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Arrêt
publié le 21 juin 2022

Extrait de l'arrêt n° 69/2022 du 19 mai 2022 Numéro du rôle : 7599 En cause : le recours en annulation de l'article 2 du décret de la Région wallonne du 3 décembre 2020 « portant confirmation des arrêtés du Gouvernement wallon de pouvoirs spé La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Gie(...)

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Extrait de l'arrêt n° 69/2022 du 19 mai 2022 Numéro du rôle : 7599 En cause : le recours en annulation de l'article 2 du décret de la Région wallonne du 3 décembre 2020 « portant confirmation des arrêtés du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux pris dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée au COVID-19 », introduit par la SRL « Immo Soille ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune et E. Bribosia, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 11 juin 2021 et parvenue au greffe le 14 juin 2021, la SRL « Immo Soille », assistée et représentée par Me J. Sambon, avocat au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation de l'article 2 du décret de la Région wallonne du 3 décembre 2020 « portant confirmation des arrêtés du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux pris dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée au COVID-19 » (publié au Moniteur belge du 14 décembre 2020). (...) II. En droit (...) B.1. Le recours en annulation est dirigé contre l'article 2 du décret de la Région wallonne du 3 décembre 2020 « portant confirmation des arrêtés du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux pris dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée au COVID-19 » (ci-après : le décret du 3 décembre 2020), en ce que cette disposition confirme l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 2 du 18 mars 2020 « relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 » (ci-après : l'arrêté confirmé).

Quant à la disposition attaquée et à son contexte B.2. Dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, la Région wallonne a adopté le décret du 17 mars 2020 « octroyant des pouvoirs spéciaux au Gouvernement wallon dans le cadre de la crise sanitaire du Covid-19 » (ci-après : le décret du 17 mars 2020), « afin de permettre aux autorités wallonnes de prendre dans l'urgence, quasi en temps réel, toute mesure permettant de réagir aux effets de cette crise » (Doc. parl., Parlement wallon, 2019-2020, n° 135/1, p.3). De la sorte, « le Parlement habilite le gouvernement à prendre des arrêtés dans des matières réservées par la Constitution à la norme législative, ce procédé étant admis dans des circonstances exceptionnelles ou particulières » (ibid.).

Le décret du 17 mars 2020 octroie ainsi au Gouvernement wallon les « pouvoirs spéciaux » lui permettant de « réagir à la pandémie Covid-19 », de « prendre toutes les mesures utiles pour prévenir et traiter toute situation qui pose problème dans le cadre strict de la pandémie Covid-19 et de ses conséquences et qui doit être réglée en urgence sous peine de péril grave » (article 1er, § 1er), ainsi que, « en cas d'ajournement du Parlement wallon dû à la pandémie de Covid-19, aux seules fins d'assurer la continuité du service public malgré la pandémie de Covid-19 et dans la mesure où l'urgence de son action est motivée », de « prendre toutes les mesures utiles dans les matières qui relèvent de la compétence de la Région wallonne » (article 2, § 1er, alinéa 1er).

Les arrêtés adoptés en vertu de ces deux dispositions « peuvent abroger, compléter, modifier ou remplacer les dispositions décrétales en vigueur, même dans les matières qui sont expressément réservées au décret par la Constitution » (articles 1er, § 2, alinéa 1er, et 2, § 2, alinéa 1er). Ces arrêtés « peuvent être adoptés sans que les avis légalement ou réglementairement requis soient préalablement recueillis », y compris les avis de la section de législation du Conseil d'Etat « dans les cas spécialement motivés par le Gouvernement » (article 3, § 1er). Ils sont communiqués, avant leur publication au Moniteur belge, au Président du Parlement wallon (article 3, § 2).

Ces arrêtés doivent être confirmés par décret dans un délai d'un an à partir de leur entrée en vigueur; à défaut de confirmation dans le délai visé à l'alinéa 1er, ils sont réputés n'avoir jamais produit leurs effets (article 4).

L'habilitation conférée au Gouvernement par le décret du 17 mars 2020 est valable trois mois à dater de son entrée en vigueur, ce délai étant prorogeable une fois pour une durée équivalente (article 5).

Cette habilitation est donc, « conformément au principe de proportionnalité », « strictement limitée dans le temps, au regard des circonstances sanitaires exceptionnelles qui la justifient » (Doc. parl., Parlement wallon, 2019-2020, n° 135/1, p. 3).

B.3.1. L'arrêté confirmé a été pris en vertu de l'habilitation contenue dans le décret du 17 mars 2020, sur la base de la considération que la pandémie du coronavirus Covid-19 « est de nature à affecter le bon fonctionnement des différents services publics et également à priver les citoyens de la possibilité de faire utilement et effectivement valoir leurs droits dans le cadre des procédure et recours administratifs » (Moniteur belge du 20 mars 2020, p. 16592).

Tel qu'il a été pris dans sa version initiale, l'arrêté confirmé disposait : «

Article 1er.Les délais de rigueur et de recours fixés par les décrets et règlements de la Région wallonne ou pris en vertu de ceux-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, sont suspendus à partir du 18 mars 2020 pour une durée de 30 jours prorogeable deux fois pour une même durée par un arrêté par lequel le gouvernement en justifie la nécessité au regard de l'évolution des conditions sanitaires.

Art. 2.L'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat du 12 janvier 1973, est complété par un paragraphe 4 ainsi rédigé : ' § 4. Les délais applicables au contentieux de l'annulation devant la section du contentieux administratif relatifs à des actes pris par des autorités administratives ou de la réglementation de la Région wallonne sont suspendus à partir du 18 mars 2020 et pour une durée de 30 jours prorogeable deux fois pour une même durée par un arrêté par lequel le Gouvernement en justifie la nécessité au regard de l'évolution des conditions sanitaires.

Le Gouvernement peut décider de lever cette suspension avant l'échéance du délai visé à l'alinéa 1er '.

Art. 3.Le Gouvernement, par arrêté, constate la fin de la période de suspension visée aux articles 1 et 2.

Art. 4.Le présent arrêté entre en vigueur le lendemain du jour de sa signature ».

B.3.2. Conformément à l'article 2 de l'arrêté confirmé, les délais de recours applicables au contentieux de l'annulation devant le Conseil d'Etat, relatifs à des actes pris par des autorités administratives ou de la réglementation de la Région wallonne, ont été suspendus pour une durée de trente jours, entre le 18 mars et le 16 avril 2020 inclus.

B.3.3. Le préambule de l'arrêté confirmé indique que la suspension des délais de recours en annulation au Conseil d'Etat est directement liée à la suspension de tous les délais de rigueur fixés dans l'ensemble de la législation et de la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celles-ci, ainsi que des délais de rigueur fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 : « Considérant la qualification de l'OMS du coronavirus COVID-19 comme une pandémie en date du 11 mars 2020;

Considérant les mesures, actuelles et à venir, prises pour limiter la propagation du virus dans la population sont de nature à ralentir toute forme d'activité sur le territoire de la Région wallonne, à affecter le bon fonctionnement des différents services publics, voire à paralyser certains services;

Que cette dernière est de nature à affecter le bon fonctionnement des différents services publics et également à priver les citoyens de la possibilité de faire utilement et effectivement valoir leurs droits dans le cadre des procédures et recours administratifs;

Considérant qu'il convient, afin de garantir la continuité du service public, de garantir le principe d'égalité et de préserver la sécurité juridique, de prendre des mesures qui visent à ce qu'aucun citoyen ne soit entravé ni dans l'exercice de ses droits ni dans l'accomplissement de ses obligations du fait des impacts de la crise sanitaire sur le fonctionnement quotidien des Services publics ou du fait qu'il n'ait pas été lui-même dans une situation qui lui permette d'exercer ceux-ci;

Considérant, qu'il convient également de veiller à ce que les services publics soient en mesure de traiter effectivement [les] procédures administratives et les recours relevant de leur responsabilité, tout en évitant que des décisions ne soient prises par défaut dans le cas d'une impossibilité de traitement dans les délais requis;

Considérant, dès lors, qu'il convient de suspendre tous les délais de rigueur fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980;

Qu'il est proposé que ces délais soient suspendus à partir du 18 mars 2020 et pour une durée de 30 jours prorogeable deux fois pour une même durée par un arrêté par lequel le gouvernement en justifie la nécessité au regard de l'évolution des conditions sanitaires. Ces délais recommenceront à courir le lendemain de la publication au Moniteur belge de l'arrêté du Gouvernement constatant la fin de la période de suspension;

Que le Gouvernement peut être appelé à décider de la date d'entrée en vigueur d'un arrêté, il est raisonnable de l'autoriser, dans les circonstances actuelles, de décider de la date à laquelle il cessera de produire ses effets;

Qu'en effet, la mesure visée dans le présent arrêté de pouvoirs spéciaux est à ce point exceptionnelle qu'il s'indique d'y mettre fin dès qu'il apparaît qu'elle ne se justifie plus ou de la prolonger; [...] Que par ailleurs, le dispositif ici mis en oeuvre n'aurait de sens s'il ne s'appliquait pas également aux recours qui peuvent être introduits à l'encontre d'actes des autorités administratives relevant de la législation wallonne devant le Conseil d'Etat;

Qu'à ce titre, il convient de modifier l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat du 12 janvier 1973 afin de consacrer, dans les mêmes conditions, la suspension pour la même période de la saisine de la juridiction administrative;

Que cette mesure se justifie sur la base de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles; qu'elle est nécessaire à l'exercice des compétences régionales car le dispositif ici mis en oeuvre serait privé de cohérence si un recours externe contre un acte administratif était traité différemment d'un recours interne, qu'elle se prête à un traitement différencié dès lors qu'elle ne concerne que les actes des autorités administratives relevant du droit de la Région wallonne et revêt un impact marginal dès lors qu'elle ne s'appliquera que pendant une période très limitée dans le temps » (Moniteur belge du 20 mars 2020, p. 16593).

B.3.4. L'article 3 de l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 3 du 18 mars 2020 « concernant les matières transférées à la Région wallonne en vertu de l'article 138 de la Constitution et relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 » (ci-après : l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 3), qui n'est pas attaqué, prévoit également, pour les matières transférées à la Région en vertu de l'article 138 de la Constitution, que les délais de recours applicables au contentieux de l'annulation devant le Conseil d'Etat sont suspendus pour une durée de trente jours, entre le 18 mars et le 16 avril 2020 inclus.

B.4.1. L'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 20 du 18 avril 2020 « prorogeant les délais prévus par l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 2 du 18 mars 2020 relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 et par l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 3 du 18 mars 2020 concernant les matières transférées à la Région wallonne en vertu de l'article 138 de la Constitution et relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 » (ci-après : l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20) a modifié l'arrêté confirmé ainsi que l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 3, et a prorogé la période de suspension prévue par ces arrêtés.

L'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20 dispose : «

Article 1er.A l'article 1er de l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 2 relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 du 18 mars 2020, les mots ' pour une durée de 30 jours prorogeable deux fois pour une même durée par un arrêté par lequel le gouvernement en justifie la nécessité au regard de l'évolution des conditions sanitaires. ' sont remplacés par les mots ' pour une première durée de 30 jours, prorogeable deux fois jusqu'à une date fixée par arrêté du Gouvernement ne pouvant à chaque fois excéder 30 jours et justifiant de la nécessité au regard de l'évolution des conditions sanitaires. '.

Art. 2.A l'alinéa 1er du paragraphe 4 de l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat du 12 janvier 1973, les mots ' pour une durée de 30 jours prorogeable deux fois pour une même durée par un arrêté par lequel le Gouvernement en justifie la nécessité au regard de l'évolution des conditions sanitaires ' sont remplacés par les mots pour une première durée de 30 jours, prorogeable deux fois jusqu'à une date fixée par arrêté du Gouvernement ne pouvant à chaque fois excéder 30 jours et justifiant de la nécessité au regard de l'évolution des conditions sanitaires. '.

Art. 3.Le délai prévu à l'article 1er de l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 2 du 18 mars 2020 relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 est prorogé d'une nouvelle période prenant cours le 17 avril 2020 et s'achevant le 30 avril 2020 inclus.

Art. 4.Le délai prévu au paragraphe 4 de l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat du 12 janvier 1973, est prorogé d'une nouvelle période prenant cours le 17 avril 2020 et s'achevant le 30 avril 2020 inclus. [...]

Art. 7.Le présent arrêté entre en vigueur le jour de sa signature ».

B.4.2. Conformément à l'article 4 de l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20, la période de suspension des délais de recours applicables au contentieux de l'annulation devant le Conseil d'Etat, fixée à l'article 14, § 4, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 (ci-après : les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat), inséré par l'article 2 de l'arrêté confirmé, a été prorogée pour la période du 17 avril au 30 avril 2020 inclus.

Les délais de recours applicables au contentieux de l'annulation devant le Conseil d'Etat relatifs à des actes pris par des autorités administratives ou de la réglementation de la Région wallonne ont dès lors été suspendus, en application de l'arrêt confirmé et de l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20, du 18 mars 2020 au 30 avril 2020 inclus.

B.4.3. Le préambule de l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20 indique : « Considérant la décision du Gouvernement fédéral du 15 avril décidant de prolonger la période de confinement jusqu'au 3 mai inclus; [...] Considérant que la période de suspension initiale devait en principe se terminer le 16 avril 2020 à minuit;

Considérant néanmoins qu'il convient de proroger, pour une période s'étendant jusqu'au 3 mai inclus, la suspension de tous les délais de rigueur fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980;

Que, dès lors, le Gouvernement peut être appelé à décider de la date d'entrée en vigueur d'un arrêté, il est raisonnable de l'autoriser, dans les circonstances actuelles, à décider également de la date à laquelle il cessera de produire ses effets;

Qu'en effet, la mesure visée dans le présent arrêté de pouvoirs spéciaux est à ce point exceptionnelle qu'il s'indique d'y mettre fin dès qu'il apparaît qu'elle ne se justifie plus ou de la prolonger » (Moniteur belge du 22 avril 2020, pp. 27653-27654).

B.5.1. Conformément à l'article 4 du décret du 17 mars 2020, l'article 2, attaqué, du décret du 3 décembre 2020 confirme l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 2, tandis que l'article 4, non attaqué, du décret du 3 décembre 2020 confirme, notamment, les articles 2 et 4 de l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20.

Conformément à l'article 5 du décret du 17 mars 2020 « octroyant des pouvoirs spéciaux au Gouvernement wallon dans le cadre de la crise sanitaire du Covid-19 pour les matières réglées par l'article 138 de la Constitution », l'article 2 du décret du 3 décembre 2020 « portant confirmation des arrêtés du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux pris dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée au COVID-19 pour les matières visées à l'article 138 de la Constitution » confirme l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 3.

B.5.2. Les travaux préparatoires relatifs à l'article qui est devenu l'article 2, attaqué, du décret du 3 décembre 2020 mentionnent des considérations identiques à celles du préambule de l'arrêté confirmé : « Cet article vise à confirmer l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 2 du 18 mars 2020 relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, conformément à l'article 4 du décret du 17 mars 2020 octroyant des pouvoirs spéciaux au Gouvernement wallon dans le cadre de la crise sanitaire du COVID-19.

La crise sanitaire exceptionnelle liée au COVID-19 et les mesures prises pour limiter la propagation du virus dans la population ont été de nature à ralentir toute forme d'activité sur le territoire de la Région wallonne et à affecter le bon fonctionnement des différents services publics, voire à paralyser certains services.

Cette dernière était également susceptible de priver les citoyens de la possibilité de faire utilement et effectivement valoir leurs droits dans le cadre des procédures et recours administratifs.

Dès lors, afin de garantir la continuité du service public, de garantir le principe d'égalité et de préserver la sécurité juridique, il convenait de prendre des mesures qui visent à ce qu'aucun citoyen ne soit entravé ni dans l'exercice de ses droits ni dans l'accomplissement de ses obligations du fait des impacts de la crise sanitaire sur le fonctionnement quotidien des Services publics ou du fait qu'il n'ait pas été lui-même dans une situation qui lui permette d'exercer ceux-ci.

Il convenait également de veiller à ce que les services publics soient en mesure de traiter effectivement les recours et procédures administratives relevant de leur responsabilité, tout en évitant que des décisions ne soient prises par défaut dans le cas d'une impossibilité de traitement dans les délais requis. [...] Compte tenu de ce qui précède, il est apparu nécessaire de suspendre tous les délais de rigueur fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, ainsi que les enquêtes publiques.

Ces délais se sont vu suspendus à partir du 18 mars 2020 et pour une durée de 30 jours prorogeable deux fois pour une même durée par un arrêté par lequel le Gouvernement en justifie la nécessité au regard de l'évolution des conditions sanitaires. [...] Enfin, le dispositif mis en oeuvre s'appliquait également aux recours qui pouvaient être introduits à l'encontre d'actes des autorités administratives relevant de la législation wallonne devant le Conseil d'Etat.

A ce titre, l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat du 12 janvier 1973 s'est vu modifié afin de consacrer, dans les mêmes conditions, la suspension pour la même période de la saisine de la juridiction administrative. Cette mesure se justifie sur la base de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

En effet, la mesure était rendue nécessaire à l'exercice des compétences régionales, en ce compris dans des matières transférées à la Région wallonne en vertu de l'article 138 de la Constitution, car le dispositif ici mis en oeuvre serait privé de cohérence si un recours externe contre un acte administratif était traité différemment d'un recours interne. Elle se prête à un traitement différencié dès lors qu'elle ne concerne que les actes des autorités administratives relevant du droit de la Région wallonne et [...] revêt un impact marginal dès lors qu'elle ne s'appliquera que pendant une période très limitée dans le temps » (Doc. parl., Parlement wallon, 2020-2021, n° 292/1, p. 17).

B.6.1. Par ailleurs, l'article 3 de la loi du 27 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/03/2020 pub. 30/03/2020 numac 2020040938 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 (1) type loi prom. 27/03/2020 pub. 30/03/2020 numac 2020040937 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 (1) fermer « habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du virus COVID-19 (I) » (ci-après : la loi du 27 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/03/2020 pub. 30/03/2020 numac 2020040938 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 (1) type loi prom. 27/03/2020 pub. 30/03/2020 numac 2020040937 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 (1) fermer) accorde au Roi les « pouvoirs spéciaux » lui permettant, « dans le respect des principes fondamentaux d'indépendance et d'impartialité et en tenant compte des droits de la défense des justiciables », d'« adapter la compétence, le fonctionnement, la procédure, y compris les délais prévus par la loi, de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat et des juridictions administratives afin d'assurer le bon fonctionnement de ces instances et plus particulièrement la continuité de l'administration de la justice et de leurs autres missions ».

Les travaux préparatoires relatifs à la proposition de loi à l'origine de l'article 3 de la loi du 27 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/03/2020 pub. 30/03/2020 numac 2020040938 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 (1) type loi prom. 27/03/2020 pub. 30/03/2020 numac 2020040937 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 (1) fermer exposent : « Le bon fonctionnement du Conseil d'Etat et des juridictions administratives, est assuré en prévoyant la possibilité d'adapter la compétence, le fonctionnement et la procédure. Les mesures peuvent comprendre, entre autres, des dispositions visant à assurer une protection juridique aux parties qui peuvent démontrer qu'elles n'ont pas pu respecter certains délais de procédure en raison de mesures prises pour se conformer aux directives émises par les autorités publiques pour lutter contre le coronavirus » (Doc. parl., Chambre, 2019-2020, DOC 55-1104/001, p. 8).

B.6.2.1. Conformément à l'habilitation contenue dans cette disposition, l'article 1er de l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12 du 21 avril 2020 « concernant la prorogation des délais de procédure devant le Conseil d'Etat et la procédure écrite » (ci-après : l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12) dispose : « Sans préjudice des régimes adoptés ou à adopter par les autorités compétentes, les délais, applicables à l'introduction et au traitement des procédures devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, qui arrivent à échéance pendant la période s'étendant du 9 avril 2020 au 3 mai 2020 inclus, date ultime que le Roi peut adapter par arrêté délibéré en Conseil des ministres, et dont l'expiration peut ou pourrait entraîner la forclusion ou une autre sanction à défaut de traitement dans les délais, sont prolongés de plein droit de trente jours à l'issue de cette période prolongée s'il échet.

L'alinéa 1er ne s'applique pas aux demandes de suspension d'extrême urgence et aux demandes de mesures provisoires d'extrême urgence introduites au cours de la période visée à l'alinéa 1er ».

L'article 1er de l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12 prévoit ainsi, pour les délais applicables à l'introduction et au traitement des procédures devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat venant à échéance entre le 9 avril et le 3 mai 2020, une prolongation de trente jours à l'issue de cette période. Cette mesure ne s'applique cependant pas aux demandes de suspension d'extrême urgence ni aux demandes de mesures provisoires d'extrême urgence introduites pendant cette période.

B.6.2.2. Dans le rapport au Roi précédant l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12, il est exposé : « Depuis que les prescriptions de sécurité plus sévères imposées par le Gouvernement et les restrictions de la vie publique et de la liberté de mouvement qui en découlent sont entrées en vigueur, le risque est devenu réel que des actes de procédure requis devant des organes juridictionnels ne puissent pas être accomplis dans les délais. Certes, la force majeure suspend tout délai, mais il est évident qu'il y aura grand débat quant à la question de savoir si les mesures de lutte contre le coronavirus constituent en toutes circonstances pareille forme, a fortiori une forme stricte, de force majeure.

Pour le Conseil d'Etat également, le risque est réel que des actes de procédure ne puissent pas être accomplis dans les délais.

Pour ce motif, il faut éviter des effets juridiques préjudiciables durant toute cette période, ce qui signifie que les délais de forclusion procéduraux qui arrivent à échéance pendant cette période de crise, doivent être prorogés. Cela s'applique également aux délais de forclusion qui font l'objet d'une sanction analogue, comme par exemple l'écartement d'office des débats d'un mémoire tardif.

A l'instar des procédures devant les cours et tribunaux, le présent projet prévoit dès lors une prorogation des délais de trente jours.

Ce délai de trente jours - et donc pas d'un mois comme il est prévu pour les cours et tribunaux - répond aux prescriptions spécifiques en matière de calcul des délais qui s'appliquent au Conseil d'Etat.

Cette prorogation s'applique tant aux délais dans lesquels les parties doivent introduire leur demande - en règle générale respectivement soixante ou trente jours - qu'à ceux dans lesquels les parties doivent déposer leurs mémoires, demander la poursuite de la procédure ou accomplir d'autres actes de procédure (par exemple l'introduction d'une demande en intervention). Dans l'intérêt de la sécurité juridique, pareille réglementation simple et uniforme, en quelque sorte ' forfaitaire ', s'impose, parce qu'elle défend au mieux les intérêts juridiques et parce qu'elle offre de ce fait à chacun la possibilité d'agir encore dans un délai raisonnable une fois terminée la période de crise actuelle. Par conséquent, afin d'éviter que, par exemple, le jour où prendra fin la crise soit d'emblée celui où il faudrait agir in extremis, ce qui pourrait être le cas si les délais sont suspendus, il est opté pour la prorogation de trente jours des délais venant à échéance dans la période visée à l'article 1er.

Cette période supplémentaire de trente jours permet aux parties - tant aux particuliers qu'à leurs avocats - et aux instances concernées - comme les greffes - de se concerter et de se réorganiser afin que les significations, notifications, dépôts de mémoires, communications, etc. puissent à nouveau se faire aisément, et ce pour éviter l'apparition d'un ' goulet d'étranglement ' lors du seul jour qui suit immédiatement la fin de la crise ou au cours d'une brève période consécutive à cet événement.

La réglementation proposée sera sans doute perçue dans certains cas comme généreuse, mais les circonstances actuelles ne permettent pas d'appliquer un dosage ' d'apothicaire ' pour établir la proportion parfaite ou, le cas échéant, la prorogation pour chacune des nombreuses situations et chacun des délais fixés par la loi séparément.

En outre, cette réglementation poursuit une égalité de traitement des justiciables impliqués dans des procédures devant le juge judiciaire et des acteurs d'une procédure devant le Conseil d'Etat.

La réglementation envisagée rejoint dès lors, rappelons-le, en tous points, sur le fond, celle qui est envisagée pour les cours et tribunaux.

Enfin, conformément à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, le fait que des situations différentes doivent être traitées différemment n'empêche pas, si nécessaire, d'appréhender leur diversité en faisant usage de catégories qui ne correspondent à la réalité que de manière simplifiée et approximative.

Par ailleurs, il ne faut pas non plus perdre de vue qu'il s'agit ici d'une mesure d'urgence, par hypothèse temporaire » (Moniteur belge du 22 avril 2020, pp. 27761-27762).

B.6.2.3. L'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12 prévoyait également, entre le 9 avril et le 3 mai 2020, des règles dérogatoires pour le traitement des demandes de suspension d'extrême urgence (article 2) et pour la tenue d'une audience publique (article 3), ou pour la communication électronique (articles 4 et 5) devant le Conseil d'Etat.

La période visée aux articles 2, 3, 4 et 5 de l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12 a été prolongée jusqu'au 18 mai 2020 inclus par l'arrêté royal du 4 mai 2020 « prorogeant certaines mesures prises par l'arrêté royal n° 12 du 21 avril 2020 concernant la prorogation des délais de procédure devant le Conseil d'Etat et la procédure écrite », puis jusqu'au 30 juin 2020 inclus par l'arrêté royal du 18 mai 2020 « prorogeant certaines mesures prises par l'arrêté royal n° 12 du 21 avril 2020 concernant la prorogation des délais de procédure devant le Conseil d'Etat et la procédure écrite ».

Cependant, la prorogation des délais d'introduction et de traitement des procédures visée à l'article 1er de l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12 n'a pas été prolongée.

Le rapport au Roi précédant l'arrêté royal précité du 4 mai 2020 indique à cet égard : « Les dispositions de l'article 1er de l'AR n° 12 ne sont pas prolongées du fait qu'il ne peut y avoir d'insécurité juridique sur une période plus longue en ce qui concerne les actes visés de l'autorité » (Moniteur belge, 4 mai 2020, p. 30338).

B.6.3. L'article 2 de la loi du 24 décembre 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2020 pub. 15/01/2021 numac 2021200012 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant confirmation des arrêtés royaux pris en application de la loi du 27 mars 2020 habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 (1) type loi prom. 24/12/2020 pub. 15/01/2021 numac 2021200011 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant confirmation des arrêtés royaux pris en application de la loi du 27 mars 2020 habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 (1) fermer « portant confirmation des arrêtés royaux pris en application de la loi du 27 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/03/2020 pub. 30/03/2020 numac 2020040938 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 (1) type loi prom. 27/03/2020 pub. 30/03/2020 numac 2020040937 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 (1) fermer habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 (I) » a confirmé l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12, ainsi que les arrêtés précités des 4 et 18 mai 2020.

Quant à la recevabilité et à l'étendue du recours B.7. A titre principal, le Gouvernement wallon soulève l'irrecevabilité du recours en annulation, en ce qu'il est dirigé contre l'article 2 du décret du 3 décembre 2020 et non contre l'arrêté confirmé par cette disposition.

B.8.1. Lorsqu'un arrêté fait l'objet d'une confirmation décrétale, il devient lui-même, dès la date de son entrée en vigueur, une norme décrétale. La Cour est compétente pour contrôler si la norme décrétale, qui s'est approprié les dispositions de l'arrêté, ne viole pas une des dispositions dont elle doit assurer le respect.

B.8.2. Dès lors qu'il a confirmé l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 2, il y a lieu de considérer que le législateur décrétal s'est approprié les matières réglées dans cet arrêté par le pouvoir exécutif, conformément à l'habilitation contenue dans le décret du 17 mars 2020, de sorte qu'un excès de compétence dans le cadre de l'arrêté confirmé est également imputable au législateur décrétal. En invoquant une violation des règles répartitrices de compétences qui serait contenue dans le décret de confirmation, en ce que celui-ci s'approprie les dispositions de l'arrêté précité, tel qu'il a été confirmé par le décret attaqué, la partie requérante invite la Cour à vérifier la compatibilité avec les règles répartitrices de compétences de l'ensemble législatif que constituent l'arrêté confirmé et son décret de confirmation.

B.8.3. Dès lors que la partie requérante dirige ses griefs contre le décret de confirmation, en ce qu'il s'approprie les dispositions de l'arrêté confirmé, il n'est pas requis qu'elle attaque également, dans la requête, l'arrêté confirmé.

En effet, dans le cadre du procédé de pouvoirs spéciaux, comme en l'espèce, une éventuelle annulation rétroactive du décret de confirmation aurait pour conséquence que, conformément à la norme d'habilitation, l'arrêté confirmé serait réputé n'avoir jamais produit ses effets, comme le prévoit l'article 4 du décret du 17 mars 2020.

B.8.4. L'exception est rejetée.

B.9. Selon le Gouvernement wallon, la requête en annulation devrait également être déclarée irrecevable, dès lors que la partie requérante, qui n'a pas attaqué l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20, ni l'article 4 du décret du 3 décembre 2020 le confirmant, ne justifie pas d'un intérêt au recours, alors que c'est en raison de la prolongation opérée par ces dispositions que le recours introduit devant le Conseil d'Etat contre le permis octroyé à la partie requérante est recevable. B.10. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.

B.11.1. La partie requérante justifie son intérêt à agir par le fait que le recours en annulation dirigé contre le permis d'urbanisme qui lui a été octroyé serait irrecevable en vertu de la législation fédérale, alors qu'il est recevable en vertu de la législation wallonne attaquée.

B.11.2. Comme il est dit en B.3, l'article 2 de l'arrêté confirmé par l'article 2 du décret du 3 décembre 2020 suspend les délais de recours en annulation devant le Conseil d'Etat, en insérant un paragraphe 4 dans l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat.

De la sorte, l'arrêté confirmé par la disposition attaquée a introduit un régime de suspension qui a eu pour conséquence de prolonger le délai durant lequel le permis octroyé à la partie requérante pouvait être attaqué. La disposition attaquée influence dès lors la recevabilité ratione temporis du recours en annulation de ce permis, ce qui affecte directement et défavorablement la situation de la partie requérante.

La circonstance que la suspension mise en place par l'arrêté confirmé par la disposition attaquée, à l'article 14, § 4, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, a été prolongée par l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20, confirmé par l'article 4 du décret du 3 décembre 2020, ne modifie pas ce constat.

B.12. Le Conseil des ministres, quant à lui, invite la Cour à considérer que la requête vise également l'article 4 du décret du 3 décembre 2020, dès lors que cette disposition, qui confirme l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20, serait indissociablement liée à l'article 2 attaqué.

B.13.1. La Cour détermine l'étendue du recours en annulation en fonction du contenu de la requête et en particulier sur la base de l'exposé des moyens. La Cour limite son examen aux dispositions contre lesquelles des griefs sont effectivement dirigés.

En l'espèce, la requête est dirigée contre l'article 2 du décret du 3 décembre 2020, mais uniquement en ce qu'il confirme l'article 2 de l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 2, qui insère un paragraphe 4 dans l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat.

B.13.2. La Cour peut toutefois annuler d'office des dispositions qui n'ont pas été attaquées, si elles se révèlent indissociablement liées à la disposition précitée.

Quant au fond B.14. Le moyen unique est pris de la violation des articles 10, 11 et 160 de la Constitution et des articles 10 et 19, § 1er, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, en ce que la disposition attaquée, en confirmant l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 2, empiète sur la compétence réservée au législateur fédéral, sans que les conditions pour invoquer les compétences implicites soient remplies.

Intervenant dans la procédure, le Conseil des ministres soutient l'annulation sollicitée par la partie requérante.

B.15. Le Gouvernement wallon conteste l'intérêt de la partie requérante au moyen unique, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été invoqués quant à la recevabilité de la requête.

B.16. Lorsqu'une partie requérante justifie de l'intérêt requis pour demander l'annulation des dispositions attaquées, elle ne doit pas justifier en outre d'un intérêt aux moyens qu'elle invoque.

Pour le surplus, dès lors que la requête ne contient qu'un moyen unique, l'exception d'irrecevabilité du moyen se confond en l'espèce avec l'exception d'irrecevabilité de la requête, qui a été rejetée.

B.17. Dans les développements du moyen unique, la partie requérante se borne à alléguer que la disposition attaquée viole les règles répartitrices de compétences, sans exposer en quoi les articles 10 et 11 de la Constitution seraient violés.

La Cour n'examine dès lors pas si la disposition attaquée est compatible avec ces dispositions.

B.18. L'article 160 de la Constitution dispose : « Il y a pour toute la Belgique un Conseil d'Etat, dont la composition, la compétence et le fonctionnement sont déterminés par la loi. Toutefois, la loi peut attribuer au Roi le pouvoir de régler la procédure conformément aux principes qu'elle fixe.

Le Conseil d'Etat statue par voie d'arrêt en tant que juridiction administrative et donne des avis dans les cas déterminés par la loi. [...] ».

Cette disposition réserve à l'autorité fédérale la compétence de déterminer la composition, la compétence et le fonctionnement du Conseil d'Etat, y compris les règles de la procédure, et de définir les cas dans lesquels le Conseil d'Etat statue par voie d'arrêt en tant que juridiction administrative et donne des avis.

B.19. En confirmant un arrêté qui modifie, à l'article 14, § 4, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, les règles générales de procédure applicables au délai de recours en annulation devant le Conseil d'Etat, le législateur décrétal empiète sur la compétence qui est réservée à l'autorité fédérale par l'article 160 de la Constitution.

B.20.1. L'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 permet cependant au décret de disposer dans des matières pour lesquelles les Parlements ne sont pas compétents, y compris, conformément à l'article 19, § 1er, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980, pour régler des matières que la Constitution a réservées au législateur fédéral.

Dans le cadre de l'attribution de pouvoirs spéciaux, les mesures prises par les gouvernements fédérés doivent s'inscrire dans les compétences des communautés et des régions. Ces gouvernements peuvent dès lors, dans ce cadre, adopter des dispositions dans des matières pour lesquelles leurs parlements ne sont pas compétents, pour autant qu'ils agissent, conformément à une habilitation législative et moyennant une confirmation législative, dans le respect des conditions prévues à l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980.

B.20.2. Pour que l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 puisse s'appliquer, il est requis que la réglementation adoptée soit nécessaire à l'exercice des compétences de la région, que la matière se prête à un régime différencié et que l'incidence des dispositions attaquées sur la matière ne soit que marginale.

B.21.1. Comme il est dit en B.3.3 et en B.5.2, l'arrêté confirmé et la disposition attaquée sont justifiés par l'objectif légitime de « garantir la continuité du service public, de garantir le principe d'égalité et de préserver la sécurité juridique, de prendre des mesures qui visent à ce qu'aucun citoyen ne soit entravé ni dans l'exercice de ses droits ni dans l'accomplissement de ses obligations du fait des impacts de la crise sanitaire sur le fonctionnement quotidien des Services publics ou du fait qu'il n'ait pas été lui-même dans une situation qui lui permette d'exercer ceux-ci ».

En ce qui concerne l'empiètement sur la compétence fédérale de régler les délais de recours en annulation devant le Conseil d'Etat, il est avancé que l'intervention de la Région wallonne est « nécessaire à l'exercice des compétences régionales car le dispositif ici mis en oeuvre serait privé de cohérence si un recours externe contre un acte administratif était traité différemment d'un recours interne ».

Le dispositif de suspension mis en place se fonde par conséquent sur l'idée d'un parallélisme indispensable entre, d'une part, la suspension des délais de rigueur fixés par ou en vertu de la législation wallonne et, d'autre part, la suspension des délais concernant les recours en annulation introduits devant le Conseil d'Etat à l'encontre des actes des autorités administratives relevant de la législation wallonne.

Cette position ne peut être suivie. En effet, le fait de suspendre les délais de rigueur « internes » applicables aux procédures administratives traitées par les autorités relevant de la législation wallonne a pour conséquence de suspendre les délais applicables à l'adoption d'actes qui pourraient faire l'objet d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat, de sorte que cette mesure suffit pour postposer, par voie de conséquence, la prise de cours des délais de recours « externes » en annulation devant le Conseil d'Etat à l'égard de ces actes. Comme le Conseil d'Etat l'a jugé par son arrêt n° 249.019 du 24 novembre 2020, la suspension des délais de rigueur, applicables à la seule action administrative régionale « n'infère aucune conséquence nécessaire sur la prise de cours et la computation des délais applicables à la procédure juridictionnelle devant le Conseil d'Etat ».

Une mesure de suspension des délais de recours en annulation devant le Conseil d'Etat, qui est une matière relevant de l'autorité fédérale, n'était donc pas nécessaire à l'exercice des compétences de la Région wallonne.

B.21.2. Le caractère non nécessaire de la mesure attaquée pour l'exercice des compétences de la Région wallonne est encore confirmé par le fait que l'autorité fédérale a elle-même adopté une mesure de prorogation des délais de recours en annulation devant le Conseil d'Etat, dans l'article 1er de l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12, confirmé par la loi du 24 décembre 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2020 pub. 15/01/2021 numac 2021200012 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant confirmation des arrêtés royaux pris en application de la loi du 27 mars 2020 habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 (1) type loi prom. 24/12/2020 pub. 15/01/2021 numac 2021200011 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant confirmation des arrêtés royaux pris en application de la loi du 27 mars 2020 habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 (1) fermer.

Contrairement à ce qu'allègue le Gouvernement wallon, les termes « sans préjudice des régimes adoptés ou à adopter par les autorités compétentes », contenus dans l'article 1er de l'arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 12, ne peuvent constituer une habilitation qui serait donnée par le législateur fédéral d'empiéter sur sa propre compétence, dès lors que l'autorité fédérale, les communautés et les régions ne peuvent pas renoncer, abandonner ou échanger une compétence qui leur a été attribuée par la Constitution ou par la loi spéciale de réformes institutionnelles.

B.22.1. On ne peut davantage suivre l'argumentation de la Région wallonne selon laquelle la matière se prêterait à un traitement différencié dès lors qu'elle ne concerne que les actes des autorités administratives relevant du droit de la Région wallonne, ni l'allégation selon laquelle cette mesure n'aurait qu'un impact marginal dès lors qu'elle ne s'appliquerait que pour une période très limitée dans le temps.

B.22.2. La circonstance que la mesure attaquée ne concerne que les actes des autorités administratives relevant du droit de la Région wallonne ne signifie pas que la matière des délais relatifs aux recours en annulation devant le Conseil d'Etat se prête à un traitement différencié. En effet, comme il a déjà été exposé en B.6, l'autorité fédérale a adopté un dispositif visant à éviter pour les justiciables que la crise sanitaire ait des effets juridiques préjudiciables en ce qui concerne les délais de procédure devant le Conseil d'Etat. La mesure fédérale de prorogation des délais de procédure expirant entre le 9 avril et le 3 mai 2020, pour une durée de trente jours à l'issue de cette période, poursuit le même objectif que la mesure attaquée, et elle est, comme la mesure attaquée, limitée dans le temps.

Bien qu'ils poursuivent des objectifs identiques et qu'ils constituent des mesures exceptionnelles, le dispositif fédéral et le dispositif régional étaient cependant distincts dans leur conception, leurs effets et leur période de référence, puisqu'il s'agissait, d'une part, d'une prorogation forfaitaire des seuls délais de procédure venus à échéance pendant une période donnée (entre le 9 avril et le 3 mai 2020), pour une durée de trente jours à l'issue de cette période, à l'exclusion des demandes de suspension d'extrême urgence et des demandes de mesures provisoires d'extrême urgence introduites pendant cette période, et, d'autre part, d'une suspension généralisée des délais de recours en annulation devant le Conseil d'Etat pendant une période donnée (entre le 18 mars et le 30 avril 2020).

Non seulement la mesure attaquée n'était pas nécessaire à l'exercice des compétences régionales, comme il est dit en B.21.1, mais, combinée avec la mesure fédérale de prorogation des délais de procédure, elle a pour effet de créer une insécurité juridique quant à la computation des délais pour les justiciables, qui sont soumis à des traitements procéduraux distincts quant aux délais de recours et de procédure devant le Conseil d'Etat, selon qu'ils sont ou non parties à un contentieux portant sur des actes des autorités administratives relevant du droit de la Région wallonne.

B.22.3. Enfin, le fait qu'une mesure s'applique pendant une période très limitée dans le temps ne signifie pas nécessairement que son impact est marginal.

Compte tenu des conséquences de la mesure attaquée au niveau de la sécurité juridique, l'impact de cette mesure, laquelle touche aux règles fondamentales de la computation des délais de recours devant le Conseil d'Etat, même si elle est limitée dans le temps, ne peut pas être considéré comme étant marginal.

B.23. Le moyen est fondé. Il y a dès lors lieu d'annuler l'article 2 du décret du 3 décembre 2020, en ce qu'il confirme l'article 2 de l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 2.

B.24. Doivent également être annulées les dispositions indissociablement liées à la disposition annulée, à savoir l'article 4 du décret du 3 décembre 2020, en ce qu'il confirme les articles 2 et 4 de l'arrêté wallon de pouvoirs spéciaux n° 20.

B.25. Compte tenu de ce qui précède, le moyen nouveau soulevé par le Conseil des ministres conformément à l'article 85, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, de même que l'exception d'inconstitutionnalité soulevée par le Gouvernement wallon à l'égard de cette disposition ne doivent pas être examinés.

Quant au maintien des effets B.26. A titre infiniment subsidiaire, le Gouvernement wallon demande à la Cour de maintenir les effets de la disposition qui serait annulée si le moyen était jugé fondé, afin d'éviter toute insécurité juridique pour les destinataires de la mesure, et de tenir compte des conséquences d'une annulation pour le contentieux de l'annulation devant le Conseil d'Etat.

B.27. Avant de décider de maintenir les effets des dispositions attaquées, la Cour doit constater que l'avantage tiré de l'effet du constat d'inconstitutionnalité non modulé est disproportionné par rapport à la perturbation qu'il impliquerait pour l'ordre juridique.

B.28. Afin d'éviter toute insécurité juridique quant à la computation des délais applicables à la procédure juridictionnelle devant le Conseil d'Etat qui pourrait découler d'une annulation rétroactive en l'espèce, les effets des dispositions annulées doivent, en application de l'article 8, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, être maintenus définitivement.

Par ces motifs, la Cour 1. annule : - l'article 2 du décret de la Région wallonne du 3 décembre 2020 « portant confirmation des arrêtés du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux pris dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée au COVID-19 », en ce qu'il confirme l'article 2 de l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 2 du 18 mars 2020 « relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 »; - l'article 4 du même décret du 3 décembre 2020, en ce qu'il confirme les articles 2 et 4 de l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 20 du 18 avril 2020 « prorogeant les délais prévus par l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 2 du 18 mars 2020 relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 et par l'arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 3 du 18 mars 2020 concernant les matières transférées à la Région wallonne en vertu de l'article 138 de la Constitution et relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ou adoptés en vertu de celle-ci ainsi que ceux fixés dans les lois et arrêtés royaux relevant des compétences de la Région wallonne en vertu de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 »; 2. maintient les effets des dispositions annulées. Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 mai 2022.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux P. Nihoul

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