publié le 26 juillet 2022
Extrait de l'arrêt n° 29/2022 du 24 février 2022 Numéro du rôle : 7460 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 275 du Code wallon de l'action sociale et de la santé, posées par le Tribunal du travail de Liège, division d La Cour constitutionnelle, composée du juge J.-P. Moerman, faisant fonction de président, du pré(...)
Extrait de l'arrêt n° 29/2022 du 24 février 2022 Numéro du rôle : 7460 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 275 du Code wallon de l'action sociale et de la santé, posées par le Tribunal du travail de Liège, division de Liège.
La Cour constitutionnelle, composée du juge J.-P. Moerman, faisant fonction de président, du président L. Lavrysen, et des juges T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters et E. Bribosia, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président faisant fonction J.-P. Moerman, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 5 novembre 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 9 novembre 2020, le Tribunal du travail de Liège, division de Liège, a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 275 du Code wallon de l'Action sociale et de la Santé du 29 septembre 2011 viole-t-il les articles 10, 11 de la Constitution, combinés à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, et particulièrement ses articles 19, et 26, ainsi qu'à la Charte sociale européenne révisée du 3 mai 1996 et particulièrement son article 15, dans la mesure où : a) cette disposition législative exclut du champ d'application du décret et du droit à l'aide individuelle à l'intégration, les personnes handicapées qui n'avaient pas encore atteint l'âge de 65 ans lorsqu'elles ont été frappées d'un handicap et n'ont pas introduit une première demande d'aide avant d'atteindre l'âge de 65 ans, alors que les personnes qui ont introduit une première demande d'aide dans les mêmes conditions avant d'avoir atteint l'âge de 65 ans peuvent bénéficier de cette intervention ? b) cette disposition législative exclut du champ d'application du décret et du droit à l'aide individuelle à l'intégration, les personnes handicapées qui n'avaient pas encore atteint l'âge de 65 ans lorsqu'elles ont été frappées d'un handicap et n'ont pas introduit une première demande d'aide avant d'atteindre l'âge de 65 ans, alors que les personnes qui ont introduit une demande portant sur la même prestation dans le cadre d'une seconde demande après avoir atteint 65 ans mais qui avait déjà introduit une première demande portant sur une autre prestation, avant d'avoir atteint 65 ans, peuvent bénéficier de cette intervention ? 2.L'article 275 du Code wallon de l'Action sociale et de la Santé du 29 septembre 2011 en ce qu'il habilite le Gouvernement wallon à exclure du champ d'application du décret et du droit à l'aide individuelle à l'intégration (au travers de l'article 785 du code réglementaire wallon de l'action sociale et de la santé), les personnes handicapées qui n'ont pas introduit une première demande d'aide avant d'atteindre l'âge de 65 ans, dont le handicap n'a pas été constaté par l'Agence avant l'âge de 65 ans mais pour lesquelles il n'est pas contesté qu'elles ont été frappées d'un handicap avant qu'elles n'aient atteint l'âge de 65 ans, alors que les personnes qui comme elles ont été frappées d'un handicap avant d'avoir atteint l'âge de 65 ans mais ont introduit une première demande d'aide avant d'avoir atteint l'âge de 65 ans peuvent bénéficier de cette intervention, viole-t-il les articles 10, 11 de la Constitution, combinés à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, et particulièrement ses articles 19, et 26, ainsi qu'à la Charte sociale européenne révisée du 3 mai 1996 et particulièrement son article 15 ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la disposition en cause B.1.1. L'article 275 de la partie décrétale du Code wallon de l'action sociale et de la santé, adopté le 29 septembre 2011 (ci-après : le Code wallon de l'action sociale et de la santé), tel qu'il a été modifié par le décret du 3 décembre 2015 « relatif à l'Agence wallonne de la santé, de la protection sociale, du handicap et des familles », dispose : « § 1er. Sans préjudice des dispositions spécifiques énoncées dans le décret II du 22 juillet 1993 attribuant l'exercice de certaines compétences de la Communauté française à la Région wallonne et à la Commission communautaire française et prises en application de ces dispositions, peuvent bénéficier des prestations les personnes handicapées qui n'ont pas atteint l'âge de 65 ans au moment où elles introduisent leur première demande d'intervention.
Les bénéficiaires doivent en outre satisfaire aux conditions suivantes : - être domiciliés sur le territoire de la région de langue française ou sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale dans le cadre d'un accord de coopération; - être de nationalité belge ou être de statut apatride ou réfugiés reconnus ou être travailleurs ou enfants de travailleurs d'un Etat membre de l'Union européenne.
Les personnes qui ne répondent pas aux conditions de nationalité peuvent néanmoins bénéficier des prestations pour autant qu'elles justifient d'une période de résidence régulière et ininterrompue de cinq ans en Belgique précédant leur demande d'intervention.
La période de résidence régulière et ininterrompue n'est pas exigée pour le conjoint ou les enfants à charge d'une personne qui justifie d'une durée de résidence requise. § 2. Le Gouvernement peut étendre l'application du présent livre, dans les conditions fixées par lui, à des personnes handicapées autres que celles visées au paragraphe 1er. § 3. Sous réserve de l'alinéa 2 du paragraphe 1er, des accords de coopération approuvés par le Parlement dérogent aux dispositions énoncées aux paragraphes 1er et 2 du présent article. § 4. Sous réserve de réciprocité et dans le cadre d'un accord de coopération, le Gouvernement prend en charge les frais liés au placement et à l'intégration socio-professionnelle de personnes handicapées accueillies, en vertu de la réglementation arrêtée par la Commission communautaire française, dans des institutions situées dans la région de langue française. § 5. Des accords de coopération précisent les conditions et les modalités d'accueil, d'hébergement et d'intégration socio-professionnelle des personnes handicapées relevant des autres entités fédérées ».
Les questions préjudicielles portent spécifiquement sur le paragraphe 1er, alinéa 1er, ainsi que sur le paragraphe 2 de la disposition précitée. La Cour limite son examen à ceux-ci.
B.1.2. La disposition en cause reprend le texte de l'article 16 du décret du 6 avril 1995 « relatif à l'intégration des personnes handicapées ». Celui-ci était expliqué en ces mots : « Seul l'article 16 précise que l'ouverture du droit prend fin à 65 ans sans naturellement que la personne handicapée perde ses droits à cet âge et sans empêcher que des dispositions particulières soient arrêtées pour des services particuliers » (Doc. parl., Parlement wallon, 1993-1994, n° 266/22, p. 21).
Concernant un amendement, finalement rejeté, les travaux préparatoires mentionnent le critère spécifique de l'âge : « Cet amendement vise à supprimer les termes ' qui n'ont pas atteint l'âge de 65 ans au moment où elles introduisent leur première demande d'intervention '. L'auteur de l'amendement ne comprend pas cette restriction, alors qu'une personne qui devient handicapée à 65 ans doit pouvoir bénéficier d'un accompagnement qui s'avère d'autant plus nécessaire que son handicap est tardif.
Le Ministre s'est également interrogé sur cette limite d'âge; cette règle est pourtant présente dans bon nombre de législations. En l'occurrence, il ne s'agit pas des personnes qui étaient déjà handicapées avant l'âge de 65 ans, mais de celles qui le deviennent après 65 ans. La difficulté réside en la liaison ou non du handicap au facteur vieillissement. Le paragraphe 2 du nouveau texte proposé : ' Le Gouvernement peut étendre l'application du présent décret dans les conditions fixées par lui, à des personnes handicapées autres que celles visées au paragraphe 1er ' permet de prendre en compte ces cas spécifiques » (Doc. parl., Parlement wallon, 1993-1994, n° 266/22, p. 39).
B.1.3. Par le décret du 1er octobre 2020 « relatif à l'allocation pour l'aide aux personnes âgées et portant modification du Code wallon de l'action sociale et de la santé », il a été inséré un Livre IIIquater dans la partie 1 du Code précité, intitulé « Allocation pour l'aide aux personnes âgées ». Cette réglementation prévoit une allocation pour l'aide aux personnes âgées qui est accordée à la personne handicapée âgée d'au moins 65 ans dont le manque ou la réduction d'autonomie est établi.
Toutefois, le litige sur lequel le juge a quo doit statuer porte sur une décision qui a refusé l'octroi d'une aide individuelle à l'intégration pour les personnes handicapées et qui est antérieure à l'élaboration de cette réglementation. Par conséquent, la Cour n'en tiendra pas compte pour répondre aux questions préjudicielles.
Quant à la première question préjudicielle B.2.1. La Cour est saisie d'une question préjudicielle portant sur la compatibilité de l'article 275 du Code wallon de l'action sociale et de la santé avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 15 de la Charte sociale européenne révisée et avec les articles 19 et 26 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, en ce qu'il exclut du champ d'application du décret et du droit à l'aide individuelle à l'intégration, les personnes handicapées qui n'avaient pas encore atteint l'âge de 65 ans lorsqu'elles ont été frappées d'un handicap et n'ont pas introduit une première demande d'aide avant d'atteindre l'âge de 65 ans, alors que les personnes qui ont introduit une première demande d'aide dans les mêmes conditions avant d'avoir atteint l'âge de 65 ans peuvent bénéficier de cette intervention (première partie) et alors que les personnes qui ont introduit une demande portant sur la même prestation dans le cadre d'une seconde demande après avoir atteint 65 ans mais qui avait déjà introduit une première demande portant sur une autre prestation, avant d'avoir atteint 65 ans, peuvent bénéficier de cette intervention (seconde partie).
B.2.2. Ainsi, les deux parties de la question portent sur la différence de traitement que la disposition en cause fait naître au sein de la catégorie des personnes qui sont frappées d'un handicap avant l'âge de 65 ans mais qui demandent une intervention après cet âge, selon que ces personnes ont introduit ou non une première demande d'aide avant l'âge de 65 ans.
B.2.3. Il ressort de la décision de renvoi que le litige devant le juge a quo porte sur une personne qui a été frappée d'un handicap avant l'âge de 65 ans et à laquelle l'aide individuelle à l'intégration pour l'achat de produits d'assistance, qui a été demandée après l'âge de 65 ans, a été refusée au motif que l'intéressée n'avait pas introduit une première demande pour une autre intervention avant cet âge, bien que l'existence du handicap et sa date de survenance ne soient pas contestées et que la nécessité du produit d'assistance présente un lien direct avec ce handicap.
La Cour limite son examen à cette situation.
B.3. L'aide individuelle à l'intégration pour l'achat de produits d'assistance doit être comprise au sens des articles 784 et suivants du Code réglementaire wallon de l'action sociale et de la santé, adopté le 4 juillet 2013, qui fixent les conditions relatives à son octroi.
L'article 784 du Code précité dispose : « Pour l'application des sections 1re à 3 du présent chapitre, il convient d'entendre par : 1° l'aide individuelle à l'intégration : les produits d'assistance, les prestations de services et les aménagements, destinés à compenser le handicap ou à prévenir son aggravation;2° le produit d'assistance : tout produit, instrument, équipement ou système technique adapté ou spécialement conçu pour améliorer le fonctionnement d'une personne handicapée, sauf exceptions reprises à l'annexe 82 ». Selon l'article 786, § 1er, l'aide individuelle à l'intégration est accordée à la personne handicapée pour les frais qui, en raison de son handicap, sont nécessaires à ses activités et sa participation à la vie en société.
L'article 787 du Code précité dispose : « Pour la personne handicapée ayant atteint l'âge de soixante-cinq ans au moment de l'introduction de la demande d'intervention, celle-ci ne peut être accordée que si les frais découlent directement du handicap constaté par l'AWIPH avant l'âge de soixante-cinq ans ».
Cette disposition suppose ainsi que, conformément à l'article 275 précité, l'intéressé a déjà introduit une première demande d'intervention avant cet âge et que le handicap a été reconnu par l'agence précitée.
B.4. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.5.1. L'article 15 de la Charte sociale européenne révisée dispose : « Droit des personnes handicapées à l'autonomie, à l'intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté En vue de garantir aux personnes handicapées, quel que soit leur âge, la nature et l'origine de leur handicap, l'exercice effectif du droit à l'autonomie, à l'intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté, les Parties s'engagent notamment : 1. à prendre les mesures nécessaires pour fournir aux personnes handicapées une orientation, une éducation et une formation professionnelle dans le cadre du droit commun chaque fois que possible ou, si tel n'est pas le cas, par le biais d'institutions spécialisées publiques ou privées;2. à favoriser leur accès à l'emploi par toute mesure susceptible d'encourager les employeurs à embaucher et à maintenir en activité des personnes handicapées dans le milieu ordinaire de travail et à adapter les conditions de travail aux besoins de ces personnes ou, en cas d'impossibilité en raison du handicap, par l'aménagement ou la création d'emplois protégés en fonction du degré d'incapacité.Ces mesures peuvent justifier, le cas échéant, le recours à des services spécialisés de placement et d'accompagnement; 3. à favoriser leur pleine intégration et participation à la vie sociale, notamment par des mesures, y compris des aides techniques, visant à surmonter des obstacles à la communication et à la mobilité et à leur permettre d'accéder aux transports, au logement, aux activités culturelles et aux loisirs ». B.5.2. La Convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptée à New York le 13 décembre 2006, a été ratifiée le 2 juillet 2009 par la Belgique. En Région wallonne, elle a fait l'objet du décret du 30 avril 2009 « portant assentiment à la Convention relative aux droits des personnes handicapées et au Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptés à New York, le 13 décembre 2006 ». Elle dispose : «
Article 19.Autonomie de vie et inclusion dans la société Les Etats Parties à la présente Convention reconnaissent à toutes les personnes handicapées le droit de vivre dans la société, avec la même liberté de choix que les autres personnes, et prennent des mesures efficaces et appropriées pour faciliter aux personnes handicapées la pleine jouissance de ce droit ainsi que leur pleine intégration et participation à la société, notamment en veillant à ce que : a) Les personnes handicapées aient la possibilité de choisir, sur la base de l'égalité avec les autres, leur lieu de résidence et où et avec qui elles vont vivre et qu'elles ne soient pas obligées de vivre dans un milieu de vie particulier;b) Les personnes handicapées aient accès à une gamme de services à domicile ou en établissement et autres services sociaux d'accompagnement, y compris l'aide personnelle nécessaire pour leur permettre de vivre dans la société et de s'y insérer et pour empêcher qu'elles ne soient isolées ou victimes de ségrégation;c) Les services et équipements sociaux destinés à la population générale soient mis à la disposition des personnes handicapées, sur la base de l'égalité avec les autres, et soient adaptés à leurs besoins ». «
Article 26.Adaptation et réadaptation 1. Les Etats Parties prennent des mesures efficaces et appropriées, faisant notamment intervenir l'entraide entre pairs, pour permettre aux personnes handicapées d'atteindre et de conserver le maximum d'autonomie, de réaliser pleinement leur potentiel physique, mental, social et professionnel, et de parvenir à la pleine intégration et à la pleine participation à tous les aspects de la vie.A cette fin, les Etats Parties organisent, renforcent et développent des services et programmes diversifiés d'adaptation et de réadaptation, en particulier dans les domaines de la santé, de l'emploi, de l'éducation et des services sociaux, de telle sorte que ces services et programmes : a) commencent au stade le plus précoce possible et soient fondés sur une évaluation pluridisciplinaire des besoins et des atouts de chacun;b) facilitent la participation et l'intégration à la communauté et à tous les aspects de la société, soient librement acceptés et soient mis à la disposition des personnes handicapées aussi près que possible de leur communauté, y compris dans les zones rurales.2. Les Etats Parties favorisent le développement de la formation initiale et continue des professionnels et personnels qui travaillent dans les services d'adaptation et de réadaptation.3. Les Etats Parties favorisent l'offre, la connaissance et l'utilisation d'appareils et de technologies d'aide, conçus pour les personnes handicapées, qui facilitent l'adaptation et la réadaptation ». B.6.1. La différence de traitement au sujet de laquelle la Cour est interrogée repose sur un critère objectif, à savoir l'âge auquel la première demande d'intervention pour les personnes handicapées est introduite. Si cette demande a lieu avant que le demandeur ait atteint l'âge de 65 ans, l'intéressé entre en ligne de compte après cet âge également pour bénéficier de l'aide individuelle à l'intégration pour l'achat de produits d'assistance. Si, avant l'âge de 65 ans, aucune première demande d'intervention n'a été introduite, l'intéressé n'entre pas en ligne de compte pour bénéficier de cette aide individuelle à l'intégration.
B.6.2. Il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.2.1 qu'en exigeant que la première demande d'intervention soit introduite avant l'âge de 65 ans, le législateur décrétal a voulu distinguer la perte d'autonomie causée par un handicap de la perte d'autonomie causée par le vieillissement, dès lors que ces deux cas sont soumis à des régimes légaux différents, à savoir, d'une part, le régime prévu pour les personnes handicapées, et, d'autre part, le régime prévu pour les personnes âgées. Le fait qu'une personne handicapée introduise une première demande d'intervention après l'âge de 65 ans n'a donc en principe pas pour effet qu'elle soit privée de toute intervention, mais qu'elle relève d'un autre système d'aide, comme la Cour l'a constaté dans ses arrêts n° 18/2001 du 14 février 2001 et n° 51/2001 du 18 avril 2001.
B.6.3. Il en va toutefois tout autrement en ce qui concerne l'aide individuelle à l'intégration pour l'achat de produits d'assistance, au sens des articles 784 et suivants du Code réglementaire wallon de l'action sociale et de la santé. En effet, si la personne handicapée âgée de plus de 65 ans n'a pas introduit une première demande d'intervention avant cet âge, elle sera exclue de cette aide individuelle à l'intégration, sans qu'elle puisse solliciter une autre intervention pour se procurer les produits d'assistance qui lui sont nécessaires, même s'il n'est pas contesté que le handicap est survenu avant l'âge de 65 ans et que les frais relatifs à ces produits d'assistance sont directement liés à son handicap.
B.6.4. Dans un tel cas, il n'est pas raisonnablement justifié qu'une aide individuelle à l'intégration pour l'achat de produits d'assistance soit refusée à une personne qui ne sollicite pas d'aide financière de la part de l'autorité publique au moment où elle est frappée d'un handicap, alors que, suite à ce handicap, ces produits d'assistance deviennent par contre nécessaires pour garantir l'autonomie de cette personne après qu'elle a atteint l'âge de 65 ans.
B.7. L'article 275 du Code wallon de l'action sociale et de la santé n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il exclut de l'aide individuelle à l'intégration pour l'achat de produits d'assistance, au sens des articles 784 et suivants du Code réglementaire wallon de l'action sociale et de la santé, une personne qui n'avait pas encore atteint l'âge de 65 ans au moment où elle a été frappée d'un handicap et qui n'avait pas introduit une première demande d'intervention avant cet âge, bien que l'existence du handicap ne soit pas contestée et que la nécessité des produits d'assistance découle directement de ce handicap.
Quant au maintien des effets B.8. A titre subsidiaire, l'AViQ et le Collège de la Commission communautaire française demandent, en cas de constat d'inconstitutionnalité, de maintenir les effets de la disposition en cause jusqu'à ce qu'un nouveau plan budgétaire soit adopté. Ils soutiennent qu'il existe un risque réel pour la viabilité financière des agences en charge de ces aides tant en Région wallonne qu'en région bilingue de Bruxelles-Capitale.
B.9. Le maintien des effets doit être considéré comme une exception à la nature déclaratoire de l'arrêt rendu au contentieux préjudiciel.
Avant de décider de maintenir les effets de la disposition en cause, la Cour doit constater que l'avantage tiré de l'effet du constat d'inconstitutionnalité non modulé est disproportionné par rapport à la perturbation que ce constat impliquerait pour l'ordre juridique.
B.10. Compte tenu de la portée limitée du constat d'inconstitutionnalité précisé en B.7, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande.
Quant à la seconde question préjudicielle B.11. Dans la seconde question préjudicielle, la Cour est interrogée sur la compatibilité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 15 de la Charte sociale européenne révisée et avec les articles 19 et 26 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, de l'habilitation effectuée au profit du Gouvernement wallon, en ce qu'elle aurait pour effet potentiel d'exclure du champ d'application du bénéfice des prestations relatives aux personnes handicapées celles qui n'ont pas introduit une première demande d'aide avant d'atteindre l'âge de 65 ans.
B.12. Il ressort des motifs de la décision de renvoi que l'habilitation contenue dans la disposition en cause trouve son application à l'article 787 du Code réglementaire wallon de l'action sociale et de la santé, qui dispose : « Pour la personne handicapée ayant atteint l'âge de soixante-cinq ans au moment de l'introduction de la demande d'intervention, celle-ci ne peut être accordée que si les frais découlent directement du handicap constaté par l'AWIPH avant l'âge de soixante-cinq ans ».
B.13. Une habilitation législative en faveur du pouvoir exécutif qui concerne une matière que la Constitution ne réserve pas au législateur n'est pas inconstitutionnelle. Dans un tel cas, en effet, le législateur fait usage de la liberté que lui laisse le Constituant de disposer dans une telle matière. La Cour n'est pas compétente pour censurer une disposition qui règle la répartition de compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, sauf si cette disposition méconnaît les règles répartitrices de compétences entre l'autorité fédérale, les communautés et les régions ou si le législateur prive une catégorie de personnes de l'intervention d'une assemblée démocratiquement élue, prévue explicitement par la Constitution, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
B.14. La seconde question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 275 du Code wallon de l'action sociale et de la santé viole les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il exclut de l'aide individuelle à l'intégration pour l'achat de produits d'assistance, au sens des articles 784 et suivants du Code réglementaire wallon de l'action sociale et de la santé, une personne qui n'avait pas encore atteint l'âge de 65 ans au moment où elle a été frappée d'un handicap et qui n'avait pas introduit une première demande d'intervention avant cet âge, bien que l'existence du handicap ne soit pas contestée et que la nécessité des produits d'assistance découle directement de ce handicap.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 24 février 2022.
Le greffier, F. Meersschaut Le président f.f., J.-P. Moerman