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Arrêt
publié le 10 novembre 2023

Extrait de l'arrêt n° 120/2023 du 14 septembre 2023 Numéros du rôle : 7850 et 7886 En cause : les recours en annulation de l'article 64, § 2, de la loi du 30 juillet 2022 « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus fer La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Gie(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 120/2023 du 14 septembre 2023 Numéros du rôle : 7850 et 7886 En cause : les recours en annulation de l'article 64, § 2, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II », introduits par E.G. et I.M. et par l'ASBL « Ligue des droits humains » et l'ASBL « Syndicat des Avocats pour la Démocratie ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia et K. Jadin, assistée du greffier N. Dupont, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 30 août 2022 et parvenue au greffe le 31 août 2022, un recours en annulation de l'article 64, § 2, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II » (publiée au Moniteur belge du 8 août 2022) a été introduit par E.G. et I.M., assistés et représentés par Me L. Laperche, avocate au barreau de Liège-Huy.

Par la même requête, les parties requérantes demandaient également la suspension de la même disposition légale. Par l'arrêt n° 135/2022 du 20 octobre 2022 (ECLI:BE:GHCC:2022:ARR.135), publié au Moniteur belge du 13 mars 2023, la Cour a rejeté la demande de suspension. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 8 novembre 2022 et parvenue au greffe le 10 novembre 2022, un recours en annulation de la même disposition légale a été introduit par l'ASBL « Ligue des droits humains » et l'ASBL « Syndicat des Avocats pour la Démocratie », assistées et représentées par Me L.Laperche.

Par la même requête, les parties requérantes demandaient également la suspension de la même disposition légale. Par l'arrêt n° 24/2023 du 9 février 2023 (ECLI:BE:GHCC:2023:ARR.024), publié au Moniteur belge du 10 juillet 2023, la Cour a rejeté la demande de suspension.

Ces affaires, inscrites sous les numéros 7850 et 7886 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant à la disposition attaquée B.1.1. Les parties requérantes demandent l'annulation de l'article 64, § 2, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II » (ci-après : la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer). Cette disposition fait partie du chapitre 15 de cette loi, intitulé « Mesure temporaire afin de réduire la surpopulation dans les prisons ».

B.1.2. L'article 64 de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer dispose : « § 1er. Le directeur octroie la libération anticipée au condamné qui se trouve dans les conditions de temps pour l'octroi de la libération conditionnelle, à partir de six mois avant la fin de la partie exécutoire de la ou des peines privatives de liberté auxquelles il a été condamné.

Par dérogation à l'alinéa 1er, le condamné dont la modalité d'exécution de la peine est révoquée par le juge de l'application des peines ou le tribunal de l'application des peines pendant la durée de validité de cette mesure est exclu de la libération anticipée pendant six mois à compter de l'exécution du jugement de révocation.

Si la libération anticipée n'est pas révoquée, elle court jusqu'à la fin de la peine.

Si la libération anticipée est révoquée, elle ne peut plus être octroyée à nouveau. § 2. Les condamnés suivants sont exclus de la libération anticipée visée au paragraphe 1er : - les condamnés qui subissent une ou plusieurs peines privatives de liberté dont le total s'élève à plus de dix ans; - les condamnés qui subissent une ou plusieurs peine(s) d'emprisonnement pour des faits visés au livre II, titre Iter, du Code pénal; - les condamnés qui subissent une ou plusieurs peine(s) d'emprisonnement pour des faits visés aux articles 417/7 à 417/24, 417/50, 417/55, 417/56, 417/59 et 417/63 du Code pénal; - les condamnés qui font l'objet d'une condamnation avec une mise à la disposition du tribunal de l'application des peines, conformément aux articles 34ter ou 34quater du Code pénal; - les condamnés qui n'ont pas de droit de séjour; - les condamnés qui sont suivis par l'Organe de coordination pour l'analyse de la menace dans le cadre des banques de données communes visées aux articles 44/11/3bis à 44/11/3quinquies de la loi du 5 août 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1992 pub. 21/10/1999 numac 1999015203 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation internationale Loi portant approbation du Protocole modifiant l'article 81 du Traité instituant l'Union économique Benelux du 3 février 1958, fait à Bruxelles le 16 février 1990 fermer sur la fonction de police ».

B.1.3. En vertu de l'article 64, § 1er, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer, le directeur octroie la libération anticipée au condamné qui se trouve dans les conditions de temps pour l'octroi de la libération conditionnelle, à partir de six mois avant la fin de la partie exécutoire de la ou des peines privatives de liberté auxquelles il a été condamné, moyennant le respect de plusieurs conditions. Le condamné doit n'avoir pas fait l'objet d'une révocation d'une modalité d'exécution de la peine dans les six mois qui précèdent par le juge ou le tribunal de l'application des peines. Le directeur doit également s'assurer de la faisabilité de la mesure et vérifier que le condamné dispose d'un logement et de moyens d'existence suffisants (article 65, § 1er).

Le directeur peut révoquer la libération anticipée lorsqu'il existe des indications sérieuses selon lesquelles le condamné n'a pas respecté l'interdiction de commettre des infractions ou lorsqu'il ne respecte pas la condition de ne pas importuner les victimes et de quitter immédiatement les lieux lorsqu'il rencontre une victime (article 65, § 3, de la même loi).

B.1.4. La libération anticipée est une mesure temporaire visant à réduire la surpopulation dans les prisons, dans l'attente de la création de nouvelles places au sein du système pénitentiaire. Elle s'applique jusqu'au 31 août 2023. Le Roi peut toutefois en prolonger l'application, par un arrêté délibéré en Conseil des ministres, jusqu'au 31 décembre 2024 (article 66 de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer).

Les travaux préparatoires mentionnent à cet égard : « Compte tenu de la situation actuelle de surpopulation dans les prisons et des perspectives à cet égard, il est nécessaire de conserver temporairement la mesure de libération anticipée qui avait été utilisée dans le but de lutter contre la crise du coronavirus en tant cette fois qu'instrument de lutte contre la surpopulation et ce, jusqu'au 31 août 2023. Cette date peut être prolongée par le Roi, par un arrêté délibéré en Conseil des ministres, jusqu'au 31 décembre 2024.

Cette mesure est donc prévue dans un premier temps jusqu'au 31 août 2023, mais peut être prolongée jusqu'à fin 2024. Entre la fin de cette année et la fin 2024, de la capacité permanente de détention sera ajoutée. Une évaluation à mi-parcours d'ici au 31 août 2023 s'impose toutefois » (Doc. parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2774/001, p. 77).

Si la libération anticipée n'est pas révoquée, elle court jusqu'à la fin de la peine (article 64, § 1er, alinéa 3, de la loi). Elle s'accompagne d'un délai d'épreuve qui est égal à la durée des peines privatives de liberté qu'il restait à subir au moment de la libération anticipée, pendant lequel le condamné ne doit pas commettre d'infraction ni importuner les victimes, et quitter immédiatement les lieux lorsqu'il rencontre une victime (article 65, § 2, alinéas 1er et 2).

B.1.5. Plusieurs catégories de condamnés sont exclues de la mesure, en vertu de l'article 64, § 2, attaqué, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer, à savoir les condamnés qui subissent une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale s'élève à plus de dix ans (premier tiret), les condamnés qui subissent une peine d'emprisonnement pour des faits de terrorisme (deuxième tiret) ou pour des faits portant atteinte à l'intégrité sexuelle, au droit à l'autodétermination sexuelle et aux bonnes moeurs (troisième tiret), les condamnés dont la condamnation est assortie d'une mise à disposition du tribunal de l'application des peines conformément aux articles 34ter ou 34quater du Code pénal (quatrième tiret), les condamnés qui n'ont pas de droit de séjour (cinquième tiret) et les condamnés qui sont suivis par l'Organe de coordination pour l'analyse de la menace (ci-après : l'OCAM) dans le cadre des banques de données communes visées aux articles 44/11/3bis à 44/11/3quinquies de la loi du 5 août 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1992 pub. 21/10/1999 numac 1999015203 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation internationale Loi portant approbation du Protocole modifiant l'article 81 du Traité instituant l'Union économique Benelux du 3 février 1958, fait à Bruxelles le 16 février 1990 fermer « sur la fonction de police » (ci-après : la loi du 5 août 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1992 pub. 21/10/1999 numac 1999015203 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation internationale Loi portant approbation du Protocole modifiant l'article 81 du Traité instituant l'Union économique Benelux du 3 février 1958, fait à Bruxelles le 16 février 1990 fermer) (sixième tiret).

Ces exclusions sont justifiées dans les travaux préparatoires comme suit : « Le paragraphe 2 reprend les catégories de condamnés qui sont exclus de la libération anticipée. Ce sont les mêmes catégories que pour la libération anticipée ` COVID ', et la justification est la même. Il s'agit des personnes qui sont condamnées à une ou plusieurs peines privatives de liberté dont le total s'élève à plus de 10 ans, car le total des peines est trop élevé et qu'il est trop dangereux de libérer ces condamnés anticipativement de manière automatique, sans examiner aucune contre-indication. Par ailleurs, la nature de la peine est également utilisée comme critère : condamnation pour des faits de moeurs, infractions terroristes, et condamnations avec une mise à disposition du tribunal de l'application des peines. Les étrangers sans droit au séjour sont également exclus. Enfin, les personnes condamnées qui sont suivies par l'OCAM dans le cadre des banques de données communes sont également exclues. La justification de l'exclusion est la même que pour les autres catégories : le danger que représentent ces condamnés pour la société » (Doc. parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2774/001, p. 80).

Quant à la recevabilité B.2.1. Les deux parties requérantes dans l'affaire n° 7886 sont deux ASBL qui ont pour but statutaire la protection des droits fondamentaux des individus.

B.2.2. Etant donné que l'intérêt de ces parties requérantes à demander l'annulation des dispositions attaquées n'est pas contesté, il n'est pas nécessaire d'examiner l'intérêt des parties requérantes dans l'affaire n° 7850, qui développent une argumentation similaire.

Quant au fond B.3.1. Les parties requérantes soutiennent que la disposition attaquée viole les articles 10, 11 et 12 de la Constitution, lus le cas échéant en combinaison avec les articles 5 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, le principe d'égalité et de non-discrimination et le principe de proportionnalité, en ce qu'elle exclut d'office plusieurs catégories de condamnés du bénéfice de la libération anticipée six mois avant la fin de leur peine, sans prévoir un examen individualisé de leur situation.

B.3.2.1. Les parties requérantes soutiennent que la disposition attaquée engendre une différence de traitement entre les condamnés selon qu'ils sont visés ou non par une exclusion prévue par la disposition attaquée. Tous les condamnés qui sont visés par une telle exclusion sont obligatoirement exclus du bénéfice de la libération anticipée, sans pouvoir bénéficier d'un examen individualisé de leur situation, alors que les autres condamnés bénéficient de plein droit d'une telle mesure, et ce alors que les condamnés relevant de ces deux catégories peuvent présenter des degrés de dangerosité comparables (première branche du moyen unique dans l'affaire n° 7850; première branche du premier moyen dans l'affaire n° 7886).

B.3.2.2. Les parties requérantes dans l'affaire n° 7850 critiquent notamment le fait que la disposition attaquée traite de manière identique tous les détenus condamnés pour un même type d'infraction, en ce qu'ils sont automatiquement exclus du bénéfice de la mesure de libération anticipée, alors même qu'ils peuvent présenter des degrés de dangerosité qui ne sont pas comparables (seconde branche du moyen unique dans l'affaire n° 7850).

B.3.3. Les parties requérantes dans l'affaire n° 7886 contestent en particulier le fait que les étrangers qui n'ont pas de droit de séjour soient exclus de la mesure de libération anticipée. Selon ces parties requérantes, le statut de séjour d'un condamné ne dit rien de son caractère dangereux ou non (seconde branche du premier moyen dans l'affaire n° 7886).

B.3.4. Les parties requérantes dans l'affaire n° 7886 critiquent également le manque d'objectivité et, partant, de prévisibilité qui entoure l'exclusion des condamnés suivis par l'OCAM de la mesure de libération anticipée. Elles critiquent également l'impossibilité pour ces condamnés de contester un tel suivi par l'OCAM (second moyen dans l'affaire n° 7886).

B.4.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit l'origine : les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination sont applicables à l'égard de tous les droits et de toutes les libertés, en ce compris ceux résultant des conventions internationales liant la Belgique.

Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s'oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.4.2. L'article 12 de la Constitution garantit la liberté individuelle.

B.4.3. L'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit également le principe d'égalité et de non-discrimination en ce qui concerne la jouissance des droits et libertés mentionnés dans cette Convention et dans ses protocoles additionnels. Parmi ces droits et libertés figure l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme qui dispose : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : a) s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent;b) s'il a fait l'objet d'une arrestation ou d'une détention régulières pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir l'exécution d'une obligation prescrite par la loi;c) s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci;d) s'il s'agit de la détention régulière d'un mineur, décidée pour son éducation surveillée ou de sa détention régulière, afin de le traduire devant l'autorité compétente;e) s'il s'agit de la détention régulière d'une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d'un aliéné, d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un vagabond;f) s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours.2. Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle. 3. Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l'intéressé à l'audience. 4. Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.5. Toute personne victime d'une arrestation ou d'une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation ». B.5. La politique répressive, qui englobe l'appréciation de la gravité d'un manquement et la sévérité avec laquelle il peut être puni, y compris les possibilités d'individualisation de la peine et les effets et actions qui y sont attachés, relève du pouvoir d'appréciation du législateur. Celui-ci peut aussi se montrer sévère dans des matières où les infractions peuvent porter gravement atteinte aux droits fondamentaux des individus et aux intérêts de la collectivité. Ces considérations valent également pour l'exécution des peines, spécialement s'il s'agit d'une mesure temporaire visant à diminuer la surpopulation carcérale.

B.6. Dès lors que le grief relatif à l'identité de traitement, mentionnée en B.3.2.2, des condamnés qui sont visés par un motif d'exclusion prévu à l'article 64, § 2, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer, revient en réalité à mettre en cause la proportionnalité de la différence de traitement, mentionnée en B.3.2.1, entre les condamnés qui sont visés par un motif d'exclusion prévu dans cette disposition et les condamnés qui ne sont visés par aucun motif d'exclusion, la Cour intègre l'examen de ce grief dans l'examen de la différence de traitement précitée.

La Cour examine d'abord la différence de traitement en ce qu'elle concerne les condamnés qui subissent une ou plusieurs peines privatives de liberté dont le total s'élève à plus de dix ans (premier tiret), les condamnés qui subissent une peine d'emprisonnement pour des faits de terrorisme (deuxième tiret) ou pour des faits portant atteinte à l'intégrité sexuelle, au droit à l'autodétermination sexuelle et aux bonnes moeurs (troisième tiret) et les condamnés qui font l'objet d'une condamnation assortie d'une mise à disposition du tribunal de l'application des peines (quatrième tiret). La Cour examine ensuite la différence de traitement en ce qu'elle concerne les condamnés qui n'ont pas de droit de séjour et en ce qu'elle concerne les condamnés qui sont suivis par l'OCAM dans le cadre des banques de données communes.

En ce qui concerne les condamnés qui subissent une ou plusieurs peines privatives de liberté dont le total s'élève à plus de dix ans, qui subissent une peine d'emprisonnement pour des faits de terrorisme ou pour des faits portant atteinte à l'intégrité sexuelle, au droit à l'autodétermination sexuelle et aux bonnes moeurs, ou qui font l'objet d'une condamnation assortie d'une mise à disposition du tribunal de l'application des peines B.7. En ce qui concerne les condamnés qui sont visés par un des motifs d'exclusion prévus à l'article 64, § 2, premier à quatrième tirets, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer, la différence de traitement repose sur plusieurs critères distincts, à savoir la durée totale de la ou des peines privatives de liberté (premier tiret), la qualification juridique de l'infraction commise (deuxième et troisième tirets) et, enfin, la circonstance que la condamnation est assortie ou non d'une mise à disposition du tribunal de l'application des peines (quatrième tiret).

Ces critères sont objectifs. La Cour doit examiner s'ils sont pertinents eu égard aux objectifs poursuivis par le législateur.

B.8.1. Comme il est dit en B.1.4, la mesure de libération anticipée est une mesure temporaire visant à réduire la surpopulation dans les prisons, dans l'attente de la création de nouvelles places au sein du système pénitentiaire. Cette mesure suppose, pour être efficace, de pouvoir être facilement et rapidement mise en oeuvre. Le directeur exerce une compétence liée et doit libérer le détenu qui remplit les conditions prévues par le législateur, sans disposer d'un pouvoir d'appréciation. La nature de la mesure la rend difficilement conciliable avec l'organisation d'un examen individualisé de la situation de chaque condamné.

Il ressort des travaux préparatoires cités en B.1.5 que l'exclusion de la libération anticipée des différentes catégories de condamnés mentionnées dans l'article 64, § 2, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer est justifiée par « le danger que représentent ces condamnés pour la société » (Doc. parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2774/001, p. 80).

B.8.2. En ce qui concerne les condamnés visés à l'article 64, § 2, premier à quatrième tirets, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer, les critères mentionnés en B.7 sont pertinents, eu égard à l'objectif du législateur d'exclure les condamnés jugés dangereux de la mesure de libération anticipée. Dans la large marge d'appréciation dont il dispose, s'agissant d'une mesure temporaire de libération anticipée visant à réduire la surpopulation dans les prisons, le législateur a pu raisonnablement considérer, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que les condamnés qui subissent une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale dépasse dix ans, qui subissent une peine d'emprisonnement pour des faits de terrorisme ou pour des faits portant atteinte à l'intégrité sexuelle, au droit à l'autodétermination sexuelle et aux bonnes moeurs, ainsi que les condamnés qui font l'objet d'une mise à disposition du tribunal de l'application des peines représentent un danger particulièrement important pour la collectivité et qu'à ce titre, il ne convient pas qu'ils soient libérés anticipativement de manière automatique. Eu égard à l'objectif du législateur, ces condamnés se trouvent dans une situation essentiellement différente de celle des condamnés qui ne sont visés par aucun motif d'exclusion.

B.9. Le fait que le législateur n'ait pas prévu un examen individualisé de la situation de chacun des condamnés exclus de la mesure de libération anticipée permettant, le cas échéant, de pouvoir libérer certains d'entre eux anticipativement après avoir vérifié qu'il n'y a aucune contre-indication, n'est pas critiquable en soi.

L'organisation d'un tel examen individualisé est en effet difficilement conciliable avec la nature particulière de la mesure, dont l'efficacité dépend en grande partie de sa mise en oeuvre automatique.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'identité de traitement mentionnée en B.3.2.2, il y a lieu de souligner que, dans la large marge d'appréciation dont il dispose, s'agissant d'une mesure temporaire de libération anticipée visant à réduire la surpopulation dans les prisons, le législateur a pu raisonnablement considérer, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que tous les condamnés qui subissent une ou plusieurs peines privatives de liberté dont le total s'élève à plus de dix ans, qui subissent une peine d'emprisonnement pour des faits de terrorisme ou pour des faits portant atteinte à l'intégrité sexuelle, au droit à l'autodétermination sexuelle et aux bonnes moeurs, ou qui font l'objet d'une mise à disposition du tribunal de l'application des peines, représentent également un danger particulièrement important pour la collectivité et doivent dès lors être soumis au même régime.

B.10. Pour le reste, les condamnés exclus de la mesure temporaire de libération anticipée disposent de la possibilité de demander la libération conditionnelle, conformément aux articles 24 et suivants de la loi du 17 mai 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/05/2006 pub. 15/06/2006 numac 2006009456 source service public federal justice Loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine (2) type loi prom. 17/05/2006 pub. 16/06/2009 numac 2009000376 source service public federal interieur Loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine ». Dans le cadre de cette procédure, les condamnés concernés peuvent se prévaloir de leur situation personnelle devant le juge de l'application des peines ou le tribunal de l'application des peines, lequel appréciera s'il y a lieu de faire droit à la demande de libération conditionnelle. Le fait qu'un condamné ait déjà demandé à bénéficier d'une telle mesure, sans que cette demande aboutisse, et que ce condamné ne puisse pas formuler à nouveau une telle demande avant la fin de sa peine découle de l'application des règles applicables en matière de libération conditionnelle, qui sont conçues pour que les condamnés ne puissent pas introduire des demandes de manière répétée, et ne conduit dès lors pas à une autre conclusion. La différence de traitement en cause ne produit donc pas des effets disproportionnés pour les personnes concernées.

B.11. En ce qu'ils portent sur les condamnés visés à l'article 64, § 2, premier à quatrième tirets, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer, les moyens ne sont pas fondés.

En ce qui concerne les condamnés qui n'ont pas de droit de séjour B.12. En ce qui concerne les condamnés qui n'ont pas de droit de séjour, la différence de traitement repose sur un critère objectif, à savoir le statut de séjour.

B.13.1. Le Conseil des ministres soutient qu'une réinsertion de ces condamnés en Belgique après avoir purgé leur peine est impossible et qu'eu égard au risque important qu'ils basculent dans la clandestinité, ces condamnés présentent un risque élevé de récidive.

Le risque de perdre leur trace serait en outre de nature à compliquer l'indemnisation des victimes.

B.13.2. La mesure temporaire de libération anticipée ne poursuit pas un objectif de réinsertion, à la différence des règles applicables en matière d'exécution des peines. Elle vise à réduire la surpopulation carcérale, dans l'attente de la création de nouvelles places au sein du système pénitentiaire, tout en tenant compte du profil dangereux de certains condamnés. Comme il est dit en B.1.3, avant de libérer anticipativement un condamné, le directeur doit s'assurer de la faisabilité de la mesure et vérifier que le condamné dispose d'un logement et de moyens d'existence suffisants, conformément à l'article 65, § 1er, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer. Cet examen est de nature à réduire dans une large mesure le risque que le condamné bascule dans la clandestinité et, partant, le risque de récidive ou de non-indemnisation des victimes.

Le critère du statut de séjour n'est pas pertinent, eu égard à l'objectif du législateur d'exclure les condamnés jugés dangereux de la mesure de libération anticipée.

B.13.3. En ce qu'ils portent sur les condamnés qui n'ont pas de droit de séjour, les moyens sont fondés. L'article 64, § 2, cinquième tiret, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer doit être annulé.

En ce qui concerne les condamnés qui sont suivis par l'OCAM dans le cadre des banques de données communes B.14.1. En ce qui concerne les condamnés suivis par l'OCAM dans le cadre des banques de données communes, il y a lieu de souligner qu'en vertu de l'article 5 de la loi du 10 juillet 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/07/2006 pub. 20/07/2006 numac 2006009570 source service public federal justice Loi relative à l'analyse de la menace fermer « relative à l'analyse de la menace », l'OCAM est l'organe chargé de l'évaluation de la menace en Belgique. Par « menace », il y a lieu d'entendre les menaces « susceptibles de porter atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat, aux intérêts belges et à la sécurité des ressortissants belges à l'étranger ou à tout autre intérêt fondamental du pays tel que défini par le Roi sur la proposition du Conseil national de sécurité » (article 3 de la même loi).

Les banques de données communes sont constituées dans un but de prévention et de suivi du terrorisme ou de l'extrémisme, lorsqu'il peut mener au terrorisme (articles 44/11/3bis, § 1er, et 44/2, § 2, de la loi du 5 août 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1992 pub. 21/10/1999 numac 1999015203 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation internationale Loi portant approbation du Protocole modifiant l'article 81 du Traité instituant l'Union économique Benelux du 3 février 1958, fait à Bruxelles le 16 février 1990 fermer). Elles rassemblent un certain nombre de données à caractère personnel et d'informations liées à cet objectif. L'OCAM a accès à ces banques de données communes (article 44/11/3ter, § 1er, de la même loi).

B.14.2. Selon le Conseil des ministres, toute personne figurant dans les banques de données communes doit être considérée comme faisant l'objet d'un suivi par l'OCAM. Cette interprétation du motif d'exclusion n'est pas inexacte, eu égard aux missions légales de l'OCAM, qui consistent notamment à effectuer une évaluation commune de la menace, conformément à l'article 8 de la loi du 10 juillet 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/07/2006 pub. 20/07/2006 numac 2006009570 source service public federal justice Loi relative à l'analyse de la menace fermer, et à sa fonction de gestionnaire opérationnel des banques de données communes (articles 4 de l'arrêté royal du 21 juillet 2016 « relatif à la banque de données commune Terrorist Fighters » et de l'arrêté royal du 23 avril 2018 « relatif à la banque de données commune Propagandistes de haine et portant exécution de certaines dispositions de la section 1erbis ` de la gestion des informations ` du chapitre IV de la loi sur la fonction de police »).

Il s'ensuit que le critère lié au suivi du condamné par l'OCAM dans le cadre des banques de données communes, sur lequel la différence de traitement repose, est objectif.

B.14.3. Compte tenu de la large marge d'appréciation dont il dispose, s'agissant d'une mesure temporaire de libération anticipée visant à réduire la surpopulation dans les prisons, le législateur a pu raisonnablement considérer, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que les condamnés suivis par l'OCAM dans le cadre des banques de données communes représentent un danger particulièrement important pour la collectivité et qu'à ce titre, il ne convient pas qu'ils soient libérés anticipativement de manière automatique. Le critère mentionné en B.14.2 est pertinent, eu égard à l'objectif du législateur d'exclure les condamnés jugés dangereux de la mesure de libération anticipée.

B.14.4. Sans préjudice des voies de recours de droit commun, la circonstance qu'aucun recours spécifique n'est organisé pour permettre au condamné de contester son inscription dans les banques de données communes ne rend pas son exclusion de la libération anticipée disproportionnée, compte tenu du caractère exceptionnel de la mesure et de son incompatibilité avec l'organisation d'un examen individualisé.

B.14.5. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été mentionnés en B.10, la différence de traitement ne produit pas des effets disproportionnés pour les condamnés qui sont suivis par l'OCAM dans le cadre des banques de données communes.

B.14.6. En ce qu'ils portent sur les condamnés qui sont suivis par l'OCAM dans le cadre des banques de données communes, les moyens ne sont pas fondés.

Par ces motifs, la Cour - annule l'article 64, § 2, cinquième tiret, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II »; - rejette les recours pour le surplus.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 14 septembre 2023.

Le greffier, Le président, N. Dupont P. Nihoul

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