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Arrêt
publié le 10 octobre 2022

Extrait de l'arrêt n° 77/2022 du 9 juin 2022 Numéro du rôle : 7509 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 17, § 1 er , de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 avril 1995 « relative aux serv La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J.-P. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 77/2022 du 9 juin 2022 Numéro du rôle : 7509 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 17, § 1er, de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 avril 1995 « relative aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur » et l'article 19 du décret de la Région wallonne du 18 octobre 2007 « relatif aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur », posées par la Cour d'appel de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J.-P. Moerman, T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia et W. Verrijdt, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par arrêt du 15 janvier 2021, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 1er février 2021, la Cour d'appel de Bruxelles a posé les questions préjudicielles suivantes : « L'article 17, § 1er de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 avril 1995 relative aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur, interprété comme empêchant les entreprises LVC disposant d'une autorisation délivrée en vertu de cette réglementation d'équiper leur véhicule d'un smartphone destiné à recevoir et accepter des sollicitations de prestations de transport rémunéré de personnes sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale émanant d'utilisateurs et en tant qu'il interdit aux véhicules affectés à l'exploitation du service LVC d'y stationner ou de circuler sans avoir fait l'objet d'une location préalable, ce qui empêcherait par voie de conséquence l'offre d'un service tel qu'Uber X, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution et l'article 6, § 1er, point VI, al. 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, lus isolement ou combinés avec le principe de la liberté d'entreprendre, garanti par les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique, et celui de la liberté d'établissement, garanti par l'article 49 du TFUE ? L'article 19 du décret de la Région wallonne du 18 octobre 2007 relatif aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur, en tant qu'il contient une interdiction pour le véhicule affecté à l'exploitation du service LVC de stationner et de circuler sur la voie publique ou sur une voie privée accessible au public s'il n'a pas fait l'objet d'une location préalable au siège de l'entreprise titulaire de l'autorisation, combiné avec l'article 16, alinéa 2 de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 avril 1995 relative aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur, interprété en ce sens qu'il empêche les entreprises LVC disposant d'une autorisation délivrée en vertu de la réglementation wallonne dont elles ne respectent pas certaines conditions d'exploitation, d'effectuer des prestations de services de transport rémunéré de personnes dont le point de départ (pour l'usager) est situé sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, ces deux dispositions combinées empêchant par voie de conséquence l'offre d'un service tel qu'Uber X, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution et l'article 6, § 1er, point VI, al. 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, lus isolement ou combinés avec le principe de la liberté d'entreprendre, garantie par les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique, et celui de la liberté d'établissement, garantie par l'article 49 du TFUE ? ». (...) III. En droit (...) B.1. Les questions préjudicielles portent sur les conditions d'exploitation des services de location de voitures avec chauffeur (ci-après : les services LVC). Le litige au fond concerne une action en cessation introduite contre plusieurs titulaires d'une autorisation d'exploiter des services LVC et contre « Uber B.V. », une société à responsabilité limitée de droit néerlandais, en ce que la plateforme électronique « UberX » proposée par cette dernière permet aux titulaires de l'autorisation concernés d'être mis en contact avec leurs utilisateurs.

Plus précisément, la Cour doit se prononcer sur l'article 17, § 1er, de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 avril 1995 « relative aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur » (ci-après : l'ordonnance du 27 avril 1995) (première question préjudicielle) et sur l'article 19 du décret de la Région wallonne du 18 octobre 2007 « relatif aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur » (ci-après : le décret du 18 octobre 2007), lu en combinaison avec l'article 16, alinéa 2, de l'ordonnance du 27 avril 1995 (seconde question préjudicielle).

Quant aux dispositions en cause et à leur contexte B.2.1. L'article 2, 2°, de l'ordonnance du 27 avril 1995 définit les services LVC comme « tous services de transport rémunéré de personnes par véhicules automobiles qui ne sont pas des services de taxis et qui sont assurés au moyen de véhicules de type voiture, voiture mixte ou minibus, à l'exception des véhicules aménagés en ambulance ».

B.2.2. Les travaux préparatoires de l'ordonnance du 27 avril 1995 exposent que les services LVC « sont définis comme la catégorie résiduaire du transport rémunéré de personnes par véhicules automobiles c'est-à-dire qui ne sont ni des services de taxis ni des services de taxis collectifs » (Doc. parl., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 1994-1995, n° A-368/1, p. 11), en posant le constat suivant : « L'absence de réglementation applicable aux services de location de voitures avec chauffeur rend impossible toute lutte à l'encontre de ceux de ces services qui constituent en réalité des services de taxis déguisés. Le présent projet tend à combler cette lacune grave avec l'accord des milieux concernés tant dans le secteur du taxi que dans celui de la location de voitures avec chauffeur, tous deux subissant des conséquences dommageables des actes de ceux qui profitent actuellement de la confusion » (ibid., pp. 6-7).

En ce qui concerne les services de taxis, il est mentionné par ailleurs que « le taxi [...] a quant à lui constitué, dès son apparition, un moyen de transport complémentaire disposant d'une place particulière entre le transport en commun et l'utilisation de la voiture individuelle mais intégré dans le cadre des transports organisés ou réglementés par l'Etat en raison de l'utilité publique du service rendu ». Le législateur ordonnanciel a souligné que « dans toute grande entité urbaine moderne se pose avec une acuité croissante le problème de la mobilité », estimant que les taxis font partie de la solution aux besoins de transport (ibid., p. 1). Il ressort en outre des travaux préparatoires que le législateur ordonnanciel s'est inspiré des conclusions d'une étude sur la rentabilité des services de taxis, selon laquelle le déséquilibre de ce secteur était « de nature à conduire la plupart des exploitants à ne plus pouvoir garantir le revenu minimum légal à leurs chauffeurs, à recourir, davantage encore que par le passé, à des pratiques irrégulières, voire même à provoquer une crise d'une gravité telle pour le secteur que ce service d'intérêt public pourrait ne plus être assuré ». Parmi les quatre sources de nuisances menaçant « la qualité, voire la survie, du service rendu au public », l'étude relève notamment « la concurrence de services de location de voitures avec chauffeur, débordant de leur sphère naturelle d'activité » (ibid., pp. 2-3).

B.2.3. L'exploitation de services LVC sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale est soumise à autorisation du Gouvernement (article 16 de l'ordonnance du 27 avril 1995) et à des conditions fixées par le Gouvernement et consacrant au moins l'application des principes énumérés dans l'article 17 de l'ordonnance du 27 avril 1995, « qui devront impérativement être [repris] afin d'assurer la spécificité des services de location de voitures avec chauffeur par rapport aux services de taxis », les services de location de voitures avec chauffeur « répondant au besoin particulier du transport rémunéré de personnes en catégorie de ' luxe ' » (ibid., p. 21).

L'autorisation est délivrée après une enquête portant sur les garanties morales, la qualification professionnelle et la solvabilité du requérant ainsi que sur la qualité des véhicules (article 19), à toute personne physique ou morale qui en fait la demande, sans limitation du nombre total d'autorisations d'exploiter un service de location de voitures qui ont été délivrées (article 18), pour autant qu'elle soit propriétaire du ou des véhicules, ou en ait la disposition en vertu d'un contrat de vente à tempérament, d'un contrat de location-financement ou d'un contrat de location-vente (article 21, alinéa 1er).

L'autorisation d'exploiter un service LVC est personnelle, indivisible et incessible (article 23) et elle donne lieu à la perception d'une taxe annuelle et indivisible à charge de la personne physique ou morale bénéficiant de l'autorisation (article 26).

L'autorisation est valable pour une durée de cinq ans et est renouvelable pour une même durée ou une durée inférieure (article 20, § 1er). L'autorisation peut être retirée ou suspendue en cas de manquements aux obligations d'exploitation (article 25).

Le nombre d'autorisations d'exploiter des services LVC n'est pas limité, à la différence des autorisations d'exploiter des services de taxis, qui sont limitées, conformément à l'article 5 de l'ordonnance du 27 avril 1995.

Les services LVC et les services de taxis sont soumis à des dispositions communes (articles 28 à 34).

B.2.4. L' ordonnance du 10 décembre 2021Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 10/12/2021 pub. 24/12/2021 numac 2021034329 source region de bruxelles-capitale Ordonnance insérant un régime dérogatoire transitoire dans l'ordonnance du 27 avril 1995 relative aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur fermer « insérant un régime dérogatoire transitoire dans l'ordonnance du 27 avril 1995 relative aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur » a inséré un chapitre IVbis dans l'ordonnance du 27 avril 1995, composé des articles 34bis à 34sexies. Cette ordonnance a été prise à la suite de la décision d'« Uber B.V. » de rendre la plateforme électronique « UberX » inaccessible à Bruxelles à partir du 26 novembre 2021, décision qui a fait suite à un arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 23 novembre 2021. Le législateur ordonnanciel entendait permettre, à certaines conditions, la poursuite des prestations proposées par le biais d'une telle plateforme, dans l'attente d'une réforme globale de la législation bruxelloise applicable aux services de transport rémunéré de personnes (Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2021-2022, n° A-472/1, p. 1).

Le régime transitoire ainsi instauré permet exceptionnellement aux chauffeurs qui sont titulaires d'une autorisation d'exploitation d'un service LVC qui a été demandée au plus tard le 15 janvier 2021 ou qui travaillent en qualité de chauffeur pour le titulaire d'une telle autorisation de fournir des services de taxis moyennant réservation préalable au moyen d'une plateforme électronique, sans devoir satisfaire à certaines conditions qui s'appliquent à l'exploitation d'un service de taxis et sans pouvoir être qualifiés de service de taxis. Ils ne peuvent pas utiliser la dénomination « taxi » et ne peuvent pas occuper les emplacements réservés aux taxis (article 34quater de l' ordonnance du 10 décembre 2021Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 10/12/2021 pub. 24/12/2021 numac 2021034329 source region de bruxelles-capitale Ordonnance insérant un régime dérogatoire transitoire dans l'ordonnance du 27 avril 1995 relative aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur fermer). Ce régime transitoire est applicable jusqu'au 22 juillet 2022, à moins que le Gouvernement, au plus tard à cette date, décide de prolonger l'application de ce régime d'au maximum trois mois. Cette décision de prolongation ne peut être prise qu'une seule fois (article 34ter de l'ordonnance du 27 avril 1995).

Le régime transitoire instauré par l' ordonnance du 10 décembre 2021Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 10/12/2021 pub. 24/12/2021 numac 2021034329 source region de bruxelles-capitale Ordonnance insérant un régime dérogatoire transitoire dans l'ordonnance du 27 avril 1995 relative aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur fermer, partiellement suspendu par l'arrêt n° 60/2022 du 21 avril 2022, n'a aucune incidence sur l'examen de la présente affaire.

B.3.1. Le décret de la Région wallonne du 18 octobre 2007 tend à répondre à plusieurs préoccupations du secteur du transport rémunéré de personnes, notamment l'absence de réglementation en ce qui concerne les services LVC, partant du constat que « la qualification de services de locations de voitures avec chauffeur est abusivement utilisée pour exécuter sans autorisation et en dehors de tout contrôle, des services de taxis », ce qui constitue ainsi « une source de concurrence déloyale au préjudice des entreprises de taxis » (Doc. parl., Parlement wallon, 2006-2007, n° 640/1, p. 3).

L'article 1er, 2°, du décret du 18 octobre 2007 définit ainsi les services LVC : « Les services de transport rémunéré de personnes par véhicules automobiles qui ne sont ni des services de taxis ni des services de taxis collectifs, et qui sont assurés au moyen de véhicules qui, d'après leur type de construction et leur équipement, sont aptes à transporter au maximum neuf personnes - le chauffeur compris - et sont destinés à cet effet et qui répondent à l'une des conditions suivantes : - la voiture est mise à la disposition du public en vue soit d'une cérémonie, soit d'un déplacement d'une durée minimale de trois heures; - la voiture est réservée au transport de la clientèle d'un hôtel déterminé; - la voiture est mise à la disposition d'une personne déterminée en vertu d'un contrat portant sur un ensemble de prestations à effectuer au cours d'une période de sept jours consécutifs au moins; ».

B.3.2. L'exploitation de services LVC sur le territoire de la Région wallonne est soumise à l'autorisation du Gouvernement (article 18 du décret du 18 octobre 2007) et à des conditions fixées par le Gouvernement et consacrant au moins l'application des principes énumérés dans l'article 19 du décret du 18 octobre 2007.

L'autorisation est délivrée après une enquête portant sur les garanties morales, la qualification professionnelle et la solvabilité du requérant (article 21), à toute personne physique ou morale qui en fait la demande (article 20), pour autant qu'elle soit propriétaire du ou des véhicules, ou en ait la disposition en vertu d'un contrat de vente à tempérament, d'un contrat de location-financement ou d'un contrat de location-vente (article 23, § 1er).

L'autorisation d'exploiter un service de location de voitures avec chauffeur est personnelle, indivisible et incessible (article 25) et peut donner lieu à la perception d'une taxe annuelle et indivisible à charge de la personne physique ou morale titulaire de l'autorisation (article 28). L'autorisation est valable pour une durée de cinq ans, renouvelable pour une même durée ou une durée inférieure (article 22, § 1er). L'autorisation peut être retirée ou suspendue en cas de manquements aux obligations d'exploitation (article 27).

Quant au fond B.4.1. La première question préjudicielle porte sur l'article 17, § 1er, de l'ordonnance du 27 avril 1995, « interprété comme empêchant les entreprises LVC disposant d'une autorisation délivrée en vertu de cette réglementation d'équiper leur véhicule d'un smartphone destiné à recevoir et accepter des sollicitations de prestations de transport rémunéré de personnes sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale émanant d'utilisateurs et en tant qu'il interdit aux véhicules affectés à l'exploitation du service LVC d'y stationner ou de circuler sans avoir fait l'objet d'une location préalable, ce qui empêcherait par voie de conséquence l'offre d'un service tel qu'UberX ».

La seconde question préjudicielle porte sur l'article 19 du décret du 18 octobre 2007, « en tant qu'il contient une interdiction pour le véhicule affecté à l'exploitation du service LVC de stationner et de circuler sur la voie publique ou sur une voie privée accessible au public s'il n'a pas fait l'objet d'une location préalable au siège de l'entreprise titulaire de l'autorisation », et « interprété en ce sens qu'il empêche les entreprises LVC disposant d'une autorisation délivrée en vertu de la réglementation wallonne dont elles ne respectent pas certaines conditions d'exploitation, d'effectuer des prestations de services de transport rémunéré de personnes dont le point de départ (pour l'usager) est situé sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale », cette disposition, lue en combinaison avec l'article 16, alinéa 2, de l'ordonnance du 27 avril 1995, « empêchant par voie de conséquence l'offre d'un service tel qu'UberX ».

Les deux questions préjudicielles portent sur la compatibilité des dispositions en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution et avec l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, lus isolément ou en combinaison avec la liberté d'entreprendre, garantie par les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique, et avec la liberté d'établissement, garantie par l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après : le TFUE).

B.4.2. Eu égard à leur connexité, la Cour examine ces questions préjudicielles conjointement.

B.5.1. Il ressort de la formulation des questions préjudicielles et de la motivation de la décision de renvoi que sont en cause deux conditions d'exploitation des services LVC, en ce qu'elles s'appliqueraient à des services tels que ceux qui sont proposés à l'aide de la plateforme électronique « UberX » : - d'une part, l'exigence selon laquelle le véhicule « ne peut pas être équipé d'un appareil émetteur ou récepteur de radiocommunication au sens de l'article 1er, 4°, de la loi du 30 juillet 1979Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/1979 pub. 24/06/2011 numac 2011000394 source service public federal interieur Loi relative à la prévention des incendies et des explosions ainsi qu'à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile dans ces mêmes circonstances. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux radiocommunications » (article 17, § 1er, 9°, de l'ordonnance du 27 avril 1995); - d'autre part, l'exigence selon laquelle le véhicule « ne peut ni stationner ni circuler sur la voie publique ou sur une voie privée accessible au public, s'il n'a fait l'objet d'une location préalable au siège de l'entreprise » (article 17, § 1er, 5°, de l'ordonnance du 27 avril 1995 et article 19, § 1er, 6°, du décret du 18 octobre 2007).

B.5.2. Une partie intimée devant la juridiction a quo estime que les questions préjudicielles portent nécessairement aussi sur la condition d'une durée de trois heures minimum de location, prévue dans l'article 17, § 1er, 4°, de l'ordonnance du 27 avril 1995 et dans l'article 19, § 1er, 4°, du décret du 18 octobre 2007. Elle considère en outre que les articles 102 et 106 du TFUE sont eux aussi violés.

Il n'appartient toutefois pas aux parties de modifier ou de faire modifier le contenu des questions préjudicielles.

B.5.3. L'examen de la Cour se limite dès lors aux aspects des dispositions en cause mentionnés en B.5.1. Il n'appartient pas à la Cour d'examiner les autres conditions applicables aux services LVC, pas plus que les dispositions relatives aux services de taxis, fixées dans le chapitre II de l'ordonnance du 27 avril 1995 et dans le chapitre II du décret du 18 octobre 2007.

B.6.1. Dans la décision de renvoi, la juridiction a quo a jugé que les prestations proposées par le biais de la plateforme numérique « UberX » ne sont pas conformes à la condition précitée selon laquelle le véhicule ne peut pas être équipé d'un appareil émetteur ou récepteur, en ce qu'il est fait usage d'un smartphone lors de l'exploitation. Il a également été jugé que ces prestations contournent la condition précitée d'une location préalable. La juridiction a quo a décidé ensuite d'interroger la Cour sur ces conditions, en ce qu'elles seraient applicables à des prestations proposées par le biais d'une telle plateforme électronique.

B.6.2. C'est en règle à la juridiction a quo qu'il appartient d'apprécier si la réponse à la question préjudicielle est utile à la solution du litige. Ce n'est que lorsque tel n'est manifestement pas le cas que la Cour peut décider que la question n'appelle pas de réponse.

Contrairement à ce que font valoir les parties appelantes devant la juridiction a quo, la réponse aux questions préjudicielles n'est en l'espèce pas manifestement inutile à la solution du litige au fond.

Pour autant que la Cour constate l'inconstitutionnalité des conditions en cause de l'ordonnance du 27 avril 1995 et du décret du 18 octobre 2007 qui, selon la juridiction a quo, ne sont pas respectées par la proposition de services de transport à l'aide de la plateforme électronique « UberX », ces conditions ne pourraient en effet plus être appliquées dans le litige au fond et leur non-respect ne pourrait pas justifier la cessation des activités contestées.

B.7.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution garantissent le principe d'égalité et de non-discrimination.

Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.7.2. L'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles dispose que les régions exercent leurs compétences « dans le respect des principes de la libre circulation des personnes, biens, services et capitaux et de la liberté de commerce et d'industrie, ainsi que dans le respect du cadre normatif général de l'union économique et de l'unité monétaire, tel qu'il est établi par ou en vertu de la loi, et par ou en vertu des traités internationaux ».

B.7.3.1. La liberté d'entreprendre, visée par l'article II.3 du Code de droit économique, doit s'exercer « dans le respect des traités internationaux en vigueur en Belgique, du cadre normatif général de l'union économique et de l'unité monétaire tel qu'établi par ou en vertu des traités internationaux et de la loi » (article II.4 du même Code).

La liberté d'entreprendre doit par conséquent être lue en combinaison avec les dispositions de droit de l'Union européenne applicables, ainsi qu'avec l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, au regard duquel la Cour peut effectuer directement un contrôle, en tant que règle répartitrice de compétences.

B.7.3.2. La liberté d'entreprendre ne peut être conçue comme une liberté absolue. Elle ne fait pas obstacle à ce que le législateur compétent règle l'activité économique des personnes et des entreprises. Le législateur n'interviendrait de manière déraisonnable que s'il limitait la liberté d'entreprendre sans aucune nécessité ou si cette limitation était disproportionnée au but poursuivi.

B.7.4. La liberté d'entreprendre est étroitement liée à la liberté professionnelle, au droit de travailler et à la liberté d'entreprise, qui sont garantis par les articles 15 et 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et à plusieurs libertés fondamentales garanties par le TFUE, comme la liberté d'établissement (article 49 du TFUE).

Il résulte de cette disposition conventionnelle que les mesures nationales qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l'exercice de la liberté d'établissement doivent être considérées comme des restrictions à cette liberté. Les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice des libertés fondamentales garanties par le TFUE peuvent néanmoins être admises dès lors qu'elles répondent à des raisons impérieuses d'intérêt général, qu'elles sont propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et qu'elles ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre (CJUE, grande chambre, 13 novembre 2018, C-33/17, Cepelnik d.o.o., point 42).

B.8.1. L'article 17, § 1er, 9°, de l'ordonnance du 27 avril 1995 dispose que le véhicule utilisé dans le cadre des services LVC « ne peut pas être équipé d'un appareil émetteur ou récepteur de radiocommunication au sens de l'article 1er, 4°, de la loi du 30 juillet 1979Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/1979 pub. 24/06/2011 numac 2011000394 source service public federal interieur Loi relative à la prévention des incendies et des explosions ainsi qu'à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile dans ces mêmes circonstances. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux radiocommunications ».

Cette disposition a été introduite par un amendement, justifié par le fait que, « de l'avis même de la profession, le recours à un appareil radio ne se justifie pas pour ce type d'exploitation » (Doc. parl., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 1994-1995, n° A-368/2, p. 14).

B.8.2. Les notions d'« appareil émetteur de radiocommunication », d'« appareil émetteur-récepteur de radiocommunication » et d'« appareil récepteur de radiocommunication » définies par l'article 1er, 4°, de la loi du 30 juillet 1979Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/1979 pub. 24/06/2011 numac 2011000394 source service public federal interieur Loi relative à la prévention des incendies et des explosions ainsi qu'à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile dans ces mêmes circonstances. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « relative aux radiocommunications » ont été reprises dans l'article 2, 35° à 37°, de la loi du 13 juin 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/06/2005 pub. 20/06/2005 numac 2005011238 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relative aux communications électroniques fermer « relative aux communications électroniques » (ci-après : la loi du 13 juin 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/06/2005 pub. 20/06/2005 numac 2005011238 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relative aux communications électroniques fermer). L'article 2, 36°, définit la notion d'« appareil émetteur-récepteur de radiocommunications » comme étant « tout générateur et récepteur d'oscillations électromagnétiques conçu en vue de l'émission et de la réception de radiocommunications », la « radiocommunication » étant définie par l'article 2, 34°, comme étant « toute transmission au moyen d'ondes radioélectriques, d'informations de toute nature, en particulier de sons, textes, images, signes conventionnels, expressions numériques ou analogiques, signaux de commande à distance, signaux destinés au repérage ou à la détermination de la position ou du mouvement d'objets à l'exclusion de la transmission exclusive de signaux de services de médias audiovisuels ».

Dans l'intervalle, l'article 2, 35° à 37°, de la loi du 13 juin 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/06/2005 pub. 20/06/2005 numac 2005011238 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi relative aux communications électroniques fermer a été abrogé par l'article 2, 28°, de la loi du 21 décembre 2021 « portant transposition du code des communications électroniques européen et modification de diverses dispositions en matière de communications électroniques », qui a remplacé les notions d'« appareil émetteur de radiocommunication », d'« appareil émetteur-récepteur de radiocommunication » et d'« appareil récepteur de radiocommunication » par la notion générique d'« équipement hertzien », définie par l'article 2, 38° (voy. également Doc. parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2256/001, p. 26).

B.8.3. La juridiction a quo interprète la notion d'« appareil émetteur ou récepteur de radiocommunication » en ce sens qu'elle est applicable à un smartphone, étant donné que le véhicule doit nécessairement en être équipé pour qu'il puisse en être fait usage en vue de l'exploitation des services LVC dont la cessation est exigée dans le litige au fond. En effet, un smartphone est indispensable au fonctionnement de la plateforme électronique concernée, en ce que celui-ci, comme il est dit dans la première question préjudicielle, est « destiné à recevoir et accepter des sollicitations de prestations de transport rémunéré de personnes sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale émanant d'utilisateurs ». Selon la juridiction a quo, l'interdiction d'équiper le véhicule d'un appareil tel qu'un smartphone « s'explique par le fait que les véhicules sous licence LVC ne sont pas censés circuler sur la voie publique à la recherche ou dans l'attente de demandes de transport et n'ont, partant, pas vocation à être connectés à une plateforme leur permettant de recevoir des commandes de courses à exécuter instantanément ».

B.8.4. Il appartient en règle à la juridiction a quo d'interpréter les dispositions qu'elle applique, sous réserve d'une lecture manifestement erronée de celles-ci, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

B.9. Par son arrêt n° 56/96 du 15 octobre 1996, la Cour a déjà jugé que l'interdiction, inscrite dans l'article 17, § 1er, 9°, de l'ordonnance du 27 avril 1995, d'équiper le véhicule utilisé dans le cadre de services LVC d'un appareil émetteur ou récepteur de radiocommunication n'emporte pas une restriction discriminatoire de la liberté d'entreprendre. La Cour a jugé qu'une telle interdiction est proportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur ordonnanciel consistant à éviter que les services LVC ne compromettent les activités des services de taxis, qui doivent être considérés comme des prestations de services à caractère d'utilité publique. En effet, une telle interdiction est de nature à renforcer les critères de distinction entre les services de taxis et les services LVC (B.16).

La circonstance qu'à la suite des évolutions technologiques qui ont eu lieu depuis cet arrêt, un appareil de téléphonie mobile tel qu'un smartphone pourrait également remplir la fonction d'un appareil émetteur ou récepteur de radiocommunication, visé par la disposition en cause, en ce qu'une plateforme électronique installée sur ce smartphone permettrait un contact avec des personnes qui souhaitent demander des services de transport instantanés, ne modifie pas ce constat.

B.10. En vertu de l'article 17, § 1er, 5°, de l'ordonnance du 27 avril 1995 et de l'article 19, § 1er, 6°, du décret du 18 octobre 2007, le véhicule utilisé dans le cadre des services de location de voitures avec chauffeur « ne peut ni stationner ni circuler sur la voie publique ou sur une voie privée accessible au public, s'il n'a fait l'objet d'une location préalable au siège de l'entreprise ».

B.11.1. En ce qui concerne l'article 19, § 1er, 6°, du décret du 18 octobre 2007, la juridiction a quo combine la condition prévue par cette disposition avec l'article 16, alinéa 2, de l'ordonnance du 27 avril 1995. La juridiction a quo interprète cette disposition en ce sens qu'elle empêche les exploitants de services LVC qui disposent d'une autorisation délivrée en vertu de la réglementation de la Région wallonne et qui ne respectent pas certaines conditions d'exploitation fixées dans cette réglementation d'effectuer des services de transport dont le point de départ est situé sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale.

B.11.2. L'article 16 de l'ordonnance du 27 avril 1995 dispose : « Nul ne peut, sans autorisation du Gouvernement, exploiter sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale un service de location de voitures avec chauffeur au moyen d'un ou de plusieurs véhicules.

Seuls les exploitants titulaires d'une autorisation délivrée par le Gouvernement peuvent effectuer des prestations de services dont le point de départ (pour l'usager) est situé sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale.

L'autorisation d'exploiter n'emporte aucune autorisation de stationner sur des points particuliers de la voie publique ».

B.11.3. Par son arrêt n° 41/2010 du 29 avril 2010, la Cour a jugé, au sujet de l'article 16 de l'ordonnance du 27 avril 1995 : « B.5.1. L'article 16 précité est justifié comme suit dans les travaux préparatoires : ' Afin d'éviter que des services de location de voitures avec chauffeur établis sur le territoire d'autres régions et demeurant dès lors dans l'absence totale de réglementation applicable ne puissent porter atteinte aux intérêts des services de taxis d'une part et aux services de location de voitures avec chauffeur autorisés en Région de Bruxelles-Capitale d'autre part, il est prévu que seuls les exploitants titulaires d'une autorisation délivrée par le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale pourront effectuer des courses dont le point de départ est situé sur le territoire de la Région.

Ce critère permet d'assurer à la fois la compétence de la Région pour légiférer en cette matière et pour assurer un effet utile aux dispositions projetées ' (Doc. parl., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 1994-1995, n° A-368/1, p. 20).

B.5.2. Dans son arrêt n° 56/96 du 15 octobre 1996, la Cour a jugé : ' B.7.3. Il ressort du texte de l'article 16 précité et des travaux préparatoires y afférents qu'une autorisation est seulement requise pour des prestations dont le point de départ pour l'usager est situé sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale.

Cette disposition n'empêche pas que des déplacements pour une prestation de service avec chauffeur dont le point de départ est situé hors de la Région de Bruxelles-Capitale puissent être poursuivis sur le territoire de cette région sans qu'une autorisation soit nécessaire à cette fin. Elle ne porte donc pas une atteinte disproportionnée à la libre prestation des services.

Par ailleurs, l'élément pris en considération, à savoir le point de départ de la prestation de service, constitue un critère de rattachement pertinent permettant de localiser la matière à régler exclusivement dans la sphère de compétence territoriale de la Région de Bruxelles-Capitale.

B.7.4. Il s'ensuit que les dispositions litigieuses ne portent pas atteinte aux règles énoncées à l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980, de telle sorte que le législateur régional n'a pas violé les compétences que lui attribuent les articles 2 et 4 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 '.

B.5.3. La Cour relève toutefois que, depuis l'arrêt n° 56/96 précité, la Région wallonne et la Région flamande se sont dotées d'une législation propre en la matière soumettant à autorisation l'exercice, par un prestataire de services établi sur leur territoire, de l'activité de location de voitures avec chauffeur.

Selon le principe de reconnaissance mutuelle, inhérent à l'union économique et monétaire entre les composantes de l'Etat, une personne proposant des services sur le territoire d'une de ces composantes en se conformant aux règles qui y sont applicables est présumée pouvoir exercer librement cette activité sur le territoire de toute autre composante de l'Etat, sauf pour cette dernière à établir la nécessité d'imposer des règles plus strictes afin d'atteindre un objectif légitime.

La volonté de protéger les prestataires de services établis sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale contre la concurrence d'autres opérateurs économiques, au seul motif que ceux-ci sont établis en Région wallonne ou en Région flamande est, par essence, incompatible avec le principe même de l'union économique et monétaire et ne saurait être considérée comme un objectif légitime.

Pour le surplus, il n'apparaît pas que l'obligation de satisfaire aux conditions prévues par le législateur décrétal wallon ou flamand ne permettrait pas d'atteindre les objectifs poursuivis par la disposition en cause.

B.6. Il s'ensuit que la disposition en cause viole le principe de l'union économique et monétaire en ce qu'elle réglemente les services de location de voitures avec chauffeur s'étendant sur le territoire de plus d'une région ».

La Cour a dit pour droit : « En ce qu'il s'applique à toute prestation accomplie par une société dont le siège social est établi sur le territoire d'une autre région, l'article 16 de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 avril 1995 relative aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur viole l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, qui est applicable à la Région de Bruxelles-Capitale en vertu de l'article 4 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises ».

B.11.4. Il découle de l'arrêt n° 41/2010 du 29 avril 2010 que l'article 16, alinéa 2, de l'ordonnance du 27 avril 1995 ne doit pas être pris en compte dès lors qu'en vertu du principe de reconnaissance mutuelle, les exploitants de services LVC qui disposent d'une autorisation délivrée par le Gouvernement wallon doivent être présumés pouvoir exercer librement cette activité sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, sauf pour cette dernière à établir la nécessité d'imposer des règles plus strictes afin d'atteindre un objectif légitime, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. L'autorisation délivrée par le Gouvernement wallon doit dès lors être présumée suffisante pour pouvoir exercer des prestations de services LVC sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale.

Ceci n'exempte toutefois pas ces exploitants de l'obligation de respecter les conditions applicables aux services LVC en vertu de la réglementation de la Région wallonne, y compris la condition fixée à l'article 19, § 1er, 6°, du décret du 18 octobre 2007, selon laquelle le véhicule « ne peut ni stationner ni circuler sur la voie publique ou sur une voie privée accessible au public, s'il n'a fait l'objet d'une location préalable au siège de l'entreprise ».

B.12. Ainsi que la Cour l'a jugé par l'arrêt n° 56/96, précité, les restrictions imposées par l'article 17, § 1er, 5°, de l'ordonnance du 27 avril 1995 aux activités de location de voitures avec chauffeur sont également conformes à l'objectif poursuivi par le législateur ordonnanciel et ne sont pas non plus disproportionnées à celui-ci. En interdisant aux voitures de circuler ou de stationner sur la voie publique sauf si elles ont fait l'objet d'une location préalable, le législateur ordonnanciel a pris des mesures propres à faire respecter l'interdiction qui est faite à ces voitures d'effectuer le service de taxis et à contrôler le respect de cette interdiction (B.14-B.15).

Cette appréciation vaut également pour l'article 19, § 1er, 6°, du décret du 18 octobre 2007, qui contient une condition identique à celle que prévoit l'article 17, § 1er, 5°, de l'ordonnance du 27 avril 1995.

B.13. Le point de vue des parties intimées devant la juridiction a quo, selon lesquelles les cadres réglementaires existant en Région de Bruxelles-Capitale et en Région wallonne ne seraient plus adaptés à l'avènement de nouvelles technologies et de nouveaux acteurs économiques dans le secteur du transport particulier rémunéré, de sorte qu'il serait impossible ou exagérément difficile pour elles de fournir des services de transport suivant leur modèle économique, ne change rien à ce qui précède. Il en va de même en ce que ces parties font valoir que leurs services de transport contribueraient à une meilleure mobilité urbaine et seraient plus avantageux pour les utilisateurs, ou en ce qu'elles contestent que l'exploitation de services de taxis sous la réglementation actuelle serait rentable du point de vue économique.

C'est en effet au législateur compétent qu'il appartient de déterminer comment le transport particulier rémunéré doit être organisé sur son territoire. Il n'appartient pas à la Cour de juger de l'opportunité ou du caractère souhaitable des choix politiques posés à cet égard, tels que le choix de subdiviser le transport particulier rémunéré en services de taxis et en services de location de voitures avec chauffeur, en soumettant chacun de ces services à des conditions d'exploitation distinctes. La Cour ne peut censurer de tels choix politiques et les motifs qui les fondent que s'ils reposent sur une erreur manifeste ou s'ils ne sont pas raisonnablement justifiés, ce qui n'est pas démontré en l'espèce.

En outre, les critiques précitées des parties intimées devant la juridiction a quo portent en substance sur le fait qu'on les empêche d'effectuer des services de transport rémunéré dans le même segment de marché que les services de taxis, à savoir les services de transport caractérisés par le fait que le véhicule est mis à la disposition du public depuis la voie publique ou depuis un autre endroit accessible sans avoir été loué au préalable. Il apparaît donc en réalité qu'elles critiquent, non pas les conditions relatives aux services LVC, au sujet desquelles la Cour est interrogée, mais bien les dispositions relatives aux services de taxis, fixées notamment dans le chapitre II de l'ordonnance du 27 avril 1995, parmi lesquelles l'habilitation faite au Gouvernement de fixer « le nombre maximum de véhicules pour lesquels des autorisations d'exploiter peuvent être délivrées notamment en fonction des besoins », conformément à l'article 5, alinéa 3, de la même ordonnance. Ces dispositions ne font pas l'objet des questions préjudicielles.

B.14. Il découle de ce qui précède que les conditions d'exploitation des services LVC, en cause, n'emportent pas une restriction disproportionnée de la liberté d'entreprendre, eu égard aux objectifs qu'elles poursuivent consistant à éviter que les services LVC compromettent les activités des services de taxis, qui peuvent être considérés comme des services d'utilité publique.

Le contrôle au regard de la liberté d'établissement, garantie par l'article 49 du TFUE, ne conduit pas à une autre conclusion.

B.15. L'article 17, § 1er, 5° et 9°, de l'ordonnance du 27 avril 1995 et l'article 19, § 1er, 6°, du décret du 18 octobre 2007 sont dès lors compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution et avec l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, lus en combinaison avec la liberté d'entreprendre, garantie par les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique, et avec la liberté d'établissement, garantie par l'article 49 du TFUE. Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 17, § 1er, 5° et 9°, de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 avril 1995 « relative aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur » et l'article 19, § 1er, 6°, du décret de la Région wallonne du 18 octobre 2007 « relatif aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur » ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution et l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, lus en combinaison avec la liberté d'entreprendre, garantie par les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique, et avec la liberté d'établissement, garantie par l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 9 juin 2022.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, P. Nihoul

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