publié le 08 mars 2024
Extrait de l'arrêt n° 80/2023 du 17 mai 2023 Numéro du rôle : 7824 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 45/1 de la loi du 8 juin 2006 « réglant des activités économiques et individuelles avec des armes », posée par le Co La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Gie(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 80/2023 du 17 mai 2023 Numéro du rôle : 7824 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 45/1 de la
loi du 8 juin 2006Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
08/06/2006
pub.
09/06/2006
numac
2006009449
source
service public federal justice
Loi réglant des activités économiques et individuelles avec des armes
fermer « réglant des activités économiques et individuelles avec des armes », posée par le Conseil d'Etat.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par l'arrêt n° 254.084 du 23 juin 2022, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 30 juin 2022, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 45/1 de la loi du 8 juin 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/06/2006 pub. 09/06/2006 numac 2006009449 source service public federal justice Loi réglant des activités économiques et individuelles avec des armes fermer réglant des activités économiques et individuelles avec des armes, interprété comme excluant la régularisation de la détention d'une arme, sans munitions, qui avait fait l'objet d'une autorisation plus de trois ans avant l'entrée en vigueur de la loi précitée, par une personne désirant seulement la conserver dans son patrimoine, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il traite différemment cette personne par rapport aux autres personnes qui demandent une régularisation sur la base de la même disposition légale pour l'un des autres motifs légitimes prévus par l'article 10 [lire : 11], § 3, alinéa 1er, 9°, a) à f) de cette loi ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la disposition en cause B.1.1. L'article 45/1 de la loi du 8 juin 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/06/2006 pub. 09/06/2006 numac 2006009449 source service public federal justice Loi réglant des activités économiques et individuelles avec des armes fermer « réglant des activités économiques et individuelles avec des armes » (ci-après : la loi sur les armes), tel qu'il a été inséré dans cette loi par l'article 27 de la loi du 7 janvier 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/01/2018 pub. 12/01/2018 numac 2017014377 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 8 juin 2006 réglant des activités économiques et indivuelles avec des armes et le Code civil fermer « modifiant la loi du 8 juin 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/06/2006 pub. 09/06/2006 numac 2006009449 source service public federal justice Loi réglant des activités économiques et individuelles avec des armes fermer réglant des activités économiques et individuelles avec des armes et le Code civil » (ci-après : la loi du 7 janvier 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/01/2018 pub. 12/01/2018 numac 2017014377 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 8 juin 2006 réglant des activités économiques et indivuelles avec des armes et le Code civil fermer), prévoit une nouvelle période de déclaration des armes soumises à autorisation, en vue d'en faire sortir le plus grand nombre possible de la clandestinité : « § 1er. Quiconque détient sans l'agrément ou l'autorisation requis une arme soumise à autorisation, un chargeur ou des munitions doit, au plus tard le 31 décembre 2018 en faire la déclaration à la police locale : - soit en vue de demander l'agrément visé à l'article 6, l'autorisation visée à l'article 11 ou l'enregistrement visé à l'article 12, alinéa 3, auprès du gouverneur compétent pour sa résidence; - soit en vue de faire neutraliser l'arme ou le chargeur à ses frais par le Banc d'épreuves des armes à feu; - soit en vue de céder l'arme, le chargeur ou les munitions à une personne autorisée à les détenir ou agréée à cette fin, - soit en vue d'en faire abandon.
Les déclarations faites après le 31 décembre 2018 en vue de demander l'agrément visé à l'article 6, l'autorisation visée à l'article 11 ou l'enregistrement visé à l'article 12, alinéa 3, entraînent l'irrecevabilité de cette demande. § 2. Dans l'attente de la décision du gouverneur, la demande d'agrément visé à l'article 6 ou d'autorisation visée à l'article 11 peut valoir agrément ou autorisation provisoire selon les modalités déterminées par le Roi. En cas contraire, l'arme, les chargeurs et les munitions doivent être déposés auprès de la police locale ou d'une personne autorisée à les détenir ou agréée à cette fin, du jour de sa déclaration jusqu'à l'obtention de l'agrément ou l'autorisation demandé ou jusqu'à l'application de l'alinéa 2.
En cas de refus de l'agrément visé à l'article 6 ou de l'autorisation visée à l'article 11, l'intéressé est tenu, dans les trois mois à compter du jour où cette décision sera devenue définitive, soit de faire neutraliser l'arme et les chargeurs à ses frais par le Banc d'épreuves des armes à feu, soit de céder l'arme, les chargeurs et les munitions à une personne autorisée à les détenir, soit d'en faire abandon auprès de la police locale de sa résidence. § 3. Lorsque l'intéressé déclare l'arme, le chargeur ou les munitions à la police locale en vue de l'application du paragraphe 1er, il lui est remis un récépissé de déclaration. Ce récépissé de déclaration est daté et signé par les deux parties ou leurs délégués et mentionne l'arme, le chargeur ou les munitions concernés ainsi que le choix pour une des possibilités prévues au paragraphe 1er, alinéa 1er. § 4. Celui qui applique le paragraphe 1er ne peut être poursuivi du chef du défaut de l'autorisation en question : 1° soit si ce fait n'a pas donné lieu jusqu'au moment de la déclaration à un procès-verbal ou un acte d'investigation spécifiques émanant d'un service de police ou d'une autorité judiciaire;ou 2° si l'arme avait été enregistrée à son nom au Registre Central des armes avant l'entrée en vigueur de la présente loi. § 5. Lorsqu'ils concernent des dossiers introduits durant la période visée au paragraphe 1er, les délais indiqués ci-après sont prolongés comme suit : 1° le délai visé à l'article 11, § 1er, alinéa 1er, est porté à quatre mois au lieu de trois mois;2° le délai visé à l'article 31, 2°, est porté à cinq mois au lieu de quatre mois. § 6. Le Roi peut déterminer la procédure et les modalités d'application de cet article ».
Cette disposition oblige les personnes qui détiennent sans l'agrément ou l'autorisation requis une arme soumise à autorisation, un chargeur ou des munitions, à en faire la déclaration auprès de la police locale, du 1er mars 2018 au 31 décembre 2018 au plus tard.
Dans l'hypothèse d'une telle déclaration, les personnes concernées ne peuvent pas être poursuivies du chef du défaut de l'autorisation en question si, au moment de la déclaration, cette détention illégale n'avait pas donné lieu à un procès-verbal spécifique ni à un acte d'investigation spécifique, ou si l'arme avait été enregistrée avant l'entrée en vigueur de la loi sur les armes au Registre central des armes au nom de la personne faisant la déclaration.
Les personnes qui font cette déclaration ont le choix entre : (1) demander l'agrément visé à l'article 6, l'autorisation visée à l'article 11 ou l'enregistrement visé à l'article 12, alinéa 3, de la loi sur les armes; (2) faire neutraliser l'arme ou le chargeur à leurs frais par le banc d'épreuves des armes à feu; (3) céder l'arme, le chargeur ou les munitions à une personne autorisée à les détenir ou agréée à cette fin; ou (4) en faire abandon.
B.1.2. Les travaux préparatoires mentionnent : « La régularisation précédente, s'étalant de 2006 à 2008, fut un succès puisqu'environ 200 000 armes ont été déclarées. Il s'agit ainsi de 200 000 armes qui ne sont plus entre les mains d'inconnus. Elles ont fait l'objet d'une autorisation, ont été neutralisées ou détruites. Néanmoins, les estimations font encore état de nombreuses armes encore détenues illégalement. Il serait question de dizaines de milliers. Cela représente un danger potentiel pour la sécurité publique, à différents égards.
Il est évidemment préférable pour les services de police, qui doivent intervenir dans des habitations, de savoir si leurs occupants sont détenteurs connus d'armes. Avec la régularisation, les registres de détention seront enrichis et plus complets.
En outre, il existe sans doute des armes dans les mains de personnes qui ne répondent pas aux exigences légales. Le projet de loi apportera plus de clarté à cet égard et permettra ici aussi de rectifier beaucoup de situations. Le projet de loi permet à l'ensemble des citoyens de déclarer à nouveau ces armes à partir du début de l'année 2018, en échange d'une exonération de poursuites pénales. Ils peuvent demander une autorisation pour leurs armes, les vendre, les faire neutraliser ou y renoncer. La période de régularisation ne s'applique pas aux armes prohibées, telles que les armes à feu entièrement automatiques. Quiconque refuse malgré tout de déclarer son arme, risque une lourde peine de prison pouvant aller jusqu'à 5 ans et une amende jusqu'à 25 000 euros » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-2709/004, pp. 3-4).
Quant à l'interprétation de la disposition en cause B.2. La partie requérante devant le Conseil d'Etat conteste l'interprétation que ce dernier donne à l'article 45/1 de la loi sur les armes, en ce que cette interprétation ne lui permettrait pas d'invoquer dans la demande de régularisation qu'elle effectue sur la base de cette disposition le motif de la conservation passive (sans munitions) de l'arme dans son patrimoine.
Elle considère que l'article 45/1 de la loi sur les armes, en ce qu'il renvoie à l'article 11 de la même loi, dont le paragraphe 3, alinéa 1er, 9°, g), reprend le motif de la conservation passive en patrimoine et renvoie à son tour aux conditions précisées à l'article 11/1, permet à la personne qui détient une arme ayant fait l'objet d'une autorisation de détention avant l'entrée en vigueur de la loi sur les armes d'obtenir pour cette arme une autorisation de détention passive dans le cadre de la période de régularisation prévue audit article 45/1.
B.3. Il appartient en règle à la juridiction a quo d'interpréter les dispositions qu'elle applique, sous réserve d'une lecture manifestement erronée des dispositions en cause.
B.4.1. L'article 45/1 de la loi sur les armes permet à la personne qui détient sans l'agrément ou l'autorisation requis une arme soumise à autorisation de demander l'autorisation visée à l'article 11 de la même loi. Une telle autorisation n'est délivrée qu'à la condition que la personne concernée justifie d'un motif légitime pour l'acquisition et la détention de l'arme, conformément à l'article 11, § 3, alinéa 1er, 9°, de la loi sur les armes. Avant l'entrée en vigueur de la loi du 7 janvier 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/01/2018 pub. 12/01/2018 numac 2017014377 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 8 juin 2006 réglant des activités économiques et indivuelles avec des armes et le Code civil fermer, cette disposition mentionnait les motifs légitimes suivants : (a) la chasse et des activités de gestion de la faune; (b) le tir sportif et récréatif; (c) l'exercice d'une activité présentant des risques particuliers ou nécessitant la détention d'une arme à feu; (d) la défense personnelle de personnes qui courent un risque objectif et important et qui démontrent en outre que la détention d'une arme à feu diminue ce risque important dans une large mesure et peut les protéger;(e) l'intention de constituer une collection d'armes historiques; (f) la participation à des activités historiques, folkloriques, culturelles ou scientifiques.
L'article 7, c), de la loi du 7 janvier 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/01/2018 pub. 12/01/2018 numac 2017014377 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 8 juin 2006 réglant des activités économiques et indivuelles avec des armes et le Code civil fermer a complété cette énumération par l'ajout d'un nouveau motif légitime de détention, libellé en ces termes : « g) la conservation d'une arme dans un patrimoine, sous les conditions précisées aux articles 11/1 et 11/2, alinéas 2 et 3 ».
Les travaux préparatoires justifient cet ajout comme suit : « Par arrêt n° 154/2007 du 19 décembre 2007 (M.B., 23 janvier 2008, p. 3612), la Cour constitutionnelle a annulé l'article 11, § 3, 9°, de la loi ` en ce qu'il ne mentionne pas comme motif légitime la conservation d'une arme dans un patrimoine, lorsque la demande d'autorisation de détention concerne une arme soumise à autorisation à l'exclusion des munitions, pour laquelle une autorisation de détention a été délivrée ou pour laquelle une autorisation de détention n'était pas requise ' : [...] La loi a été adaptée en ce sens par l'insertion, par la loi du 25 juillet 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/07/2008 pub. 22/08/2008 numac 2008009699 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 8 juin 2006 réglant des activités économiques et individuelles avec des armes fermer, des articles 11/1 et 11/2.
Par souci de clarté, il est proposé d'ajouter ce motif à l'énumération des motifs légitimes dans l'article 11, § 3, tout en y renvoyant aux conditions fixées auxdits articles 11/1 et 11/2, alinéas 2 et 3 (l'alinéa 1er étant une disposition temporaire qui n'est plus applicable). Il s'agit donc d'une adaptation purement formelle, puisqu'elle ne prévoit aucune dérogation à ces conditions » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-2709/001, pp. 12-13).
En ce qui concerne la disposition en cause, les travaux préparatoires mentionnent : « [L'article en projet] tend à insérer un article 45/1 dans le chapitre XVIII de la loi du 8 juin 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/06/2006 pub. 09/06/2006 numac 2006009449 source service public federal justice Loi réglant des activités économiques et individuelles avec des armes fermer.
Le Service juridique a fait l'observation suivante : ` L'article 45/1, en projet, instaure une nouvelle période de déclaration pour les personnes qui détiennent illégalement une arme.
Sur la base du paragraphe 1er, alinéa 1er, en projet, ces personnes pourront déclarer leur arme à la police locale jusqu'au 31 décembre 2018. Celui qui souhaite conserver l'arme pourra notamment demander une autorisation au gouverneur de province dans le cadre de la procédure visée à l'article 11 et devra remplir toutes les conditions visées au paragraphe 3 de cet article.L'article ne permet cependant pas au détenteur d'une arme illégale qui souhaite uniquement la conserver dans son patrimoine de régulariser sa situation sur la base de l'article 11/1. Si l'intention était de le permettre, il faudrait insérer, dans l'article 45/1, § 1er, alinéa 1er, premier tiret, en projet, après les mots " visée à l'article 11 " les mots " ou à l'article 11/1 " '.
Le ministre n'est pas d'accord avec cette suggestion: l'intention n'est pas d'introduire une possibilité généralisée de posséder des armes sans munitions. Concernant la détention passive d'armes, il existe la faculté de se déclarer collectionneur. Il faut cependant faire la preuve de cette intention d'être collectionneur » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-2709/007, pp. 13-14).
B.4.2. Par son arrêt n° 251.768 du 6 octobre 2021, auquel l'arrêt de renvoi fait référence, le Conseil d'Etat a jugé : « La déclaration prévue par l'article 45/1, § 1er, de la loi sur les armes doit être faite avant le 31 décembre 2018 et exclusivement dans le but de : - soit demander l'agrément visé à l'article 6, l'autorisation visée à l'article 11 ou l'enregistrement visé à l'article 12, alinéa 3, auprès du gouverneur compétent pour sa résidence; - soit de faire neutraliser l'arme ou le chargeur à ses frais par le Banc d'épreuves des armes à feu; - soit de céder l'arme, le chargeur ou les munitions à une personne autorisée à les détenir ou agréée à cette fin, - soit d'en faire abandon.
La requérante ne conteste pas qu'elle a voulu garder l'arme litigieuse sans munition et dans le cadre de la ` sauvegarde du patrimoine '.
Cette option n'est cependant pas prévue par l'article 45/1, § 1er, alinéa 1er, de la loi sur les armes, qui ne concerne que les demandes d'agrément de personnes souhaitant détenir une collection de plus de cinq armes, les demandes d'autorisation de détention d'armes à feu faites dans le cadre de l'article 11 et les demandes d'enregistrement visées à l'article 12, alinéa 3, de la même loi.
Si la loi du 7 janvier 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/01/2018 pub. 12/01/2018 numac 2017014377 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 8 juin 2006 réglant des activités économiques et indivuelles avec des armes et le Code civil fermer, précitée, a introduit dans l'article 11, § 3, 9°, un nouveau motif légitime à savoir le point ` g) conservation d'une arme dans un patrimoine, sous les conditions précisées aux articles 11/1 et 11/2, alinéas 2 et 3 ' de la loi sur les armes, il s'agit cependant d'une modification qui est intervenue pour répondre à un arrêt de la Cour constitutionnelle n° 154/2007 du 19 décembre 2007.
Dès lors qu'il ressort de cette modification que la détention passive d'une arme dans un patrimoine n'est autorisée que dans les cas prévus à l'article 11/1 et 11/2, alinéas 2 et 3 de la loi sur les armes, il n'est pas possible pour la requérante de se prévaloir, en l'espèce, de ces dispositions dès lors que l'article 45/1, précité n'envisage que les autorisations de détention d'arme visées à l'article 11.
L'article 11/1 de la loi sur les armes dispose comme suit : ` Une autorisation de détention est également octroyée aux personnes désirant conserver dans leur patrimoine une arme qui avait fait l'objet d'une autorisation ou pour laquelle une autorisation n'était pas requise avant l'entrée en vigueur de la présente loi.
Cette autorisation n'est valable que pour la simple détention de l'arme, à l'exclusion de munitions.
L'article 11, § 3, 6°, 7° et 9°, ne s'applique pas aux personnes visées à l'alinéa 1er '.
Il s'ensuit que les demandes faites dans le cadre de l'article 11/1, précité, ne peuvent bénéficier du régime de régularisation prévu par l'article 45/1, § 1er, alinéa 1er, de la loi sur les armes. Il ne peut ainsi être reproché à la partie adverse d'avoir statué sur la demande telle qu'introduite par la requérante.
En conséquence, comme le relève à juste titre la partie adverse dans son mémoire en réponse, la requérante n'a pas intérêt au présent recours. A supposer même que la demande de régularisation ait été introduite avant le 31 décembre 2018, elle ne pourrait bénéficier de la procédure de régularisation prévue par l'article 45/1 de la loi sur les armes, le but étant uniquement de conserver l'arme litigieuse dans son patrimoine ».
B.4.3. Il ressort de ce qui précède que l'interprétation que le Conseil d'Etat donne à la disposition en cause, lue en combinaison avec l'article 11, § 3, alinéa 1er, 9°, g), de la loi sur les armes, n'est pas manifestement erronée.
La Cour répond donc à la question préjudicielle dans cette interprétation.
Quant à la portée de la question préjudicielle B.5. Le Conseil d'Etat interroge la Cour sur la compatibilité de l'article 45/1 de la loi sur les armes avec les articles 10 et 11 de la Constitution, dans l'interprétation selon laquelle il exclut « la régularisation de la détention d'une arme, sans munitions, qui avait fait l'objet d'une autorisation plus de trois ans avant l'entrée en vigueur de la loi précitée, par une personne désirant seulement la conserver dans son patrimoine », en ce que cette personne est traitée autrement que celles qui demandent une régularisation sur la base de la même disposition « pour l'un des autres motifs légitimes prévus par l'article 10, § 3, alinéa 1er, 9°, a) à f), de cette loi ».
B.6.1. La question préjudicielle invite la Cour à tenir compte, dans le cadre de son examen de la constitutionnalité de la disposition en cause, des motifs légitimes prévus à l'article 10, § 3, alinéa 1er, 9°, a) à f), de la loi sur les armes.
Il s'agit manifestement d'une erreur matérielle. Le Conseil d'Etat visait l'article 11, § 3, alinéa 1er, 9°, a) à f), de la même loi, qui contient les motifs légitimes auxquels il fait référence.
B.6.2.1. La question préjudicielle concerne par ailleurs la régularisation de la détention d'une arme sans munitions (dite aussi détention « passive ») ayant fait l'objet d'une autorisation « plus de trois ans avant l'entrée en vigueur de la loi [sur les armes] ».
La lecture de la motivation de l'arrêt de renvoi ne permet pas de comprendre à quoi correspond ce délai de trois ans qui a précédé l'entrée en vigueur de la loi sur les armes.
B.6.2.2. Il ressort de l'article 48, alinéa 2, de la loi sur les armes que les autorisations de détention d'armes ayant été délivrées sur la base de la loi du 3 janvier 1933Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/01/1933 pub. 04/07/1997 numac 1997000199 source ministere de l'interieur Loi relative à la fabrication, au commerce et au port des armes et au commerce des munitions - Traduction allemande fermer « relative à la fabrication, au commerce et au port des armes et des munitions » plus de cinq ans avant l'entrée en vigueur dudit article 48 sont devenues caduques si elles n'ont pas fait l'objet d'une demande de renouvellement auprès de l'autorité compétente au plus tard le 31 octobre 2008.
A contrario, les autorisations de détention d'armes ayant été délivrées en vertu de la loi, précitée, du 3 janvier 1933 moins de cinq ans avant l'entrée en vigueur de l'article 48 de la loi sur les armes sont restées valables, malgré l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les armes, sans que le détenteur ait dû accomplir une démarche particulière à cet effet. Elles ne sont donc pas susceptibles de faire l'objet d'une régularisation. Elles sont en revanche soumises au contrôle quinquennal prévu à l'article 32, alinéa 2, de la même loi.
B.6.2.3. Il découle de ce qui précède que la réponse à la question préjudicielle n'est pas utile en ce qui concerne les personnes ayant obtenu une autorisation de détention d'armes entre cinq ans et trois ans avant l'entrée en vigueur de l'article 48 de la loi sur les armes, mais qu'elle l'est en ce qui concerne les personnes ayant obtenu une autorisation de détention d'armes plus de cinq ans avant cette date, ce qui est le cas de la partie requérante devant le Conseil d'Etat.
Par conséquent, la Cour répond à la question préjudicielle en ce qu'elle concerne la régularisation de la détention d'une arme, sans munitions, ayant fait l'objet d'une autorisation plus de cinq ans avant l'entrée en vigueur de l'article 48 de la loi sur les armes.
B.6.3. Ces erreurs matérielles n'ont pas empêché la partie requérante devant le Conseil d'Etat et le Conseil des ministres de développer leurs arguments de manière pertinente.
B.7.1. La partie requérante devant le Conseil d'Etat considère que la Cour doit statuer non seulement sur la différence de traitement soulevée dans la question préjudicielle, mais également sur la différence de traitement que l'article 48, alinéa 2, de la loi sur les armes engendre entre les détenteurs d'armes autorisées avant l'entrée en vigueur de la loi sur les armes, selon que l'autorisation de détention de l'arme a été délivrée au cours de la période de cinq ans qui a précédé le 9 juin 2006 ou qu'elle a été délivrée antérieurement.
B.7.2. Les parties devant la Cour ne peuvent modifier ou étendre la portée d'une question préjudicielle. Il appartient à la seule juridiction a quo de décider quelles sont les questions préjudicielles qui doivent être posées à la Cour et de déterminer ainsi l'étendue de la saisine.
La Cour examine donc uniquement la différence de traitement soulevée par le Conseil d'Etat dans la question préjudicielle.
Quant au fond B.8. La Cour doit examiner si l'article 45/1 de la loi sur les armes, tel qu'il est interprété par le Conseil d'Etat, viole le principe d'égalité et de non-discrimination garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il exclut la régularisation de la détention d'une arme sans munitions ayant fait l'objet d'une autorisation plus de cinq ans avant l'entrée en vigueur de l'article 48 de la loi sur les armes par une personne désirant seulement la conserver dans son patrimoine, dès lors que cette personne est traitée différemment de celles qui demandent une régularisation sur la base de la même disposition législative et qui invoquent l'un des autres motifs légitimes prévus à l'article 11, § 3, alinéa 1er, 9°, a) à f), de cette loi.
B.9. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.10. Dans le cadre de la régularisation prévue à l'article 45/1 de la loi sur les armes, une autorisation de détention d'une arme ne peut, dans l'interprétation de la disposition en cause par le Conseil d'Etat, être accordée sur la base de l'article 11 de la même loi que pour les seuls motifs légitimes suivants : la chasse et des activités de gestion de la faune; le tir sportif et récréatif; l'exercice d'une activité présentant des risques particuliers ou nécessitant la détention d'une arme à feu; la défense personnelle de personnes qui courent un risque objectif et important et qui démontrent en outre que la détention d'une arme à feu diminue ce risque important dans une large mesure et peut les protéger; l'intention de constituer une collection d'armes historiques; la participation à des activités historiques, folkloriques, culturelles ou scientifiques (article 11, § 3, alinéa 1er, 9°, a) à f), de la loi sur les armes). Le motif de la conservation passive en patrimoine (article 11, § 3, alinéa 1er, 9°, g), de la même loi) n'est en revanche pas admis.
B.11. Il relève du pouvoir d'appréciation du législateur de déterminer les motifs pour lesquels la détention d'une arme soumise à autorisation peut être considérée comme légitime, à plus forte raison lorsqu'il s'agit d'une arme dont la détention est illégale et qui pourrait faire l'objet d'une régularisation. La Cour ne pourrait censurer ses choix que s'ils étaient déraisonnables.
B.12. Les motifs légitimes de détention d'une arme repris à l'article 11, § 3, alinéa 1er, 9°, a) à f), de la loi sur les armes, mentionnés en B.10, ont en commun d'être liés à une activité pour laquelle la détention d'une arme et, le cas échéant, des munitions afférentes, est nécessaire, activité que le législateur juge en soi légitime. Le motif relatif à la conservation passive d'une arme en patrimoine n'est en revanche pas lié à une activité déterminée.
B.13. Par son arrêt n° 3/2010 du 20 janvier 2010 (ECLI:BE:GHCC:2010:ARR.003), la Cour a jugé qu'eu égard aux objectifs de sécurité publique et de diminution des risques inhérents à la détention d'une arme, le législateur avait raisonnablement pu définir de manière restrictive les cas dans lesquels la détention passive d'une arme est autorisée.
B.14. Il n'est pas déraisonnable que, dans le cadre d'une régularisation, la détention passive d'une arme illégalement détenue ne soit pas prise en compte lorsque cette détention repose simplement sur le souhait du détenteur de pouvoir conserver cette arme dans son patrimoine.
La différence de traitement ne produit pas des effets disproportionnés pour la personne concernée, compte tenu de la possibilité qu'elle a de céder l'arme à une personne autorisée à les détenir ou agréée à cette fin, de la faire neutraliser à ses frais par le banc d'épreuves des armes à feu, ou de l'abandonner, conformément à l'article 45/1, § 1er, de la loi sur les armes.
B.15. L'arrêt de la Cour n° 154/2007 du 19 décembre 2007 (ECLI:BE:GHCC:2007:ARR.154), auquel la partie requérante devant le Conseil d'Etat renvoie, ne mène pas à une autre conclusion.
Par cet arrêt, la Cour a jugé : « B.51.2. Si le législateur a pu, dans un objectif de sécurité publique, décider d'encadrer la détention d'armes à feu par des conditions strictes, compte tenu des dangers potentiels liés à la détention d'armes à feu avec munitions, la limitation des motifs légitimes justifiant la détention d'une arme sans munitions - et par conséquent, une arme dont le danger potentiel est objectivement réduit - qui découle de l'article 11, § 3, 9°, n'est pas pertinente et est disproportionnée aux objectifs poursuivis.
En effet, celui qui souhaite détenir une arme, sans l'utiliser ni dans sa fonction principale qui est de tirer un projectile, puisque la demande d'autorisation exclut les munitions, ni dans une autre fonction accessoire, telle que la collection ou une activité historique, folklorique, culturelle ou scientifique, ne peut justifier des motifs légitimes énumérés dans la loi pour la détention d'une arme sans munitions.
S'il est justifié par rapport aux objectifs poursuivis par la législation attaquée de ne prévoir que des motifs légitimes en lien direct avec une profession ou un loisir à l'égard de celui qui souhaite acquérir une arme soumise à autorisation, il est toutefois disproportionné de rendre la détention d'une arme sans munitions impossible lorsque celui qui sollicite l'autorisation de détention et qui satisfait pour le surplus à toutes les autres conditions prévues, souhaite non pas acquérir, mais conserver dans son patrimoine une arme qui était détenue légalement, soit parce qu'une autorisation de détention avait été délivrée, soit parce que cette autorisation n'était pas requise.
B.51.3. Le moyen est donc fondé en ce que l'article 11, § 3, 9°, ne mentionne pas comme motif légitime la conservation dans un patrimoine d'une arme qui était détenue légalement, lorsque la demande d'autorisation de détention concerne une arme soumise à autorisation à l'exclusion des munitions ».
Il ressort de cet arrêt qu'il concerne la conservation d'une arme qui était détenue légalement par la personne concernée, soit parce qu'une autorisation de détention avait été délivrée, soit parce qu'aucune autorisation n'était requise avant l'entrée en vigueur de la loi sur les armes.
Cette hypothèse se distingue de celle qui est soumise en l'espèce à la Cour, laquelle ne concerne pas des armes qui sont détenues légalement et dont le détenteur ne peut donc pas s'attendre à pouvoir bénéficier d'un régime de faveur. En effet, en vertu de l'article 48, alinéa 2, de la loi sur les armes, à défaut d'une demande de renouvellement ayant été introduite au plus tard le 31 octobre 2008 - dans le cadre de laquelle il était possible d'invoquer le motif de la détention passive en patrimoine -, les autorisations octroyées en 1988 à la partie requérante devant le Conseil d'Etat sont devenues caduques et la détention des deux armes concernées est devenue illégale.
B.16. L'article 45/1 de la loi sur les armes, dans l'interprétation selon laquelle il exclut la régularisation de la détention d'une arme, sans munitions, qui avait fait l'objet d'une autorisation plus de cinq ans avant l'entrée en vigueur de la loi précitée, par une personne désirant seulement conserver cette arme dans son patrimoine, est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 45/1 de la loi du 8 juin 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/06/2006 pub. 09/06/2006 numac 2006009449 source service public federal justice Loi réglant des activités économiques et individuelles avec des armes fermer « réglant des activités économiques et individuelles avec des armes », dans l'interprétation selon laquelle il exclut la régularisation de la détention d'une arme, sans munitions, qui avait fait l'objet d'une autorisation plus de cinq ans avant l'entrée en vigueur de la loi précitée, par une personne désirant seulement conserver cette arme dans son patrimoine, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 17 mai 2023.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, P. Nihoul