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Arrêt
publié le 20 novembre 2023

Extrait de l'arrêt n° 92/2023 du 15 juin 2023 Numéro du rôle : 7774 En cause : le recours en annulation partielle du décret flamand du 9 juillet 2021 « portant modification de divers décrets relatifs au logement », introduit par l'ASBL « Same La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Gie(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 92/2023 du 15 juin 2023 Numéro du rôle : 7774 En cause : le recours en annulation partielle du décret flamand du 9 juillet 2021 « portant modification de divers décrets relatifs au logement », introduit par l'ASBL « Samenlevingsopbouw Antwerpen stad » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, S. de Bethune, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 10 mars 2022 et parvenue au greffe le 14 mars 2022, un recours en annulation partielle du décret flamand du 9 juillet 2021 « portant modification de divers décrets relatifs au logement » (publié au Moniteur belge du 10 septembre 2021) a été introduit par l'ASBL « Samenlevingsopbouw Antwerpen stad », l'ASBL « Vlaams Huurdersplatform », l'ASBL « Uit De Marge », l'ASBL « ATD Vierde Wereld Vlaanderen », l'ASBL « Liga voor Mensenrechten », l'ASBL « Welzijnszorg », l'ASBL « Vlaams Netwerk van verenigingen waar armen het woord nemen » et l'ASBL « CAW Groep », assistées et représentées par Me J. Goethals, avocat au barreau de Flandre occidentale. (...) II. En droit (...) B.1.1. Les parties requérantes demandent l'annulation des articles 144, 147, 157, 160, 161, 166, 170, 171, 172, 173, 178 et 221 du décret de la Région flamande du 9 juillet 2021 « portant modification de divers décrets relatifs au logement » (ci-après : le décret du 9 juillet 2021). Ces dispositions apportent diverses modifications au Code flamand du logement.

B.1.2. Le décret du 9 juillet 2021 prévoit notamment une réforme du régime du bail social. Selon l'exposé des motifs, les modifications apportées à ce régime portent, dans les grandes lignes, sur : « - l'instauration d'un cadre réglementant l'obtention de la preuve relative à la possession d'un bien immeuble à l'étranger; - l'instauration d'un nouveau modèle d'attribution; - le relèvement de l'exigence de connaissance linguistique au niveau A2; - l'instauration de l'obligation pour le locataire de s'inscrire au VDAB (l'Office flamand de l'emploi et de la formation professionnelle); - l'introduction de la disposition selon laquelle tout locataire dont le contrat de location a été résilié sur intervention du juge de paix pour avoir causé des nuisances ou négligences graves au logement social ne peut pas se réinscrire pendant une période de trois ans; - la réforme de la gestion des logements locatifs sociaux qui sont vides dans l'attente de leur démolition ou de leur rénovation; - la numérisation maximale des inscriptions (registre central des inscriptions) » (Doc. Parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, p. 3). Le décret du 9 juillet 2021 limite en outre le recours aux conventions de politique du logement social (ibid., p. 5).

Quant à l'intervention B.2.1. L'article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle dispose : « Lorsque la Cour constitutionnelle statue sur les recours en annulation visés à l'article 1er, toute personne justifiant d'un intérêt peut adresser ses observations dans un mémoire à la Cour dans les trente jours de la publication prescrite par l'article 74. Elle est, de ce fait, réputée partie au litige ».

Justifie d'un intérêt au sens de cette disposition la personne qui montre que sa situation peut être directement affectée par l'arrêt que la Cour est appelée à rendre à propos du recours en annulation.

B.2.2. La partie intervenante estime qu'elle a intérêt à intervenir parce qu'elle loue un logement social dans un quartier où de nombreuses habitations sociales seraient vendues du fait que la société de logement à laquelle elle loue fusionne avec d'autres sociétés.

B.2.3. Comme l'affirme le Gouvernement flamand, il ressort du mémoire en intervention que la partie intervenante demande en réalité l'annulation de l'article 209, § 3, du décret du 9 juillet 2021.

L'intervention d'une personne qui justifie d'un intérêt à une procédure en annulation ne peut ni modifier ni étendre le recours originaire. L'article 209, § 3, du décret du 9 juillet 2021 ne faisant pas l'objet du recours en annulation, l'intervention est irrecevable.

Quant au fond En ce qui concerne le premier moyen B.3.1. Le premier moyen est pris de la violation, par l'article 144 du décret du 9 juillet 2021, des articles 10, 11 et 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution, en ce que cette disposition impose un plafond uniformément bas de 15 % au-delà duquel les communes concernées ne peuvent plus conclure une convention de politique du logement social, alors que les besoins diffèrent fortement et que, dans les zones urbaines où la limite de 15 % est dépassée, les listes d'attente sont encore longues.

B.3.2. L'article 144 du décret du 9 juillet 2021 ajoute dans l'article 5.52 du Code flamand du logement un alinéa 3, qui énonce : « Les conventions de politique du logement social peuvent uniquement être conclues dans les communes où le rapport en pourcentage entre le nombre de logements locatifs sociaux réalisés plus le nombre de logements locatifs sociaux planifiés et le nombre de ménages dans la commune, comme indiqués dans la mesure de référence jointe en annexe du présent Code, n'est pas supérieur à 15 % ».

Il ressort des travaux préparatoires que, par cette disposition, le législateur décrétal entendait promouvoir la répartition géographique de l'offre de logements sociaux de location : « Les communes qui ont atteint l'objectif partiel ` location ' de l'objectif social contraignant ou qui l'atteindront lors de la réalisation de l'offre de logements sociaux de location planifiée, qui est prévue dans le plan pluriannuel et dans le plan à court terme peuvent conclure une convention de politique du logement social avec la Région flamande. Par une convention de politique du logement social, une commune s'engage à réaliser un certain nombre de logements sociaux de location et le Gouvernement flamand s'engage à financer cette offre de logement sociaux.

Au 31/12/2019, on compte 254 communes ayant une offre de logements sociaux de location réalisée et planifiée qui, à cette date et par rapport au nombre de ménages au 1/1/2008, est inférieure ou égale à 9 %, 41 communes ayant une part se situant entre 9 % et 15 % et 5 communes ayant une part supérieure à 15 %.

L'accord du Gouvernement flamand 2019-2024 prévoit que les communes sont le partenaire dans la réalisation de logements sociaux : ` Chaque commune s'engage au niveau de l'objectif social contraignant (Bindend sociaal objectief ou BSO). Les communes qui ont atteint le BSO peuvent recevoir, par une convention de politique du logement, un financement de l'autorité flamande jusqu'à un maximum de 15 %. '.

Afin de répartir géographiquement l'offre de logements sociaux, il est dès lors proposé de limiter l'utilisation des conventions de politique du logement social aux communes où le pourcentage entre le nombre d'habitations sociales de location réalisées plus le nombre d'habitations sociales de location planifiées par rapport au nombre de ménages n'est pas supérieur à 15 % de la mesure de référence.

Un arrêté ministériel permettra aux initiateurs de prévoir, par le biais d'un financement externe, des habitations sociales de location supplémentaires, même lorsque l'objectif social contraignant est atteint ou lorsque le quota de la convention de politique du logement est épuisé » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, p. 49).

B.3.3. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.3.4. L'article 23 de la Constitution dispose que chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. A cette fin, les différents législateurs garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice. Ces droits comprennent notamment le droit à un logement décent. Il relève du pouvoir d'appréciation de chaque législateur de déterminer les mesures qu'il estime adéquates et opportunes pour réaliser cet objectif.

B.3.5. L'article 23 de la Constitution contient une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire significativement, sans justification raisonnable, le degré de protection offert par la législation applicable.

B.3.6. En matière socio-économique, le législateur compétent dispose d'un large pouvoir d'appréciation en vue de déterminer les mesures à prendre pour tendre vers les objectifs qu'il s'est fixés.

B.3.7. La circonstance que les conventions de politique du logement social ne peuvent être conclues que dans les communes où le pourcentage entre le nombre de logements sociaux de location réalisés plus le nombre de logements sociaux de location planifiés par rapport au nombre de ménages de la commune, ainsi qu'il ressort de la mesure de référence jointe au Code flamand du logement, ne dépasse pas 15 % a pour effet que, dans les communes où le plafond a été atteint ou dépassé, il n'est plus possible de réaliser des logements sociaux grâce à un financement de la Région flamande, même si la demande de logements sociaux dépasse (substantiellement) 15 %.

Il ressort de l'étude produite par les parties requérantes et sur laquelle la Région flamande a pu mener une défense (K. Heylen, Doelgroepen sociale huur en specifieke segmenten op de woningmarkt, Steunpunt Wonen, Louvain, 2019, 46 p., www.steunpuntwonen.be) que le « groupe-cible légal » représentait en 2018 46 % des locataires privés, les chiffres étant plus élevés dans les grandes villes. Le « groupe-cible théorique » est estimé entre 31,9 et 47,5 % du nombre total de locataires privés, soit 170 800 à 254 300 ménages. Eu égard notamment au fait que les locataires privés sont fortement surreprésentés dans les grandes villes, environ un cinquième de tous les ménages dans ces villes appartiendraient au groupe-cible théorique, alors que cette part dans les autres types de zones est inférieure de 10 points de pourcentage au moins.

Selon les derniers chiffres disponibles de l'Agence flamande du logement (« Agentschap Wonen in Vlaanderen »; https://www.vlaanderen.be/sociaal-woonbeleid/cijfers), fin 2021, 145 332 logements sociaux étaient loués, sur un total de 159 885 logements sociaux de location. A cette date, 182 436 candidats locataires étaient inscrits. Les temps d'attente moyens s'élevaient en 2021 à 1 311 (dossiers ouverts) et à 1 409 jours (dossiers attribués) (Parlement flamand, 2022-2023, réponse à la question écrite n° 225), une augmentation par rapport aux années précédentes. Le patrimoine des sociétés de logement social s'est étendu au cours des dernières années, mais ne parvient pas à suivre l'augmentation de la liste d'attente. Il ressort de la réponse à une autre question écrite (Parlement flamand, 2022-2023, réponse à la question écrite n° 80) qu'en 2021 et 2022, on constatait une sous-utilisation des moyens du système de financement FS3, tant en ce qui concerne le budget des rénovations qu'en ce qui concerne le budget des nouvelles constructions, pour un total de 2 027 914 073 euros.

B.4.1. La différence de traitement en ce qui concerne le financement de la construction et de la rénovation des logements sociaux de location est fondée sur un critère objectif, à savoir le rapport en pourcentage entre le nombre d'habitations sociales de location réalisées plus le nombre d'habitations sociales de location planifiées par rapport au nombre de ménages habitant dans la commune. Il ressort des travaux préparatoires précités que le législateur décrétal avait l'intention de promouvoir la répartition géographique de l'offre de logements sociaux.

Dans un contexte où tous les fonds disponibles pour les conventions de logements sociaux ne sont pas entièrement utilisés, la Cour n'aperçoit pas en quoi le fait de limiter le financement de la construction de logements sociaux de location dans les communes où la limite précitée est ou serait atteinte aurait pour effet que ce financement soit utilisé dans d'autres communes. La mesure choisie n'est pas pertinente pour atteindre l'objectif consistant en une répartition géographique de l'offre de logements sociaux de location et a pour effet que, dans les communes où le nombre de logements sociaux de location dépasse la moyenne mais où la demande de logements sociaux de location est forte et où il y a une volonté de construire des logements sociaux, les investissements dans les logements sociaux de location sont freinés.

Bien que l'objectif consistant à répartir l'offre de logements sociaux de location constitue en soi un but légitime, il n'est pas raisonnablement justifié de ne pas prendre en compte à cet égard la répartition géographique de la demande de logements sociaux de location, d'autant que le législateur décrétal souligne expressément l'importance du critère du rattachement local pour l'attribution de logements (ibid., p. 28).

B.4.2. Le moyen est dès lors fondé. L'article 5.52, alinéa 3, du Code flamand du logement, inséré par l'article 144 du décret du 9 juillet 2021, doit être annulé.

En ce qui concerne le deuxième moyen B.5.1. La première branche du deuxième moyen est notamment prise de la violation, par les articles 147, 157 et 160 du décret du 9 juillet 2021, de l'article 22 de la Constitution, lu en combinaison ou non avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 6, paragraphe 1, e), et paragraphe 3, du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 « relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) » (ci-après : le RGPD), en ce que, dans le cadre de l'élaboration du décret, la « Vlaamse Toezichtscommissie voor de verwerking van persoonsgegevens » (ci-après : la Commission flamande de contrôle du traitement des données à caractère personnel) a été consultée, mais pas l'Autorité de protection des données, bien que le Conseil d'Etat ait expressément souligné le caractère obligatoire de l'avis de cette dernière.

B.5.2. L'article 147 du décret du 9 juillet 2021 ajoute un article 5.68/1 dans le Code flamand du logement. Les parties requérantes limitent leur moyen à l'article 5.68/1, § 3, alinéa 1er, 3°, 4°, 7° et 8°, et alinéa 2, qui dispose : « En application du paragraphe 1, les catégories suivantes de données à caractère personnel peuvent être traitées : [...] 3° les caractéristiques personnelles;4° les particularités financières; [...] 7° les données relatives aux droits immobiliers;8° les données relatives à la santé physique ou mentale. Le Gouvernement flamand peut préciser les catégories de données à caractère personnel, visées à l'alinéa 1 ».

B.5.3. L'article 157 du décret du 9 juillet 2021 ajoute un article 5.106/1 dans le Code flamand du logement. Les parties requérantes limitent leur moyen à l'article 5.106/1, § 3, alinéa 1er, 6°, 7°, 8° et 9°, et alinéa 2, qui dispose : « En application du paragraphe 1, les catégories suivantes de données à caractère personnel peuvent être traitées : [...] 6° les particularités financières;7° les données relatives aux droits immobiliers;8° les modes de vie;9° les données relatives à la santé physique ou mentale. Le Gouvernement flamand peut préciser les catégories de données à caractère personnel, visées à l'alinéa 1 ».

B.5.4. L'article 160 du décret du 9 juillet 2021 ajoute un article 6.3/1 dans le Code flamand du logement. Les parties requérantes limitent leur moyen à l'article 6.3/1, § 3, alinéa 1er, 3°, 5°, 6°, 9°, 10°, 11°, 12°, 13°, 14° et 15°, et alinéa 2, et § 6, alinéa 1er, 2° et 3°, et alinéa 2, qui dispose : « § 3.En application du paragraphe 1, les catégories suivantes de données à caractère personnel peuvent être traitées : [...] 3° les caractéristiques personnelles; [...] 5° les particularités financières;6° les données relatives aux droits immobiliers; [...] 9° la profession et l'emploi;10° les données de l'enquête sociale;11° les modes de vie;12° les données judiciaires relatives à la résiliation du contrat de location pour avoir causé de graves dégradations ou pour négligence grave du logement locatif social;13° les données relatives à la santé physique ou mentale;14° l'éducation et la formation;15° les données relatives au contrat de location résilié par le bailleur. Le Gouvernement flamand peut préciser les catégories de données à caractère personnel, visées à l'alinéa 1. [...] § 6. Le responsable du traitement, visé au paragraphe 2, 1° et 2°, peut transmettre des données à caractère personnel aux conditions suivantes : [...] 2° les données à caractère personnel, visées au paragraphe 3, alinéa 1, 1°, 2°, 3°, 8° et 10°, aux partenaires privés désignés par le Gouvernement flamand conformément à l'article 6.3/2, alinéa 2, pour la recherche de biens immobiliers à l'étranger; 3° les données à caractère personnel, visées au paragraphe 3, alinéa 1, 1°, 2° et 11°, à un autre bailleur pour la conclusion d'une convention d'encadrement visée à l'article 6.13; [...] Le Gouvernement flamand peut désigner d'autres entités auxquelles des données à caractère personnel peuvent être transmises pour des objectifs spécifiquement décrits ».

B.5.5. L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». B.5.6. La Cour est, en vertu de l'article 142 de la Constitution et de l'article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989, compétente pour statuer, par voie d'arrêt, sur les recours en annulation mettant en cause la conformité des actes à valeur législative aux règles répartitrices de compétences entre l'autorité fédérale, les communautés et les régions ainsi que leur compatibilité avec les articles du titre II (« Des Belges et de leurs droits ») et avec les articles 170, 172 et 191 de la Constitution, de même qu'avec l'article 143, § 1er, de la Constitution.

La Cour est compétente pour contrôler la compatibilité du contenu d'une disposition de nature législative avec l'article 22 de la Constitution, le cas échéant lu en combinaison avec les dispositions de droit international et de droit européen visées dans la première branche du deuxième moyen.

B.5.7. En vertu de l'article 30bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989, sont assimilés à des règles répartitrices de compétences au sens de l'article 1er, 1°, de la même loi spéciale « la concertation, l'association, la transmission d'informations, les avis, les avis conformes, les accords, les accords communs et les propositions prévus par la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, à l'exception des accords de coopération visés à l'article 92bis de ladite loi, ainsi que par la loi spéciale du 16 janvier 1989 sur le financement des Communautés et Régions ou par toute autre loi prise en exécution des articles 39, 127, § 1er, 128, § 1er, 129, § 1er, 130, § 1er, 135, 136, 137, 140, 166, 175, 176 et 177 de la Constitution ».

B.5.8. Sauf à l'égard des mécanismes de fédéralisme coopératif visés à l'article 30bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989, la Cour n'est en principe pas compétente pour contrôler le processus ou les modalités d'élaboration d'une disposition législative. La Cour s'est dès lors déclarée incompétente pour contrôler l'absence de consultation de la section de législation du Conseil d'Etat (arrêts nos 73/95, ECLI:BE:GHCC:1995:ARR.073, 97/99, ECLI:BE:GHCC:1999:ARR.097, 153/2015, ECLI:BE:GHCC:2015:ARR.153 et 58/2016, ECLI:BE:GHCC:2016:ARR.058), l'absence de consultation du comité de gestion de sécurité sociale (arrêt n° 97/99 du 15 septembre 1999, ECLI:BE:GHCC:1999:ARR.097), l'absence de consultation syndicale préalable (arrêts nos 45/92, ECLI:BE:GHCC:1992:ARR.045, et 64/2009, ECLI:BE:GHCC:2009:ARR.064) ou encore le fait qu'une loi soit adoptée pendant la période des affaires courantes (arrêt n° 70/2013 du 22 mai 2013, ECLI:BE:GHCC:2013:ARR.070). La Cour s'est en revanche déclarée compétente pour vérifier si une disposition attaquée devait être adoptée à la majorité spéciale dès lors que cette condition fait partie intégrante du système de détermination de compétences (arrêt n° 35/2003 du 25 mars 2003, ECLI:BE:GHCC:2003:ARR.035, B.2.2).

B.5.9. En ce qui concerne la première branche du deuxième moyen, qui porte sur l'absence de consultation de l'Autorité de protection des données, il convient, tout d'abord, de relever que, comme il est dit en B.5.8, la Cour est compétente pour contrôler le processus ou les modalités d'élaboration des normes législatives au regard des mécanismes de fédéralisme coopératif visés à l'article 30bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989, ainsi qu'au regard des conditions faisant partie intégrante du système de détermination de compétences.

B.5.10. Il y a lieu de déterminer si le législateur décrétal avait l'obligation, en vertu des règles répartitrices de compétences, de consulter l'Autorité fédérale de protection des données préalablement à l'adoption du décret attaqué.

B.5.11. Le législateur décrétal doit avoir égard à l'article 22, alinéa 1er, de la Constitution, en vertu duquel seul le législateur fédéral peut déterminer de manière générale dans quels cas et à quelles conditions le droit au respect de la vie privée et familiale peut être limité.

Certes, la circonstance qu'une ingérence dans la vie privée résulte de la réglementation d'une matière déterminée attribuée au législateur décrétal n'affecte pas cette compétence, mais ce dernier est tenu de respecter la réglementation fédérale générale, qui a valeur de réglementation minimale en toute matière. En ce que les dispositions attaquées visent l'échange de données personnelles, le législateur décrétal est lié par les garanties minimales prévues par le RGPD. Sur la base de cette répartition des compétences, les communautés et les régions sont compétentes, chacune pour ce qui la concerne, pour créer une instance chargée de contrôler le respect tant de la réglementation fédérale générale qui a valeur de réglementation minimale dans les matières attribuées aux communautés et aux régions que des règles spécifiques et complémentaires qu'elles édictent aux fins du traitement des données à caractère personnel dans les matières qui relèvent de leurs compétences (dans un autre sens : avis de l'assemblée générale de la section de législation du Conseil d'Etat n° 61.267/2/AG du 27 juin 2017 sur l'avant-projet devenu la loi du 3 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/12/2017 pub. 10/01/2018 numac 2017031916 source service public federal justice Loi portant création de l'Autorité de protection des données fermer, Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2648/001, pp. 106-116 et 120-121, en particulier pp. 114-115).

A défaut, ce contrôle est exercé par l'Autorité fédérale de protection des données instituée auprès de la Chambre des représentants par l'article 3 de la loi du 3 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/12/2017 pub. 10/01/2018 numac 2017031916 source service public federal justice Loi portant création de l'Autorité de protection des données fermer « portant création de l'Autorité de protection des données ».

B.5.12. Dès lors que le législateur décrétal a institué une instance de contrôle compétente en matière de protection des données à caractère personnel dans les matières qui relèvent de sa compétence, à savoir la Commission flamande de contrôle du traitement des données à caractère personnel (VTC), laquelle a rendu un avis sur la proposition de décret qui a conduit au décret attaqué (avis législatif VTC n° 2021/07 du 26 janvier 2021, Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, pp.273-301), les règles répartitrices de compétences ne l'obligeaient pas à consulter en outre l'Autorité fédérale de protection des données préalablement à l'adoption du décret attaqué.

B.5.13. Il convient encore de vérifier si, en l'espèce, la consultation de la Commission flamande de contrôle du traitement des données à caractère personnel suffit pour satisfaire à l'exigence formelle de consultation imposée par l'article 36, paragraphe 4, du RGPD, lu en combinaison avec l'article 22 de la Constitution.

Il y a lieu à cet égard de noter que la Cour, ainsi qu'elle l'a rappelé dans les arrêts nos 144/2012 du 22 novembre 2012 (ECLI:BE:GHCC:2012:ARR.144) et 29/2014 du 13 février 2014 (ECLI:BE:GHCC:2014:ARR.029), n'est en principe pas compétente pour exercer un contrôle exhaustif, quant au fond et à la procédure, des actes qui précèdent l'adoption d'une loi, même à l'égard des règles de droit international et européen.

B.5.14. L'article 36, paragraphe 4, du RGPD dispose : « Les Etats membres consultent l'autorité de contrôle dans le cadre de l'élaboration d'une proposition de mesure législative devant être adoptée par un parlement national, ou d'une mesure réglementaire fondée sur une telle mesure législative, qui se rapporte au traitement ».

L'article 51 du RGPD dispose : « 1. Chaque Etat membre prévoit qu'une ou plusieurs autorités publiques indépendantes sont chargées de surveiller l'application du présent règlement, afin de protéger les libertés et droits fondamentaux des personnes physiques à l'égard du traitement et de faciliter le libre flux des données à caractère personnel au sein de l'Union (ci-après dénommée ` autorité de contrôle '). 2. Chaque autorité de contrôle contribue à l'application cohérente du présent règlement dans l'ensemble de l'Union.A cette fin, les autorités de contrôle coopèrent entre elles et avec la Commission conformément au chapitre VII. 3. Lorsqu'un Etat membre institue plusieurs autorités de contrôle, il désigne celle qui représente ces autorités au comité [européen de la protection des données] et définit le mécanisme permettant de s'assurer du respect, par les autres autorités, des règles relatives au mécanisme de contrôle de la cohérence visé à l'article 63.4. Chaque Etat membre notifie à la Commission les dispositions légales qu'il adopte en vertu du présent chapitre, au plus tard, le 25 mai 2018 et, sans tarder, toute modification ultérieure les affectant ». L'article 57, paragraphe 1, c) et g), du RGPD dispose : « Sans préjudice des autres missions prévues au titre du présent règlement, chaque autorité de contrôle, sur son territoire : [...] c) conseille, conformément au droit de l'Etat membre, le parlement national, le gouvernement et d'autres institutions et organismes au sujet des mesures législatives et administratives relatives à la protection des droits et libertés des personnes physiques à l'égard du traitement; [...] g) coopère avec d'autres autorités de contrôle, y compris en partageant des informations, et fournit une assistance mutuelle dans ce cadre en vue d'assurer une application cohérente du présent règlement et des mesures prises pour en assurer le respect ». L'article 61, paragraphe 1, du RGPD dispose : « Les autorités de contrôle se communiquent les informations utiles et se prêtent mutuellement assistance en vue de mettre en oeuvre et d'appliquer le présent règlement de façon cohérente, et mettent en place des mesures pour coopérer efficacement. L'assistance mutuelle concerne notamment les demandes d'informations et les mesures de contrôle, telles que les demandes d'autorisation et de consultation préalables, les inspections et les enquêtes ».

L'article 63 du RGPD dispose : « Afin de contribuer à l'application cohérente du présent règlement dans l'ensemble de l'Union, les autorités de contrôle coopèrent entre elles et, le cas échéant, avec la Commission dans le cadre du mécanisme de contrôle de la cohérence établi dans la présente section ».

L'article 68, paragraphe 4, du RGPD dispose : « Lorsque, dans un Etat membre, plusieurs autorités de contrôle sont chargées de surveiller l'application des dispositions du présent règlement, un représentant commun est désigné conformément au droit de cet Etat membre ».

Les considérants 117, 119, 135 et 136 du RGPD disposent : « (117) La mise en place d'autorités de contrôle dans les Etats membres, habilitées à exercer leurs missions et leurs pouvoirs en toute indépendance, est un élément essentiel de la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel. Les Etats membres devraient pouvoir mettre en place plusieurs autorités de contrôle en fonction de leur structure constitutionnelle, organisationnelle et administrative. [...] (119) Lorsqu'un Etat membre met en place plusieurs autorités de contrôle, il devrait établir par la loi des dispositifs garantissant la participation effective de ces autorités au mécanisme de contrôle de la cohérence.Il devrait en particulier désigner l'autorité de contrôle qui sert de point de contact unique, permettant une participation efficace de ces autorités au mécanisme, afin d'assurer une coopération rapide et aisée avec les autres autorités de contrôle, le comité et la Commission. [...] (135) Afin de garantir l'application cohérente du présent règlement dans l'ensemble de l'Union, il y a lieu d'instaurer un mécanisme de contrôle de la cohérence pour la coopération entre les autorités de contrôle.Ce mécanisme devrait notamment s'appliquer lorsqu'une autorité de contrôle entend adopter une mesure destinée à produire des effets juridiques en ce qui concerne des opérations de traitement qui affectent sensiblement un nombre important de personnes concernées dans plusieurs Etats membres. Il devrait également s'appliquer lorsqu'une autorité de contrôle concernée ou la Commission demande que cette question soit traitée dans le cadre du mécanisme de contrôle de la cohérence. Ce mécanisme devrait s'appliquer sans préjudice des éventuelles mesures que la Commission peut prendre dans l'exercice des compétences que lui confèrent les traités. (136) Dans le cadre de l'application du mécanisme de contrôle de la cohérence, le comité devrait émettre un avis, dans un délai déterminé, si une majorité de ses membres le décide ou s'il est saisi d'une demande en ce sens par une autorité de contrôle concernée ou par la Commission.Le comité devrait également être habilité à adopter des décisions juridiquement contraignantes en cas de litiges entre autorités de contrôle. A cet effet, il devrait prendre, en principe à la majorité des deux tiers de ses membres, des décisions juridiquement contraignantes dans des cas clairement définis, en cas de points de vue divergents parmi les autorités de contrôle, notamment dans le cadre du mécanisme de coopération entre l'autorité de contrôle chef de file et les autorités de contrôle concernées, sur le fond de l'affaire et en particulier sur la question de savoir s'il y a ou non violation du présent règlement ».

B.5.15. Pour satisfaire aux exigences du RGPD, les autorités de contrôle instituées en Belgique sur la base de la répartition interne des compétences doivent être déclarées aux institutions compétentes de l'Union européenne, l'une de ces autorités de contrôle doit être désignée pour représenter les différentes autorités de contrôle au sein du Comité européen de la protection des données et il y a lieu d'établir la procédure destinée à faire en sorte que les autres autorités respectent les règles relatives au mécanisme de contrôle de la cohérence visé à l'article 63.

B.5.16. Aucun élément ne démontre que la Commission flamande de contrôle du traitement des données à caractère personnel a été déclarée aux institutions compétentes de l'Union européenne ni qu'une procédure a été établie pour faire en sorte qu'elle respecte les règles relatives au mécanisme de contrôle de la cohérence visé à l'article 63.

Il ressort de données publiquement disponibles que l'Autorité fédérale de protection des données (APD) représente les différentes autorités belges au sein du Comité européen de la protection des données (https://edpb.europa.eu/about-edpb/about-edpb/members_fr#member-be), à savoir, outre l'Autorité fédérale de protection des données, le Comité permanent R, qui est compétent pour les traitements de données opérationnels réalisés au sein des services de renseignements, le Comité permanent P, qui, avec le Comité R, est compétent pour les traitements au sein de l'Organe de coordination pour l'analyse de la menace, et l'Organe de contrôle de l'information policière, qui est compétent pour tous les traitements réalisés par la police intégrée (https://www.autoriteprotectiondonnees.be/citoyen/l-autorite/autres-autorites).

La Commission flamande de contrôle du traitement des données à caractère personnel ne peut donc pas être considérée comme une autorité de contrôle compétente au sens de l'article 36, paragraphe 4, du RGPD et, partant, l'avis rendu par cette Commission ne peut pas être considéré comme une consultation au sens de cette disposition.

B.5.17. Il appartient aux autorités compétentes de prendre les mesures nécessaires en la matière. Compte tenu de ce qui est dit en B.5.11 et des obligations, mentionnées en B.5.15, qui incombent aux Etats membres de l'Union européenne en vertu de l'article 51, paragraphes 3 et 4, du RGPD, les autorités compétentes, lorsqu'elles prennent des mesures en vue de satisfaire à ces obligations résultant du RGPD, doivent par ailleurs tenir compte des dispositions de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles qui portent sur la coopération entre l'autorité fédérale, les communautés et les régions, ainsi que, le cas échéant, des obligations, découlant de ces dispositions et du principe de proportionnalité, de conclure des accords de coopération.

B.5.18. Le deuxième moyen, en sa première branche, est fondé. Les articles 5.68/1, § 3, alinéa 1er, 3°, 4°, 7° et 8°, et alinéa 2, du Code flamand du logement, introduits par l'article 147 du décret du 9 juillet 2021, les articles 5.106/1, § 3, alinéa 1er, 6°, 7°, 8° et 9°, et alinéa 2, du Code flamand du logement, introduits par l'article 157 du décret du 9 juillet 2021, et les articles 6.3/1, § 3, alinéa 1er, 3°, 5°, 6°, 9°, 10°, 11°, 12°, 13°, 14° et 15°, et alinéa 2, et § 6, alinéa 1er, 2° et 3°, et alinéa 2, du Code flamand du logement, introduits par l'article 160 du décret du 9 juillet 2021, doivent être annulés.

B.5.19. Dans la deuxième branche du deuxième moyen, les parties requérantes font en premier lieu valoir que les articles 147, 157 et 160 du décret du 9 juillet 2021 sont contraires à l'article 23 de la Constitution en ce qui concerne les traitements de données à caractère personnel prévus par ces dispositions.

La Cour n'aperçoit pas en quoi les traitements de données à caractère personnel précités peuvent aboutir à un recul significatif du degré de protection en ce qui concerne le droit à un logement décent. Ces traitements visent précisément à permettre aux instances compétentes de prendre des mesures afin de garantir un logement décent aux intéressés, en leur octroyant un prêt de garantie locative ou en leur attribuant un logement social ou modeste de location.

B.5.20. Selon les parties requérantes, il n'est en outre pas nécessaire de traiter des données à caractère personnel qui sont en rapport avec des « caractéristiques personnelles », des « particularités financières », des « données relatives aux droits immobiliers » et des « données relatives à la santé physique ou mentale ». Les dispositions attaquées seraient ainsi contraires aux articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6, paragraphe 1, c) et e), du RGPD, qui dispose : « Le traitement n'est licite que si, et dans la mesure où, au moins une des conditions suivantes est remplie : [...] c) le traitement est nécessaire au respect d'une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis; [...] e) le traitement est nécessaire à l'exécution d'une mission d'intérêt public ou relevant de l'exercice de l'autorité publique dont est investi le responsable du traitement;».

Il ressort des travaux préparatoires que le traitement des catégories précitées de données à caractère personnel est nécessaire dans le cadre des conditions et obligations relatives aux prêts sans intérêt de garantie locative et relatives à la location d'habitations modestes et sociales, eu égard aux divers aspects de la situation personnelle des intéressés qui peuvent être pris en compte à cet égard (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, pp. 116-117, 120-121 et 124-125). Les dispositions attaquées habilitent le Gouvernement flamand à préciser ces catégories de données à caractère personnel.

Lorsqu'un législateur délègue, il faut supposer, sauf indications contraires, qu'il entend exclusivement habiliter le délégué à faire de son pouvoir un usage conforme à la Constitution. C'est au juge compétent qu'il appartient de contrôler si le délégué a excédé ou non les termes de l'habilitation qui lui a été conférée.

B.5.21. Les parties requérantes critiquent ensuite le fait que, conformément à l'article 6.3/1, § 6, 2°, du Code flamand du logement, les données à caractère personnel peuvent être transmises à des partenaires privés, en ce qui concerne l'enquête relative à la propriété de biens immobiliers à l'étranger.

La circonstance qu'une telle enquête serait menée en dehors de l'Union européenne ne porte cependant pas atteinte à l'applicabilité du RGPD. En effet, son article 3 dispose : « 1. Le présent règlement s'applique au traitement des données à caractère personnel effectué dans le cadre des activités d'un établissement d'un responsable du traitement ou d'un sous-traitant sur le territoire de l'Union, que le traitement ait lieu ou non dans l'Union. 2. Le présent règlement s'applique au traitement des données à caractère personnel relatives à des personnes concernées qui se trouvent sur le territoire de l'Union par un responsable du traitement ou un sous-traitant qui n'est pas établi dans l'Union, lorsque les activités de traitement sont liées : a) à l'offre de biens ou de services à ces personnes concernées dans l'Union, qu'un paiement soit exigé ou non desdites personnes;ou b) au suivi du comportement de ces personnes, dans la mesure où il s'agit d'un comportement qui a lieu au sein de l'Union. [...] ».

L'article 6.3/1, § 2, du Code flamand du logement désigne notamment le bailleur en tant que responsable du traitement. Lorsque le bailleur fait appel à des partenaires privés pour examiner si les conditions relatives à la propriété immobilière sont remplies, ces partenaires sont désignés par le Gouvernement flamand, conformément à l'article 6.3/2 du même Code. Il appartient au bailleur et au Gouvernement flamand de veiller à ce que les prescriptions relatives au traitement des données soient respectées dans le cadre de l'enquête relative à la propriété de biens immobiliers à l'étranger.

B.5.22. Dans la mesure où les parties requérantes invoquent enfin la violation de l'article 22 de la Constitution, il convient d'observer que le droit au respect de la vie privée, garanti par cette disposition, a une portée étendue et comprend tant des aspects matériels que des aspects formels. L'exposé de la requête ne permet pas de déduire en quoi les dispositions attaquées seraient, selon les parties requérantes, contraires à l'article 22 de la Constitution. En ce qui concerne le principe d'égalité et de non-discrimination, garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution, les parties requérantes n'exposent pas davantage dans la requête, de manière claire et univoque, quelles sont, dans le cadre de la discrimination qu'elles invoquent, les catégories de personnes qui doivent précisément être comparées.

Dans cette mesure, la deuxième branche du deuxième moyen ne satisfait donc pas aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, selon lesquelles les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.

B.5.23. Le deuxième moyen, en sa deuxième branche, n'est pas fondé.

B.5.24. En vertu de l'article 8, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, « si la Cour l'estime nécessaire, elle indique, par voie de disposition générale, ceux des effets des dispositions annulées qui doivent être considérés comme définitifs ou maintenus provisoirement pour le délai qu'elle détermine ».

B.5.25. En ce qui concerne le maintien des effets des dispositions annulées, il y a lieu de tenir compte du principe de la primauté du droit de l'Union sur le droit des Etats membres. Ce principe impose à toutes les instances des Etats membres de donner plein effet aux dispositions du droit de l'Union. Ce principe implique que, si la législation nationale n'a pas été établie conformément aux exigences du droit de l'Union, le juge national chargé d'appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'assurer le plein effet de celles-ci (CJUE, grande chambre, 6 octobre 2020, C-511/18, C-512/18 et C-520/18, La Quadrature du Net e.a., ECLI:EU:C:2020:791, points 214-215).

Il résulte de ce qui précède que la Cour ne peut en principe pas maintenir temporairement des dispositions législatives qu'elle a jugées contraires au droit de l'Union.

Seule la Cour de justice de l'Union européenne peut en principe, à titre exceptionnel et pour des considérations impérieuses de sécurité juridique, accorder une suspension provisoire de l'effet d'éviction exercé par une règle du droit de l'Union à l'égard du droit national contraire à celle-ci (CJUE, grande chambre, 6 octobre 2020, C-511/18, C-512/18 et C-520/18, La Quadrature du Net e.a., ECLI:EU:C:2020:791, points 216-217).

En principe, une juridiction nationale dont les décisions ne sont plus susceptibles d'un recours juridictionnel est tenue de s'adresser à la Cour de justice pour expliciter le principe de la primauté du droit de l'Union, afin que celle-ci puisse apprécier si, exceptionnellement, des dispositions de droit national jugées contraires au droit de l'Union peuvent être maintenues, provisoirement ou non (voy. mutatis mutandis CJUE, 28 juillet 2016, C-379/15, Association France Nature Environnement, ECLI:EU:C:2016:603, point 53).

B.5.26. Toutefois, lorsqu'une jurisprudence établie de la Cour de justice résout le point de droit en cause, quelles que soient les procédures qui ont donné lieu à cette jurisprudence, même à défaut d'une stricte identité des questions en litige, une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne n'est pas tenue de poser à la Cour de justice une question préjudicielle sur l'interprétation du droit de l'Union (CJUE, grande chambre, 6 octobre 2021, C-561/19, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi SpA, ECLI:EU:C:2021:799, point 36).

B.5.27. Il peut se déduire de la jurisprudence de la Cour de Justice que le principe de la primauté du droit de l'Union ne s'oppose pas à ce que, lorsque des mesures sont jugées contraires à une obligation procédurale du droit de l'Union, les effets de telles mesures puissent être maintenus à titre exceptionnel, si, pour le surplus, les mesures n'emportent pas une violation des règles matérielles du droit de l'Union, à condition que le non-respect de cette obligation procédurale puisse être régularisé conformément aux exigences procédurales et, enfin, à condition que ce maintien ne couvre que le laps de temps strictement nécessaire pour remédier à cette illégalité (CJUE, grande chambre, 6 octobre 2020, C-511/18, C-512/18 et C-520/18, La Quadrature du Net e.a., ECLI:EU:C:2020:791, points 218-219; grande chambre, 5 avril 2022, C-140/20, G.D., ECLI:EU:C:2022:258, points 120-121).

B.5.28. Il résulte des considérants B.5.13 à B.5.23 que les dispositions attaquées ne violent que l'exigence procédurale visée à l'article 36, paragraphe 4, du RGPD, mais que, pour le surplus, celles-ci ne portent pas atteinte aux règles matérielles du droit de l'Union européenne.

Afin d'éviter l'insécurité juridique qui résulterait de l'annulation des dispositions attaquées et afin de ne pas compromettre les attributions passées et futures de prêts de garantie locative et d'habitations modestes et sociales de location, il y a lieu, en application de l'article 8, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, de maintenir les effets des dispositions annulées jusqu'à l'entrée en vigueur d'une réglementation qui aura été adoptée après qu'il aura été satisfait aux exigences de l'article 36, paragraphe 4, du RGPD, et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2023 inclus.

En ce qui concerne le troisième moyen B.6.1. Le troisième moyen est pris notamment de la violation, par l'article 161 du décret du 9 juillet 2021, des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que cette disposition prévoit la possibilité de recourir à des partenaires privés ou publics pour enquêter sur la propriété de biens immobiliers à l'étranger. Les parties requérantes critiquent également le fait que la disposition concernée n'a pas été soumise pour avis à l'Autorité de protection des données, comme l'exige l'article 35 du RGPD. B.6.2. L'article 161 du décret du 9 juillet 2021 ajoute dans le Code flamand du logement un article 6.3/2, qui dispose : « Le bailleur qui vérifie s'il est satisfait aux conditions relatives à la possession de biens immobiliers, visées à l'article 6.8, alinéa 1, 2°, articles 6.11 et 6.21, alinéa 1, peut faire appel à des partenaires publics ou privés pour la possession de biens immobiliers à l'étranger. Le Gouvernement flamand peut désigner l'entité qui conclut un contrat-cadre relatif à la désignation des partenaires privés.

Dans les limites des crédits inscrits à cet effet au budget de la Région flamande, le Gouvernement flamand peut, dans les conditions qu'il fixe, verser une indemnisation au bailleur qui fait appel aux partenaires privés désignés dans le contrat-cadre, visé au premier alinéa ».

B.6.3. Au cours des travaux préparatoires, cette disposition a été commentée comme suit : « L'alinéa 1er de l'article en projet dispose que le bailleur peut, en vue de vérifier la propriété de biens immobiliers à l'étranger, faire appel à des partenaires privés et publics. La condition de propriété immobilière est une condition importante dans le cadre du régime de la location sociale qui a pour effet que les logements sociaux de location restent destinés aux ménages et isolés du groupe-cible. Il est prévu une condition d'inscription (article 6.8 du Code flamand du logement), d'une condition d'admission (article 6.11 du Code flamand du logement) et une condition à laquelle le locataire doit satisfaire en permanence (article 6.21 du Code flamand du logement). L'alinéa 1er de l'article en projet dispose également que le Gouvernement flamand peut donner mission à une entité de l'autorité flamande de conclure un accord-cadre désignant les partenaires privés. Les bailleurs sociaux peuvent ainsi aisément faire appel à ces partenaires privés.

Dans le cadre de l'enquête relative à la propriété de biens immobiliers à l'étranger des locataires sociaux effectuée par des partenaires privés, des données à caractère personnel seront échangées entre le bailleur social et le partenaire privé. Ainsi qu'il a été dit dans le cadre de la discussion concernant l'article 157 du présent décret (article 6.3/1, en projet, du Code flamand du logement), pour le traitement de ces données à caractère personnel, il est fait référence aux motifs mentionnés à l'article 6.1, c) et e), du RGPD, à savoir le traitement est nécessaire pour satisfaire à une obligation légale faite au responsable du traitement et le traitement est nécessaire à l'exécution d'une mission d'intérêt public ou relevant de l'exercice de l'autorité publique dont est investi le responsable du traitement. Ainsi qu'il a été dit, la condition de la propriété de biens immobiliers est une condition importante dans le cadre du régime de la location sociale. Les locataires sociaux ont dès lors l'obligation légale de veiller au respect de ces conditions. Le contrôle du respect de la condition de la propriété immobilière est une mission d'intérêt général visant à ce que les logements sociaux de location restent destinés aux ménages du groupe-cible. En ce qui concerne la propriété immobilière en Flandre, ce contrôle peut être simplement effectué par des applications informatiques existantes, tandis que pour la propriété de biens immobiliers à l'étranger, il convient de faire appel à des partenaires privés ou publics.

Par le passé, l'Autorité de protection des données a déjà confirmé à plusieurs reprises que l'article 6, paragraphe 1, points c) et e), du RGPD constitue le fondement juridique de l'échange de données à caractère personnel afin de contrôler les conditions d'inscription, d'attribution et d'admission des instruments de la politique du logement (voy. par exemple l'avis n° 163/2018 du 19 décembre 2018 et l'avis n° 28/2019 du 6 février 2019). Par souci d'exhaustivité, il peut être ajouté que les locataires sociaux ne doivent pas donner leur accord avant que les bailleurs sociaux puissent transmettre leurs données à caractère personnel en vue d'une enquête quant à une éventuelle propriété immobilière à l'étranger.

L'alinéa 2 de l'article en projet prévoit la possibilité que le Gouvernement flamand paie une indemnité aux bailleurs qui ont recours à des partenaires privés désignés dans le contrat-cadre.

Cet article comble donc une lacune juridique, de manière à créer un cadre offrant la sécurité juridique dans lequel il est possible d'enquêter sur la propriété de biens immobiliers à l'étranger » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, pp. 127-128).

B.6.4. Il ressort de l'exposé du moyen que les parties requérantes critiquent en réalité le fait que les bailleurs sociaux peuvent transmettre au partenaire privé les données à caractère personnel qu'ils recueillent sur la base de l'article 6.3/1, § 6, alinéa 2, du Code flamand du logement. Comme il est dit en B.5.18, il convient d'annuler l'article 6.3/1, § 6, alinéa 2, du Code flamand du logement, introduit par l'article 160 du décret du 9 juillet 2021. En ce qu'il est pris de l'application potentielle de cette disposition, le troisième moyen est sans objet.

B.7.1. Les parties requérantes critiquent également le fait que la disposition attaquée n'encadre nullement le traitement des données personnelles du locataire social.

B.7.2. Les parties requérantes ne démontrent pas en quoi la disposition attaquée violerait le RGPD. La critique qu'elles soulèvent à cet égard concerne l'application de la disposition attaquée, qui ne relève pas de la compétence de la Cour.

B.8.1. Enfin, le troisième moyen est pris de la violation, par la disposition attaquée, des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que la disposition attaquée établit une différence de traitement entre locataires sociaux, d'une part, et les bénéficiaires d'autres allocations, d'autre part.

B.8.2. L'examen de la compatibilité d'une disposition législative avec le principe d'égalité et de non-discrimination suppose notamment l'identification précise des deux catégories de personnes qui font l'objet de la différence de traitement critiquée.

L'exposé du moyen critiquant une différence de traitement doit donc contenir les éléments nécessaires à cette identification. Il n'appartient pas à la Cour d'examiner la constitutionnalité d'une différence de traitement entre deux catégories de personnes dont elle devrait elle-même définir les contours, à défaut pour le moyen de procéder à cette définition.

B.8.3. Dans l'exposé du deuxième moyen, les parties requérantes comparent les normes attaquées avec d'« autres allocations en matière de politique du logement en Flandre », en donnant une série d'exemples qui ne constituent expressément pas une « énumération limitative ».

Pareil exposé ne permet pas à la Cour d'identifier les catégories de personnes à comparer. En ce qu'il est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, le troisième moyen n'est pas recevable.

En ce qui concerne le quatrième moyen B.9.1. Le quatrième moyen est pris de la violation, par l'article 166 du décret du 9 juillet 2021, des articles 10, 11, 14 et 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 6, 7 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'un locataire social dont le bail social a été résilié par le juge pour nuisances ou négligences graves se voit privé du droit de se réinscrire sur la liste d'attente. Selon les parties requérantes, il s'agit d'une réduction significative du degré de protection de personnes qui, dans la pratique, n'ont aucune chance de trouver un logement sur le marché locatif privé.

B.9.2. L'article 166 du décret du 9 juillet 2021 remplace l'article 6.8 du Code flamand du logement. Les griefs des parties requérantes sont limités au nouvel article 6.8, § 1er, alinéa 1er, 4°, et alinéa 4, qui dispose : « Le candidat locataire répond aux conditions suivantes : [...] 4° il n'a pas été lié par un contrat de location avec le bailleur d'un logement locatif social qui a été résilié par décision de justice au cours des trois années précédant la date à laquelle le candidat locataire veut s'inscrire, pour cause de nuisance grave ou de négligence grave du logement locatif social.La résiliation du contrat de location ne doit pas uniquement être due à cette faute. [...] Pour des raisons d'équité, le bailleur peut décider de ne pas appliquer la condition d'inscription, visée à l'alinéa 1, 4°. Dans ce cas, le bailleur peut subordonner l'inscription à un contrat d'accompagnement entre le candidat locataire et une structure de bien-être ou une structure de santé ».

B.9.3. Au cours des travaux préparatoires, la disposition attaquée a été commentée comme suit : « Le projet prévoit que les anciens locataires dont le bail social a été résilié par un juge au cours des trois années précédant la date à laquelle ils veulent à nouveau s'inscrire, pour avoir causé des nuisances ou négligences graves au logement social de location ne peuvent s'inscrire pour une habitation sociale de location. La résiliation du bail ne doit pas exclusivement être motivée par ces nuisances ou ces négligences. En effet, la résiliation d'un bail est souvent motivée par diverses raisons (par exemple également le défaut de paiement). Dès que des nuisances graves ou une négligence grave de l'habitation sociale de location constituent un des motifs de la résiliation, cette disposition s'applique. Le délai de trois ans est calculé à partir de la date du jugement par lequel le juge de paix résilie le bail ou valide la résiliation du bail.

Par cette mesure, le Gouvernement flamand souhaite empêcher que les locataires sociaux qui ont, par le passé, causé des nuisances graves (négligence grave du bien loué, nuisances auprès des riverains par un comportement asocial, etc.) s'inscrivent à nouveau immédiatement pour pouvoir louer une habitation sociale.

Le système actuel permet déjà pour ainsi dire à un locataire dont le bail a été résilié pour nuisances graves de s'inscrire à nouveau, dès le jour même de la résiliation, pour un autre logement social de location. Le bailleur social et d'autres locataires sociaux trouvent cela très injuste. D'autres locataires qui ne causent pas de problèmes de qualité de vie ou de nuisances graves peuvent ainsi être démotivés.

Enfin, cette mesure peut également avoir un effet préventif et prémunir les locataires contre les comportements asociaux et inciter à un comportement adéquat, ce qui améliorera pour tous les locataires la jouissance paisible des logements.

Dans la pratique, il s'agira d'un petit groupe de locataires récalcitrants pour lesquels l'accompagnement, l'aide et le renvoi à d'autres équipements sociaux n'ont pas abouti à des solutions et à propos desquels le juge a également considéré qu'ils ne pouvaient plus rester dans l'habitation sociale de location. Il convient de souligner qu'un contrôle juridictionnel doit toujours avoir été effectué. La protection juridique du locataire est ainsi garantie. Etant donné que le droit fondamental à un logement décent du locataire peut être affecté, le juge procédera en outre à un contrôle de pleine juridiction et il ne peut se borner à opérer un contrôle marginal. La résiliation du bail devra aussi satisfaire à la condition du raisonnable (par exemple pas de résiliation si les nuisances n'ont été constatées qu'une seule fois).

Le bailleur devra pour cette raison enregistrer la résiliation du bail dans le registre central des inscriptions. Si l'ancien locataire souhaite à nouveau s'inscrire pour bénéficier d'une habitation sociale de location, il devra attendre trois ans avant de pouvoir le faire.

L'ex-locataire peut par contre introduire un recours auprès de l'autorité de tutelle contre la décision du bailleur s'il estime que la résiliation du bail ne repose pas sur les motifs requis.

Il est par contre prévu que le bailleur puisse refuser d'appliquer cette condition d'inscription pour des raisons d'équité. Un motif d'équité peut éventuellement offrir des perspectives à l'intéressé s'il se ressaisit ou s'il se laisse accompagner et cela peut effectivement aider l'intéressé. La circonstance que le locataire ne pourrait en fait pas s'inscrire mais pourrait malgré tout le faire en fonction des responsabilités qu'il s'engage à respecter peut également être un signal fort à l'égard de l'intéressé. Le bailleur peut également subordonner cette inscription à un accompagnement obligatoire » (ibid., pp. 36-37).

B.9.4. S'il est vrai que la Cour doit, dans le domaine de la politique du logement, respecter l'appréciation des législateurs décrétaux quant à l'intérêt général, sauf si cette appréciation est déraisonnable, ce pouvoir d'appréciation est moins large lorsque cette politique du logement risque d'entraîner pour une certaine catégorie de personnes la perte de leur logement, ce qui est effectivement considéré comme une des ingérences les plus extrêmes dans le droit au respect du logement (CEDH, 13 mai 2008, McCann c. Royaume-Uni, ECLI:CE:ECHR:1995:0927JUD001898491, § 50).

B.9.5. En excluant durant trois ans un candidat-locataire de la possibilité de s'inscrire et, à la lumière du temps d'attente considérable qui sépare généralement cette inscription et une nouvelle attribution, la disposition attaquée cause une réduction significative du degré de protection de l'intéressé. La possibilité d'accorder malgré tout l'inscription, dans des circonstances exceptionnelles, pour des raisons d'équité n'aboutit pas, à la lumière des temps d'attente considérables, à une autre conclusion. Par conséquent, il convient d'examiner si cette réduction est justifiée raisonnablement.

B.9.6. La section de législation du Conseil d'Etat a observé que la disposition attaquée contribue à la protection du droit à un logement décent des autres locataires sociaux : « Le législateur décrétal peut raisonnablement admettre que, pour garantir le respect de ces obligations, il ne suffit pas de résilier le bail du locataire social qui ne respecte pas ses obligations en raison de nuisances ou négligences graves, mais que, les trois années suivantes, l'intéressé n'entre plus en considération pour une habitation sociale de location. En effet, si l'intéressé pouvait immédiatement louer une autre habitation sociale, il se pourrait qu'il ne comprenne pas la gravité de ces obligations et il est à craindre qu'il commette des faits similaires.

Dès lors que le régime en projet vise à éviter que de tels problèmes se présentent aussi dans une autre habitation sociale de location, le droit à un logement décent est également garanti à l'égard d'autres locataires sociaux et de voisins qui habiteraient dans le même immeuble » (ibid., pp. 397-398).

B.9.7. Bien que l'attribution immédiate d'un autre logement à l'intéressé implique effectivement le risque que les problèmes qui ont abouti à la résiliation du bail antérieur se reproduisent, cette considération ne justifie pas que l'intéressé soit aussi privé, durant trois ans, du droit de s'inscrire sur la liste d'attente pour entrer en considération pour une telle attribution. Il en est en particulier ainsi étant donné le délai considérable, précité, qui sépare dans la pratique l'inscription sur la liste d'attente et l'attribution effective. De surcroît, le bailleur social dispose, en vertu de l'article 6.24 du Code flamand du logement, d'un certain nombre de possibilités spécifiques pour refuser malgré tout l'attribution.

L'article 6.24 dispose : « Le bailleur peut refuser l'attribution d'un logement de façon motivée au candidat-locataire qui est ou qui a été locataire du bailleur et : 1° dont le contrat de location a pris fin sur la base de l'article 6.33, alinéa 1er, 2° du Code flamand du Logement de 2021; 2° qui occupe ou qui a abandonné le logement du bailleur pourvu qu'il soit démontré que ce dernier a manqué à ses obligations de façon grave et continue. Si le contrat de location a pris fin pour cause de défaut de paiement au bailleur, le bailleur peut refuser l'attribution d'un logement lorsque le candidat-locataire n'a pas encore amorti les dettes au moment de l'attribution. Par dérogation à cette disposition et si la candidat-locataire est en accompagnement ou gestion budgétaires auprès d'un CPAS ou d'une autre institution de médiation de dettes, agréée par la Communauté flamande, le bailleur ne peut refuser l'attribution que si au moment de l'attribution moins de 75 % des dettes ont été amortis. Si le candidat-locataire a été admis à un règlement collectif de dettes, conformément à l'article 1675/6 du Code judiciaire, et qu'un règlement d'apurement à l'amiable ou judiciaire a été établi, le bailleur ne peut pas refuser l'attribution.

Dans des cas exceptionnels, le bailleur peut refuser l'attribution d'un logement à un candidat-locataire pourvu qu'il soit démontré que l'attribution au candidat-locataire constitue une menace sévère pour l'intégrité physique ou psychique des résidents. S'il s'avère qu'il y a des refus d'attribution de la part du bailleur qui sont insuffisamment motivés, le contrôleur peut décider que chaque décision de refus lui doit être soumise pendant au maximum un an.

A la place d'un refus d'une attribution, le bailleur peut obliger le candidat-locataire d'accepter des mesures d'encadrement. Dans ce cas, une structure de bien-être ou une structure de santé conclut un contrat d'accompagnement avec le candidat-locataire.

Sous peine de nullité de la décision, le bailleur signifie le refus motivé d'attribution dans les quatorze jours après la décision, au candidat-locataire, avec mention du droit de recours, visé à l'article 6.30.

Si l'attribution d'un logement est refusée, l'offre d'un logement peut être suspendue pendant une période d'au maximum un an après le refus ».

B.9.8. Etant donné que l'accent est mis sur les critères d'attribution locaux (B.4.1) et sur la réforme et la centralisation des bailleurs sociaux, il est fort probable que le candidat-locataire, s'il peut bénéficier, dans les trois ans, de l'attribution d'un logement, soit un ancien locataire du bailleur social concerné. Dans ce cas, ce bailleur social peut invoquer l'article 6.24, alinéa 1er, du Code flamand du logement. Même si tel n'est pas le cas, le bailleur social garde la possibilité de refuser l'attribution lorsque le candidat-locataire représente une menace grave pour les autres résidents ou parce qu'il s'agit d'un ancien locataire dont le bail a été résilié pour des manquements graves ou persistants aux obligations locatives (ibid., pp. 133-134).

B.9.9. En ce qu'il est pris de la violation de l'article 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution, le quatrième moyen est dès lors fondé.

L'article 6.8, § 1er, alinéa 1er, 4°, et alinéa 4, du Code flamand du logement, introduit par l'article 166 du décret du 9 juillet 2021, doit être annulé.

B.10. L'examen de l'article 166 précité du décret du 9 juillet 2021 à la lumière des articles 10, 11 et 14 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 6, 7 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne pouvant aboutir à une plus ample annulation, il n'y a pas lieu d'examiner le moyen sous cet angle.

En ce qui concerne le cinquième moyen B.11.1. Le cinquième moyen est pris de la violation, par les articles 170, 171, 172 et 173 du décret du 9 juillet 2021, des articles 10, 11 et 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution. Les parties requérantes dénoncent le fait que le besoin d'un logement ne soit plus le facteur déterminant pour l'attribution, mais le rattachement local, ce qui serait discriminatoire. Elles font en outre valoir que les dispositions concernées violent le principe de légalité, énoncé dans l'article 23 de la Constitution.

B.11.2. L'article 170 du décret du 9 juillet 2021 remplace l'article 6.12 du Code flamand du logement. Le nouvel article 6.12 dispose : « Les logements locatifs sociaux sont attribués par l'organe de décision du bailleur ou par la ou les personnes qu'il désigne à cet effet, en tenant compte des éléments suivants : 1° le choix du candidat locataire d'un logement locatif social quant au type, à la localisation et aux charges locatives fixes du logement;2° l'occupation rationnelle; 3° les règles d'attribution fixées par le Gouvernement flamand, qui prennent en compte les objectifs particuliers de la politique du logement visés à l'article 1.6, § 2; 4° le cas échéant, le règlement d'attribution visé à l'article 6.14, lequel concrétise localement les règles d'attribution fixées par le Gouvernement flamand.

La préférence du candidat locataire visée à l'alinéa 1, 1°, ne peut conduire à un choix trop limité, à moins que le candidat locataire n'avance des raisons fondées.

Si un logement locatif social mis en location par le bailleur est attribué, le bailleur peut refuser l'attribution s'il constate que le loyer est disproportionné par rapport aux revenus du candidat locataire. Le Gouvernement flamand peut arrêter des modalités relatives à la manière dont le bailleur peut appliquer ce refus.

Le Gouvernement flamand arrête les modalités d'exécution de l'alinéa 1 et, lors de la définition des règles d'attribution, accorde une attention particulière au candidat locataire appartenant aux ménages et isolés les plus mal logés et aux habitants d'un logement locatif social souhaitant ou devant déménager dans un logement adapté.

Un conseil d'attribution est créé dans chaque zone d'activité de la société de logement. Selon les conditions déterminées par le Gouvernement flamand, la zone d'activité peut être scindée en sous-zones au sein desquelles un conseil d'attribution propre est à chaque fois actif. Le conseil d'attribution est composé des représentants des bailleurs, des administrations locales et des acteurs du domaine du logement et du bien-être pertinents de la zone d'activité de la société de logement. Le Gouvernement flamand précise les règles relatives aux missions, à la composition, au fonctionnement et au processus décisionnel du conseil d'attribution. Le mandat des membres du conseil d'attribution est non rémunéré.

L'entité, visée à l'article 6.5, alinéa 1, s'assure que le bailleur est en mesure de produire des listes d'attribution actualisées à partir du registre d'inscription central visé à l'article 6.5. Le Gouvernement flamand arrête les modalités relatives à la production de ces listes ».

B.11.3. L'article 171 du décret du 9 juillet 2021 dispose : « A l'article 6.13 du même Code, dont le texte actuel formera le paragraphe 1, les modifications suivantes sont apportées : 1° à l'alinéa 1, les mots ` ou un conseil d'attribution ' sont insérés entre les mots ` Un bailleur ' et le mot ` peut ';2° l'alinéa 3 est abrogé;3° il est ajouté un paragraphe 2, libellé comme suit : ` § 2.Un bailleur peut refuser une attribution sur la base de motifs graves et s'il estime que l'accompagnement et le soutien visés au paragraphe 1 ne sont pas suffisants. Le Gouvernement flamand en précise les règles. ' ».

B.11.4. L'article 172 du décret du 9 juillet 2021 dispose que, dans le livre 6, partie 4, titre 2, du Code flamand du logement, l'intitulé du chapitre 2 est remplacé par « Chapitre 2 : Règlement d'attribution ».

L'article 173 du décret du 9 juillet 2021 remplace l'article 6.14 du Code flamand du logement. Le nouvel article 6.14 dispose : « § 1. Le conseil d'attribution visé à l'article 6.12, alinéa 5, établit, selon les conditions fixées par le Gouvernement flamand, une ébauche de règlement d'attribution visé à l'article 6.12, alinéa 1, 4°. La commune qui fait partie du conseil d'attribution peut amender l'ébauche en ce qui concerne les règles d'attribution des logements locatifs sociaux sur son territoire.

La société de logement transmet le règlement d'attribution et le dossier administratif au Gouvernement flamand par envoi sécurisé dans les cas déterminés par le Gouvernement flamand.

Le Gouvernement flamand dispose d'un délai de quarante-cinq jours civils suivant la date de notification du règlement d'attribution et du dossier administratif pour annuler tout ou partie du règlement d'attribution s'il l'estime contraire aux lois, décrets et leurs arrêtés d'exécution ou à l'intérêt général. Si le règlement d'attribution est transmis par courrier recommandé, le délai commence à courir le troisième jour ouvrable suivant la date à laquelle le règlement d'attribution est remis à la poste.

Le Gouvernement flamand peut prolonger une seule fois de quinze jours civils le délai visé à l'alinéa 3. Il en informe la société de logement avant l'expiration du délai initial.

Pour le calcul du délai visé aux alinéas 3 et 4, la date d'échéance est comprise dans le délai. Si la date d'échéance est un samedi, un dimanche, un jour férié légal ou décrétal, elle est reportée au premier jour ouvrable suivant.

Le Gouvernement flamand transmet la décision d'annulation par envoi sécurisé à la société de logement. Cette dernière en informe le conseil d'attribution. § 2. Si le règlement d'attribution, conformément au paragraphe 1, alinéa 2, est transmis au Gouvernement flamand, il entre en vigueur un mois après l'expiration du délai visé au paragraphe 1, alinéa 3, ou du délai prolongé visé au paragraphe 1, alinéa 4, sauf si le règlement d'attribution prévoit une date ultérieure. § 3. La société de logement fournit une copie du règlement d'attribution au contrôleur si le délai, visé au paragraphe 1, alinéa 3 ou 4, a expiré et qu'aucune annulation n'a été prononcée. Dans le cas où le règlement d'attribution, visé à l'article 6.12, alinéa 1, 4°, conformément au paragraphe 1, alinéa 2, ne doit pas être transmis au Gouvernement flamand, la société de logement transmet également une copie du règlement d'attribution au contrôleur ».

B.11.5. Au cours des travaux préparatoires, il a été dit ce qui suit concernant les dispositions précitées : « Conformément à l'accord du Gouvernement, les règles d'attribution du premier et du deuxième système seront intégrées dans un seul système d'attribution. Le Gouvernement flamand élaborera un régime d'attribution équilibré et complémentaire axé tant 1) sur les besoins spécifiques en matière de logement, 2) sur le rattachement local et la chronologie que 3) sur les groupes-cibles spéciaux. Les fondements sont l'objectivation, la simplicité et la transparence. L'on abandonne le système actuel des nombreuses priorités et des régimes particuliers.

L'attribution d'un logement social de location doit autant que possible reposer sur des critères solides et doit avoir lieu d'une manière transparente et quelque peu prévisible.

Dans le nouveau système d'attribution unifié, un dispositif local sur mesure restera possible. Le choix porte donc sur la une responsabilisation, selon laquelle : - au niveau local, dans les limites d'un cadre réglementaire régional, le régime d'attribution peut être mis en place; - les différents acteurs sont associés à certaines attributions par le biais du conseil d'attribution.

Ainsi qu'il a déjà été dit, ce qui précède sera précisé dans l'arrêté relatif au Code flamand du logement. Dans le Code flamand du logement, seules quelques adaptations doivent être apportées pour que la base décrétale soit adéquate.

La modification majeure intervenue dans le Code flamand du logement est le fait qu'un projet de règlement d'attribution sera établi à l'avenir par le conseil d'attribution, qui sera composé de représentants des bailleurs, des administrations locales et des acteurs du logement et du bien-être concernés issus du rayon d'action du bailleur où se situe l'habitation sociale de location à attribuer » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, p. 30).

B.11.6. L'article 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution fait obligation aux législateurs compétents de garantir le droit à un logement décent et leur permet de déterminer les conditions d'exercice de ce droit.

Cet article n'interdit pas d'accorder des délégations à un gouvernement, pour autant qu'elles portent sur des mesures dont l'objet a été déterminé par le législateur compétent.

B.11.7. Les dispositions attaquées permettent au Gouvernement flamand de déterminer des conditions et des règles complémentaires pour l'attribution de logements sociaux par des sociétés de logement social.

En outre, elles permettent au conseil d'attribution de fixer, dans le règlement d'attribution, les règles d'attribution locales pour la mise en location effectuée par des sociétés de logement social. Ces règles peuvent compléter les règles d'attribution régionales ou y déroger.

Ainsi, la disposition attaquée indique de manière suffisante l'objet des mesures que le Gouvernement flamand est habilité à prendre et a exercé des missions déléguées au conseil d'attribution.

B.11.8. En outre, en accordant une telle délégation, le législateur décrétal n'a pu habiliter le Gouvernement flamand et les conseils d'attribution à adopter des dispositions qui entraîneraient une violation du droit constitutionnel à un logement décent. Il appartient au juge compétent de vérifier si le Gouvernement flamand n'a pas fait un usage illégal de la délégation qui lui est accordée.

B.11.9. En ce qu'il porte, pour le surplus, sur le contenu des nouvelles règles d'attribution, le cinquième moyen concerne l'application des dispositions attaquées, qui ne relève pas de la compétence de la Cour.

B.11.10. Le cinquième moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le sixième moyen B.12.1. Le sixième moyen est pris de la violation, par l'article 178, 1°, du décret du 9 juillet 2021, des articles 10, 11 et 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution, en ce que cette disposition impose une condition de connaissance linguistique plus sévère que par le passé.

B.12.2. L'article 178, 1°, remplace, à l'article 6.20, alinéa 1er, 5° et 6°, du Code flamand du logement, le membre de phrase « A1 » par « A2 ». L'article 178, 3°, du décret du 9 juillet 2021 remplace, à l'article 6.20, alinéa 2, du Code flamand du logement, le membre de phrase « 6° et 7° » par « 5° et 6° ». Ainsi modifié, l'article 6.20 dispose : « Outre les obligations du locataire prévues par le Décret flamand sur la location d'habitations, le locataire respecte les obligations suivantes : [...] 5° dans la mesure où le locataire occupe un logement social qui n'est pas situé dans une commune [périphérique] ou de la frontière linguistique, telle que mentionnée dans les lois coordonnées du 18 juillet 1966 sur l'emploi des langues en matière administrative, disposer d'une maîtrise du néerlandais qui correspond au niveau A2 du Cadre européen commun de référence pour [les] langues.Le Gouvernement flamand fixe la date à partir de laquelle le locataire doit répondre à l'obligation et la manière dont l'aptitude linguistique est établie; 6° dans la mesure où le locataire occupe un logement social qui est situé dans une commune [périphérique] ou de la frontière linguistique, telle que mentionnée dans les lois coordonnées du 18 juillet 1966 sur l'emploi des langues en matière administrative, sans porter préjudice aux facilités linguistiques, disposer d'une maîtrise du néerlandais qui correspond au niveau A2 du Cadre européen commun de référence pour [les] langues.Le Gouvernement flamand fixe la date à partir de laquelle le locataire doit répondre à l'obligation et la manière dont l'aptitude linguistique est établie; [...] Si le locataire démontre qu'il est dans l'impossibilité permanente de répondre à l'obligation énoncée au premier alinéa, 5° et 6°, à cause d'une maladie, d'un handicap mental ou physique ou d'aptitudes cognitives limitées, il est exempté de cette obligation. Le Gouvernement flamand détermine la manière dont le locataire peut le démontrer. Le Gouvernement flamand prévoit un règlement de sursis pour le locataire qui ne peut temporairement pas répondre à l'obligation pour des raisons professionnelles, médicales ou personnelles. [...] ».

Cette modification a été commentée comme suit au cours des travaux préparatoires : « Selon les règles actuelles, un locataire social doit satisfaire à la connaissance de base du néerlandais un an après être devenu locataire.

La connaissance de base du néerlandais a été fixée au niveau A1 du Cadre européen commun de référence pour les langues. Les attestations, certificats, documents qui démontrent cette connaissance sont énumérés limitativement dans l'arrêté relatif au Code flamand du logement (voy. l'article 6.38). Il s'agit d'une connaissance orale. Le bailleur vérifie si le locataire satisfait à l'obligation imposée aux locataires. Sur le terrain, la connaissance de base A1 est toutefois jugée insuffisante pour permettre la communication de base minimale entre le bailleur et le locataire.

Afin de permettre une meilleure communication, il a été décidé dans l'accord gouvernemental flamand de passer à un niveau supérieur. Ce niveau est toujours le niveau d'un utilisateur de base [...]. [...] Le fait de ne pas disposer d'une connaissance de base du néerlandais peut être problématique au niveau de la qualité de vie et de la sécurité dans les complexes d'habitation sociale, problèmes qui sont dus à la communication déficiente entre le bailleur et les locataires sociaux et entre les locataires sociaux entre eux. Le sentiment d'implication et la cohésion sociale sont renforcés lorsque les locataires sociaux parlent une langue commune. Les règles imposées par le bailleur social dans certains complexes d'habitation ne sont pas suffisamment comprises en raison de la connaissance déficiente du néerlandais chez les locataires sociaux. Actuellement, certains locataires sociaux ne comprennent pas suffisamment leurs droits et obligations et sont défavorisés parce qu'ils ne peuvent pas exprimer leurs besoins. Une meilleure connaissance du néerlandais doit résoudre ce problème. Dans son avis, le Conseil d'Etat a demandé de préciser encore davantage pourquoi le niveau A1 existant ne suffisait pas. Dans le niveau A1, le locuteur ne parle le néerlandais que lentement et avec hésitation et comprend uniquement une brève conversation à condition de parler lentement et en répétant les mots. Il ne peut par exemple qu'indiquer qui il est, son âge et le nombre d'enfants qu'il a. En cas de nuisances relatives au logement, le niveau A1 ne sera pas suffisant pour tout bien comprendre.L'actuel niveau A1 n'est donc pas suffisant pour assurer une communication fluide entre le bailleur et le locataire et entre locataires » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, pp. 31-32).

B.12.3. En ce qui concerne la personne qui, en tant que locataire, occupe une habitation sociale située dans une commune périphérique au sens de l'article 7 des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966, l'obligation critiquée d'aptitude linguistique résulte de l'article 6.20, alinéa 1er, 6°, du Code flamand du logement, modifié par l'article 178, 1°, du décret du 9 juillet 2021.

L'article 6.20 du Code flamand du logement remonte à l'article 92, § 3, alinéa 1er, 7°, du Code flamand du logement. Comme la Cour l'a jugé par son arrêt n° 136/2019 du 17 octobre 2019 (ECLI:BE:GHCC:2019:ARR.136), l'obligation énoncée par cette disposition ne s'applique pas au locataire francophone d'une habitation sociale située dans une commune périphérique.

Elle ne réduit donc pas le degré de protection du droit à un logement décent de cette catégorie de locataires.

B.12.4. Le locataire non francophone qui occupe une habitation sociale située dans une commune périphérique et le locataire qui occupe une habitation sociale située dans une commune de la région de langue néerlandaise autre que l'une des communes de la frontière linguistique étaient tenus, en vertu de l'article 92, § 3, alinéa 1er, 7°, et de l'article 92, § 3, alinéa 1er, 6°, du Code flamand du logement, d'avoir un niveau de maîtrise de la langue néerlandaise correspondant au niveau A1 du Cadre européen commun de référence pour les langues.

L'article 178, 1°, du décret du 9 juillet 2021 porte cette exigence au niveau A2.

Le niveau A1 est « le niveau le plus élémentaire d'utilisation de la langue à titre personnel - celui où l'apprenant est capable d'interactions simples; peut répondre à des questions simples sur lui-même, l'endroit où il vit, les gens qu'il connaît et les choses qu'il a, et en poser; peut intervenir avec des énoncés simples dans les domaines qui le concernent ou qui lui sont familiers et y répondre également, en ne se contentant pas de répéter des expressions toutes faites et pré-organisées » (Cadre européen commun de référence pour les langues, 3.6). La personne qui a atteint ce niveau peut « comprendre et utiliser des expressions familières et quotidiennes ainsi que des énoncés très simples qui visent à satisfaire des besoins concrets », « se présenter ou présenter quelqu'un et poser à une personne des questions la concernant - par exemple, sur son lieu d'habitation, ses relations, ce qui lui appartient, etc. - et [...] répondre au même type de questions » et « communiquer de façon simple si l'interlocuteur parle lentement et distinctement et se montre coopératif » (ibid., 3.3).

Le niveau A2 est le niveau linguistique suivant. La personne qui a atteint ce niveau peut « comprendre des phrases isolées et des expressions fréquemment utilisées en relation avec des domaines immédiats de priorité (par exemple, informations personnelles et familiales simples, achats, environnement proche, travail) », peut « communiquer lors de tâches simples habituelles ne demandant qu'un échange d'informations simple et direct sur des sujets familiers et habituels » et peut « décrire avec des moyens simples sa formation, son environnement immédiat et évoquer des sujets qui correspondent à des besoins immédiats » (ibid., 3.3).

Ce relèvement du niveau linguistique réduit le degré de protection du droit à un logement décent d'un tel locataire. En effet, l'exigence renforcée de connaissances linguistiques imposée sous peine d'encourir une amende administrative en vertu de l'article 6.43 du Code flamand du logement pourrait conduire un candidat locataire à renoncer à son inscription dans le registre des candidats ou inciter une personne déjà devenue locataire à renoncer quand même à son logement social ou l'obliger à quitter le logement social à la suite de problèmes de paiement rencontrés parce qu'une ou plusieurs amendes administratives lui ont été infligées en vertu de l'article 6.43 du Code flamand du logement.

La Cour doit examiner si ce recul est significatif.

B.13.1. Le relèvement du niveau linguistique de A1 à A2 constitue une augmentation limitée. Le niveau A2 demeure, comme le niveau A1, un niveau élémentaire. La personne qui obtient le niveau A2 est toujours considérée comme un utilisateur élémentaire. Pour ne plus être considéré comme un utilisateur élémentaire, il faut atteindre le niveau suivant, à savoir le niveau B1.

Comme l'observe le Conseil d'Etat dans son avis, il ressort en outre de l'exposé des motifs que « le délai d'un an dont dispose actuellement le locataire pour satisfaire à cette obligation sera prolongé pour aligner ce délai sur la durée nécessaire pour suivre des cours de néerlandais afin d'atteindre le niveau A2. Bien que cet assouplissement ne ressorte pas de l'avant-projet lui-même, mais d'un arrêté qui doit encore être pris par le Gouvernement flamand, il peut en être tenu compte pour déterminer l'incidence du relèvement de l'exigence de connaissance linguistique prévu par les normes en projet. En effet, cet arrêté, en tant que mesure compensatoire, s'inscrira dans le contexte dans lequel la disposition en projet doit être appréciée. Il faudra par contre veiller à ce que l'arrêté relatif au Code flamand du logement de 2021 soit modifié dans le sens indiqué et à ce que cette modification entre en vigueur en même temps que les dispositions en projet » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, p. 400).

Par l'article 37, 1°, de l'arrêté du Gouvernement flamand du 17 décembre 2021 « modifiant l'arrêté relatif au Code flamand du logement de 2021, en ce qui concerne la location sociale », le délai pour satisfaire à l'exigence linguistique, prévu par l'article 6.38, alinéa 1er, de l'arrêté relatif au Code flamand du logement de 2021, est effectivement passé d'un an à deux ans à partir de l'entrée en vigueur de l'article 178 du décret du 9 juillet 2021.

La réduction du degré de protection n'est dès lors pas significative.

B.13.2. Par ailleurs, l'article 178, 1°, du décret du 9 juillet 2021 n'affecte pas non plus le contexte légal sur la base duquel la Cour a jugé, par son arrêt n° 136/2019 du 17 octobre 2019 (ECLI:BE:GHCC:2019:ARR.136), que l'introduction de l'exigence de connaissance linguistique du niveau A1 ne constitue pas une réduction significative du degré de protection par rapport à l'obligation antérieure de démontrer sa volonté d'apprendre le néerlandais, mais contribue au contraire à la réalisation du droit à un logement décent des locataires visés par ces dispositions : « B.27. Pour apprécier si l'obligation décrite en B.26.1 entraîne une réduction significative du degré de protection du droit à un logement décent qui existait lorsque l'obligation décrite en B.26.2 était en vigueur, il y a lieu de tenir compte du contexte législatif des dispositions attaquées.

B.28. Avant l'entrée en vigueur des dispositions attaquées, le candidat à la location d'une habitation sociale, qui était tenu d'` avoir la volonté d'apprendre le néerlandais ' ne pouvait être inscrit dans le registre des candidats du bailleur que s'il avait démontré cette volonté (article 93, § 1er, alinéa 2, 2° et 3°, du Code flamand du logement, inséré par l'article 7, 2°, du décret du 15 décembre 2006).

Depuis l'entrée en vigueur des dispositions attaquées, l'inscription d'un candidat n'est plus soumise à aucune condition d'ordre linguistique (article 93, § 1er, du même Code, tel qu'il a été modifié par l'article 3, 1°, du décret du 10 mars 2017).

Désormais, le bailleur doit seulement informer formellement le candidat de l'obligation linguistique énoncée dans les dispositions attaquées (article 93, § 1er, alinéa 5, du même Code, tel qu'il a été modifié par l'article 3, 2°, du décret du 10 mars 2017).

B.29.1. Avant l'entrée en vigueur des dispositions attaquées, une habitation sociale ne pouvait être attribuée au candidat inscrit visé en B.28 que si celui-ci avait, au préalable, démontré sa volonté d'apprendre le néerlandais (article 95, § 1er, alinéa 1er, 2° et 3°, du Code flamand du logement, inséré par l'article 8 du décret du 15 décembre 2006, puis modifié par l'article 50, 1°, du décret du 31 mai 2013 ` portant modification de divers décrets relatifs au logement ').

Depuis l'entrée en vigueur des dispositions attaquées, l'attribution d'une habitation sociale à un candidat n'est plus soumise à aucune condition d'ordre linguistique (article 95, § 1er, du même Code, tel que modifié par l'article 4 du décret du 10 mars 2017).

B.29.2. Avant l'entrée en vigueur des dispositions attaquées, le bailleur d'une habitation sociale pouvait, moyennant un préavis, résilier le bail relatif à une habitation sociale en raison d'un manquement grave ou durable du locataire à son obligation d'` avoir la volonté d'apprendre le néerlandais ' (article 98, § 3, alinéa 1er, 2°, du Code flamand du logement, remplacé par l'article 10 du décret du 15 décembre 2006, puis modifié par l'article 42, 4°, du décret du 14 octobre 2016 ` modifiant divers décrets relatifs au logement ' et par l'article 52, 10°, du décret du 31 mai 2013).

Depuis l'entrée en vigueur des dispositions attaquées, le manquement du locataire d'une habitation sociale à l'obligation linguistique précitée ne peut plus justifier la résiliation du bail (article 98, § 3, alinéa 1er, 2°, du même Code, tel qu'il a été modifié par l'article 5 du décret du 10 mars 2017).

B.29.3. Avant l'entrée en vigueur des dispositions attaquées, il ne pouvait être exigé une ` volonté d'apprendre le néerlandais ' du candidat à la location d'une habitation sociale ou du locataire d'une telle habitation lorsque celui-ci pouvait prouver, au moyen d'une attestation médicale, qu'il lui était durablement impossible d'acquérir une connaissance du néerlandais correspondant au niveau A1 du Cadre européen commun de référence pour les langues en raison d'une maladie grave ou d'un handicap mental ou physique (article 92, § 3, 6° et 7°, du Code flamand du logement; article 93, § 1er, alinéa 1er, 2° et 3°, du même Code, inséré par l'article 7, 2°, du décret du 15 décembre 2006; article 95, § 1er, alinéa 1er, 2° et 3°, du même Code, inséré par l'article 8 du décret du 15 décembre 2006, puis modifié par l'article 50, 1°, du décret du 31 mai 2013).

Comme il est dit en B.28, l'obligation d'aptitude linguistique énoncée par les dispositions attaquées n'est pas mise à la charge du candidat à la location d'une habitation sociale et ne concerne que le locataire d'une telle habitation. Ce dernier est cependant exempté de cette obligation, non seulement lorsqu'une maladie grave ou un handicap mental ou physique rend l'acquisition du niveau requis de connaissance du néerlandais durablement impossible, mais aussi lorsque cette impossibilité résulte d'aptitudes cognitives limitées (article 92, § 3, alinéa 3, du même Code, inséré par l'article 2, 3°, du décret du 10 mars 2007).

B.29.4. Comme il est dit en B.28, le candidat à la location d'une habitation sociale est formellement informé de l'obligation d'aptitude linguistique énoncée par les dispositions attaquées dès son inscription dans le registre des candidats, ce qui lui permet d'entreprendre dès ce moment les démarches utiles au respect de cette obligation future (Doc. parl., Parlement flamand, 2016-2017, n° 1045/1, pp. 3, 5 et 14; ibid., n° 1045/2, p. 9). Comme il est dit en B.29.1, le locataire d'une habitation sociale n'est pas pour autant tenu de disposer de la connaissance requise du néerlandais au moment de l'entrée en vigueur du contrat de location. Il dispose encore, à compter de ce moment, d'un délai pour acquérir cette connaissance (article 92, § 3, 6° et 7°, du Code flamand du logement).

En outre, si, pour des raisons professionnelles, médicales ou personnelles, il n'est temporairement pas en mesure d'acquérir le niveau de connaissance requis dans le délai imparti, il peut bénéficier d'un délai supplémentaire pour ce faire (article 92, § 3, alinéa 3, du Code flamand du logement, inséré par l'article 2, 3°, du décret du 10 mars 2007).

B.29.5. Lorsque le locataire d'une habitation sociale ne respecte pas l'obligation d'aptitude linguistique énoncée par les dispositions attaquées, le bailleur peut, à certaines conditions et si le locataire y consent, accompagner ou faire accompagner celui-ci en vue du respect de cette obligation (article 92, § 3, alinéa 2, du Code flamand du logement, inséré par l'article 2, 3°, du décret du 10 mars 2007).

B.29.6. Le locataire d'une habitation sociale a accès à une large offre de cours de néerlandais gratuits (Doc. parl., Parlement flamand, 2016-2017, n° 1045/1, pp. 4, 5 et 7-8; ibid., n° 1045/2, p. 4).

B.29.7. Enfin, la connaissance de base du néerlandais visée par les dispositions attaquées est, en tout état de cause, utile au locataire d'une habitation sociale située en région de langue néerlandaise.

Cette connaissance peut lui permettre de mieux comprendre la portée des droits et obligations qui découlent du bail conclu, de faire valoir ces droits et de respecter ces obligations, notamment en communiquant avec les personnes qui pourront, si nécessaire, l'aider à cette fin.

L'absence d'une connaissance de base du néerlandais peut compromettre la sécurité et la qualité de vie dans les immeubles d'habitations sociales en raison d'une communication déficiente entre les locataires ainsi qu'entre ces derniers et le bailleur, du fait que ces personnes ne disposeraient pas d'une langue commune. Un locataire social peut en outre être lésé parce qu'il n'est pas en mesure d'exprimer une demande en rapport avec ses droits (Doc. parl., Parlement flamand, 2016-2017, n° 1045/1, pp.3, 6 et 7).

Dans ces circonstances, la connaissance du néerlandais imposée par les dispositions attaquées contribue à la mise en oeuvre du droit à un logement décent des locataires visés par ces dispositions ».

B.13.3. Il découle enfin de l'article 220 du décret du 9 juillet 2021 que, pour le locataire qui louait une habitation sociale de location avant l'entrée en vigueur de l'article 178 de ce décret et qui devait satisfaire à l'obligation mentionnée à l'article 6.20, alinéa 1er, 5° et 6°, du Code flamand du logement, tel qu'il était en vigueur avant la date de l'entrée en vigueur de l'article 178 du décret du 9 juillet 2021, l'obligation mentionnée à l'article 6.20, alinéa 1er, 5° et 6°, du Code flamand du logement, tel qu'il était en vigueur avant l'entrée en vigueur de l'article 178 de ce décret, reste applicable (article 220, alinéa 1er).

B.13.4. Dès lors que la disposition attaquée ne réduit pas significativement le degré de protection offert par la législation applicable, elle est compatible avec l'obligation de standstill énoncée dans l'article 23 de la Constitution.

B.13.5. Le sixième moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le septième moyen B.14.1. Le septième moyen est pris de la violation, par les articles 178, 2° et 4° et 221 du décret du 9 juillet 2021, des articles 10, 11 et 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution, en ce que cette disposition impose au locataire social disposant d'un potentiel d'emploi, mais sans activité professionnelle, de s'inscrire auprès du « Vlaamse dienst voor arbeidsbemiddeling en beroepsopleiding » (Office flamand de l'emploi et de la formation professionnelle, ci-après : le VDAB).

Selon les parties requérantes, cette obligation implique une réduction significative du degré de protection et une discrimination injustifiée par rapport aux citoyens sans activité professionnelle mais disposant d'un potentiel d'emploi et qui ne sont pas des locataires sociaux.

B.14.2. L'article 178, 2°, du décret du 9 juillet 2021 ajoute dans l'alinéa 1er de l'article 6.20, alinéa 1er, du Code flamand du logement un point 12°, qui exige que le locataire sans activité professionnelle « avec potentiel d'emploi » s'inscrive auprès du VDAB. L'article 178, 4°, ajoute dans le même article 6.20 un alinéa 4, qui dispose : « Le Gouvernement flamand arrête les conditions afin d'être considéré comme citoyen sans activité professionnelle avec potentiel d'emploi visé à l'alinéa 1, 12°, et les modalités de contrôle par le bailleur de l'obligation du locataire visée à l'alinéa 1, 12° ».

B.14.3. L'article 221 du décret du 9 juillet 2021 règle l'application de la nouvelle exigence énoncée dans l'article 6.20, alinéa 1er, 12°, ainsi modifié, du Code flamand du logement aux personnes qui sont déjà locataires lors de l'entrée en vigueur de l'article 178 du décret du 9 juillet 2021 et dispose : « Les personnes locataires au moment de l'entrée en vigueur de l'article 178 du présent décret disposent d'un délai de trois mois pour satisfaire à l'obligation du locataire visée à l'article 6.20, alinéa 1, 12°, du Code flamand du Logement de 2021, tel que modifié par le présent décret ».

B.14.4. Au cours des travaux préparatoires, l'article 178, 2°, du décret du 9 juillet 2021 a été commenté comme suit : « De nombreux locataires sociaux inactifs sont également obligés ou incités par d'autres canaux à s'inscrire auprès du VDAB (par exemple dans le cadre de l'obtention d'un revenu d'intégration sociale via le CPAS ou comme condition pour conserver une allocation de chômage). Le VDAB constate toutefois que, dans la pratique, le nombre d'inscriptions dans certaines régions varie considérablement. Pour cette raison, le VDAB établit un cadre de fonctionnement renforcé pour cette législature, afin de pouvoir fournir des efforts supplémentaires et de veiller à ce que davantage de bénéficiaires d'un revenu d'intégration sociale s'inscrivent effectivement auprès du VDAB. Le VDAB opte pour des contrats de coopération formels avec les administrations locales. En 2021, le VDAB aura conclu un accord de coopération avec chacune des 13 villes-centres en Flandre. Ces accords prévoient des actions qui contribuent à l'objectif global consistant à réaliser en Flandre un taux d'emploi de 80 %. En outre, des structures de coopération intercommunales ` économie et travail ' sont contactées afin de conclure un accord de coopération avec le VDAB. Pour 2025, le but consiste à avoir une coopération renforcée avec chaque commune.

L'augmentation des chances pour tous les demandeurs d'emploi et toutes les personnes sans activité professionnelle est l'un des objectifs à réaliser dans le cadre de ces coopérations renforcées, notamment en augmentant le nombre d'inscriptions auprès du VDAB. L'obligation imposée aux locataires se veut dès lors complémentaire des efforts renforcés que le VDAB fournira afin de remédier à ces différences régionales. Si le locataire ne respecte pas cette obligation, l'autorité de tutelle peut infliger une amende administrative. La résiliation du bail pour cette seule raison est exclue.

Cette mesure aura enfin pour effet que les revenus locatifs de ces bailleurs augmenteront. Ces revenus supplémentaires peuvent quant à eux être investis dans davantage de logements sociaux pour ainsi mieux réaliser le droit fondamental à un logement décent pour d'autres personnes.

Le Conseil d'Etat observe que la Région flamande peut, en vertu de sa compétence en matière de placement de travailleurs, déterminer quelles personnes doivent s'inscrire auprès du VDAB, mais si pareille obligation d'inscription est toutefois limitée aux locataires sociaux, il est établi une différence de traitement entre, d'une part, une personne sans activité professionnelle et disposant d'un potentiel d'emploi qui est un locataire social et, d'autre part, une personne sans activité professionnelle et disposant d'un potentiel d'emploi qui n'est pas un locataire social. Le Conseil d'Etat ne voit pas en quoi cette différence de traitement peut être justifiée. Le Conseil d'Etat ajoute qu'il n'est pas certain que l'obligation faite aux locataires sociaux qui n'ont pas d'activité professionnelle mais qui disposent d'un potentiel d'emploi de s'inscrire auprès du VDAB leur permette, comme l'exige la Cour constitutionnelle, de contribuer au droit à un logement décent pour eux-mêmes ainsi que pour les autres personnes qui bénéficient de ce droit. Les auteurs du projet ne partagent pas ce point de vue et estiment que l'obligation doit effectivement être considérée comme une ` obligation correspondante ', mentionnée à l'article 23, alinéa 2, de la Constitution, qui est liée au droit à un logement décent. L'habitation sociale de location est mise à disposition d'un candidat-locataire ayant des revenus limités parce que le marché privé est difficilement accessible à celui-ci en raison de ses revenus limités. La location sociale est une aide temporaire pour ceux qui en ont réellement besoin et tant qu'ils en ont besoin.

Le fait de respecter l'obligation de s'inscrire auprès du VDAB permettra au locataire social, à terme, d'acquérir un revenu du travail et contribuera ainsi à la réalisation de ce droit fondamental pour lui-même, ainsi que pour d'autres candidats-locataires. En effet, si les locataires sociaux sans travail font des efforts pour trouver du travail et s'ils y parviennent, leur droit fondamental pourra, le cas échéant, être réalisé sur le marché privé, sur lequel l'intéressé bénéficie d'une plus grande liberté de choix. Grâce à cet éventuel tremplin, le droit à un logement décent sera également réalisé pour les personnes qui ne sont, à ce moment, pas en état de trouver eux-mêmes un logement décent, ce qui contribue fortement à la réalisation du droit fondamental à un logement décent pour autrui. Il est dès lors décidé de maintenir l'article 6.20, alinéa 1er, 12°, en projet, du Code flamand du logement » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, pp. 35-36).

B.15.1. Ainsi qu'il est dit en B.8.2, l'examen de la conformité d'une disposition législative avec le principe d'égalité et de non-discrimination exige d'identifier précisément les deux catégories de personnes qui font l'objet du traitement distinct critiqué. La référence, dans la requête, aux personnes sans activité professionnelle mais disposant d'un potentiel d'emploi, qui ne sont pas des locataires sociaux, ne satisfait pas à cette exigence. Ainsi qu'il ressort toutefois des travaux préparatoires mentionnés en B.14.4, plusieurs groupes de personnes ont en effet également une obligation d'inscription ou doivent à tout le moins se conformer à des règles qui attachent des conséquences à la non-inscription. En ce qu'il est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, le septième moyen n'est pas recevable.

B.15.2. En ce qui concerne l'article 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution, il convient de constater que la disposition attaquée n'aboutit pas à une réduction significative du degré de protection et est en tout état de cause justifiée raisonnablement. Le fait que la mesure cadre avec un plan global consistant à encourager l'accès au VDAB n'empêche pas en soi que la mesure concernée puisse également contribuer à la réalisation du logement décent tant des intéressés que d'autres candidats-locataires sociaux. Le fait que l'inscription ne garantisse pas en soi de manière absolue que l'intéressé obtienne aussi effectivement un emploi qui aura à terme pour effet que celui-ci pourra s'orienter vers le marché locatif privé ne signifie pas davantage qu'une telle plus-value soit exclue.

B.15.3. Le septième moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour 1. annule l'article 5.52, alinéa 3, du Code flamand du logement, introduit par l'article 144 du décret de la Région flamande du 9 juillet 2021 « portant modification de divers décrets relatifs au logement »; 2. annule l'article 6.8, § 1er, alinéa 1er, 4°, et alinéa 4, du Code flamand du logement, introduit par l'article 166 du même décret du 9 juillet 2021; 3. annule l'article 5.68/1, § 3, alinéa 1er, 3°, 4°, 7° et 8°, et alinéa 2, du Code flamand du logement, introduit par l'article 147 du même décret du 9 juillet 2021, l'article 5.106/1, § 3, alinéa 1er, 6°, 7°, 8° et 9°, et alinéa 2, du Code flamand du logement, introduit par l'article 157 du décret du 9 juillet 2021, et l'article 6.3/1, § 3, alinéa 1er, 3°, 5°, 6°, 9°, 10°, 11°, 12°, 13°, 14° et 15°, et alinéa 2, et § 6, alinéa 1er, 2° et 3°, et alinéa 2, du Code flamand du logement, introduit par l'article 160 du même décret du 9 juillet 2021; 4. maintient les effets des dispositions mentionnées au point 3 jusqu'à l'entrée en vigueur d'une réglementation qui aura été adoptée après qu'il aura été satisfait aux exigences de l'article 36, paragraphe 4, du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 « relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) », et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2023 inclus;5. rejette le recours pour le surplus. Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 15 juin 2023.

Le greffier, Le président, F. Meersschaut L. Lavrysen

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