publié le 07 décembre 2022
Extrait de l'arrêt n° 62/2022 du 12 mai 2022 Numéro du rôle : 7522 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'absence de disposition législative ouvrant le droit à une indemnité d'assurance maladie-invalidité pour les travailleurs La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Gie(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 62/2022 du 12 mai 2022 Numéro du rôle : 7522 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'absence de disposition législative ouvrant le droit à une indemnité d'assurance maladie-invalidité pour les travailleurs qui exercent une activité principale, à temps plein, et une activité accessoire, à temps partiel et intermittente, et qui, pour des raisons médicales, doivent mettre fin à une des fonctions, posées par la Cour du travail de Mons.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune et E. Bribosia, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par arrêt du 24 février 2021, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 3 mars 2021, la Cour du travail de Mons a posé les questions préjudicielles suivantes : « L'absence d'une disposition législative qui ouvre le droit à une indemnité d'assurance maladie-invalidité pour les travailleurs qui exercent une activité principale, à temps plein, et une activité accessoire, à temps partiel et intermittente, et qui, pour des raisons médicales, doivent mettre fin à une des fonctions, dans la mesure où ils sont ainsi confrontés à une diminution de leur capacité de gain de deux tiers ou plus et dans la mesure où ils n'ont pas droit à une indemnité en vertu d'un autre régime social viole-t-elle les articles 10 et 11 de la Constitution ? Dans l'affirmative, cette lacune extrinsèque est-elle auto-réparatrice ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle porte sur le droit à une indemnité d'assurance maladie-invalidité pour incapacité de travail.
Le juge a quo relève que la Cour, par son arrêt n° 51/2013 du 28 mars 2013, a constaté l'existence d'une lacune législative à laquelle il n'a pas été remédié à ce jour. Dans cet arrêt, la Cour a constaté une violation des articles 10 et 11 de la Constitution en raison de l'absence d'une disposition législative ouvrant le droit à une indemnité d'assurance maladie-invalidité pour les travailleurs qui exercent plusieurs emplois à temps partiel et qui, pour des raisons médicales, doivent mettre fin à une de ces fonctions, dans la mesure où ils sont ainsi confrontés à une diminution de leur capacité de gain de deux tiers ou plus et dans la mesure où ils n'ont pas droit à une indemnité en vertu d'un autre régime social.
Le juge a quo observe que la partie appelante ne se trouve pas dans une situation identique à celle dont il était question dans l'arrêt précité. La partie appelante exerce non seulement une activité principale à temps plein, mais également une activité accessoire de façon intermittente (ci-après : une activité accessoire à temps partiel et de façon intermittente). Il ressort de la décision de renvoi que la question préjudicielle porte en substance sur la compatibilité de l'article 100 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 (ci-après : la loi AMI), avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il traite de la même manière le travailleur qui exerce une seule activité professionnelle et le travailleur qui cumule une activité principale à temps plein et une activité accessoire à temps partiel et de façon intermittente. Selon le juge a quo, cet article ne permet pas au second travailleur de bénéficier d'une indemnité d'assurance maladie-invalidité, lorsque, pour des raisons médicales, il doit mettre fin à une des activités, dans la mesure où il est confronté à une diminution de sa capacité de gain de deux tiers ou plus et dans la mesure où il n'a pas droit à une indemnité en vertu d'un autre régime social.
B.2. Selon le Conseil des ministres, la question préjudicielle repose sur une lecture erronée de la disposition en cause et la réponse à la question n'est pas utile à la solution du litige.
Etant donné que l'exception d'irrecevabilité concerne la portée qu'il y a lieu de donner à la disposition en cause, l'examen de la recevabilité se confond avec celui du fond de l'affaire.
B.3.1. L'article 87 de la loi AMI prévoit une indemnité au bénéfice des personnes visées à l'article 86, § 1er, de cette loi qui se trouvent « en état d'incapacité de travail telle qu'elle est définie à l'article 100 ».
B.3.2. L'article 100, § 1er, alinéa 1er, de la loi AMI, qui n'a jamais été modifié, dispose : « Est reconnu incapable de travailler au sens de la présente loi coordonnée, le travailleur qui a cessé toute activité en conséquence directe du début ou de l'aggravation de lésions ou de troubles fonctionnels dont il est reconnu qu'ils entraînent une réduction de sa capacité de gain, à un taux égal ou inférieur au tiers de ce qu'une personne de même condition et de même formation peut gagner par son travail, dans le groupe de professions dans lesquelles se range l'activité professionnelle exercée par l'intéressé au moment où il est devenu incapable de travailler ou dans les diverses professions qu'il a ou qu'il aurait pu exercer du fait de sa formation professionnelle ».
B.3.3. L'article 100, § 2, de la loi AMI, tel qu'il a été modifié par la loi-programme (I) du 4 juillet 2011, dispose : « Est reconnu comme étant incapable de travailler, le travailleur qui reprend un travail autorisé à condition que, sur le plan médical, il conserve une réduction de sa capacité d'au moins 50 p.c.
Le Roi détermine le délai et les conditions dans lesquels l'autorisation de reprise du travail visée à l'alinéa 1er est octroyée ».
B.3.4. L'article 100 de la loi AMI trouve son origine dans la loi du 9 août 1963 « instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité ».
Il ressort des travaux préparatoires de cette loi que le législateur a entendu indemniser l'incapacité de travail parce qu'elle réduit la capacité de gain du travailleur. Par ailleurs, il fut souligné, à propos de la faculté de reprise d'une activité professionnelle : « Lorsque le travailleur est autorisé à se procurer un revenu professionnel en cours d'indemnisation, il est équitable de ne plus remplacer, dans l'entièreté de la mesure déterminée par les articles 46, 50 et 53, la rémunération qu'il gagnait avant son incapacité de travail puisque cette rémunération est alors partiellement remplacée par le revenu professionnel envisagé » (Doc. parl., Chambre, 1962-1963, n° 527/1, p. 23).
Le législateur s'est également soucié de protéger la santé du travailleur et d'éviter qu'il prenne le risque d'aggraver son état de santé, ce qui justifie que la reprise du travail soit subordonnée à l'obtention de l'accord du médecin-conseil.
B.3.5. L'indemnité visée à l'article 87 de la loi AMI est destinée à compenser la perte de capacité économique du travailleur en incapacité de travail.
A cet effet, l'article 100, § 1er, de la loi AMI subordonne l'obtention d'une telle indemnité au respect de trois conditions. Il convient que le travailleur ait cessé toute activité, que cette cessation soit la conséquence directe du début ou de l'aggravation de lésions et de troubles fonctionnels et que ces derniers entraînent une réduction de capacité de gain d'au moins deux tiers.
La réduction de la capacité de gain ne peut s'assimiler à la perte concrète de salaire que subit l'intéressé à la suite de la cessation de son activité. En effet, il convient d'établir cette réduction en examinant la situation de l'intéressé au regard d'un métier de référence, compte tenu notamment de sa « condition » et de sa « formation », ainsi que de sa profession ou des différentes professions qu'il aurait pu exercer en fonction de sa formation professionnelle.
Par contre, il n'y a pas lieu de tenir compte des possibilités réelles que le marché du travail offre ou non en ce qui concerne une telle profession.
B.3.6. L'article 100, § 2, de la loi AMI constitue un tempérament à l'interdiction, déduite du paragraphe 1er de cet article, de cumuler une activité professionnelle et une indemnité pour incapacité de travail. En effet, le travailleur peut reprendre une activité professionnelle après l'avoir complètement arrêtée, tout en conservant le bénéfice de l'intervention de l'assurance maladie-invalidité, pour autant que le médecin-conseil l'y autorise et que, sur le plan médical, le travailleur demeure affecté d'une incapacité de travail d'au moins 50 % .
La procédure d'autorisation visée à l'article 100, § 2, de la loi AMI est fixée à l'article 230, § 2, de l'arrêté royal du 3 juillet 1996 « portant exécution de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 » (ci-après : l'arrêté royal du 3 juillet 1996). Tel qu'il est applicable dans le litige devant le juge a quo, cet article dispose : « Pour obtenir l'autorisation d'exercer une activité professionnelle au cours de l'incapacité, le titulaire doit déclarer à son organisme assureur, toute reprise d'activité professionnelle au cours de l'incapacité, au plus tard le premier jour ouvrable qui précède immédiatement cette reprise et introduire, dans le même délai, auprès du médecin-conseil de son organisme assureur, une demande d'autorisation d'exercer cette activité au cours de l'incapacité. La déclaration de reprise de l'activité professionnelle au cours de l'incapacité ainsi que la demande d'autorisation au médecin-conseil sont introduites par le titulaire à son organisme assureur au moyen d'un formulaire unique approuvé par le Comité de gestion du Service des indemnités.
Le médecin-conseil de l'organisme assureur doit rendre sa décision au plus tard le trentième jour ouvrable à dater du premier jour de la reprise de l'activité professionnelle au cours de l'incapacité. Il peut accorder l'autorisation d'exercer une activité professionnelle au cours de l'incapacité pour autant qu'elle soit compatible avec l'affection en cause.
La formule d'autorisation est notifiée au titulaire, par pli postal, au plus tard dans les sept jours civils à dater de la décision. Si le médecin-conseil a procédé à un examen médical en vue de rendre sa décision, la formule d'autorisation peut être remise au titulaire, à l'issue de l'examen médical.
Cette autorisation qui précise la nature, le volume et les conditions d'exercice de cette activité, est consignée dans le dossier médical et administratif de l'intéressé au siège de l'organisme assureur.
L'organisme assureur transmet à l'INAMI, par le biais d'un message électronique, les données relatives à cette autorisation ».
Avant sa modification par l'arrêté royal du 12 mars 2013 « modifiant l'arrêté royal du 3 juillet 1996 portant exécution de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 » (ci-après : l'arrêté royal du 12 mars 2013), l'article 230, § 2, de l'arrêté royal du 3 juillet 1996 disposait : « Pour obtenir l'autorisation d'exercer une activité professionnelle au cours de l'incapacité, le titulaire doit en faire la demande, préalablement à toute reprise d'activité, au médecin-conseil de son organisme assureur qui peut accorder l'autorisation pour autant qu'elle soit compatible avec l'affection en cause.
Cette autorisation qui précise la nature, le volume et les conditions d'exercice de cette activité, est consignée dans le dossier médical et administratif de l'intéressé au siège de l'organisme assureur.
L'autorisation est notifiée au titulaire. L'organisme assureur envoie une copie de cette autorisation au service provincial du Service du contrôle médical ».
Il résulte de ces dispositions que l'autorisation du médecin-conseil doit être demandée préalablement à la reprise, mais que cette autorisation ne doit pas nécessairement être préalable à la reprise.
B.4.1. Par l'arrêt n° 51/2013 du 28 mars 2013, la Cour a jugé : « B.4. La Cour est interrogée sur l'identité de traitement, découlant de la disposition en cause, entre le travailleur salarié qui n'exerce qu'une activité professionnelle et le travailleur qui en exerce plusieurs, en ce que l'article 100, § 1er, de la loi AMI exige, dans les deux cas, une cessation complète de toute activité professionnelle pour bénéficier de l'indemnité qui y est visée et que l'article 100, § 2, de la même loi limite, par conséquent, dans les deux cas, la possibilité de cumuler l'indemnité pour incapacité de travail et une activité professionnelle à la seule hypothèse où l'activité professionnelle est reprise, mais ne la prévoit pas dans l'hypothèse où une activité professionnelle est poursuivie.
B.5. Les questions préjudicielles appellent donc formellement à comparer, d'une part, le travailleur salarié qui, ayant rempli les trois conditions fixées à l'article 100, § 1er, de la loi AMI, est en mesure de cumuler l'activité professionnelle qu'il a reprise et une indemnité pour incapacité de travail et, d'autre part, le travailleur salarié qui, bien qu'ayant pu se prévaloir d'une réduction de sa capacité de gain d'au moins 2/3 causée par le début ou l'aggravation de lésions ou de troubles fonctionnels, n'a mis fin qu'à l'activité professionnelle incompatible avec son état de santé et qui ne peut, par conséquent, cumuler l'autre activité professionnelle, qu'il continue d'exercer, et le droit à être indemnisé en vertu de la disposition en cause.
En raison de leur connexité, les questions préjudicielles doivent être examinées conjointement.
Il n'appartient pas à la Cour mais au juge compétent d'apprécier in concreto si le travailleur qui ne cesse d'exercer que l'une de ses activités professionnelles mais continue à en exercer une autre satisfait à la condition posée à l'article 100, § 1er, de la loi AMI qui exige que sa capacité de gain ait été réduite de deux tiers ou davantage.
B.6. Il n'est pas déraisonnable que le législateur fixe à 2/3 le taux d'incapacité nécessaire au déclenchement et au maintien de l'intervention de l'assurance maladie-invalidité. Le seul fait que le travailleur, dont le taux d'incapacité diminue par la suite, puisse continuer à bénéficier, sous certaines conditions, d'une indemnité tout en exerçant une activité professionnelle n'implique pas que le législateur aurait dû renoncer à exiger qu'il soit satisfait au taux d'incapacité de travail initialement requis pour bénéficier d'une telle intervention de l'assurance maladie-invalidité.
B.7. La mesure est d'autant moins disproportionnée que le travailleur qui n'a jamais été affecté d'un taux d'incapacité égal ou supérieur à deux tiers, mais qui a dû renoncer, pour raison médicale, à exercer une partie de ses activités salariées, peut bénéficier, sous certaines conditions, de l'intervention de l'assurance chômage dès la suspension ou la cessation de son contrat de travail (Cass., 12 juin 2006, Pas., 2006, n° 325), si bien que, malgré l'absence d'indemnisation de la part de l'assurance maladie-invalidité, il demeure incité à progressivement réintégrer complètement le marché de l'emploi, tout en tenant compte de son état de santé.
B.8.1. Lorsque la loi précitée du 9 août 1963 est entrée en vigueur, quasi tout le travail salarié était presté à temps plein. A la suite des évolutions socio-économiques, en particulier la flexibilité sans cesse croissante du marché du travail, le travail à temps partiel s'est considérablement développé ces dernières décennies. La possibilité de travailler à temps partiel permet non seulement de combiner le travail et la vie familiale, mais permet également d'exercer deux ou plusieurs emplois différents.
B.8.2. Lorsqu'un travailleur exerce deux ou plusieurs emplois à temps partiel, il est toutefois possible qu'il ne soit plus en mesure d'exercer un de ces emplois par suite d'un accident, d'une maladie professionnelle, d'une lésion ou d'un trouble fonctionnel, tout en étant capable d'exercer l'autre ou les autres emplois. Généralement, il ne sera, dans ces circonstances, pas satisfait à une des conditions de l'article 100, § 1er, de la loi AMI, à savoir la réduction de sa capacité de gain de deux tiers ou plus.
Si, en pareilles circonstances, sa capacité de gain est néanmoins réduite de deux tiers ou plus, la cause de l'interruption du travail résidera souvent dans un accident du travail ou une maladie professionnelle, de sorte que l'intéressé peut avoir droit à une indemnité sur la base de la loi du 10 avril 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1971 pub. 23/03/2018 numac 2018030615 source service public federal interieur Loi sur les accidents du travail type loi prom. 10/04/1971 pub. 17/10/2014 numac 2014000710 source service public federal interieur Loi sur les accidents du travail type loi prom. 10/04/1971 pub. 11/06/1998 numac 1998000213 source ministere de l'interieur Loi sur les accidents du travail - Traduction allemande fermer sur les accidents du travail ou en vertu des lois relatives à la prévention des maladies professionnelles et à la réparation des dommages résultant de celles-ci, coordonnées le 3 juin 1970.
B.8.3. Eu égard à la complexité des règles relatives à la coexistence des diverses prestations dans le régime de la sécurité sociale des travailleurs, il ne peut cependant être exclu que certains travailleurs qui exercent plusieurs emplois à temps partiel et qui ne peuvent plus exercer une de ces fonctions à temps partiel pour des raisons médicales n'aient droit ni à des allocations de chômage ni à une indemnité sur la base du régime afférent aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, alors qu'ils sont confrontés à une réduction de leur capacité de gain de deux tiers ou plus.
Dans cette mesure, l'article 100 de la loi AMI tient actuellement insuffisamment compte des évolutions socio-économiques en matière de travail à temps partiel, vu que cette disposition exige que l'intéressé, pour pouvoir obtenir une indemnité, mette d'abord fin à toutes les activités.
B.8.4. Par l'article 16 de la loi-programme (I) du 4 juillet 2011, qui entre en vigueur le 9 avril 2013, l'article 100, § 2, alinéa 1er, de loi AMI est remplacé comme suit : ' Est reconnu comme étant incapable de travailler, le travailleur qui reprend un travail autorisé à condition que, sur le plan médical, il conserve une réduction de sa capacité d'au moins 50 p.c.
Le Roi détermine le délai et les conditions dans lesquels l'autorisation de reprise du travail visée à l'alinéa 1er est octroyée '.
Il ressort des travaux préparatoires de cette disposition que le législateur entend ' favoriser une reprise volontaire du travail, par des titulaires reconnus incapables de travailler et qui conservent une certaine réduction de leur capacité, sur le plan médical ' (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-1481/001, p. 4). Comme l'a précisé la Vice-Première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration sociale, il s'agit d'une des mesures du programme ' Back to work ' (Doc. parl., Chambre, 2010-2011, DOC 53-1481/006, pp. 15 et 16).
Bien qu'elle soit de nature à promouvoir la réintégration sur le marché du travail, cette disposition ne résout pas les problèmes auxquels peuvent être confrontés les travailleurs qui exercent plusieurs emplois à temps partiel dans la mesure où ils voient leur capacité de gain diminuer de deux tiers ou plus, sans entrer en ligne de compte pour une indemnité en vertu de la loi AMI, étant donné qu'ils n'ont pas interrompu toutes les activités. Pourtant, en tant que leur situation médicale le permet, ils entrent aussi en ligne de compte pour les avantages qui découlent du fait que leur lien avec le marché du travail n'est pas rompu.
B.9. Compte tenu de l'évolution socio-économique précitée, une telle différence de traitement entre le travailleur ayant repris une activité professionnelle, après la cessation complète de toute activité, et le travailleur ayant maintenu une activité à temps partiel n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
Cette différence de traitement ne trouve cependant pas son origine dans la disposition en cause, mais dans l'absence d'une disposition qui ouvre un droit à une indemnité AMI pour les travailleurs qui exercent plusieurs emplois à temps partiel et qui, pour des raisons médicales, doivent mettre fin à un de ces emplois, dans la mesure où ils sont ainsi confrontés à une diminution de leur capacité de gain de deux tiers ou plus et dans la mesure où ils n'ont pas droit à une indemnité en vertu d'un autre régime social, comme le régime de chômage et le régime des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Il appartient au législateur de déterminer la nature et l'étendue de ce droit à l'égard de cette catégorie de travailleurs à temps partiel ».
B.4.2. Le juge a quo relève qu'à ce jour, il n'a pas été remédié à la lacune législative constatée dans cet arrêt.
B.5. Bien que le législateur ne soit pas intervenu pour combler la lacune constatée dans l'arrêt n° 51/2013, la réglementation en cause a été modifiée de manière substantielle par une adaptation de l'arrêté royal mentionné en B.3.6.
Comme il a été dit, l'article 100, § 1er, de la loi AMI pose notamment comme condition le fait que le travailleur, s'il souhaite recevoir l'indemnité pour incapacité de travail, « [ait] cessé toute activité ». Cette condition vaut également pour les travailleurs exerçant plusieurs emplois à temps partiel, qui sont visés dans l'arrêt n° 51/2013, et pour les travailleurs qui combinent une activité principale avec une activité accessoire à temps partiel et de façon intermittente, comme c'est le cas de la partie appelante devant le juge a quo.
Il résulte toutefois de l'article 100, § 2, de la loi AMI et de l'article 230, § 2, de l'arrêté royal du 3 juillet 1996, tel qu'il a été modifié par l'arrêté royal du 12 mars 2013, publié le 2 avril 2013, que le travailleur peut reprendre le travail immédiatement sans perdre l'indemnité pour incapacité de travail, à condition que le médecin-conseil l'y autorise et que, sur le plan médical, le travailleur demeure affecté d'une incapacité de travail d'au moins 50 % . L'autorisation du médecin-conseil ne doit plus être préalable, comme c'était encore le cas sous la réglementation examinée par la Cour dans son arrêt n° 51/2013, de sorte que le travailleur peut reprendre le travail sans attendre la décision du médecin-conseil.
En effet, comme il est dit en B.3.6, le travailleur doit introduire la demande d'autorisation « au plus tard le premier jour ouvrable qui précède immédiatement cette reprise » et le médecin-conseil de l'organisme assureur doit prendre sa décision « au plus tard le trentième jour ouvrable à dater du premier jour de la reprise de l'activité professionnelle au cours de l'incapacité ».
B.6. En raison de cette modification, l'identité de traitement entre la catégorie des travailleurs qui exercent une seule activité professionnelle et la catégorie des travailleurs qui exercent plusieurs activités à temps partiel ou qui cumulent une activité principale à temps plein et une activité accessoire à temps partiel et de façon intermittente ne produit plus des effets disproportionnés pour la seconde catégorie de travailleurs et est dès lors compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
Certes, il est possible que les travailleurs de la seconde catégorie, après qu'ils ont repris leur activité à temps partiel, n'obtiennent pas dans le délai mentionné de trente jours l'autorisation du médecin-conseil de poursuivre cette activité. Il est toutefois raisonnablement justifié que le législateur ait subordonné la reprise du travail à l'obtention de l'accord du médecin-conseil.
B.7. La question préjudicielle appelle une réponse négative.
B.8. Il résulte de ce qui précède que l'absence d'une disposition législative, mentionnée en B.1 et constatée dans l'arrêt n° 51/2013, n'est plus incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 100 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 12 mai 2022.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, P. Nihoul