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Arrêt
publié le 14 septembre 2022

Extrait de l'arrêt n° 36/2022 du 10 mars 2022 Numéro du rôle : 7622 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 58bis de la loi du 16 mars 1968 « relative à la police de la circulation routière », posée par la chambre des mises La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges M. Pâq(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 36/2022 du 10 mars 2022 Numéro du rôle : 7622 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 58bis de la loi du 16 mars 1968Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/03/1968 pub. 21/10/1998 numac 1998000446 source ministere de l'interieur Loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par l'arrêté royal du 16 mars 1968 portant coordination des lois relatives à la police de la circulation routière . - Traduction allemande Le texte q(...) - la loi du 10 octobre 1967 contenant le Code judiciaire (Moniteur belge du 31 octobre 1967); - (...) fermer « relative à la police de la circulation routière », posée par la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters et S. de Bethune, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par un arrêt du 12 novembre 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 11 août 2021, la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 58bis de la loi du 16 mars 1968Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/03/1968 pub. 21/10/1998 numac 1998000446 source ministere de l'interieur Loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par l'arrêté royal du 16 mars 1968 portant coordination des lois relatives à la police de la circulation routière . - Traduction allemande Le texte q(...) - la loi du 10 octobre 1967 contenant le Code judiciaire (Moniteur belge du 31 octobre 1967); - (...) fermer relative à la police de la circulation routière est-il compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il ne prévoit pas, pour le propriétaire d'un véhicule qui fait l'objet d'une immobilisation, un droit de recours lorsque le ministère public refuse de libérer le véhicule ou de mettre fin à l'immobilisation du véhicule, alors qu'un tel droit de recours est accordé au propriétaire d'un véhicule qui fait l'objet d'une saisie dans le cadre d'une information ou d'une instruction judiciaire ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La Cour est interrogée sur la compatibilité de l'article 58bis de la loi du 16 mars 1968Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/03/1968 pub. 21/10/1998 numac 1998000446 source ministere de l'interieur Loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par l'arrêté royal du 16 mars 1968 portant coordination des lois relatives à la police de la circulation routière . - Traduction allemande Le texte q(...) - la loi du 10 octobre 1967 contenant le Code judiciaire (Moniteur belge du 31 octobre 1967); - (...) fermer « relative à la police de la circulation routière » (ci-après : la loi relative à la police de la circulation routière) avec les articles 10 et 11 de la Constitution, « en ce qu'il ne prévoit pas, pour le propriétaire d'un véhicule qui fait l'objet d'une immobilisation, un droit de recours lorsque le ministère public refuse de libérer le véhicule ou de mettre fin à l'immobilisation du véhicule, alors qu'un tel droit de recours est accordé au propriétaire d'un véhicule qui fait l'objet d'une saisie dans le cadre d'une information ou d'une instruction judiciaire ».

B.2.1. L'article 58bis de la loi relative à la police de la circulation routière est l'unique disposition du chapitre VIIIbis du titre IV, intitulé « L'immobilisation du véhicule comme mesure de sûreté », et dispose : « § 1er. L'immobilisation du véhicule comme mesure de sûreté peut être ordonnée dans les cas visés à l'article 30, § § 1er à 3, et à l'article 48.

L'immobilisation comme mesure de sûreté est ordonnée par les personnes visées à l'article 55, § 1er, alinéa 3.

Lorsque l'officier de police judiciaire applique l'article 55, § 2, il peut, lui aussi, ordonner l'immobilisation du véhicule comme mesure de sûreté. § 2. Le véhicule est immobilisé aux frais et aux risques du contrevenant.

Si le propriétaire du véhicule n'est pas le contrevenant, il peut le récupérer sans frais. Les frais et risques sont mis à la charge du contrevenant. § 3. Il est mis fin à l'immobilisation comme mesure de sûreté par les personnes qui ont ordonné l'immobilisation ou, en cas d'application de l'article 55, § 2, par le procureur du Roi ou le procureur général visé à l'article 55, § 2, alinéa 2, soit d'office soit à la demande du contrevenant.

L'immobilisation ne peut pas durer au-delà du délai de remise du permis ou du titre qui en tient lieu dans les cas visés au § 1er ou si un juge a prononcé la fin de la déchéance du droit à la conduite. § 4. Quiconque utilise ou autorise un tiers à utiliser un véhicule dont il sait que l'immobilisation comme mesure de sûreté a été ordonnée est puni d'une peine d'emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de 100 euros à 1 000 euros ou d'une de ces peines seulement ».

B.2.2. En vertu de l'article 58bis de la loi relative à la police de la circulation routière, le procureur du Roi ou, dans certains cas, le procureur général près la cour d'appel ou l'officier de police judiciaire, peut ordonner l'immobilisation d'un véhicule comme mesure de sûreté, notamment lorsque le conducteur a conduit le véhicule sans disposer d'un permis de conduire valable, après un retrait immédiat du permis de conduire, ou lorsqu'il a été déchu du droit de conduire ( § 1er).

En principe, il est mis fin à l'immobilisation comme mesure de sûreté par les personnes qui ont ordonné l'immobilisation, soit d'office, soit à la demande du contrevenant ( § 3, alinéa 1er). L'immobilisation ne peut en aucun cas durer au-delà du délai de remise du permis ou si un juge a prononcé la fin de la déchéance du droit de conduire ( § 3, alinéa 2).

Si le propriétaire du véhicule n'est pas le contrevenant, il peut le récupérer sans frais. Les frais et risques sont mis à charge du contrevenant ( § 2, alinéa 2).

B.3.1. La disposition en cause ne prévoit pas la possibilité d'introduire un recours contre le refus du ministère public de lever l'immobilisation du véhicule.

La Cour de cassation, suivie par le juge a quo, en a déduit que « la décision rendue sur la base de l'article 58bis de la loi sur la circulation routière n'est pas susceptible d'appel ni davantage, s'il y échet, d'un pourvoi en cassation contre une décision rendue en appel » (Cass., 20 janvier 2009, P.08.1434.N). Dans cet arrêt, la Cour de cassation a précisé que « la levée de l'immobilisation du véhicule comme mesure de sûreté en application de l'article 58bis de la loi du 16 mars 1968Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/03/1968 pub. 21/10/1998 numac 1998000446 source ministere de l'interieur Loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par l'arrêté royal du 16 mars 1968 portant coordination des lois relatives à la police de la circulation routière . - Traduction allemande Le texte q(...) - la loi du 10 octobre 1967 contenant le Code judiciaire (Moniteur belge du 31 octobre 1967); - (...) fermer [...] est une procédure spécifique qui est incompatible avec la procédure sur requête en levée d'un acte d'instruction relatif aux biens régie par l'article 28sexies du Code d'instruction criminelle et qui lui déroge ». L'article 28sexies du Code d'instruction criminelle permet à la personne qui s'estime lésée par une saisie dans le cadre d'une information d'en demander la levée au procureur du Roi et, en cas de refus, de saisir la chambre des mises en accusation. L'article 61quater, § 1er, du Code d'instruction criminelle prévoit des garanties juridiques similaires en cas de saisie dans le cadre d'une instruction judiciaire.

B.3.2. Le juge a quo demande à la Cour si la disposition en cause fait naître une discrimination entre, d'une part, le propriétaire d'un véhicule qui a fait l'objet d'une immobilisation comme mesure de sûreté et, d'autre part, le propriétaire d'un véhicule qui a fait l'objet d'une saisie dans le cadre d'une information ou d'une instruction judiciaire. Tandis que le premier ne dispose pas d'une possibilité de recours contre une décision de refus de lever l'immobilisation, le second dispose quant à lui d'une possibilité de recours contre une décision de refus de lever la saisie.

B.4.1. Selon le Conseil des ministres, le propriétaire d'un véhicule qui a fait l'objet d'une immobilisation comme mesure de sûreté et le propriétaire d'un véhicule qui a fait l'objet d'une saisie dans le cadre d'une information ou d'une instruction judiciaire ne sont pas comparables. Le Conseil des ministres se réfère à cet égard aux finalités différentes d'une immobilisation comme mesure de sûreté et d'une saisie, ainsi qu'aux conséquences juridiques différentes et aux possibilités de levée différentes de ces mesures.

B.4.2. Il ne faut pas confondre différence et non-comparabilité. Les différences soulevées par le Conseil des ministres peuvent certes constituer un élément dans l'appréciation d'une différence de traitement, mais elles ne sauraient suffire pour conclure à la non-comparabilité, sous peine de vider de sa substance le contrôle au regard du principe d'égalité et de non-discrimination.

B.5.1. L'article 13 de la Constitution implique un droit d'accès au juge compétent. Ce droit est également garanti par l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et par un principe général de droit.

Il ressort de la décision du juge a quo que la question posée porte sur l'absence d'une possibilité de saisir le juge d'un recours dirigé contre la décision par laquelle le ministère public refuse de mettre fin à l'immobilisation du véhicule. Dans sa décision, le juge a quo se réfère aux articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Dans le cadre de son examen, la Cour tient compte du principe général de droit du droit d'accès au juge.

B.5.2. Lorsque, pour répondre à une question préjudicielle, la Cour est invitée à se prononcer sur la compatibilité d'une disposition législative avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec des droits fondamentaux, la question porte sur la constitutionnalité d'une différence de traitement entre, d'une part, les personnes qui sont victimes d'une violation de ces droits fondamentaux et, d'autre part, les personnes qui jouissent de ces droits, et ces deux catégories de personnes doivent dès lors être comparées. Pour répondre à la question préjudicielle, il suffit d'examiner si la disposition en cause est compatible avec le droit d'accès au juge qui est garanti à l'ensemble des justiciables.

B.6.1. Le défaut d'accès à un juge indépendant et impartial peut, en ce qui concerne la décision initiale d'immobiliser un véhicule comme mesure de sûreté, se justifier par la nécessité de prendre rapidement une décision dans l'intérêt de la sécurité routière.

La situation est différente en ce qui concerne le refus, par l'instance compétente, de lever l'immobilisation du véhicule.

L'absence d'une voie de recours effective auprès d'un juge indépendant et impartial contre un tel refus produit des effets disproportionnés à l'égard des intéressés, en particulier à l'égard du propriétaire qui n'est pas le contrevenant mais qui est néanmoins privé de la jouissance de son véhicule. Ils ne disposent en effet d'aucune possibilité de faire contrôler la décision de refus par un juge indépendant et impartial.

B.6.2. Ce constat n'est pas infirmé par le Conseil des ministres, qui soutient que l'impossibilité d'introduire un recours est justifiée par le fait que l'immobilisation comme mesure de sûreté serait, en règle, limitée dans le temps.

Cette durée « limitée » est en effet uniquement garantie si l'immobilisation a été ordonnée pour conduite d'un véhicule après un retrait de permis immédiat. L'immobilisation est dans ce cas levée lorsqu'il est mis fin au retrait immédiat du permis de conduire, qui est en principe limité à quinze jours et peut être prolongé au maximum de trois mois (article 55bis de la loi relative à la police de la circulation routière). Aucune date limite n'est toutefois prévue dans tous les autres cas où l'immobilisation d'un véhicule comme mesure de sûreté peut être ordonnée. Si l'immobilisation est ordonnée pour conduite d'un véhicule en dépit de la déchéance du droit de conduire, cette mesure peut s'appliquer sans limitation dans le temps, dans la mesure où l'intéressé a été condamné à une déchéance à vie du droit de conduire.

Le fait que le propriétaire du véhicule immobilisé puisse adresser une demande gracieuse au parquet en vue d'obtenir la levée de l'immobilisation ou puisse tenter de récupérer son véhicule immédiatement après que l'infraction a été établie à charge d'un tiers et avant que le véhicule soit immobilisé n'enlève rien au constat que l'intéressé est privé de garanties juridiques.

Enfin, la thèse du Conseil des ministres selon laquelle l'immobilisation comme mesure de sûreté tend à garantir la sécurité routière et est imposée à l'égard d'une personne qui n'est quoi qu'il arrive pas autorisée à conduire le véhicule n'est en tout cas pas pertinente en ce qui concerne le propriétaire du véhicule qui n'est pas le contrevenant.

B.6.3. L'article 58bis de la loi sur la circulation routière n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il ne prévoit pas, pour le propriétaire du véhicule, une voie de recours effective auprès d'un juge contre une décision de refus de lever l'immobilisation du véhicule.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 58bis de la loi du 16 mars 1968Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/03/1968 pub. 21/10/1998 numac 1998000446 source ministere de l'interieur Loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par l'arrêté royal du 16 mars 1968 portant coordination des lois relatives à la police de la circulation routière . - Traduction allemande Le texte q(...) - la loi du 10 octobre 1967 contenant le Code judiciaire (Moniteur belge du 31 octobre 1967); - (...) fermer « relative à la police de la circulation routière » viole les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il ne prévoit pas, pour le propriétaire du véhicule, une voie de recours effective auprès d'un juge contre une décision de refus de lever l'immobilisation du véhicule.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 10 mars 2022.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, L. Lavrysen

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