publié le 09 février 2023
Extrait de l'arrêt n° 64/2022 du 12 mai 2022 Numéro du rôle : 7582 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 2.6.4, 2.6.10 et 2.6.15 du Code flamand de l'aménagement du territoire, posées par la Cour d'appel de Bruxelles. La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges M. Pâq(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 64/2022 du 12 mai 2022 Numéro du rôle : 7582 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 2.6.4, 2.6.10 et 2.6.15 du Code flamand de l'aménagement du territoire, posées par la Cour d'appel de Bruxelles.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters et S. de Bethune, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par arrêt du 12 mai 2021, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 25 mai 2021, la Cour d'appel de Bruxelles a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1) Les articles 2.6.4, 2°, et 2.6.10 (en particulier les paragraphes 1er et 2), 2.6.4.11, 2.6.4.14 et 2.6.4.15 du Code flamand de l'aménagement du territoire violent-ils les articles 10, 11 et 172 de la Constitution et le principe constitutionnel de l'égalité, en ce que, dans le cadre de la taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale prévue par ces articles du Code, une même plus-value présumée s'applique pour tous les contribuables, lors du calcul de la base imposable, en cas de modification de la destination de la parcelle imposable la faisant passer d'une zone ' agriculture ' à une zone ' habiter ', alors que les contribuables qui relèvent d'une catégorie de contribuables dont la parcelle imposable est soumise, à la suite de la modification de destination, à des restrictions importantes et sérieuses en ce qui concerne d'éventuels travaux de construction, comme lors d'une modification de la destination d'une zone ' agriculture ' en une zone ' habiter ', mais en un mode d'habitation consistant à ' habiter à petite échelle dans des constructions mobiles ', bénéficient en réalité d'une plus-value nettement plus basse en raison de la modification de destination imposable que les contribuables dont la parcelle imposable n'est pas soumise, à la suite de la modification de destination, à de telles restrictions importantes et sérieuses en ce qui concerne d'éventuels travaux de construction destinés à l'habitation ? 2) Les articles 2.6.4. et 2.6.10 du Code flamand de l'aménagement du territoire violent-ils l'article 10 (et les articles 11 et 172) de la Constitution, lu(s) en combinaison avec l'article 16 de la Constitution et avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce que les propriétaires d'une parcelle pour laquelle est due une taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale que les contribuables considèrent comme incorrecte ne peuvent pas exercer leurs droits dans une procédure d'expropriation de la même manière que les propriétaires qui ne sont pas redevables d'une taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale (ou qui sont redevables d'une telle taxe qui est correcte) et qui sont également concernés par une procédure d'expropriation ? 3) L'article 2.6.15 du Code flamand de l'aménagement du territoire viole-t-il l'article 10 (et les articles 11 et 172) de la Constitution, en ce que le contribuable qui ne se trouve pas dans une procédure d'expropriation (ou qui n'est pas sous la menace d'une expropriation) peut bénéficier de l'avantage de la règle de bonification, alors que le contribuable qui se trouve dans une procédure d'expropriation (ou qui est sous la menace d'une expropriation) ne peut de facto pas en bénéficier ? ». (...) III. En droit (...) B.1. Dans trois questions préjudicielles, la Cour est interrogée sur la compatibilité de la base imposable de la taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison, en ce qui concerne la deuxième question préjudicielle, avec l'article 16 de la Constitution et avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.
B.2.1. La taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale est un impôt. Son affectation est particulière : elle vise à attribuer à l'autorité publique une partie de l'augmentation de valeur des parcelles résultant des modifications de destination des plans d'exécution spatiaux. La taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale a été conçue par le législateur décrétal comme le pendant du régime d'indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale (Doc. parl., Parlement flamand, 2008-2009, n° 2011/1, p. 53).
Les travaux préparatoires du décret du 27 mars 2009 « adaptant et complétant la politique d'aménagement du territoire, des autorisations et du maintien » (ci-après : le décret du 27 mars 2009) précisent : « La taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale rejoint partiellement le concept de taxe rémunératoire, c'est-à -dire la récupération du coût exposé pour une prestation fournie par l'autorité publique, auprès du groupe de contribuables qui sont irréfragablement présumés tirer avantage de cette prestation. En effet, l'impôt est prélevé sur des avantages découlant de la planification spatiale, à savoir les effets secondaires résultant de l'exercice de la compétence de police que l'autorité planificatrice exerce ou doit exercer dans le cadre de l'aménagement du territoire » (Doc. parl., Parlement flamand, 2008-2009, n° 2011/1, p. 55).
B.2.2. La matière imposable est l'élément générateur de l'impôt, la situation ou le fait qui donne lieu à la débition de l'impôt. La matière imposable se distingue de la base imposable, qui est le montant sur lequel est calculé l'impôt.
La matière imposable de la taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale est la plus-value « potentielle » d'un bien immobilier, qui résulte de la modification de plans.
A cet égard, les travaux préparatoires du décret, précité, du 27 mars 2009 précisent : « En d'autres termes, cela reste toujours un impôt sur les plus-values potentielles découlant d'une modification de destination.
Il peut dès lors être utilement renvoyé à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, selon laquelle la taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale est une ' imposition sur la destination '; la matière imposable est l'accroissement de valeur ' réputé découler d'une intervention de l'autorité régionale compétente en matière d'aménagement du territoire ' » (Doc. parl., Parlement flamand, 2008-2009, n° 2011/1, p. 56).
Quant à la première question préjudicielle B.3. Dans la première question préjudicielle, il est demandé à la Cour si les articles 2.6.4, 2°, 2.6.10, 2.6.4.11, 2.6.4.14 et 2.6.4.15 du Code flamand de l'aménagement du territoire sont compatibles avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, « en ce que, dans le cadre de la taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale prévue par ces articles du Code, une même plus-value présumée s'applique pour tous les contribuables, lors du calcul de la base imposable, en cas de modification de la destination de la parcelle imposable la faisant passer d'une zone ' agriculture ' à une zone ' habiter ', alors que les contribuables qui relèvent d'une catégorie de contribuables dont la parcelle imposable est soumise, à la suite de la modification de destination, à des restrictions importantes et sérieuses en ce qui concerne d'éventuels travaux de construction, [...] bénéficient en réalité d'une plus-value nettement plus basse en raison de la modification de destination imposable que les contribuables dont la parcelle imposable n'est pas soumise, à la suite de la modification de destination, à de telles restrictions importantes et sérieuses en ce qui concerne d'éventuels travaux de construction destinés à l'habitation ».
B.4.1. Le Gouvernement flamand fait valoir que la première question préjudicielle est partiellement irrecevable; la Cour est en effet invitée à se prononcer sur la compatibilité des articles « 2.6.4, 2°, 2.6.10, §§ 1er et 2, 2.6.4.11, 2.6.4.14 et 2.6.4.15 du Code flamand de l'aménagement du territoire » avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, alors que les articles 2.6.4.11, 2.6.4.14 et 2.6.4.15, en cause, du Code précité n'existeraient pas.
Même s'il s'agissait en réalité des articles 2.6.11, 2.6.14 et 2.6.15 du Code flamand de l'aménagement du territoire, il y a lieu de constater, selon le Gouvernement flamand, que ni la question préjudicielle ni la motivation de la décision de renvoi n'indiquent en quoi ces dispositions décrétales pourraient être incompatibles avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
B.4.2. A supposer que la juridiction a quo vise les articles 2.6.11, 2.6.14 et 2.6.15 du Code flamand de l'aménagement du territoire, la motivation de l'arrêt de renvoi ne permet toutefois pas de déduire en quoi ces dispositions seraient incompatibles avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
Partant, la Cour limite son examen aux articles 2.6.4, 2°, et 2.6.10, §§ 1er et 2, du Code flamand de l'aménagement du territoire.
B.5.1. L'article 2.6.4, 2°, du Code flamand de l'aménagement du territoire dispose : « Une taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale est due lorsque l'entrée en vigueur d'un plan d'exécution spatial ou d'un plan particulier d'aménagement entraîne pour une parcelle, une ou plusieurs des modifications de destination suivantes : [...] 2° la modification de destination d'une zone qui relève de la catégorie d'affectation de zone ' activités économiques ' [lire : ' agriculture '] en une zone relevant de la catégorie d'affectation de zone ' habiter ' ». L'article 2.6.4 du Code flamand de l'aménagement du territoire a été inséré par l'article 34 du décret du 27 mars 2009. Les travaux préparatoires du décret précité précisent : « Une série de nouvelles modifications de destination ont été ajoutées en tant qu'assiette pour le prélèvement de la taxe : 1° la modification d'une zone ' bois ', ' autres zones vertes ' ou ' réserves et nature ' en une zone ' agriculture ';2° la modification d'une zone appartenant au groupe ' bois ', ' autres zones vertes ', ' réserves et nature ' ou d'une zone ' agriculture ' en une zone pour l'extraction des minerais de surface (nouvel article 87, 13°, 14° et 15°, du décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire). Ces modifications de destination sont manifestement de nature à générer des plus-values potentielles. Dans le premier cas, on part de zones abritant des servitudes d'utilité publique importantes (jusqu'à une interdiction de bâtir) pour passer à une zone qui entre en ligne de compte pour un usage agricole. Dans le second cas, on part de zones abritant des servitudes d'utilité publique importantes ou de zones qui entrent en principe uniquement en ligne de compte pour un usage agricole pour passer à des zones susceptibles de faire l'objet d'interventions lourdes en vue d'extraire des minerais de surface.
Une étude scientifique a été organisée au sujet des tarifs relatifs aux deux nouvelles modifications de destination qui ont été ajoutées » (Doc. parl., Parlement flamand, 2008-2009, n° 2011/1, p. 57).
B.5.2. L'article 2.6.10, §§ 1er et 2, du Code flamand de l'aménagement du territoire, tel qu'il est applicable dans l'affaire devant la juridiction a quo, dispose : « § 1er. La taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale est calculée à partir de la plus-value présumée d'une parcelle à la suite de la modification de destination et en fonction de la superficie de la parcelle à laquelle s'applique la modification de destination. La superficie de la parcelle est la superficie déclarée et enregistrée au cadastre. § 2. La plus-value présumée d'une parcelle est calculée conformément au tableau suivant :
Nature de la modification de destination
Montant de la plus-value présumée par m2
Modification visée à l'article 2.6.4, 1°
86,31 euros
Modification visée à l'article 2.6.4, 2°
85,92 euros
Modification visée à l'article 2.6.4, 3°
83,73 euros
Modification visée à l'article 2.6.4, 4°
85,65 euros
Modification visée à l'article 2.6.4, 5°
54,89 euros
Modification visée à l'article 2.6.4, 6°
58,02 euros
Modification visée à l'article 2.6.4, 7°
57,63 euros
Modification visée à l'article 2.6.4, 8°
55,44 euros
Modification visée à l'article 2.6.4, 9°
57,36 euros
Modification visée à l'article 2.6.4, 10°
1,92 euro
Modification visée à l'article 2.6.4, 11°
2,58 euros
Modification visée à l'article 2.6.4, 12°
2,19 euros
Modification visée à l'article 2.6.4, 13°
0,39 euro
Modification visée à l'article 2.6.4, 14°
2,85 euros
Modification visée à l'article 2.6.4, 15°
2,46 euros
Si la parcelle fait l'objet de plusieurs modifications de destination simultanées, la plus-value présumée de la parcelle constitue la somme des produits des superficies respectives de chaque modification et le montant de la plus-value présumée par m2, comme le montre le tableau inclus dans le premier alinéa.
Si une zone, qui n'a pas encore été délimitée en application de l'article 2.2.3, § 2, premier alinéa, relève de plusieurs catégories d'affectation de zone, la plus-value présumée est calculée à l'aide de la catégorie dont relève la majorité des fonctions de la zone ».
L'article 2.6.10 du Code flamand de l'aménagement du territoire prévoit des règles pour calculer la « plus-value présumée », celle-ci étant ensuite divisée en tranches, sur lesquelles un tarif progressif s'applique. Les travaux préparatoires du décret du 27 mars 2009 précisent : « En ce qui concerne le calcul de la taxe, celui-ci se fonde, contrairement au régime actuel prévu par le décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire, sur un tarif progressif, calculé par parcelle.
L'instauration d'un impôt progressif sur des éléments patrimoniaux (en l'espèce, une plus-value potentielle) est défendable du point de vue du ' principe de la capacité contributive '. Pour le dire autrement, il faut éviter que, sur un plan relatif, la taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale touche principalement des ' petits propriétaires fonciers '.
Le concept de progressivité se retrouve également dans le régime de l'impôt sur les revenus ainsi que dans le cadre de diverses autres taxes relatives à des biens immobiliers.
En l'espèce, on se rapproche fortement des ' Dispositions particulières temporaires pour les donations de parcelles de terrain destinées à la construction d'habitations selon les prescriptions d'urbanisme ' prévues à l'article 140nonies du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe » (Doc. parl., Parlement flamand, 2008-2009, n° 2011/1, p. 62).
B.6.1. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s'oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.6.2. L'article 172, alinéa 1er, de la Constitution est une application particulière, en matière fiscale, du principe d'égalité et de non-discrimination inscrit aux articles 10 et 11 de la Constitution.
B.7.1. Le calcul de la taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale se fait en deux temps. Il est d'abord procédé au calcul de la « plus-value présumée », puis au calcul de la taxe proprement dite sur les bénéfices résultant de la planification spatiale en soumettant cette plus-value présumée à un taux de taxation spécifique selon un système de tranches.
La plus-value présumée est obtenue en multipliant la superficie de la parcelle par un montant forfaitaire par m2 en fonction du type de modification de destination. Pour certaines modifications de destination, comme en l'espèce, la superficie de la modification de destination est limitée, pour le calcul de la plus-value présumée, à une superficie maximale de 2 750 m2.
B.7.2. Les montants forfaitaires de la plus-value présumée sont fondés sur des études scientifiques actuelles.
Les travaux préparatoires du décret du 27 mars 2009 précisent : « Les montants des plus-values potentielles sont fixés par décret dans le nouvel article 91/2, § 2, alinéa 1er, du décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire, sur la base d'une étude scientifique actuelle.
Les coefficients d'arrondissement existants, pour lesquels les fondements scientifiques disponibles sont faibles, ne sont pas pris en compte. [...] Il peut être valablement renvoyé à la légisprudence de la section de législation du Conseil d'Etat, selon laquelle ' en droit fiscal, l'efficacité des critères et le coût administratif de leur application doivent être pris en considération pour apprécier s'ils sont susceptibles d'une justification raisonnable '. En l'espèce, le Conseil d'Etat a spécifiquement jugé que ' lorsque la loi fiscale vise en même temps des agents économiques dont les différentes productions ont une incidence variée sur l'environnement, elle doit nécessairement appréhender cette diversité de situations en faisant usage de catégories qui ne correspondent aux réalités que de manière schématique et approximative ' » (Doc. parl., Parlement flamand, 2008-2009, n° 2011/1, p. 63).
En outre, les plus-values présumées qui figurent dans l'article 2.6.10, § 2, alinéa 1er, du Code flamand de l'aménagement du territoire sont actualisées tous les cinq ans.
B.8. Il appartient au législateur décrétal de désigner les redevables de l'impôt qu'il instaure, de même que l'importance de cet impôt. Il dispose en la matière d'une marge d'appréciation étendue.
Lorsque le législateur décrétal désigne les redevables de l'impôt, il doit pouvoir faire usage de catégories qui, nécessairement, n'appréhendent la diversité des situations qu'avec un certain degré d'approximation, dès lors qu'il ne peut pas prendre en compte les particularités des divers cas d'espèce et qu'il peut appréhender leur diversité de manière approximative et simplificatrice. Le recours à ce procédé n'est pas déraisonnable en soi. Il revient néanmoins à la Cour d'examiner s'il en va de même quant à la manière dont ce procédé a été mis en oeuvre.
B.9.1. La taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale ne frappe pas la plus-value effectivement réalisée, mais uniquement la plus-value « potentielle » d'un bien immobilier, réputée découler d'une intervention de l'autorité compétente en matière d'aménagement du territoire.
B.9.2. La taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale est appliquée à l'égard de quinze modifications de destination (article 2.6.4 du Code flamand de l'aménagement du territoire), sachant que son calcul est soumis à des pourcentages différents. En outre, l'article 2.6.5 du Code précité prévoit une série de cas concrets dans lesquels aucune taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale n'est due, et l'article 2.6.6 du même Code fixe les conditions auxquelles les parcelles qui sont expropriées ou cédées à l'amiable pour cause d'utilité publique sont exemptées de cette taxe.
L'article 2.6.10, § 3, du Code flamand de l'aménagement du territoire prévoit par ailleurs un mécanisme de correction pour les parcelles qui ont été établies comme zones d'occupation permanente de résidences secondaires et qui constituent une solution planologique pour les zones abritant des « résidences de week-end ».
Enfin, le montant dû au titre de la taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale peut encore être réduit lorsque le contribuable recourt à la règle de la bonification prévue à l'article 2.6.15 du Code flamand de l'aménagement du territoire.
B.9.3. Le montant dû au titre de la taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale peut ainsi fortement varier, dès lors que son importance dépend non seulement de la nature de la modification de destination, mais également de la plus-value présumée, du système de tranches, des diverses exceptions, exemptions et suspensions possibles, ainsi que de la bonification.
Eu égard à son large pouvoir d'appréciation et à sa faculté d'appréhender la diversité des situations avec seulement un certain degré d'approximation, le législateur décrétal pouvait dès lors raisonnablement décider d'imposer la plus-value potentielle à l'aide d'une « plus-value présumée » fixée forfaitairement, cette dernière tenant compte de certaines destinations, sans devoir opérer à cet égard une distinction selon les possibles sous-catégories des destinations.
Par conséquent, il n'est pas déraisonnable que le législateur décrétal ait prévu une base imposable forfaitaire, par laquelle une même plus-value présumée s'applique pour tous les contribuables, lors du calcul de la base imposable, en cas de modification de la destination de la parcelle imposable la faisant passer d'une zone « agriculture » à une zone « habiter ».
B.10. Les articles 2.6.4, 2°, et 2.6.10, §§ 1er et 2, du Code flamand de l'aménagement du territoire ne sont pas incompatibles avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que, lors du calcul de la base imposable de la taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale, une même plus-value présumée s'applique en cas de modification de la destination de la parcelle imposable la faisant passer d'une zone « agriculture » à une zone « habiter ».
Quant à la deuxième question préjudicielle B.11. Dans la deuxième question préjudicielle, il est demandé à la Cour si les articles 2.6.4, 2°, et 2.6.10 du Code flamand de l'aménagement du territoire sont compatibles avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 16 de la Constitution et avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, « en ce que les propriétaires d'une parcelle pour laquelle est due une taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale que les contribuables considèrent comme incorrecte ne peuvent pas exercer leurs droits dans une procédure d'expropriation de la même manière que les propriétaires qui ne sont pas redevables d'une taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale (ou qui sont redevables d'une telle taxe qui est correcte) et qui sont également concernés par une procédure d'expropriation ».
B.12. Les articles en cause du Code flamand de l'aménagement du territoire ne limitent en aucun cas les droits des propriétaires d'un bien immobilier dans une procédure d'expropriation, dès lors que ces articles prévoient uniquement des règles pour calculer la taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale.
Le simple fait que le propriétaire d'un bien immobilier qui fait l'objet d'une procédure d'expropriation conteste l'exactitude du montant de la taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale n'a aucune incidence sur les droits que ce propriétaire peut, le cas échéant, exercer dans le cadre des phases administrative et judiciaire de la procédure d'expropriation.
B.13. La différence de traitement soulevée dans la deuxième question préjudicielle n'existe pas. La question appelle par conséquent une réponse négative.
Quant à la troisième question préjudicielle B.14. Dans la troisième question préjudicielle, il est demandé à la Cour si l'article 2.6.15 du Code flamand de l'aménagement du territoire est compatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que le contribuable « qui ne se trouve pas dans une procédure d'expropriation (ou qui n'est pas sous la menace d'une expropriation) peut bénéficier de l'avantage de la règle de bonification, alors que le contribuable qui se trouve dans une procédure d'expropriation (ou qui est sous la menace d'une expropriation) ne peut de facto pas en bénéficier ».
B.15. L'article 2.6.15 du Code flamand de l'aménagement du territoire dispose : « Une bonification est octroyée au redevable qui paie la taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale dans l'année suivant la date d'envoi de l'avis d'imposition, alors que le montant de la taxe ne devait pas encore être payé dans la période entre la date d'envoi de l'avis d'imposition et le paiement : 1° soit parce qu'au moment du paiement, aucun acte juridique mentionné dans l'article 2.6.14, § 1er, premier alinéa, n'avait encore été posé; 2° soit parce que la taxe était suspendue au moment du paiement à la suite d'une des raisons mentionnées dans l'article 2.6.7.
La bonification s'élève à quinze pour cent du montant du versement anticipé.
Le Gouvernement flamand peut déterminer des modalités plus précises pour l'application de cette réglementation relative à la bonification ».
B.16. Rien n'empêche le propriétaire d'un bien immobilier qui fait l'objet d'une procédure d'expropriation de procéder au paiement de la taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale dans l'année suivant la date d'envoi de l'avis d'imposition, de sorte qu'il peut bénéficier de la bonification et, le cas échéant, encore être exempté de la taxe.
A cet égard, l'article 2.6.6, alinéa 2, du Code flamand de l'aménagement du territoire, tel qu'il est applicable dans l'affaire devant la juridiction a quo, dispose que les montants déjà payés sont remboursés « si l'expropriation ou la cession à l'amiable pour cause d'utilité publique a lieu après que la taxe ou une partie de la taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale a déjà été payée ».
B.17. La différence de traitement soulevée dans la troisième question préjudicielle ne découle dès lors pas de la disposition en cause, mais du choix du contribuable.
La question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 2.6.4, 2°, 2.6.10, §§ 1er et 2, et 2.6.15 du Code flamand de l'aménagement du territoire ne violent pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 16 de la Constitution et avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.
Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 12 mai 2022.
Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux L. Lavrysen