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Arrêt
publié le 13 octobre 2022

Extrait de l'arrêt n° 27/2022 du 17 février 2022 Numéro du rôle : 7497 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 2.6.1, § 3, 4°, du Code flamand de l'aménagement du territoire, posée par le Tribunal de première instance d La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges J.-P. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 27/2022 du 17 février 2022 Numéro du rôle : 7497 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 2.6.1, § 3, 4°, du Code flamand de l'aménagement du territoire, posée par le Tribunal de première instance du Limbourg, division de Tongres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges J.-P. Moerman, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune et E. Bribosia, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 21 août 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 20 janvier 2021, le Tribunal de première instance du Limbourg, division de Tongres, a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 2.6.1, § 3, 4°, du Code flamand de l'aménagement du territoire viole-t-il les articles 10, 11 et 16 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qui concerne les terrains situés dans une zone d'extension d'habitat qui, la veille de l'entrée en vigueur du plan définitif imposant une interdiction de construire, étaient destinés à accueillir des bâtiments d'une profondeur de construction supérieure à 50 mètres à partir de l'alignement ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la disposition en cause et à son contexte B.1.1. La question préjudicielle porte sur l'article 2.6.1, § 3, 4°, du Code flamand de l'aménagement du territoire, tel qu'il a été remplacé par l'article 48 du décret du 8 décembre 2017 « modifiant diverses dispositions en matière d'aménagement du territoire, d'écologie, d'environnement et d'aménagement du territoire » (ci-après : le décret du 8 décembre 2017).

B.1.2. L'article 2.6.1 du Code flamand de l'aménagement du territoire règle l'indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale, qui est une indemnisation limitée à laquelle peut donner lieu une interdiction de construire ou de lotir découlant d'un plan d'exécution spatial (article 2.6.1, § § 1er et 2, du Code flamand de l'aménagement du territoire).

Une indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale est accordée lorsque, en vertu d'un plan d'exécution spatial entré en vigueur, une parcelle ne peut plus faire l'objet d'un permis de bâtir ou de lotir, alors que c'était encore le cas la veille de l'entrée en vigueur de ce plan définitif (article 2.6.1, § 2, du Code flamand de l'aménagement du territoire). En vertu de l'article 2.6.2, § 2, alinéa 1er, du Code flamand de l'aménagement du territoire, l'indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale s'élève à 80 % de la moins-value.

B.1.3. Avant sa modification par le décret du 8 décembre 2017, l'article 2.6.1, § 3, du Code flamand de l'aménagement du territoire disposait : « Pour l'application de l'indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale, les critères cumulatifs suivants doivent de surcroît être remplis la veille de l'entrée en vigueur du plan définitif : 1° la parcelle doit être située le long d'une route suffisamment équipée, conformément à l'article 4.3.5, § 1er; 2° la parcelle doit entrer en ligne de compte pour l'édification d'une construction sur le plan de l'urbanisme et de la technique de construction;3° la parcelle doit être située dans une zone constructible, comme définie dans un plan d'aménagement ou dans un plan d'exécution [spatial];4° seuls les 50 premiers mètres à partir de l'alignement entrent en ligne de compte pour les dommages résultant de la planification spatiale. Le critère visé au premier alinéa, 1°, ne s'applique toutefois pas aux parcelles sur lesquelles sont situés les bâtiments d'entreprise et l'habitation des exploitants d'une entreprise agricole ou horticole existante ».

B.1.4. Cette version de l'article 2.6.1, § 3, du Code flamand de l'aménagement du territoire ne diffère pas de l'article 84, § 3, abrogé, du décret du 18 mai 1999 « portant organisation de l'aménagement du territoire » (ci-après : le décret du 18 mai 1999).

Les travaux préparatoires de l'article 84, § 3, du décret du 18 mai 1999 mentionnent ce qui suit : « § 3. Le présent paragraphe précise un certain nombre de critères supplémentaires auxquels il doit être satisfait de manière cumulative pour qu'une parcelle puisse entrer en ligne de compte en vue d'une indemnité de réparation des dommages résultant de la planification spatiale. Ces conditions sont fixées parce que l'indemnité de dommages résultant de la planification spatiale n'est accordée que pour des parcelles ayant le caractère de terrain à bâtir.

Le point 2 pose la condition que la parcelle soit constructible, du point de vue urbanistique et technique. Il est évidemment possible de bâtir sur tous les terrains, mais ceux-ci n'acquièrent pas pour autant le statut de terrain à bâtir. La jurisprudence et la doctrine dominantes confèrent d'ores et déjà à ce critère un contenu satisfaisant. Sont exclus les terrains qui, par nature, ne conviennent pas à la construction, à moins d'en changer le caractère de manière artificielle afin de rendre le terrain constructible.

Le point 3 exige explicitement que la parcelle soit située dans une zone constructible, fixée dans un plan d'aménagement ou dans un plan d'exécution spatial. Sont exclues les parcelles qui ont déjà été réservées, dans un plan d'aménagement ou un plan d'exécution spatial, à d'autres fins que la construction, par exemple les espaces verts.

La condition mentionnée au point 2, à savoir que la parcelle soit adjacente à une voie suffisamment équipée, ne s'applique pas à l'obtention d'une indemnité de réparation de dommages résultant de la planification spatiale pour les entreprises agricoles existantes et leur siège d'exploitation, étant donné que, par nature, ces bâtiments ne remplissent pas toujours cette condition.

Seuls les cinquante premiers mètres à partir de l'alignement entrent en ligne de compte pour une indemnité de réparation des dommages résultant de la planification spatiale (point 4). Cette limitation découle d'une part déjà de l'exigence de situation le long d'une voie suffisamment équipée et est tirée de l'analyse de la jurisprudence dominante qui en a déduit la règle des 50 mètres. La profondeur de 50 mètres à partir de l'alignement est la profondeur de construction habituelle. Les terrains de fond qui sont situés au-delà de la première bande de 50 mètres n'entrent pas en ligne de compte pour une indemnité de réparation des dommages résultant de la planification spatiale (voyez, entre autres, Cour de cassation, n° 7028, 30 novembre 1990) » (Doc.parl., Parlement flamand, 1998-1999, n° 1332/1, p. 46).

B.1.5. Par son arrêt n° 140/2016 du 10 novembre 2016, la Cour s'est prononcée sur la compatibilité des articles 2.6.1, § 3, 4°, et 2.6.2, § 2, alinéa 1er, du Code flamand de l'aménagement du territoire avec les articles 10, 11 et 16 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

Par cet arrêt, la Cour a jugé : « B.16. En prévoyant que l'indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale s'élève à 80 % de la moins-value et est limitée aux cinquante premiers mètres à partir de l'alignement, le législateur décrétal n'a, en principe, pas pris une mesure qui serait manifestement disproportionnée au but qu'il poursuit ou qui puisse être considérée comme une atteinte illicite au droit de propriété, en vertu de l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

En effet, la double limitation du montant de l'indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale est liée à la condition qu'une telle indemnisation soit uniquement accordée au propriétaire d'un terrain à bâtir, qui doit en outre avoir subi un dommage certain, actuel et objectivement déterminable et qui n'est indemnisé que partiellement, à titre de compensation pour la non-indemnisation de principe des servitudes d'utilité publique.

C'est au législateur décrétal qu'il appartient de déterminer les cas dans lesquels une limitation du droit de propriété donne lieu à une indemnisation et il dispose en l'espèce d'un large pouvoir d'appréciation. En règle générale, et particulièrement en zone d'habitat, aucune charge disproportionnée n'est donc imposée aux propriétaires de terrains à bâtir, puisque l'on ne peut, d'ordinaire, construire sur une profondeur supérieure à cinquante mètres à partir de l'alignement.

Il en va autrement toutefois pour les terrains situés dans des zones autres que les zones d'habitat telles que les zones industrielles, les zones artisanales, les zones pour petites et moyennes entreprises et d'autres zones qui sont destinées à accueillir des bâtiments d'une profondeur de construction plus importante. Dans un tel cas, la limitation de l'indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale aux cinquante premiers mètres à partir de l'alignement n'est pas raisonnablement justifiée ».

La Cour conclut : « - L'article 2.6.1, § 3, 4°, du Code flamand de l'aménagement du territoire viole les articles 10, 11 et 16 de la Constitution, combinés avec l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, mais uniquement en ce qui concerne des terrains situés dans des zones autres que des zones d'habitat, telles que des zones industrielles, des zones artisanales, des zones pour petites et moyennes entreprises et d'autres zones qui, la veille de l'entrée en vigueur du plan définitif imposant une interdiction de bâtir, étaient destinées à accueillir des bâtiments d'une profondeur de construction supérieure à 50 mètres à partir de l'alignement. - L'article 2.6.2, § 2, du Code flamand de l'aménagement du territoire ne viole pas les articles 10, 11 et 16 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ».

B.1.6. A la suite de cet arrêt, le législateur décrétal a, par l'article 48 du décret du 8 décembre 2017, remplacé l'article 2.6.1, § 3, 4°, du Code flamand de l'aménagement du territoire comme suit : « dans les zones qui relèvent de l'affectation de zone ' zone d'habitat ', visée à l'article 5 de l'arrêté royal du 28 décembre 1972 relatif à la présentation et à la mise en oeuvre des projets de plans et des plans de secteur, ou qui relèvent de la catégorie d'affectation de zone ' habitation ', visée à l'article 2.2.6, § 2, alinéa 2, 1°, seuls les 50 premiers mètres à partir de l'alignement sont pris en compte pour les dommages résultant de la planification spatiale ».

L'article 5 de l'arrêté royal du 28 décembre 1972 « relatif à la présentation et à la mise en oeuvre des projets de plans et des plans de secteur », auquel cette disposition se réfère, dispose : « 1. Les zones d'habitat : 1.0. Les zones d'habitat sont les zones destinées à la résidence ainsi qu'aux activités de commerce, de service, l'artisanat et de petite industrie, pour autant qu'elles ne doivent pas être isolées dans une zone prévue à cet effet pour des raisons de bon aménagement aux espaces verts, aux établissements socioculturels, aux équipements de service public, aux équipements touristiques, aux exploitations agricoles.

Ces installations, établissements équipements ne peuvent toutefois être autorisés que pour autant qu'ils soient compatibles avec le voisinage immédiat. 1.1. Les zones d'extension de l'habitat sont réservées exclusivement à la construction groupée d'habitations tant que l'autorité compétente ne s'est pas prononcée sur l'aménagement de la zone et que, selon le cas, soit ladite autorité n'a pas pris de décision d'engagement des dépenses relatives aux équipements, soit que ces derniers n'ont pas fait l'objet d'un engagement accompagné de garantie de la part du promoteur ».

L'article 2.2.6, § 2, alinéa 2, 1°, également mentionné dans cette disposition, du Code flamand de l'aménagement du territoire dispose : « Une prescription urbanistique d'un plan d'exécution spatial relève à tout moment d'une catégorie ou d'une sous-catégorie d'affectation de zone.

L'affectation de zone comporte les catégories suivantes : 1° habitat.Cette catégorie comporte au moins les sous-catégories d'affectation de zone suivantes : a) zone d'habitat : principalement destinée à l'habitat et aux activités et infrastructures connexes de l'habitat;b) zone d'habitat et agricole : principalement destinée à l'habitat, à l'agriculture, aux espaces verts publics et aux espaces publics empierrés ainsi qu'aux activités connexes de l'habitat ». Le législateur décrétal a souligné qu'il s'agit, « par le biais de la référence à l'article 5 de l'arrêté royal de 1972, des zones d'habitat au sens large, c'est-à-dire que les zones d'habitat ' ordinaires ', mais par exemple également la zone d'habitat rurale, les parcs résidentiels etc., sont comprises, de même que les zones d'extension de l'habitat (pour autant qu'une indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale puisse être obtenue pour une telle zone) » (Doc. parl, Parlement flamand, 2016-2017, n° 1149/1, p. 81).

Quant au fond B.2. Le juge a quo demande à la Cour si l'article 2.6.1, § 3, 4°, du Code flamand de l'aménagement du territoire, tel qu'il a été remplacé par l'article 48 du décret du 8 décembre 2017, viole les articles 10, 11 et 16 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que cette disposition est applicable aux « terrains situés dans une zone d'extension d'habitat qui, la veille de l'entrée en vigueur du plan définitif imposant une interdiction de construire, étaient destinés à accueillir des bâtiments d'une profondeur de construction supérieure à 50 mètres à partir de l'alignement ».

B.3.1. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.3.2. L'article 16 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité ».

L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens.

Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».

B.3.3. Cette disposition de droit international ayant une portée analogue à celle de l'article 16 de la Constitution, les garanties qu'elle contient forment un ensemble indissociable avec celles qui sont inscrites dans cette disposition constitutionnelle, de sorte que la Cour en tient compte lors de son contrôle de la disposition en cause.

B.3.4. L'article 1er du Protocole précité offre une protection non seulement contre une expropriation ou une privation de propriété (premier alinéa, seconde phrase) mais également contre toute ingérence dans le droit au respect des biens (premier alinéa, première phrase) et contre toute réglementation de l'usage des biens (second alinéa).

La limitation du droit de propriété découlant d'un plan d'exécution spatial règle « l'usage des biens conformément à l'intérêt général », au sens du second alinéa de l'article 1er du Premier Protocole additionnel, et relève donc du champ d'application de cette disposition conventionnelle, lue en combinaison avec l'article 16 de la Constitution.

B.3.5. Toute ingérence dans le droit de propriété doit réaliser un juste équilibre entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la protection du droit au respect des biens. Il faut qu'existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi.

B.4.1. Le seul fait que l'autorité impose des restrictions au droit de propriété dans l'intérêt général n'a pas pour conséquence qu'elle soit tenue à indemnisation.

L'établissement, par ou en vertu d'une disposition législative, d'une servitude d'utilité publique ou d'une restriction au droit de propriété dans l'intérêt général, ne confère, en principe, pas un droit à indemnisation au propriétaire de l'immeuble grevé (Cass., 16 mars 1990, Pas., 1990, I, n° 427; CEDH, 25 juin 2015, Couturon c.

France, § § 34 à 43).

De même, « lorsqu'une mesure de réglementation de l'usage des biens est en cause, l'absence d'indemnisation est l'un des facteurs à prendre en compte pour établir si un juste équilibre a été respecté, mais elle ne saurait, à elle seule, être constitutive d'une violation de l'article 1 du Protocole n° 1 » (voir notamment CEDH, grande chambre, 29 mars 2010, Depalle c. France, § 91; 26 avril 2011, Antunes Rodrigues c. Portugal, § 32).

En cas d'atteinte excessive au droit au respect des biens, cette charge ne peut toutefois être imposée à un propriétaire sans une indemnisation raisonnable de la perte de valeur de la parcelle (CEDH, 19 juillet 2011, Varfis c. Grèce).

B.4.2. C'est au législateur compétent qu'il appartient de déterminer les cas dans lesquels une limitation du droit de propriété peut donner lieu à une indemnité et les conditions auxquelles cette indemnité peut être octroyée, sous réserve du contrôle exercé par la Cour quant au caractère raisonnable et proportionné de la mesure prise.

B.5. Le législateur décrétal a choisi d'instaurer un régime d'indemnisation des moins-values liées à une interdiction de bâtir ou de lotir résultant d'un plan d'exécution spatial lorsque cette interdiction a pour conséquence qu'une parcelle ne peut plus faire l'objet d'un permis de bâtir ou de lotir, alors qu'elle le pouvait encore la veille de l'entrée en vigueur de ce plan (article 2.6.1, § § 1er et 2, du Code flamand de l'aménagement du territoire).

B.6. S'il est indiscutable que le législateur décrétal peut, dans le cadre de son large pouvoir d'appréciation, fixer les conditions à remplir pour bénéficier d'une indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale, il convient d'examiner si ces conditions n'ont pas des conséquences disproportionnées pour les propriétaires concernés.

B.7.1. Comme la Cour l'a jugé par son arrêt n° 140/2016, le législateur décrétal, en prévoyant que l'indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale est limitée aux cinquante premiers mètres à partir de l'alignement, n'a, en principe, pas pris une mesure qui serait manifestement disproportionnée au but qu'il poursuit ou qui puisse être considérée comme une atteinte illicite au droit de propriété, en vertu de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

En effet, la limitation du montant de l'indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale est liée à la condition qu'une telle indemnisation soit uniquement accordée au propriétaire d'un terrain à bâtir, qui doit en outre avoir subi un dommage certain, actuel et objectivement déterminable et qui n'est indemnisé que partiellement. Au cours de l'élaboration de l'indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale, il a été souligné que « le législateur [...] a formellement exclu de l'indemnisation le manque à gagner » (Doc. parl., Sénat, 1968-1969, n° 559, p. 24), étant donné que la réglementation ne vise pas à contribuer à « réaliser des plus-values de nature occasionnelle ou spéculative » (Doc. parl., Chambre, 1977-1978, n° 113/1, p. 55).

C'est au législateur décrétal qu'il appartient de déterminer les cas dans lesquels une limitation du droit de propriété donne lieu à une indemnisation et il dispose en l'espèce d'un large pouvoir d'appréciation. La Cour doit cependant examiner si le législateur décrétal n'a pas excédé son pouvoir d'appréciation en imposant une charge excessive aux propriétaires de terrains à bâtir situés dans une zone d'extension de l'habitat.

B.7.2. Les zones d'extension de l'habitat sont des zones de réserve de la zone d'habitat, où l'accent est mis sur l'habitat ainsi que sur les fonctions qui relèvent de l'équipement normal de la zone d'habitat (circulaire du 8 juillet 1997 « portant création et application des projets de plans de secteur et des plans de secteur », pp. 8-9). En tant que zones exceptionnelles, elles doivent être préservées tant qu'il reste suffisamment d'espace pour la construction d'habitations dans les véritables zones d'habitat. Il appartient en premier lieu aux autorités d'aménager la zone d'extension de l'habitat dans le cadre de sa politique de l'aménagement du territoire. Tant que l'autorité compétente n'a pas décidé d'aménager la zone affectée comme zone d'extension de l'habitat, la zone a pour affectation exclusive la construction groupée d'habitations (Conseil pour les contestations des autorisations, n° A/1718/0255 du 21 novembre 2017, p. 15).

Etant donné que, dans les zones d'extension de l'habitat, l'accent est mis sur l'habitat, le législateur décrétal a pu considérer que les terrains situés dans ces zones - comme les terrains situés dans les véritables zones d'habitat - ne devaient pas faire l'objet d'une indemnisation au-delà de cinquante mètres à partir de l'alignement. Le fait que les zones d'extension de l'habitat sont exclusivement affectées à la construction groupée d'habitations tant que l'autorité compétente n'a pas réglé l'aménagement de la zone, n'aboutit pas à une autre conclusion en l'espèce.

La limitation en cause de l'indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale n'impose dès lors pas de charge excessive aux propriétaires de terrains à bâtir situés dans des zones d'extension de l'habitat.

B.7.3. La disposition en cause ne porte pas atteinte aux articles 10, 11 et 16 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 2.6.1, § 3, 4°, du Code flamand de l'aménagement du territoire ne viole pas les articles 10, 11 et 16 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 17 février 2022.

Le greffier, Le président, F. Meersschaut L. Lavrysen

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