publié le 06 septembre 2022
Extrait de l'arrêt n° 37/2022 du 10 mars 2022 Numéro du rôle : 7695 En cause : la demande de suspension des articles 104, 205 et 215 du décret flamand du 9 juillet 2021 « portant modification de divers décrets relatifs au logement », introdui La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges J.-P. (...)
Extrait de l'arrêt n° 37/2022 du 10 mars 2022 Numéro du rôle : 7695 En cause : la demande de suspension des articles 104, 205 et 215 du décret flamand du 9 juillet 2021 « portant modification de divers décrets relatifs au logement », introduite par la SC « T'Heist Best » et autres.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges J.-P. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne et S. de Bethune, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la demande et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 8 décembre 2021 et parvenue au greffe le 9 décembre 2021, une demande de suspension des articles 104, 205 et 215 du décret flamand du 9 juillet 2021 « portant modification de divers décrets relatifs au logement » (publié au Moniteur belge du 10 septembre 2021) a été introduite par la SC « T'Heist Best », l'association d'aide sociale « Woonwinkel Knokke-Heist », la commune de Knokke-Heist, Kurt Jodts, Emmanuel Desutter, Frank Naert et Guy Demeestere, assistés et représentés par Me S. Ronse et Me T. Quintens, avocats au barreau de Flandre occidentale.
Par la même requête, les parties requérantes demandent également l'annulation des mêmes dispositions décrétales. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte B.1.1. L'article 104, attaqué, du décret flamand du 9 juillet 2021 « portant modification de divers décrets relatifs au logement » (ci-après : le décret du 9 juillet 2021) insère dans le Code flamand du logement de 2021 un article 4.46/2, qui dispose : « La société de logement dispose au plus tard à compter du 1 janvier 2024 d'un patrimoine d'au moins 1 000 logements locatifs sociaux en gestion. Pour le calcul du nombre de logements locatifs sociaux en gestion il est tenu compte des logements locatifs sociaux que la société de logement a réalisés et planifiés au 1 janvier 2024, ou à la date d'introduction de la demande d'agrément si cette date est postérieure. Pour le calcul du nombre de logements en gestion il n'est pas tenu compte des logements pris en location sur le marché locatif privé en vue de la sous-location conformément à la réglementation relative au régime de location sociale. Un logement locatif social est planifié s'il n'a pas encore été réalisé, mais l'exécution ou la procédure d'adjudication pour la réalisation du logement peut être lancée dans un délai de trois ans. La réalisation des logements locatifs sociaux planifiés doit au moins figurer dans le planning pluriannuel, visé à l'article 4.13, § 2 ».
B.1.2. Les articles 205 et 215, attaqués, du décret du 9 juillet 2021 font partie de la section 1 (« Dispositions transitoires relatives aux articles 72 à 129 ») du chapitre 8 (« Dispositions transitoires ») du décret et disposent : «
Art. 205.§ 1er. Les sociétés de logement social agréées la veille de l'entrée en vigueur du présent décret conformément aux conditions d'agrément valables à cette date, peuvent conserver cet agrément jusqu'au 31 décembre 2022 au plus tard, pour autant qu'elles continuent à remplir ces conditions d'agrément.
Les sociétés de logement social visées à l'alinéa 1 peuvent continuer à bénéficier du financement jusqu'à cette date conformément aux dispositions du Code flamand du Logement de 2021, tel qu'applicable avant la date d'entrée en vigueur du présent décret.
A partir de la date d'entrée en vigueur du présent décret, les personnes autres que les provinces, les communes et les CPAS ne peuvent acquérir des actions dans une société de logement social. Par dérogation à cette disposition, les actionnaires existants des sociétés de logement social peuvent acquérir des actions dans le cadre d'opérations de restructuration relevant du droit des sociétés avec une société de logement social ou une société de logement. § 2. Le Gouvernement flamand détermine la procédure selon laquelle une société de logement social agréée peut être agréée comme société de logement. § 3. Le Gouvernement flamand peut accorder un agrément temporaire jusqu'au 30 juin 2023 aux sociétés de logement social qui démontrent que, pour le 30 juin 2023 au plus tard, soit elles rempliront toutes les conditions d'agrément en tant que société de logement, soit elles transféreront leurs avoirs patrimoniaux et leur personnel destinés au logement social à une ou plusieurs sociétés de logement. Le Gouvernement flamand détermine la procédure et les conditions d'octroi de l'agrément temporaire et la manière dont l'agrément temporaire est converti en agrément définitif visé au paragraphe 2. § 4. Dans une société de logement social ayant la forme d'une société coopérative à responsabilité limitée ou d'une société privée, les actionnaires peuvent se retirer à tout moment durant l'exercice comptable à partir de la convocation de l'assemblée générale destinée à mettre les statuts en conformité avec les conditions d'agrément des sociétés de logement sans avoir à répondre à une autre condition. Ils notifient leur retrait à la société conformément à l'article 2:32 du Code des sociétés et des associations au plus tard cinq jours avant la date de l'assemblée générale. L'article 4.46/3, 3°, du Code flamand du Logement de 2021, tel qu'inséré par l'article 105 du présent décret, s'applique.
Les sociétés de logement social qui ont pris la forme d'une société anonyme offrent à leurs actionnaires, lors de la convocation à l'assemblée générale destinée à mettre les statuts en conformité avec les conditions d'agrément des sociétés de logement, la possibilité de faire acheter leurs actions par la société à un prix qui n'excède pas l'apport au patrimoine de la société de logement social réellement versé par les actionnaires et pas encore remboursé tel qu'enregistré au moment de l'apport. En cas d'insuffisance de moyens conformément à l'article 7:212 du Code des sociétés et des associations afin de payer le prix, le droit au paiement est suspendu jusqu'à ce que les distributions soient à nouveau permises. Le montant restant dû sur le prix est payable avant toute autre distribution aux actionnaires.
Aucun intérêt n'est dû sur ce montant. § 5. Les sociétés de logement social qui, au 31 décembre 2022, ne sont pas agréées comme sociétés de logement conformément au paragraphe 2 et ne sont pas temporairement agréées comme société de logement conformément au paragraphe 3, perdent de plein droit leur agrément à compter du 1 janvier 2023. Les sociétés de logement temporairement agréées qui ne sont pas agréées au 30 juin 2023 conformément au paragraphe 3, perdent de plein droit leur agrément temporaire. Dans les deux cas, la perte de l'agrément entraîne de plein droit la résiliation mentionnée à l'article 4.53 du Code flamand du logement de 2021, tel qu'applicable avant la date d'entrée en vigueur du présent décret. Les actionnaires reçoivent, après apurement du passif de la société de logement social, au maximum la valeur nominale de leur apport réellement versé et pas encore remboursé au patrimoine de la société de logement social telle qu'enregistrée au moment de l'apport.
Le patrimoine subsistant est transféré à une ou plusieurs sociétés de logement désignées par le Gouvernement flamand. § 6. Les offices de location sociale agréés la veille de l'entrée en vigueur du présent décret conformément aux conditions d'agrément valables à cette date, peuvent conserver cet agrément jusqu'au 30 juin 2023 au plus tard, pour autant qu'elles continuent à remplir ces conditions d'agrément. Les offices de location sociale ainsi agréés peuvent continuer à bénéficier du financement jusqu'à cette date conformément aux dispositions du Code flamand du Logement de 2021, tel qu'applicable la veille de l'entrée en vigueur du présent décret. Ils perdent de plein droit leur agrément à compter du 1 juillet 2023.
A partir de la date de perte de l'agrément conformément à l'alinéa 1, la VMSW est subrogée de plein droit dans les droits et obligations de l'office de location sociale découlant d'un contrat conclu entre l'office de location sociale et un ou plusieurs bailleurs sur le marché locatif privé, dans les conditions des articles 4.20 à 4.23 et de l'article 4.56 du Code flamand du Logement de 2021, tel qu'applicable avant la date d'entrée en vigueur du présent décret. § 7. Les sociétés de logement social agréées la veille de l'entrée en vigueur du présent décret conformément aux conditions d'agrément valables à cette date, restent, sans préjudice de l'application du présent article à l'article 217, et jusqu'à la clôture de leur liquidation, soumises aux dispositions du Code flamand du logement de 2021, tel qu'applicable la veille de l'entrée en vigueur du présent décret.
Les agences locatives sociales agréées la veille de l'entrée en vigueur du présent décret conformément aux conditions d'agrément valables à cette date, restent, sans préjudice de l'application du présent article à l'article 217, et jusqu'à la perte de leur agrément, soumis aux dispositions du Code flamand du logement de 2021, tel qu'applicable la veille de l'entrée en vigueur du présent décret.
Par dérogation aux alinéas 1 et 2, l'article 56 du présent décret s'applique aux sociétés de logement social, visées à l'alinéa 1, et aux agences locatives sociales, visées à l'alinéa 2.
Nonobstant toute disposition contraire et en complément de l'article 4.45 du Code flamand du logement de 2021, tel qu'applicable avant l'entrée en vigueur du présent décret, ils peuvent transférer des biens immobiliers de gré à gré à des sociétés de logement social ou à des offices de location sociale, pour autant que le transfert soit effectué à la condition suspensive que cette société de logement social soit agréée en tant que société de logement.
Jusqu'au retrait de leur agrément de plein droit ou jusqu'au retrait de leur agrément en vertu d'un arrêté du Gouvernement flamand, les offices de location sociale et les sociétés de logement social sont considérés comme sociétés de logement pour l'application du Code flamand de la Fiscalité du 13 décembre 2013 ». «
Art. 215.Par dérogation à l'article 4 du livre III, titre VIII, chapitre II, section II, de l'ancien Code civil et à l'article 31 du décret flamand sur la location d'habitations du 9 novembre 2018, l'agence locative sociale, la société de logement social ou la société de logement transfère, lors de la création d'une société de logement, le contrat de location principal avec un ou plusieurs bailleurs sur le marché locatif privé à la société de logement sans le consentement écrit préalable du ou des bailleurs.
Dans le cas de restructurations ou de transferts dans le cadre de la création d'une société de logement, les clauses contractuelles des contrats de location dans le cadre des missions, visées à l'article 4.55, alinéa 2, 1°, du Code flamand du Logement de 2021, tel qu'applicable avant la date d'entrée en vigueur du présent décret, ou à l'article 4.40, 4°, 5° ou 6°, du Code flamand du Logement de 2021, tel qu'inséré par l'article 91 du présent décret, prévoyant le droit de résiliation anticipée pour changement de contrôle, sont abrogées ».
B.2.1. Les dispositions attaquées s'inscrivent dans le cadre d'une réforme par laquelle le législateur décrétal vise à remplacer, d'ici le 1er janvier 2023, les sociétés de logement social et les agences locatives sociales par un seul acteur du logement, à savoir la société de logement, qui fait office d'interlocuteur unique pour le candidat-locataire social ou le candidat-acheteur social, au sein des zones d'activités à fixer par le Gouvernement flamand.
Les travaux préparatoires mentionnent : « Ainsi qu'il est indiqué dans la note de politique sur le logement 2019-2024, les acteurs du logement social au sein d'une zone d'activités fusionneront, d'ici le 1er janvier 2023, en une seule et même société de logement social. Cette intégration vise à assurer la convivialité, la transparence ainsi qu'une étroite collaboration portant sur des activités diverses dans le domaine du logement social, et elle renforcera le rôle de régie des pouvoirs locaux. Ces mesures doivent aboutir à une politique locale de qualité en matière de logement.
Plusieurs motifs justifient la réforme. Premièrement, la réforme vise à créer des avantages pour le locataire social et pour le candidat-locataire social. Il ne devra plus s'inscrire qu'une seule fois, alors qu'actuellement, il est tenu de le faire séparément auprès de tous les acteurs du logement social. La simplification doit aussi faciliter tant le suivi du candidat-locataire que celui du bailleur.
La réforme peut aussi offrir une solution au problème auquel sont confrontés les candidats-locataires ayant le plus besoin d'un logement (qui sont souvent ceux dont les revenus sont les plus bas) lorsqu'ils se trouvent dans une agence locative sociale où le loyer est nettement plus élevé que le loyer moyen demandé pour une habitation qui est donnée en location par une société de logement social. La fusion des deux activités pose les jalons d'une solution à ce problème.
Le regroupement des activités des agences locatives sociales et des sociétés de logement social permet beaucoup plus concrètement de partager l'expertise et de créer des économies d'échelle. Alors que les sociétés de logement social sont traditionnellement plus expertes dans les domaines de la construction et de la rénovation des logements sociaux, on considère que les agences locatives sociales - nées pour la plupart de l'action des CPAS ou des acteurs du secteur social - exercent surtout leurs talents dans le domaine de l'accompagnement au logement. La collaboration entre les unes et les autres doit permettre de construire davantage de logements, d'améliorer la qualité et de donner une meilleure résonance aux bonnes pratiques de chacune au sein de la société de logement de plus grande envergure, ce qui bénéficiera à tous les locataires.
Deuxièmement, la réforme offre des avantages aux pouvoirs locaux.
Grâce aux sociétés de logement, les pouvoirs locaux ont à leur disposition un exécutant unique et direct de la politique locale du logement social et ils ne doivent donc plus tenir compte des différents acteurs actuels du logement, qui ont chacun leur propre fonctionnement et leurs propres idées. En outre, en leur garantissant collectivement toujours un droit de regard suffisant sur la société de logement, les pouvoirs locaux peuvent apposer leur propre empreinte et, par conséquent, mieux répondre aux défis spécifiques (supra-locaux ou non) en matière de politique du logement sur leur territoire.
Une série d'avantages dont les locataires bénéficient profitent évidemment aussi aux bailleurs. La centralisation des connaissances des deux activités chez un seul grand acteur élargit l'expertise et permet ainsi des synergies. La fusion des acteurs en un seul acteur du logement par commune permet d'éliminer toute concurrence entre les acteurs du logement dans le cadre de la réalisation du ' Bindend Sociaal Objectief ' (objectif social contraignant) et permet, en d'autres termes, d'agir de manière plus ciblée en fonction des objectifs concrets. La fusion permet, en outre, de rationaliser la communication, en ce que cet acteur unique parlera d'une seule voix tant aux candidats-locataires qu'aux locataires, mais aussi aux responsables de la politique du logement et aux intervenants privés qui peuvent devenir des partenaires pour atteindre les objectifs dans le domaine du logement social.
Comme pour toute réforme, les véritables gains d'efficacité ne seront visibles qu'après un certain temps. Ils sont un effet secondaire intéressant et s'inscrivent dans les efforts de performance déjà mis en oeuvre précédemment dans le secteur, mais ils ne constituent pas une fin en soi dans le cadre de la présente réforme » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, p. 6).
B.2.2. Aux termes de l'article 4.36, § 1er, du Code flamand du logement de 2021, tel qu'il a été remplacé par l'article 74 du décret du 9 juillet 2021, les sociétés de logement sont des sociétés autonomes agréées par le Gouvernement flamand et responsables de l'exécution correcte de la politique du logement social. Pour être agréée et rester agréée en tant que société de logement, une société doit répondre au minimum aux dispositions des chapitres 1 à 7 du titre 3 (« Sociétés de logement ») du livre 4 (« Acteurs du logement ») du Code précité, étant entendu que le Gouvernement flamand peut imposer des conditions d'agrément supplémentaires (article 4.36, § 2).
Selon l'article 4.46/2 du Code flamand du logement de 2021, qui a été inséré par l'article 104, attaqué, du décret du 9 juillet 2021 et qui fait partie du chapitre 6 (« Patrimoine et maintien de la société de logement ») du titre 3, précité, du livre 4, la société de logement doit au plus tard à partir du 1er janvier 2024 disposer d'un patrimoine d'au moins 1 000 habitations sociales de location en gestion. Dans ce cadre, il est tenu compte des habitations sociales de location réalisées et planifiées par la société de logement, mais pas des habitations louées sur le marché locatif privé en vue d'une sous-location, conformément à la réglementation en matière de baux sociaux.
B.3.1. Il ressort des travaux préparatoires que les « sociétés de logement social existantes peuvent se faire agréer comme société de logement » et que, dans ce cadre, « certaines mesures transitoires sont prévues » (ibid., p. 9).
B.3.2. En vertu de l'article 205, § 1er, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, les sociétés de logement social agréées la veille de l'entrée en vigueur de ce décret conformément aux conditions d'agrément valables à cette date peuvent conserver cet agrément jusqu'au 31 décembre 2022 au plus tard, pour autant qu'elles continuent à remplir ces conditions d'agrément, et continuer à bénéficier du financement jusqu'à cette date, conformément aux dispositions du Code flamand du logement de 2021, tel qu'il est applicable avant la date d'entrée en vigueur du décret.
Aux termes de l'article 205, § 3, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, le Gouvernement flamand peut, en outre, accorder un agrément temporaire jusqu'au 30 juin 2023 aux sociétés de logement social qui démontrent que, pour le 30 juin 2023 au plus tard, soit elles rempliront toutes les conditions d'agrément comme société de logement, soit elles transféreront leurs avoirs patrimoniaux et leur personnel affectés au logement social à une ou plusieurs sociétés de logement.
Les sociétés de logement social agréées la veille de l'entrée en vigueur dudit décret conformément aux conditions d'agrément valables à cette date restent soumises, jusqu'à la clôture de leur liquidation, aux dispositions du Code flamand du logement de 2021, tel qu'il est applicable la veille de l'entrée en vigueur de ce décret (article 205, § 7, attaqué).
B.3.3. Les sociétés de logement social qui, au 31 décembre 2022, ne sont pas agréées ou ne sont pas agréées temporairement comme sociétés de logement, perdent d'office leur agrément à compter du 1er janvier 2023. Les sociétés de logement agréées temporairement qui ne sont pas agréées au 30 juin 2023 perdent aussi d'office leur agrément temporaire (article 205, § 5, attaqué).Dans les deux cas, la perte de l'agrément entraîne d'office la dissolution. Les actionnaires reçoivent, après apurement du passif de la société de logement social, au maximum la valeur nominale de leur apport réellement versé et non encore remboursé dans le patrimoine de la société de logement social, telle qu'elle a été enregistrée au moment de l'apport. Le patrimoine qui subsiste est transféré à une ou plusieurs sociétés de logement désignées par le Gouvernement flamand.
B.3.4. A partir de la date d'entrée en vigueur du décret du 9 juillet 2021, à savoir le 20 septembre 2021, les personnes autres que les provinces, les communes et les CPAS ne peuvent, en principe, pas acquérir des actions dans une société de logement social. Par dérogation à cette disposition, les actionnaires existants des sociétés de logement social peuvent toutefois acquérir des actions dans le cadre d'opérations de restructuration relevant du droit des sociétés avec une société de logement social ou une société de logement (article 205, § 1er, alinéa 3, attaqué, du décret du 9 juillet 2021).
B.3.5. Il ressort des travaux préparatoires que, pour les agences locatives sociales, « il n'est pas prévu qu'elles puissent se transformer en une société de logement parce que la forme juridique de la société de logement diffère trop. Par contre, les agences locatives sociales peuvent céder leur patrimoine à titre onéreux ou gratuit à une société de logement social en vue de créer une société de logement » (ibid., p. 147).
L'article 205, § 6, attaqué, du décret du 9 juillet 2021 dispose que les agences locatives sociales agréées la veille de l'entrée en vigueur de ce décret conformément aux conditions d'agrément valables à cette date, conservent cet agrément jusqu'au 30 juin 2023 au plus tard, pour autant qu'elles continuent à remplir ces conditions, et qu'elles continuent jusqu'à cette date à bénéficier du financement conformément aux dispositions du Code flamand du logement de 2021, tel qu'il est applicable la veille de l'entrée en vigueur de ce décret.
Elles perdent de plein droit leur agrément à partir du 1er juillet 2023.
A partir de la date de perte de l'agrément de l'agence locative sociale, la « Vlaamse Maatschappij voor Sociaal Wonen » est subrogée de plein droit dans les droits et obligations de l'agence locative sociale qui découlent d'un contrat conclu entre l'agence locative sociale et un ou plusieurs bailleurs actifs sur le marché locatif privé.
B.3.6. Enfin, selon l'article 215, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, lors de la création d'une société de logement, le bail principal conclu par l'agence locative sociale, la société de logement social ou la société de logement avec un ou plusieurs bailleurs actifs sur le marché locatif privé est cédé à la société de logement. Par dérogation aux dispositions de l'ancien Code civil et du décret flamand du 9 novembre 2018 « contenant des dispositions relatives à la location de biens destinés à l'habitation ou de parties de ceux-ci », cette cession s'effectue sans accord écrit et préalable du ou des bailleurs.
Le législateur décrétal entendait ainsi empêcher « que le propriétaire-bailleur puisse s'opposer à cette ou ces cessions », et ce « dans un souci de garantir au locataire social la jouissance paisible » (ibid., p. 158).
Quant à la demande de suspension B.4.1. Selon l'article 19 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, la Cour peut, à la demande de la partie requérante, par une décision motivée, suspendre en tout ou en partie le décret, qui fait l'objet d'un recours en annulation.
B.4.2. Aux termes de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, deux conditions de fond doivent être remplies pour que la suspension puisse être décidée : - des moyens sérieux doivent être invoqués; - l'exécution immédiate de la règle attaquée doit risquer de causer un préjudice grave difficilement réparable.
Les deux conditions étant cumulatives, la constatation que l'une de ces deux conditions n'est pas remplie entraîne le rejet de la demande de suspension.
B.4.3. Quant au risque de préjudice grave difficilement réparable, la suspension par la Cour d'une disposition législative doit permettre d'éviter que l'application immédiate de la norme attaquée entraîne pour la partie requérante un préjudice grave qui ne pourrait être réparé ou qui pourrait difficilement l'être en cas d'annulation de cette norme.
Il ressort de l'article 22 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 que, pour satisfaire à la deuxième condition de l'article 20, 1°, de cette loi, la personne qui forme une demande de suspension doit exposer, dans sa requête, des faits concrets et précis qui prouvent à suffisance que l'application immédiate des dispositions dont elle demande l'annulation risque de leur causer un préjudice grave difficilement réparable.
Cette personne doit notamment faire la démonstration de l'existence du risque de préjudice, de sa gravité, de son caractère difficilement réparable et de son lien avec l'application des dispositions attaquées.
B.5.1. La première partie requérante, la SC « T'Heist Best », est une société de logement social agréée ayant la forme d'une société coopérative à responsabilité limitée à finalité sociale. Elle travaille en étroite collaboration avec la deuxième partie requérante, l'association d'aide sociale « Woonwinkel Knokke-Heist », qui est une agence locative sociale. Toutes deux sont exclusivement actives sur le territoire de la troisième partie requérante, la commune de Knokke-Heist. La quatrième partie requérante donne en location plusieurs propriétés à l'association d'aide sociale « Woonwinkel Knokke-Heist », et les cinquième, sixième et septième parties requérantes sont des actionnaires privés de la SC « T'Heist Best ».
B.5.2. Les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées leur causent un préjudice grave difficilement réparable, étant donné que la SC « T'Heist Best » risque de perdre son agrément au 31 décembre 2022 et risque d'être dissoute de plein droit, étant donné qu'elle n'est pas en mesure de satisfaire à la condition d'agrément d'avoir au moins 1 000 habitations en gestion. Elles ajoutent à cet égard que la dissolution aura des conséquences très graves, notamment sur le personnel, l'organisation et le patrimoine immobilier, et qu'il en ira de même pour les cinquième, sixième et septième parties requérantes, qui sont actionnaires. Elles estiment qu'en cas d'annulation ultérieure des dispositions attaquées, ces conséquences sont très difficilement réparables.
B.6.1. Comme il est dit en B.3.2, les sociétés de logement social agréées la veille de l'entrée en vigueur du décret du 9 juillet 2021 conformément aux conditions d'agrément valables à cette date peuvent conserver cet agrément jusqu'au 31 décembre 2022 au plus tard, pour autant qu'elles continuent à remplir ces conditions d'agrément, et continuer à bénéficier du financement jusqu'à cette date conformément aux dispositions du Code flamand du logement de 2021, tel qu'il était applicable avant la date d'entrée en vigueur du décret. Le Gouvernement flamand peut, en outre, accorder un agrément temporaire jusqu'au 30 juin 2023 aux sociétés de logement social qui démontrent que, pour le 30 juin 2023 au plus tard, soit elles rempliront toutes les conditions d'agrément comme société de logement, soit elles transféreront leurs avoirs patrimoniaux et leur personnel destinés au logement social à une ou plusieurs sociétés de logement.
B.6.2. Il en ressort que les sociétés de logement social agréées qui continuent à remplir les conditions d'agrément applicables avant l'entrée en vigueur du décret du 9 juillet 2021 peuvent perdre leur agrément et être dissoutes d'office au plus tôt le 1er janvier 2023, conformément aux dispositions attaquées. En outre, le non-respect de la condition d'agrément, visée à l'article 4.46/2 du Code flamand du logement de 2021, exigeant de disposer d'un patrimoine d'au moins 1 000 logements en gestion peut aboutir au retrait de l'agrément ainsi qu'à la dissolution de la société de logement au plus tôt le 1er janvier 2024. Ces règles permettent à la Cour de se prononcer sur le recours en annulation avant la naissance du préjudice allégué. Le préjudice relatif à la perte de l'agrément et à la dissolution de la société, allégué en B.5.2, n'est donc pas un préjudice qu'une éventuelle annulation ne saurait réparer ou pourrait difficilement réparer.
B.7. Il ressort de ce qui précède que le risque de préjudice grave difficilement réparable n'est pas démontré. Dès lors qu'une des conditions de fond pour que la suspension puisse être décidée n'est pas remplie, il y a lieu de rejeter la demande de suspension.
Par ces motifs, la Cour rejette la demande de suspension.
Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 10 mars 2022.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, L. Lavrysen