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Arrêt
publié le 11 décembre 2023

Extrait de l'arrêt n° 44/2023 du 16 mars 2023 Numéro du rôle : 7723 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 5, § 1er, I, alinéas 3 à 9, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, posée par le Conse La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Gie(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 44/2023 du 16 mars 2023 Numéro du rôle : 7723 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 5, § 1er, I, alinéas 3 à 9, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, posée par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt n° 252.545 du 23 décembre 2021, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 11 janvier 2022, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 5, § 1er, I, alinéas 3 à 9, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il traite de manière différente l'Etat fédéral et les communautés dans la matière des soins de santé, en prévoyant que les formalités prescrites par cette disposition sont d'application lorsqu'est adopté tout avant-projet ou proposition de décret, tout amendement à un projet ou proposition de décret, ainsi que tout projet d'arrêté d'une communauté ayant pour objet de fixer des normes d'agrément des hôpitaux, des services hospitaliers, des programmes de soins hospitaliers et des fonctions hospitalières, alors que ces formalités ou des mesures semblables ne sont pas prévues lorsque l'Etat fédéral exerce sa compétence législative ou réglementaire en matière de législation organique, de financement de l'exploitation et de la programmation (règles de base) des hôpitaux ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la disposition en cause et à son contexte B.1. L'article 5, § 1er, I, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980), modifié par les articles 6 et 46, 4°, de la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'Etat (ci-après : la loi spéciale du 6 janvier 2014), dispose : « Les matières personnalisables visées à l'article 128, § 1er, de la Constitution sont : I. En ce qui concerne la politique de santé : 1° sans préjudice de l'alinéa premier, 2°, 3°, 4°, 5° et 6°, la politique de dispensation de soins dans et au dehors des institutions de soins, à l'exception : a) de la législation organique, à l'exception du coût des investissements de l'infrastructure et des services médicotechniques;b) du financement de l'exploitation, lorsqu'il est organisé par la législation organique et ce, sans préjudice des compétences des communautés visées au a);c) des règles de base relatives à la programmation;d) de la détermination des conditions et la désignation comme hôpital universitaire conformément à la législation sur les hôpitaux; [...] L'autorité fédérale reste toutefois compétente pour : 1° l'assurance maladie-invalidité;2° les mesures prophylactiques nationales. Tout avant-projet ou proposition de décret, tout amendement à un projet ou proposition de décret, ainsi que tout projet d'arrêté d'une communauté ayant pour objet de fixer des normes d'agrément des hôpitaux, des services hospitaliers, des programmes de soins hospitaliers et des fonctions hospitalières est transmis pour rapport à l'assemblée générale de la Cour des comptes afin que celle-ci évalue les conséquences de ces normes, à court et long terme, sur le budget de l'Etat fédéral et de la sécurité sociale.

Ce rapport est également transmis au gouvernement fédéral ainsi qu'à tous les gouvernements des communautés.

Après avoir obligatoirement recueilli l'avis de l'Institut national d'assurance maladie invalidité et de l'administration compétente de la communauté concernée et après avoir, le cas échéant, recueilli l'avis facultatif du Centre fédéral d'expertise des soins de santé, l'assemblée générale de la Cour des comptes émet dans un délai de deux mois suivant la réception de l'avant-projet, de la proposition, de l'amendement ou du projet, un rapport circonstancié sur toutes les conséquences de ces normes, à court et long terme, sur le budget de l'Etat fédéral et de la sécurité sociale. Ce délai peut être prolongé d'un mois.

Ce rapport est communiqué par la Cour des comptes au demandeur de rapport, au gouvernement fédéral et à tous les gouvernements de communauté.

Si le rapport conclut que l'adoption de ces normes a un impact négatif, à court ou long terme, sur le budget de l'Etat fédéral et de la sécurité sociale, une concertation associant le gouvernement fédéral et les gouvernements de communauté a lieu à la demande du gouvernement fédéral ou du gouvernement de la communauté concernée. Si cette concertation n'aboutit pas à un accord, les normes sont soumises à l'accord des ministres fédéraux compétents ou à l'accord du Conseil des ministres si l'un de ses membres demande l'évocation de ce dossier.

Si aucun rapport n'est rendu dans le délai de deux mois, prolongé d'un mois, la concertation visée à l'alinéa 7 peut avoir lieu à l'initiative du gouvernement de la communauté concernée ou du gouvernement fédéral.

La Cour des comptes rédige chaque année un rapport circonstancié sur l'incidence, au cours de l'exercice budgétaire précédent, des normes d'agrément communautaires en vigueur sur le budget de l'Etat fédéral et de la sécurité sociale. Ce rapport est communiqué au gouvernement fédéral et aux gouvernements de communauté ».

B.2.1. Il ressort de l'article 5, § 1er, I, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 que la définition des « normes d'agrément des hôpitaux, des services hospitaliers, des programmes de soins hospitaliers et des fonctions hospitalières » relève des aspects de la « politique de santé » qui sont considérés comme une matière personnalisable. La définition des « normes auxquelles les hôpitaux et les services [...], les programmes de soins, les services hospitaliers, etc. doivent répondre pour être agréés » (ci-après : les normes d'agrément) relève plus particulièrement de la « politique de dispensation de soins dans et au dehors des institutions » dont il est question à l'article 5, § 1er, I, alinéa 1er, 1°, de cette loi (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2232/1, pp. 23-24 et 28-33; Doc. parl., Sénat, 2013-2014, n° 5-2232/5, pp. 13-14). Avant le remplacement de cet article par la loi spéciale du 6 janvier 2014, cet agrément était réglé par les articles 66 à 81 de la loi coordonnée du 10 juillet 2008 « sur les hôpitaux et autres établissements de soins » (ibid., p. 28).

Les matières personnalisables relèvent de la compétence des communautés en vertu des articles 128 et 130 de la Constitution.

Toutefois, sur le territoire de la région bilingue de Bruxelles-Capitale, la Commission communautaire commune exerce, notamment, les compétences en matière de politique de santé qui ne sont pas dévolues aux communautés (article 135 de la Constitution et article 63, alinéa 1er, de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises).

En outre, en exécution de l'article 138 de la Constitution, la Communauté française a transféré une large part de ses compétences en matière de politique de santé à la Région wallonne et à la Commission communautaire française. Ce transfert porte, notamment, sur la compétence en matière de normes d'agrément (article 3, 6°, du décret spécial de la Communauté française du 3 avril 2014 « relatif aux compétences de la Communauté française dont l'exercice est transféré à la Région wallonne et à la Commission communautaire française », article 3, 6°, du décret de la Commission communautaire française du 4 avril 2014 « relatif aux compétences de la Communauté française dont l'exercice est transféré à la Région wallonne et à la Commission communautaire française » et article 3, 6°, du décret de la Région wallonne du 11 avril 2014 « relatif aux compétences de la Communauté française dont l'exercice est transféré à la Région wallonne et à la Commission communautaire française »).

Il en résulte que c'est actuellement à la Communauté flamande, à la Région wallonne, à la Commission communautaire commune, à la Commission communautaire française et à la Communauté germanophone qu'il appartient de définir, chacune pour son aire de compétence, ces normes d'agrément.

B.2.2. Les formalités prévues à l'article 5, § 1er, I, alinéas 3 à 9, de la loi spéciale du 8 août 1980 s'appliquent aux projets de normes d'agrément.

B.3.1. Parmi les exceptions à la compétence des entités fédérées citées en B.2.1 en matière de « politique de dispensation de soins dans et au dehors des institutions de soins » figure « la législation organique ». En application de l'article 5, § 1er, I, alinéa 1er, 1°, a), de la loi spéciale du 8 août 1980, cette matière relève, exception faite pour les coûts d'investissement dans l'infrastructure et les services médicotechniques, de la seule compétence de l'autorité fédérale.

Aux termes des travaux préparatoires de la loi spéciale du 6 janvier 2014, la « législation organique » concerne « les règles de base et les lignes directrices de la politique hospitalière, telles qu'elles sont notamment contenues dans la loi [coordonnée du 10 juillet 2008] sur les hôpitaux [et autres établissements de soins] ». Ces règles de base et lignes directrices « visent à garantir la cohérence minimale qui, par définition, est nécessaire entre la programmation, l'agrément et le financement si l'on veut pouvoir mener des politiques efficaces aux différents niveaux » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2232/1, p. 35). B.3.2. En ce qui concerne la notion de « législation organique », les travaux préparatoires de la loi spéciale du 6 janvier 2014 mentionnent encore : « 1) Sont organiques : a) les caractéristiques de base des : i) hôpitaux (entre autres pour ce qui concerne les prestations hospitalières, la ventilation sur plusieurs lieux d'établissement, le niveau d'activité minimal), hôpitaux psychiatriques, hôpitaux universitaires; ii) services hospitaliers, sections, fonctions hospitalières, services médicaux et médicotechniques, programmes de soins et appareils lourds, réseaux et circuits de soins. L'on peut ainsi mentionner des caractéristiques de base qui présentent un lien direct avec la programmation et/ou le financement et qui présentent un caractère structurel (par exemple : les appareils indispensables, la nature des soins dispensés au sein d'un hôpital ou d'un service hospitalier, ou le groupe cible, les effectifs minimaux de personnel); [...] f) les implications du respect ou non des règles de base en matière de programmation ou du nombre maximal de services, fonctions, etc., ou des dispositions de la législation organique; g) les règles générales relatives aux implications du respect ou non des normes d'agrément des services, fonctions, ..., ou aux autorisations d'installer des appareils lourds (ceci concerne par exemple la règle ` retrait de l'agrément = pas de financement ') » (ibid., pp. 35-36).

B.4.1. Le financement des hôpitaux, de même que les règles relatives à la fixation de la liquidation du budget des moyens financiers des hôpitaux relèvent de l'autorité fédérale. Les entités fédérées citées en B.2.1 sont toutefois compétentes pour le financement de l'infrastructure et des services médico-techniques, dans le respect des règles de base relatives à la programmation, qui restent de la compétence de l'autorité fédérale (ibid., p. 33).

B.4.2. Les travaux préparatoires de la loi spéciale du 6 janvier 2014 indiquent : « Cette compétence [communautaire] englobe les sous-parties A1 et A3 du budget des hôpitaux (BMF). Il s'agit des matières réglées aux articles 9 et 11 de l'arrêté royal du 25 avril 2002 relatif à la fixation et à la liquidation du budget des moyens financiers des hôpitaux, à savoir les charges d'investissement (A1) et les charges d'investissement des services médicotechniques (A3).

Les éléments constitutifs dont le coût est couvert par la sous-partie A1 du budget, sont : 1° l'amortissement des charges de construction;2° l'amortissement des charges d'équipement et d'appareillage;3° l'amortissement des charges de gros travaux d'entretien, plus précisément les travaux importants de réparation et d'entretien, périodiques ou non;4° l'amortissement des travaux de reconditionnement, c'est-à-dire d'importantes transformations qui ne modifient pas la structure du bâtiment - comme, entre autres, la modification de l'affectation des lieux ou le changement de la nature ou de la configuration au sein de la structure existante - et qui ne sont ni de nouvelles constructions ni des extensions de bâtiments existants;5° l'amortissement des charges d'investissements réalisés dans le cadre du développement durable;6° l'amortissement des charges de l'achat de matériel roulant;7° l'amortissement des charges de première installation;8° les charges financières, c'est-à-dire les charges d'intérêt des emprunts contractés pour le financement des investissements susmentionnés;9° les frais de pré-exploitation. Les charges de loyer sont assimilées aux charges d'amortissement.

La sous-partie A3 du budget couvre les charges d'investissement des services médicotechniques et ce, tant pour l'équipement que pour les bâtiments dans lesquels il est installé. Par ` services médicotechniques ', l'on entend actuellement : le tomographe à résonance magnétique avec calculateur électronique intégré, le service de radiothérapie et les scanners à émission de positrons » (ibid., pp. 33-34).

B.5. Conformément à l'article 5, § 1er, I, alinéa 1er, 1°, c), de la loi spéciale du 8 août 1980, les « règles de base relatives à la programmation » constituent également une exception aux compétences des entités fédérées citées en B.2.1 en matière de « politique de dispensation de soins dans et au dehors des institutions de soins ».

Les « règles de base relatives à la programmation » ont pour objet de déterminer les « nombres maximaux de services hospitaliers, sections, fonctions hospitalières, services médicaux et médico-techniques, programmes de soins et appareils lourds, etc., compte tenu notamment des chiffres de la population, de la structure d'âge, de la morbidité et de la répartition entre entités fédérées, et moyennant un éventuel régime particulier pour les hôpitaux universitaires », étant entendu que « les critères de répartition géographique au sein d'une entité fédérée et d'attribution sont en revanche fixés par les entités fédérées » (ibid., pp. 36-37).

B.6. Il ressort des travaux préparatoires de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 2014, qui a remplacé l'article 5, § 1er, I, de la loi spéciale du 8 août 1980, que la « programmation, l'agrément et le financement » sont trois « instruments politiques » distincts qui doivent être utilisés dans le respect d'une « cohérence minimale », mais qui ne sont « complémentaires [que] dans une certaine mesure », le « financement [devant] reposer sur l'agrément dans le cadre, le cas échéant, de la programmation prévue à cet effet » (ibid., p. 35).

Quant au fond B.7. La question préjudicielle porte sur la compatibilité de l'article 5, § 1er, I, alinéas 3 à 9, de la loi spéciale du 8 août 1980 avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que les formalités prescrites par cette disposition sont d'application lorsqu'est adopté tout avant-projet ou proposition de décret, tout amendement à un projet ou proposition de décret, ainsi que tout projet d'arrêté d'une communauté ou, par voie d'extension, de la Commission communautaire commune, de la Commission communautaire française ou de la Région wallonne ayant pour objet de fixer des normes d'agrément des hôpitaux, des services hospitaliers, des programmes de soins hospitaliers et des fonctions hospitalières, alors que ces formalités ou des mesures semblables ne sont pas prévues lorsque l'autorité fédérale exerce sa compétence législative ou réglementaire en matière de législation organique, de financement de l'exploitation et des règles de base de la programmation des hôpitaux.

B.8. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.9. Contrairement à ce qu'allègue le Conseil des ministres, les deux catégories de personnes visées dans la question préjudicielle sont comparables.

Il ne faut pas confondre différence et non-comparabilité. En l'occurrence, la Cour est invitée à comparer deux catégories d'autorités publiques qui disposent de la compétence de prendre des normes juridiques en matière de politique de santé. Le constat selon lequel, d'une part, le financement des hôpitaux relève principalement de l'autorité fédérale, à l'exception de l'infrastructure et des équipements médico-techniques et, d'autre part, les entités fédérées peuvent contrôler leurs dépenses en n'agréant pas les services et les équipements qu'elles ne souhaiteraient pas financer ne saurait suffire pour conclure à la non-comparabilité, sous peine de priver de sa substance le contrôle exercé au regard du principe d'égalité et de non-discrimination.

B.10. Les règles répartitrices de compétences, telles qu'elles sont inscrites notamment dans la loi spéciale du 8 août 1980, sont un ensemble complexe de règles qui sont le résultat des accords politiques obtenus dans le cadre des différentes réformes successives de l'Etat. Ces règles visent à assurer un équilibre entre les intérêts de l'autorité fédérale et des différentes communautés et régions.

B.11. Il n'appartient pas à la Cour de mettre en question les choix politiques en matière de répartition des compétences entre l'autorité fédérale, les communautés et les régions. Il n'appartient pas non plus, en principe, à la Cour de déterminer les modalités qui doivent accompagner l'exercice d'une compétence déterminée. Cette appréciation appartient au législateur spécial, qui dispose notamment d'un large pouvoir d'appréciation pour arrêter les matières personnalisables, visées à l'article 128, 1er, de la Constitution.

La différence de traitement entre l'autorité fédérale, les communautés et les régions qui découle de l'application des règles répartitrices de compétences n'est pas discriminatoire en soi, même lorsque les compétences respectives de ces autorités portent sur la même matière, en l'espèce la politique de santé. La Cour ne pourrait censurer les choix du législateur spécial que dans la mesure où la différence de traitement qui découle de l'application de ces règles produirait des effets disproportionnés.

B.12.1. De la même manière que la Cour ne peut pas se prononcer sur l'opportunité du transfert en tant que tel du pouvoir de fixer les normes d'agrément, elle ne peut donc pas non plus se prononcer sur l'opportunité du choix d'accompagner ce transfert de compétence d'une consultation obligatoire de la Cour des comptes et, le cas échéant, d'un droit de codécision conféré aux ministres fédéraux compétents ou au Conseil des ministres. Lors du transfert partiel aux communautés des compétences en matière de politique de santé, le législateur spécial a pu raisonnablement prévoir de telles garanties supplémentaires pour l'autorité fédérale, qui exerçait auparavant les compétences transférées de manière uniforme pour l'ensemble du territoire. C'est d'autant plus le cas que les normes d'agrément édictées au niveau de chacune des communautés pourraient avoir une incidence sur le budget de l'autorité fédérale et sur celui de la sécurité sociale.

B.12.2. Ni la partie requérante devant la juridiction a quo ni le Gouvernement wallon ne démontrent que le choix du législateur spécial de ne pas imposer des formalités analogues lorsque l'autorité fédérale exerce ses compétences en matière de législation organique, de financement des hôpitaux ou de programmation produirait des effets disproportionnés pour les communautés. En effet, la réserve de compétence que l'article 5, § 1er, I, alinéa 1er, 1°, a) à d), de la loi spéciale du 8 août 1980 reconnaît à l'autorité fédérale en matière de politique de santé ne l'autorise aucunement à méconnaître le principe de proportionnalité, inhérent à tout exercice de compétence, ou le principe de loyauté fédérale, inscrit à l'article 143, § 1er, de la Constitution.

Il découle de ces principes que, lorsque le législateur fédéral prend des normes en matière de politique de santé, il doit veiller à ne pas rendre impossible ou exagérément difficile l'exercice de leurs compétences par les autres législateurs.

B.13. L'article 5, § 1er, I, alinéas 3 à 9, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 5, § 1er, I, alinéas 3 à 9, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 16 mars 2023.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux P. Nihoul

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