordonnance du 23 novembre 2017Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 23/11/2017 pub. 08/12/2017 numac 2017031630 source region de bruxelles-capitale Ordonnance effectuant les adaptations législatives en vue de la reprise du service du précompte immobilier par la Région de Bruxelles-Capitale fermer), qui coïncide avec la reprise effective du service du précompte immobilier par la Région de Bruxelles-Capitale.

B.2.3. Avant son remplacement par l'article 12 de l' ordonnance du 23 novembre 2017Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 23/11/2017 pub. 08/12/2017 numac 2017031630 source region de bruxelles-capitale Ordonnance effectuant les adaptations législatives en vue de la reprise du service du précompte immobilier par la Région de Bruxelles-Capitale fermer, l'article 253 du CIR 1992 disposait : « Est exonéré du précompte immobilier, le revenu cadastral : 1° des biens immobiliers ou des parties de biens immobiliers visés à l'article 12, § 1er; [...] ».

L'article 12, § 1er, du CIR 1992 dispose : « Sont exonérés les revenus de biens immobiliers ou des parties de biens immobiliers sis dans un Etat membre de l'Espace économique européen qu'un contribuable ou un occupant a affectés sans but de lucre à l'exercice public d'un culte ou de l'assistance morale laïque, à l'enseignement, à l'installation d'hôpitaux, de cliniques, de dispensaires, de maisons de repos, de homes de vacances pour enfants ou personnes pensionnées, ou d'autres oeuvres analogues de bienfaisance ».

Il s'ensuit qu'avant le remplacement de l'article 253 du CIR 1992 par l'article 12 de l' ordonnance du 23 novembre 2017Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 23/11/2017 pub. 08/12/2017 numac 2017031630 source region de bruxelles-capitale Ordonnance effectuant les adaptations législatives en vue de la reprise du service du précompte immobilier par la Région de Bruxelles-Capitale fermer, le revenu cadastral des immeubles situés sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale affectés sans but de lucre à l'enseignement, subventionné ou non, était exonéré du précompte immobilier.

B.3.1. Par l' ordonnance du 23 novembre 2017Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 23/11/2017 pub. 08/12/2017 numac 2017031630 source region de bruxelles-capitale Ordonnance effectuant les adaptations législatives en vue de la reprise du service du précompte immobilier par la Région de Bruxelles-Capitale fermer, le législateur ordonnanciel a souhaité accroître la transparence vis-à-vis du contribuable, optimaliser les ressources de la Région de Bruxelles-Capitale et adapter la législation aux nouvelles réalités sociales, notamment en interdisant certaines pratiques considérées comme abusives dans le cadre des demandes d'exonération (Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2016-2017, A-554/1, pp. 1-2).

B.3.2. Dans cette perspective, le projet qui est à l'origine de la disposition en cause prévoyait initialement une exonération, sur la demande du contribuable, du précompte immobilier du revenu cadastral des immeubles et des parties d'immeubles « utilisés quasi exclusivement pour l'enseignement, y compris artistique, et pour des activités directement liées à celui-ci » (ibid., p. 36).

Les travaux préparatoires précisent à cet égard : « Le terme ` exclusivement ' vise à éviter que l'exonération ne soit accordée pour des biens immobiliers où un enseignement n'est dispensé que de manière (très) occasionnelle, voire juste pour bénéficier de l'exonération. Le terme ` quasiment ' vise à éviter que, à cause de l'insertion du terme ` exclusivement ', un établissement scolaire qui mettrait, par exemple, occasionnellement sa salle de fête à disposition d'une unité scoute (même moyennant une indemnisation raisonnable), par exemple pour y organiser sa fête d'unité, ne soit privé de ce fait du bénéfice de l'exonération. Un établissement scolaire qui mettrait (même contre une indemnisation raisonnable) en soirée sa salle de gymnastique à disposition de clubs sportifs pour que puissent s'y passer des entraînements ne doit par exemple pas non plus perdre le bénéfice de l'exonération » (ibid., p. 10).

B.3.3. Le critère du subventionnement est issu d'un amendement qui avait été déposé en commission. Le rapport de commission indique à ce sujet : « L'amendement a pour objectif d'exclure de cette [...] exonération les écoles privées, hors réseau reconnu, dont les finalités du lucre ne correspondent pas à la philosophie générale du texte. Continueront donc de bénéficier de l'exonération les établissements scolaires, [les universités], les hautes écoles, les écoles de promotion sociale, les académies, les écoles supérieures des arts, et tout autre établissement d'enseignement situé sur le territoire de la région et dont le fonctionnement est subventionné en partie par la fédération Wallonie Bruxelles, par la Vlaamse Gemeenschap, par les communes, par la COCOM et par la VGC » (Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2017-2018, A-554/2, p. 40).

Et : « Le texte [...] veut exclure de toute exonération les établissements scolaires à caractère strictement privé. [Un membre] accepte l'amendement. Ces fausses écoles délivrent des diplômes non reconnus par les autorités académiques et piègent parents et élèves. Le discours fiscal doit être clair.

Le Président et le ministre acceptent l'amendement mais il convient d'ajouter le mot ` exclusivement ' entre le mot ` quasi ' et le mot ` comme ' » (ibid., pp. 21 et 22).

En séance plénière, un membre a affirmé : « Nous avons eu des débats très intéressants, notamment à la Communauté française, à propos de la problématique des fausses écoles ou, en tout cas, des écoles non diplômantes qui jouent un rôle de concurrence et de dumping sur la formation. Ces écoles piègent les parents et les adolescents qui suivent un cursus de type universitaire non diplômant. Le texte, volontaire, exclut méthodologiquement du bénéfice de l'exonération ces fausses universités : il faudra désormais être subventionné par un pouvoir public pour bénéficier de l'exonération » (Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2017-2018, 26 octobre 2017, CRI, n° 9, p. 18).

B.4. La juridiction a quo interroge la Cour sur la compatibilité de la disposition en cause avec le principe d'égalité et de non-discrimination garanti par les articles 10, 11 et 24 de la Constitution, en ce qu'elle fait naître une différence de traitement entre le contribuable qui donne un bien immeuble en location à une entité qui l'affecte à l'enseignement subventionné et le contribuable qui donne un bien immeuble en location à une entité qui l'affecte à un enseignement non subventionné, lequel peut, le cas échéant, être reconnu à l'étranger ou ne pas poursuivre un but de lucre, en ce que le second contribuable ne peut pas bénéficier d'une exonération du précompte immobilier du revenu cadastral du bien immeuble concerné.

La juridiction a quo interroge par ailleurs la Cour quant à la compatibilité de cette différence de traitement avec la liberté d'enseignement.

B.5.1. La partie demanderesse devant la juridiction a quo soutient que la disposition en cause n'est pas compatible avec les articles 10, 11 et 24 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 18, 21 et 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, avec l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 « relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union » et avec l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en ce qu'elle fait naître une discrimination indirecte fondée sur la nationalité et sur la langue, au détriment des élèves étrangers ou parlant une langue étrangère.

B.5.2. Les parties ne peuvent modifier ou faire modifier la portée de la question préjudicielle.

Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner la différence de traitement invoquée à titre complémentaire par la partie demanderesse devant la juridiction a quo. La Cour répond à la question telle qu'elle est formulée par la juridiction a quo.

B.6.1. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.6.2. L'article 24, § 4, de la Constitution réaffirme, en matière d'enseignement, le principe d'égalité et de non-discrimination.

Selon cette disposition, tous les établissements d'enseignement sont égaux devant la loi ou le décret. Ceux-ci doivent dès lors être traités de la même manière, à moins qu'il existe des différences objectives permettant de justifier raisonnablement une différence de traitement. Inversement, ils doivent être traités différemment lorsqu'ils se trouvent dans des situations intrinsèquement différentes au regard de la mesure attaquée, sauf s'il existe une justification objective et raisonnable à l'égalité de traitement.

B.6.3. La liberté d'enseignement garantie par l'article 24, § 1er, de la Constitution garantit le droit d'organiser - et donc de choisir - des écoles fondées sur une philosophie confessionnelle ou non confessionnelle déterminée. Elle implique également que des personnes privées puissent, sans autorisation préalable et sous réserve du respect des libertés et des droits fondamentaux, organiser et faire dispenser un enseignement selon leur propre conception, tant en ce qui concerne la forme de cet enseignement qu'en ce qui concerne son contenu, par exemple en créant des écoles dont la spécificité réside dans des conceptions déterminées d'ordre pédagogique ou éducatif.

B.7. Lorsqu'il détermine sa politique en matière fiscale, le législateur ordonnanciel dispose d'un pouvoir d'appréciation étendu.

Tel est notamment le cas lorsqu'il détermine le fait générateur et les redevables des impôts qu'il prévoit. La Cour ne peut censurer les choix politiques du législateur ordonnanciel et les motifs qui les fondent que s'ils reposent sur une erreur manifeste ou ne sont pas raisonnablement justifiés. Le législateur ordonnanciel dispose ainsi d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer les cas dans lesquels un contribuable peut bénéficier d'une exonération d'impôt.

Toutefois, lorsque l'exonération fiscale est liée au droit d'organiser des écoles fondées sur une philosophie confessionnelle ou non confessionnelle déterminée, le législateur ordonnanciel ne peut porter atteinte à la liberté d'enseignement garantie par l'article 24, § 1er, de la Constitution.

B.8. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.3.1 à B.3.3 et du mémoire du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale que le législateur ordonnanciel, en réservant l'exonération du précompte immobilier aux immeubles utilisés quasi exclusivement comme établissements d'enseignement subventionné, y compris artistique, et pour des activités directement liées à celui-ci, entendait mettre fin à l'exonération du précompte immobilier pour des immeubles utilisés par des écoles dites « privées », c'est-à-dire par des écoles qui ne relèvent ni de l'enseignement officiel ni de l'enseignement libre subventionné, et qui, à défaut d'organiser un enseignement dispensé au moyen de deniers publics, peuvent exiger des droits d'inscription dont elles fixent librement le montant et ne sont pas soumises aux conditions de qualité fixées par le législateur décrétal compétent. Il s'agit d'un objectif légitime.

B.9. Le critère du subventionnement de l'enseignement est objectif et pertinent au regard de l'objectif poursuivi de réserver l'avantage fiscal aux établissements d'enseignement organisé ou subventionné par la communauté compétente.

En effet, pour obtenir un subventionnement de la part des autorités publiques, les établissements de l'enseignement libre doivent satisfaire à certaines conditions fixées par le législateur décrétal compétent en vue de garantir la qualité de l'enseignement et son équivalence avec l'enseignement officiel. A l'inverse, les établissements d'enseignement créés par des personnes privées qui choisissent de ne pas recourir à des subventions publiques ne sont pas tenus au respect des conditions précitées, bien que l'autorité publique puisse contrôler a minima la qualité de l'enseignement dispensé en vue de déterminer si la fréquentation de ces établissements permet de satisfaire à l'obligation scolaire.

B.10. La Cour doit encore vérifier si le législateur ordonnanciel, en choisissant le critère du subventionnement de l'enseignement, n'a pas porté atteinte à la liberté d'enseignement, garantie par l'article 24, § 1er, de la Constitution.

B.11.1. Conformément à l'article 255 du CIR 1992, tel qu'il est applicable sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, le précompte immobilier s'élève à 1,25 % du revenu cadastral établi au 1er janvier de l'exercice d'imposition.

B.11.2. Un tel taux, même majoré des centimes additionnels communaux et des centimes additionnels au profit de l'agglomération bruxelloise, ne saurait être considéré en soi comme étant disproportionné ni comme étant susceptible de menacer la pérennité des établissements de l'enseignement non subventionné organisé par des personnes privées ou d'entraver sérieusement leur organisation interne, leur fonctionnement et leurs activités.

B.11.3. Enfin, les institutions concernées sont libres de solliciter le subventionnement de l'enseignement qu'elles organisent, selon la procédure prévue par le législateur décrétal compétent, en vue de bénéficier de l'exonération en cause.

B.12. La disposition en cause est compatible avec les articles 10, 11 et 24 de la Constitution.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 253, § 4, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été remplacé par l'article 12 de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 23 novembre 2017 « effectuant les adaptations législatives en vue de la reprise du service du précompte immobilier par la Région de Bruxelles-Capitale », ne viole pas les articles 10, 11 et 24 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 29 juin 2023.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, P. Nihoul

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