publié le 17 octobre 2022
Extrait de l'arrêt n° 79/2022 du 9 juin 2022 Numéro du rôle : 7654 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 12bis, § 1 er , 2°, du Code de la nationalité belge, posée par la Cour d'appel de Bruxelles. La Cour composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges J.-P. Moerman, T. Giet, J. Moerman, (...)
Extrait de l'arrêt n° 79/2022 du 9 juin 2022 Numéro du rôle : 7654 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 12bis, § 1er, 2°, du Code de la nationalité belge, posée par la Cour d'appel de Bruxelles.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges J.-P. Moerman, T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia et W. Verrijdt, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 14 septembre 2021, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 20 octobre 2021, la Cour d'appel de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 12bis, § 1er, 2°, du Code de la nationalité belge viole-t-il les articles 22 et 22bis de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, interprété en ce sens que le congé parental pris au cours des cinq années qui ont précédé la déclaration de nationalité constitue une interruption de l'occupation ininterrompue de cinq années qui doit être établie comme preuve de l'intégration sociale en Belgique ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la disposition en cause B.1.1. La Cour est interrogée sur la compatibilité de l'article 12bis, § 1er, 2°, d), quatrième tiret, du Code de la nationalité belge avec les articles 22 et 22bis de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans l'interprétation selon laquelle la prise d'un congé parental a pour conséquence que l'occupation qui doit être établie comme preuve de l'intégration sociale ne peut pas être considérée comme ininterrompue.
B.1.2. L'article 12bis, § 1er, 2°, du Code de la nationalité belge fixe les conditions auxquelles un étranger qui a fixé sa résidence principale en Belgique depuis cinq ans peut acquérir la nationalité belge en faisant une déclaration de nationalité : « Peuvent acquérir la nationalité belge en faisant une déclaration conformément à l'article 15 : [...] 2° l'étranger qui : a) a atteint l'âge de dix-huit ans;b) et a fixé sa résidence principale en Belgique sur la base d'un séjour légal depuis cinq ans;c) et apporte la preuve de la connaissance d'une des trois langues nationales;d) et prouve son intégration sociale : - ou bien par un diplôme ou un certificat délivré par un établissement d'enseignement organisé, reconnu ou subventionné par une Communauté ou par l'Ecole royale militaire et qui est au moins du niveau de l'enseignement secondaire supérieur; - ou bien en ayant suivi une formation professionnelle d'au moins 400 heures reconnue par une autorité compétente; - ou bien en ayant, selon le cas, fourni la preuve délivrée par l'autorité compétente, du suivi avec succès du trajet d'intégration, du parcours d'accueil ou du parcours d'intégration prévu par l'autorité compétente de sa résidence principale au moment où il entame celui-ci; - ou bien en ayant travaillé de manière ininterrompue au cours des cinq dernières années comme travailleur salarié et/ou comme agent statutaire nommé dans la fonction publique et/ou comme travailleur indépendant à titre principal; e) et prouve sa participation économique : - soit en ayant travaillé pendant au moins 468 journées de travail au cours des cinq dernières années en tant que travailleur salarié et/ou agent statutaire dans la fonction publique; - soit en ayant payé, en Belgique, dans le cadre d'une activité professionnelle indépendante exercée à titre principal, les cotisations sociales trimestrielles dues par les travailleurs indépendants pendant au moins six trimestres au cours des cinq dernières années;
La durée de la formation suivie dans les cinq ans qui ont précédé la demande visée au 2°, d), premier et/ou deuxième tirets, est déduite de la durée de l'activité professionnelle requise de 468 jours minimum ou de la durée de l'activité professionnelle indépendante à titre principal ».
B.1.3. Dans la circulaire du 8 mars 2013Documents pertinents retrouvés type circulaire prom. 08/03/2013 pub. 14/03/2013 numac 2013009118 source service public federal justice Circulaire relative à certains aspects de la loi du 4 décembre 2012 modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l'acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l'immigration fermer « relative à certains aspects de la loi du 4 décembre 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/12/2012 pub. 14/12/2012 numac 2012009519 source service public federal justice Loi modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l'acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l'immigration fermer modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l'acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l'immigration » (ci-après : la circulaire du 8 mars 2013Documents pertinents retrouvés type circulaire prom. 08/03/2013 pub. 14/03/2013 numac 2013009118 source service public federal justice Circulaire relative à certains aspects de la loi du 4 décembre 2012 modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l'acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l'immigration fermer), l'interprétation qu'il convient de donner à la condition selon laquelle il faut « avoir travaillé de manière ininterrompue depuis cinq ans » est précisée comme suit : « En ce qui concerne la question de savoir ce que recouvre la condition ' avoir travaillé de manière ininterrompue depuis cinq ans ', il conviendra d'interpréter cette condition notamment à la lumière de la définition de la ' journée de travail ' contenue à l'article 1er, § 2, 7°, CNB. Selon cette définition, il conviendra notamment d'inclure le travail effectué à temps partiel. En revanche, le travail effectué à l'étranger ne pourra pas être pris en compte ».
B.1.4. L'article 1er, § 2, 7°, du Code de la nationalité belge dispose que, pour l'application de ce Code, il faut entendre par « journée de travail » : « les journées de travail et les journées de travail assimilées au sens des articles 37 et 38 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, étant entendu que le travail effectué à l'étranger et les journées y assimilées ne sont pas pris en compte. Si, au cours de la période de référence de cinq ans, l'étranger a travaillé, d'une part, comme travailleur salarié et/ou agent statutaire nommé dans la fonction publique et, d'autre part, comme travailleur indépendant à titre principal, chaque trimestre presté comme indépendant à titre principal sera comptabilisé à raison de 78 journées de travail. Le travail à temps partiel, exprimé en heures, est pris en compte suivant la formule utilisée en application de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage et de ses arrêtés ministériels d'exécution; ».
B.1.5. Les articles 37 et 38 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 « portant réglementation du chômage » (ci-après : l'arrêté royal du 25 novembre 1991) disposent : «
Art. 37.§ 1er. Pour l'application du présent chapitre, sont prises en considération comme prestations de travail, le travail effectif normal et les prestations supplémentaires sans repos compensatoire, effectuées dans une profession ou une entreprise assujetties à la sécurité sociale, secteur chômage, pour lesquelles simultanément : 1° a été payée une rémunération au moins égale au salaire minimum fixé par une disposition légale ou réglementaire ou une convention collective de travail qui lie l'entreprise ou, à défaut, par l'usage;2° ont été opérées sur la rémunération payée, les retenues réglementaires pour la sécurité sociale, y compris celles pour le secteur chômage. Si les données relatives aux salaires et au temps de travail sont communiquées de manière globale par trimestre au service compétent pour la perception des cotisations de sécurité sociale, et si les prestations de travail et le salaire correspondant ne peuvent pas être situés dans un trimestre, les prestations de travail et le salaire correspondant qui sont situés dans le trimestre pendant lequel une période de référence prend cours et/ou pendant lequel la période de référence prend fin, sont censés être situés dans la période de référence.
Pour le calcul du nombre de jours de travail du travailleur qui a effectué des activités artistiques dans la période de référence qui lui est applicable et lorsque ces activités ont été rémunérées par une rémunération à la tâche : 1° la rémunération à la tâche qui rémunère l'activité artistique est considérée couvrir de manière égale chaque jour calendrier de toute la période de la relation de travail qui correspond à la déclaration immédiate de l'emploi;2° un calcul est effectué sur base trimestrielle en fonction de la rémunération à la tâche qui conformément au 1° est située dans chaque trimestre;3° il est uniquement tenu compte de la partie de la rémunération à la tâche qui conformément au 1° est située dans la période de référence. Le Ministre détermine, après avis du comité de gestion : 1° les règles suivant lesquelles les prestations de travail sont converties en journées de travail;2° les conditions auxquelles les prestations de travail exclues en vertu de l'alinéa 1er, 1°, sont prises en considération lorsque la rémunération vient à être régularisée;3° les conditions auxquelles les prestations de travail exclues en vertu de l'alinéa 1er, 1°, sont prises en considération lorsque la rémunération ne peut pas être régularisée à cause de la carence de l'ancien employeur;4° les conditions auxquelles les retenues pour la sécurité sociale sont censées avoir été opérées;5° les conditions auxquelles les régularisations de cotisations de sécurité sociale consécutives à l'insuffisance ou à l'absence de cotisations peuvent être prises en considération. § 2. Le travail effectué à l'étranger n'est pris en considération que dans les limites des conventions bilatérales et internationales et pour autant que le travailleur ait, après le travail effectué à l'étranger, accompli des périodes de travail comme salarié selon la réglementation belge, pendant au moins trois mois. § 2/1er. - Par dérogation à l'article 37, § 2, les prestations de travail assujetties au régime prévu dans la loi du 17 juillet 1963 relative à la sécurité sociale d'outre-mer sont prises en considération, s'il s'agit d'un emploi qui aurait donné lieu en Belgique à des retenues pour la sécurité sociale, y compris celles pour le secteur chômage et à condition que le travailleur ait, après le travail effectué à l'étranger, accompli au moins une période de travail comme salarié en vertu de la réglementation belge, peu importe sa durée. § 3. Pour l'application des paragraphes précédents, l'indemnité perçue par l'apprenti dans le cadre d'un contrat d'apprentissage n'est pas considérée comme une rémunération qui satisfait au § 1er, 1°. § 4. Par dérogation au § 1er, les prestations de travail d'un travailleur diamantaire ne sont pas prises en considération si elles ont été effectuées dans un atelier qui n'a pas été agréé conformément à l'arrêté royal du 17 avril 1970 concernant l'agréation des ateliers de l'industrie diamantaire.
Art. 38.§ 1er. Sont assimilées à des journées de travail pour l'application des articles 30 à 36bis : 1° a) les journées qui ont donné lieu au paiement d'une indemnité en application de la législation relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents sur le chemin du travail et des maladies professionnelles, l'assurance chômage et la pension d'invalidité pour ouvriers mineurs;b) les jours de vacances légales et les jours de vacances en vertu d'une convention collective de travail rendue obligatoire, s'ils ont donné lieu au paiement du pécule de vacances, ainsi que les jours couverts par le pécule de vacances qui sont situés dans une période de chômage complet;c) la période qui a donné lieu au paiement d'une allocation de transition prévue dans la réglementation aux pensions, sous les conditions déterminées au § 3.2° les journées d'absence du travail avec maintien de la rémunération sur lesquelles ont été retenues des cotisations de sécurité sociale, y compris celles pour le secteur chômage;3° les jours fériés ou de remplacement durant une période de chômage temporaire;4° les jours d'incapacité de travail avec rémunération garantie deuxième semaine et les jours d'incapacité de travail avec complément ou avance conformément à la convention collective de travail n° 12bis ou n° 13bis;5° les jours de repos compensatoire;6° les jours de grève, de lock-out et les jours de chômage temporaire par suite de grève ou de lock-out;7° le jour de carence;8° les journées chômées pour cause de gel qui ont été indemnisées par le Fonds de sécurité d'existence des ouvriers de la construction;9° les jours d'exercice de la fonction de juge social;10° autres journées d'absence du travail sans maintien de la rémunération à raison de maximum dix jours par année civile.11° les journées d'absence du travail en vue de fournir des soins d'accueil.12° les jours au cours desquels une formation professionnelle au sens de l'article 27, 6°, dont le nombre d'heures atteint, par cycle, en moyenne par semaine, au moins 18 heures a effectivement été suivie ou au cours desquels le travailleur a été actif dans le cadre d'un stage visé à l'article 36quater, à concurrence de 96 jours maximum. Les journées assimilées à des journées de travail sont prises en considération dans la même mesure et sont calculées de la même manière que les journées de travail qui les précèdent. § 2. Les journées pendant lesquelles le travailleur n'a pas été en mesure d'effectuer son travail à l'étranger par suite d'une situation visée au § 1er ne sont prises en considération que dans les limites des conventions bilatérales et internationales et pour autant que le travailleur ait, après le travail effectué à l'étranger, accompli des périodes de travail comme salarié selon la réglementation belge, pendant au moins trois mois. § 2/1er. - Par dérogation à l'article 38, § 2, pour les prestations de travail assujetties au régime prévu dans la loi du 17 juillet 1963 relative à la sécurité sociale d'outre-mer, les journées pendant lesquelles le travailleur n'a pas été en mesure d'effectuer son travail à l'étranger par suite d'une situation visée au § 1er, sont prises en considération pour autant qu'elles soient considérées en Belgique comme des journées assimilées et à condition que le travailleur ait, après le travail effectué à l'étranger, accompli au moins une période de travail comme salarié en vertu de la réglementation belge, peu importe sa durée. § 3. La période qui a donné lieu au paiement d'une allocation de transition ne peut être prise en compte que si cette allocation de transition a été payée pour la période maximale prévue par la réglementation aux pensions. Dans ce cas elle est prise en compte à concurrence de 624 jours dans un régime de travail à temps plein, à situer immédiatement avant la date où le droit à l'allocation de transition a été épuisé ».
B.1.6. Sauf exceptions, le travailleur a droit au congé parental en raison de la naissance ou dans le cadre de l'adoption de son enfant, jusqu'à ce que l'enfant atteigne son douzième anniversaire (article 3 de l'arrêté royal du 29 octobre 1997 « relatif à l'introduction d'un droit au congé parental dans le cadre d'une interruption de la carrière professionnelle » (ci-après : l'arrêté royal du 29 octobre 1997)). Au cours du congé parental, l'exécution du contrat de travail est suspendue. L'article 2 de l'arrêté royal du 29 octobre 1997 dispose : « § 1er. Afin de prendre soin de son enfant, le travailleur a le droit : - soit de suspendre l'exécution de son contrat de travail comme prévu à l'article 100 de la loi de redressement du 22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales pendant une période de quatre mois; au choix du travailleur, cette période peut être fractionnée par mois; - soit de poursuivre ses prestations de travail à temps partiel sous la forme d'un mi-temps durant une période de huit mois comme prévu à l'article 102 de la loi susmentionnée, lorsqu'il est occupé à temps plein; au choix du travailleur, cette période peut être fractionnée en périodes de deux mois ou un multiple de ce chiffre; - soit de poursuivre ses prestations de travail à temps partiel sous la forme d'une réduction d'un cinquième durant une période de vingt mois comme prévu à l'article 102 de la loi susmentionnée, lorsqu'il est occupé à temps plein; au choix du travailleur, cette période peut être fractionnée en périodes de cinq mois ou un multiple de ce chiffre - soit de poursuivre ses prestations de travail à temps partiel sous la forme d'une réduction d'un dixième durant une période de quarante mois comme prévu à l'article 102 de la loi susmentionnée, lorsqu'il est occupé à temps plein et moyennant l'accord de l'employeur; cette période peut être fractionnée en périodes de dix mois ou un multiple de ce chiffre. § 2. Le travailleur a la possibilité dans le cadre de l'exercice de son droit au congé parental de faire usage des différentes modalités prévues au paragraphe 1er. Lors d'un changement de forme, il convient de tenir compte du principe selon lequel un mois de suspension de l'exécution du contrat de travail est équivalent à deux mois de réduction des prestations à mi-temps, à cinq mois de réduction des prestations de travail d'un cinquième et à dix mois de réduction des prestations de travail d'un dixième ».
B.1.7. Le travailleur qui souhaite exercer le droit au congé parental en avertit son employeur par écrit au moins deux mois et au plus trois mois à l'avance; ce délai peut être réduit de commun accord entre l'employeur et le travailleur (article 6, § 1er, 1°, de l'arrêté royal du 29 octobre 1997). Pour obtenir le bénéfice du droit au congé parental, le travailleur doit avoir été dans les liens d'un contrat de travail avec l'employeur qui l'occupe, pendant douze mois au cours des quinze mois qui précèdent cet avertissement (article 4 du même arrêté).
Quant à la compétence de la Cour B.2.1. Selon le Conseil des ministres, l'interprétation de l'article 12bis, § 1er, 2°, d), quatrième tiret, du Code de la nationalité belge qui est mentionnée dans la question préjudicielle trouve son origine dans les articles 37 et 38 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, selon lesquels les jours de congé parental ne sont pas considérés comme des jours assimilés à des journées de travail. La Cour n'est donc pas compétente, selon lui, pour répondre à la question préjudicielle.
B.2.2. S'il est vrai qu'en vertu des dispositions mentionnées en B.1.2 et B.1.3, les jours de congé parental ne peuvent être considérés comme des journées de travail au sens du Code de la nationalité belge, ce constat n'est pas pertinent pour juger si l'occupation doit être considérée comme interrompue lorsque l'intéressé a pris quelques mois de congé parental à temps plein au cours de la période visée. En effet, contrairement à ce que le Conseil des ministres soutient, la disposition en cause ne mentionne pas un nombre spécifique de journées de travail pour que l'occupation puisse être considérée comme ininterrompue.
B.2.3. Le Conseil des ministres fait en outre valoir qu'il peut être déduit de l'article 7, 4°, de l'arrêté royal du 14 janvier 2013 « portant exécution de la loi du 4 décembre 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/12/2012 pub. 14/12/2012 numac 2012009519 source service public federal justice Loi modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l'acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l'immigration fermer modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l'acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l'immigration » (ci-après : l'arrêté royal du 14 janvier 2013) que, dans le cadre de l'intégration sociale, l'occupation ininterrompue doit être interprétée à la lumière de la notion de « journée de travail ». L'article 7, 4°, de l'arrêté royal du 14 janvier 2013 détermine les documents qui valent comme preuve de l'intégration sociale au sens de l'article 12bis du Code de la nationalité belge : « la preuve de l'intégration sociale, laquelle ne pourra s'établir que de la manière suivante : a) soit par un diplôme ou un certificat délivré par un établissement d'enseignement organisé, reconnu ou subventionné par une Communauté ou par l'Ecole royale militaire, obtenu dans l'une des trois langues nationales et qui est au moins du niveau de l'enseignement secondaire supérieur;b) soit par un document attestant qu'une formation professionnelle d'au moins 400 heures reconnue par une autorité compétente a été suivie;c) soit par un document attestant du suivi avec succès du trajet d'intégration, du parcours d'accueil ou du parcours d'intégration prévu par l'autorité compétente de sa résidence principale au moment où il entame celui-ci, ou par un document faisant preuve du suivi du cours d'intégration tel que prévu à l'article 31 du Code de la nationalité belge;d) soit par des documents attestant que l'intéressé a travaillé de manière ininterrompue au cours des cinq dernières années comme travailleur salarié et/ou comme agent statutaire nommé dans la fonction publique et/ou en tant que travailleur indépendant à titre principal.A cette fin, l'intéressé produira les documents suivants : - si l'intéressé est ou a été travailleur salarié dans le secteur privé, il produira des documents dénommés ' comptes individuels ' délivrés par l'employeur; - si l'intéressé est ou a été travailleur salarié dans la fonction publique, il produira une ou des attestation(s) délivrée(s) par le service compétent de l'administration publique; - si l'intéressé est ou a été agent statutaire dans la fonction publique, il produira la preuve de sa nomination définitive accompagnée d'attestation(s) délivrée(s) par le service compétent de l'administration publique; - si l'intéressé exerce ou a exercé une activité professionnelle en tant qu'indépendant à titre principal, il produira la preuve de l'affiliation à une caisse d'assurance sociale pour travailleurs indépendants accompagnée de la preuve du paiement des cotisations sociales trimestrielles durant la période légalement requise ».
B.2.4. Dès lors que l'employeur délivre également les comptes individuels pour les périodes au cours desquelles l'intéressé a pris son congé parental, ainsi qu'il ressort des comptes individuels que la partie intimée devant la juridiction a quo a présentés dans le cadre de sa demande de nationalité, il ne peut pas être soutenu non plus que l'interprétation mentionnée dans la question préjudicielle trouve réellement son origine dans cette disposition.
B.2.5. L'exception est rejetée.
Quant à la demande de reformulation de la question préjudicielle B.3.1. La partie intimée devant la juridiction a quo demande que les articles 10 et 11 de la Constitution soient associés à l'examen de la question préjudicielle.
B.3.2. La juridiction a quo interroge la Cour sur la compatibilité de la disposition en cause avec les articles 22 et 22bis de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
B.3.3. Les parties ne peuvent modifier ou faire modifier la portée de la question préjudicielle posée par la juridiction a quo.
La loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle ne permet pas davantage à une partie de préciser quelles sont les dispositions constitutionnelles au sujet desquelles la juridiction a quo aurait dû poser une question. En effet, il n'appartient pas à une partie devant la juridiction a quo de déterminer l'objet et l'étendue de la question préjudicielle. C'est à la juridiction a quo qu'il appartient de décider quelles sont les questions préjudicielles qui doivent être posées à la Cour et de déterminer ainsi l'étendue de la saisine.
Quant au fond B.4.1. La question préjudicielle porte sur la compatibilité de l'article 12bis, § 1er, 2°, d), quatrième tiret, du Code de la nationalité belge avec les articles 22 et 22bis de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans l'interprétation selon laquelle la prise d'un congé parental a pour conséquence que l'occupation qui doit être établie comme preuve de l'intégration sociale ne peut pas être considérée comme ininterrompue. Il ressort de la motivation de la décision de renvoi que la juridiction a quo interroge la Cour sur la compatibilité de la disposition en cause avec, d'une part, le droit au respect de la vie familiale, tel qu'il est garanti par l'article 22 de la Constitution et par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, et, d'autre part, le droit pour l'enfant de bénéficier des mesures et services qui concourent à son développement, tel qu'il est garanti par l'article 22bis, alinéa 3, de la Constitution. La Cour limite son examen à ces dispositions.
B.4.2. Il ressort de la motivation de la décision de renvoi que la partie intimée devant la juridiction a quo satisfait aux conditions prévues à l'article 12bis, § 1er, 2°, a), b) et e), du Code de la nationalité belge et que, préalablement à sa demande d'acquisition de la nationalité belge par le biais d'une déclaration de nationalité, elle a été occupée au moins cinq ans en tant que travailleur salarié.
La Cour limite son examen à cette hypothèse.
B.5.1. L'article 22 de la Constitution dispose : « Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.
La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent la protection de ce droit ».
L'article 22bis, alinéa 3, de la Constitution dispose : « Chaque enfant a le droit de bénéficier des mesures et services qui concourent à son développement ».
L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». B.5.2. Le Constituant a recherché la plus grande concordance possible entre l'article 22 de la Constitution et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 997/5, p. 2).
La portée de cet article 8 est analogue à celle de l'article 22 de la Constitution, de sorte que les garanties que fournissent ces deux dispositions forment un tout indissociable.
Les droits que garantissent l'article 22 de la Constitution et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ne sont pas absolus. Bien que l'article 22 de la Constitution reconnaisse à chacun le droit au respect de sa vie privée et familiale, cette disposition ajoute en effet immédiatement : « sauf dans les cas et conditions fixés par la loi ».
Les dispositions précitées exigent que toute ingérence des autorités dans le droit au respect de la vie privée et familiale soit prescrite par une disposition législative suffisamment précise, qu'elle corresponde à un besoin social impérieux et qu'elle soit proportionnée à l'objectif légitime poursuivi.
B.6.1. Lors de la détermination des conditions auxquelles la nationalité belge peut s'acquérir, le législateur dispose d'un pouvoir d'appréciation étendu. Lorsque les choix opérés par le législateur entraînent une ingérence dans le droit au respect de la vie familiale, la Cour doit toutefois examiner si cette ingérence satisfait aux conditions mentionnées en B.5.2.
B.6.2. Le congé parental est une mesure qui permet aux parents de s'occuper de leurs enfants et qui favorise la vie familiale (CEDH, grande chambre, 22 mars 2012, Konstantin Markin c. Russie, § 130; 2 février 2016, Di Trizio c. Suisse, § 61). Partant, le congé parental est également une mesure qui favorise le développement de l'enfant.
Dans l'interprétation donnée par la juridiction a quo, la disposition en cause a pour conséquence que la prise d'un congé parental, pour les personnes qui, pour le surplus, remplissent toutes les conditions prévues à l'article 12bis, § 1er, 2°, du Code de la nationalité belge, peut produire des effets négatifs considérables. Lorsqu'elles envisagent de prendre un congé parental, elles doivent effectivement prendre en considération le fait que la prise de ce congé peut aboutir à ce que non seulement elles-mêmes, mais aussi leurs enfants qui ont leur résidence principale en Belgique, puissent de ce fait accéder moins rapidement à la nationalité belge. L'article 12 du Code de la nationalité belge dispose en effet : « En cas d'acquisition volontaire ou de recouvrement de la nationalité belge par un auteur ou un adoptant qui exerce l'autorité sur la personne d'un enfant qui n'a pas atteint l'âge de dix-huit ans ou n'est pas émancipé avant cet âge, la nationalité belge est attribuée à ce dernier et ce, pour autant que celui-ci ait sa résidence principale en Belgique ».
Il s'agit par conséquent d'une ingérence dans le droit au respect de la vie familiale. En ce que le congé parental, en particulier à temps plein, est surtout pris par des femmes et principalement à un moment relativement proche de la naissance, ces effets disproportionnés affectent en outre en particulier les femmes et les très jeunes enfants.
B.7.1. Ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires de la disposition en cause, le législateur a voulu réserver l'attribution de la nationalité belge aux personnes qui témoignent d'un lien effectif avec la société belge (Doc. parl. Chambre, 2011-2012, DOC 53-0476/015, p. 15).
Compte tenu de sa large marge d'appréciation en matière d'accès à la nationalité belge, le législateur peut subordonner la déclaration de nationalité à une intégration sociale suffisante. De même, il peut estimer qu'une occupation de longue durée peut être considérée comme la preuve d'une telle intégration. Cela étant, à la lumière de l'objectif précité, on n'aperçoit pas en quoi la prise d'un congé parental, dans la période de cinq ans précédant la déclaration de nationalité, aboutirait à ce que l'occupation au cours de cette période, ininterrompue pour le reste, ne permette pas à l'intéressé de témoigner d'une intégration sociale suffisante.
B.7.2. A cet égard, il convient de constater qu'en vertu de l'article 7bis, § 3, du Code de la nationalité belge, le caractère ininterrompu du séjour, requis à l'article 12bis, § 1er, 2°, b), n'est pas affecté par des absences temporaires de six mois maximum, pour autant que ces absences ne dépassent pas au total une durée d'un cinquième du délai de séjour requis.
Tout comme la condition d'intégration sociale, la condition d'un séjour ininterrompu s'inscrit dans le cadre de l'objectif de garantir que « l'étranger s'ancre véritablement dans sa communauté d'accueil » (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-0476/001, p. 6). Il s'ensuit que le législateur estime que, pour l'acquisition de la nationalité en vertu de l'article 12bis, § 1er, 2°, du Code de la nationalité belge, les séjours à l'étranger de six mois maximum, compte tenu d'une durée totale maximale d'un an, n'empêchent pas que l'intéressé soit intégré dans sa communauté d'accueil. A la lumière de ce constat, il ne saurait être raisonnablement soutenu que la prise d'un congé parental de quelques mois au cours de la même période nuit à l'intégration sociale de l'intéressé sur la base de son occupation.
B.7.3. Enfin, il ressort de l'article 12bis, § 1er, 2°, d), que l'intégration sociale peut également être démontrée sur la base d'une formation professionnelle d'au moins 400 heures reconnue par une autorité compétente. La circulaire du 8 mars 2013Documents pertinents retrouvés type circulaire prom. 08/03/2013 pub. 14/03/2013 numac 2013009118 source service public federal justice Circulaire relative à certains aspects de la loi du 4 décembre 2012 modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l'acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l'immigration fermer précise qu'une formation de 400 heures correspond à 52,5 journées de travail au sens du Code de la nationalité belge.
Il ne s'aperçoit pas en quoi l'intégration sociale sur la base de l'occupation se déroulerait à ce point plus lentement que la prise d'un congé parental aboutirait à ce que l'étranger soit moins intégré qu'une personne qui a suivi une formation professionnelle pendant 52,5 journées de travail. Et ce, d'autant que l'étranger qui invoque son occupation pour démontrer son intégration sociale dans le cadre de l'article 12bis, § 1er, 2°, du Code de la nationalité belge doit également démontrer son intégration économique. Cela signifie que, dans les cinq années qui ont précédé sa demande de nationalité, l'intéressé doit avoir travaillé au moins 468 jours (article 12bis, § 1er, 2°, e), du Code de la nationalité belge). Il ressort par ailleurs de la réglementation mentionnée en B.1.7 que les travailleurs ne peuvent bénéficier du congé parental que s'ils ont préalablement été dans les liens d'un contrat de travail avec l'employeur qui les occupe, pendant au moins douze mois.
B.7.4. Il n'apparaît pas, sur la base des éléments précités, que l'ingérence, en cause, dans le droit au respect de la vie familiale réponde à un besoin social impérieux. Par conséquent, l'article 12bis, § 1er, 2°, d), quatrième tiret, du Code de la nationalité belge, dans l'interprétation selon laquelle le congé parental pris au cours des cinq années qui ont précédé la déclaration de nationalité constitue une interruption de l'occupation ininterrompue de cinq années qui doit être établie comme preuve de l'intégration sociale en Belgique, n'est pas compatible avec les articles 22 et 22bis, alinéa 3, de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
B.8. Une autre interprétation est toutefois possible. Comme il est dit en B.7.2, le caractère ininterrompu du séjour qui est requis à l'article 12bis, § 1er, 2°, b), du Code de la nationalité belge n'est pas affecté par des absences temporaires de six mois maximum, pour autant que ces absences ne dépassent pas au total une durée d'un cinquième du délai de séjour requis. Il ressort également des travaux préparatoires que le législateur était conscient du fait que nombre d'étrangers sont surtout occupés temporairement, ce qui augmente la probabilité que leurs périodes d'occupation soient régulièrement interrompues pour de courtes périodes (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-0476/013, p. 26).
Sur la base de ces éléments, l'article 12bis, § 1er, 2°, d), quatrième tiret, du Code de la nationalité belge peut être interprété en ce sens que le congé parental pris au cours des cinq années qui ont précédé la déclaration de nationalité ne constitue pas une interruption de l'occupation ininterrompue de cinq années qui doit être établie comme preuve de l'intégration sociale en Belgique. Dans cette interprétation, la disposition en cause n'est pas incompatible avec les articles 22 et 22bis, alinéa 3, de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - Dans l'interprétation selon laquelle le congé parental pris au cours des cinq années qui ont précédé la déclaration de nationalité constitue une interruption de l'occupation ininterrompue de cinq années qui doit être établie comme preuve de l'intégration sociale en Belgique, l'article 12bis, § 1er, 2°, d), quatrième tiret, du Code de la nationalité belge viole les articles 22 et 22bis, alinéa 3, de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. - Dans l'interprétation selon laquelle le congé parental pris au cours des cinq années qui ont précédé la déclaration de nationalité ne constitue pas une interruption de l'occupation ininterrompue de cinq années qui doit être établie comme preuve de l'intégration sociale en Belgique, l'article 12bis, § 1er, 2°, d), quatrième tiret, du Code de la nationalité belge ne viole pas les articles 22 et 22bis, alinéa 3, de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 9 juin 2022.
Le greffier, F. Meersschaut Le président, L. Lavrysen