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Arrêt
publié le 29 septembre 2022

Extrait de l'arrêt n° 52/2022 du 31 mars 2022 Numéro du rôle : 7549 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 621 du Code d'instruction criminelle, posée par la Cour de cassation. La Cour constitutionnelle, composée des après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procéd(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 52/2022 du 31 mars 2022 Numéro du rôle : 7549 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 621 du Code d'instruction criminelle, posée par la Cour de cassation.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, D. Pieters et S. de Bethune, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 24 mars 2021, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 1er avril 2021, la Cour de cassation a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 621 du Code d'instruction criminelle viole-t-il les articles 10, 11 ou 22 de la Constitution, en tant qu'il exclut la réhabilitation des personnes ayant fait l'objet d'une décision d'internement ou relative à l'internement, prise en application de la loi du 5 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/2014 pub. 09/07/2014 numac 2014009316 source service public federal justice Loi relative à l'internement des personnes fermer relative à l'internement ou de la loi de défense sociale du 9 avril 1930 ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle porte sur l'article 621 du Code d'instruction criminelle, qui dispose : « Tout condamné à des peines non susceptibles d'être effacées conformément à l'article 619 peut être réhabilité s'il n'a pas bénéficié de la réhabilitation depuis dix ans au moins.

Toutefois, si la réhabilitation accordée depuis moins de dix ans ne porte que sur des condamnations visées à l'article 627, la Cour peut décider qu'elle ne fait pas obstacle à une nouvelle réhabilitation avant l'expiration de ce délai ».

B.2.1. La disposition en cause fait partie du régime de la réhabilitation, en vertu duquel, moyennant le respect des conditions légales, une décision judiciaire au profit d'une personne déterminée fait cesser pour l'avenir les effets de droit pénal d'une condamnation à une peine criminelle, correctionnelle ou de police.

B.2.2. Par la mesure de la réhabilitation, le législateur poursuit principalement l'objectif de réinsertion sociale. Dans la loi du 25 avril 1896, cette mesure a été considérée comme une réparation morale que les pouvoirs publics accordent à un condamné dont la conduite a été irréprochable (Pasin., 1896, p. 111). Dans le cadre de la loi du 7 avril 1964 « relative à l'effacement des condamnations et à la réhabilitation en matière pénale », il a été affirmé également que « la nouvelle législation répond au courant actuel en faveur du pardon aux condamnés » et « sert d'ailleurs l'intérêt de la paix sociale » (Doc. parl., Sénat, 1962-1963, n° 186, p. 2). Par conséquent, la réhabilitation sert tant l'intérêt du condamné que l'intérêt de la société.

B.2.3. Tout condamné à une peine peut être réhabilité, qu'il s'agisse d'une peine criminelle, d'une peine correctionnelle ou d'une peine de police, à l'exception des peines susceptibles d'effacement conformément aux articles 619 et 620 du Code d'instruction criminelle (article 621).

Le condamné doit en principe avoir subi les peines privatives de liberté et acquitté toutes les peines pécuniaires (article 622). Il doit en outre être libéré des restitutions, des dommages-intérêts et des frais auxquels il a été condamné (article 623).

Enfin, l'intéressé doit subir un temps d'épreuve durant lequel il doit avoir eu une résidence fixe en Belgique ou à l'étranger, doit avoir fait preuve d'amendement et doit avoir eu une bonne conduite (article 624).

B.2.4. La réhabilitation a pour effet de faire cesser pour l'avenir les effets de droit pénal de la condamnation, ainsi déterminés par l'article 634 du Code d'instruction criminelle : « La réhabilitation fait cesser, pour l'avenir, dans la personne du condamné, tous les effets de la condamnation, sans préjudice des droits acquis aux tiers.

Notamment : elle fait cesser dans la personne du condamné les incapacités qui résultaient de la condamnation; elle empêche que cette décision serve de base à la récidive, fasse obstacle à la condamnation conditionnelle ou soit mentionnée dans les extraits du casier judiciaire et du registre matricule militaire; elle ne restitue pas au condamné les titres, grades, fonctions, emplois et offices publics dont il a été destitué; elle ne le relève pas de l'indignité successorale; elle n'empêche ni l'action en divorce ou en séparation de corps, ni l'action en dommages-intérêts fondée sur la décision judiciaire ».

B.3.1. Parmi les différents effets de droit pénal que la réhabilitation fait cesser, l'article 634 du Code d'instruction criminelle vise notamment la mention de la décision de condamnation dans les extraits du casier judiciaire.

B.3.2. L'article 589 du Code d'instruction criminelle définit le casier judiciaire central comme « un système de traitement automatisé tenu sous l'autorité du Ministre de la Justice, qui assure, [...] l'enregistrement, la conservation et la modification des données concernant les décisions rendues en matière pénale et de défense sociale ».

L'article 590 du Code d'instruction criminelle détermine les informations enregistrées pour chaque personne dans le casier judiciaire. L'alinéa 1er, 4°, de cette disposition, tel qu'il a été remplacé par l'article 89 de la loi du 5 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/2014 pub. 09/07/2014 numac 2014009316 source service public federal justice Loi relative à l'internement des personnes fermer « relative à l'internement » (ci-après : la loi du 5 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/2014 pub. 09/07/2014 numac 2014009316 source service public federal justice Loi relative à l'internement des personnes fermer), vise : « les décisions d'internement, d'octroi ou de révocation de la libération à l'essai ou de la libération anticipée en vue de l'éloignement du territoire ou en vue de la remise, et de libération définitive, prises en application de la loi du 5 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/2014 pub. 09/07/2014 numac 2014009316 source service public federal justice Loi relative à l'internement des personnes fermer relative à l'internement ».

B.4. La juridiction a quo demande à la Cour si l'article 621 du Code d'instruction criminelle viole les articles 10, 11 ou 22 de la Constitution, en tant qu'il exclut la réhabilitation des personnes ayant fait l'objet d'une décision d'internement ou relative à l'internement, prise en application de la loi du 5 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/2014 pub. 09/07/2014 numac 2014009316 source service public federal justice Loi relative à l'internement des personnes fermer ou de la loi du 9 avril 1930 « de défense sociale à l'égard des anormaux, des délinquants d'habitude et des auteurs de certains délits sexuels » (ci-après : la loi du 9 avril 1930).

B.5. En l'espèce, la juridiction a quo est saisie d'un pourvoi en cassation, introduit par le procureur général près la Cour d'appel de Bruxelles, contre un arrêt de la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Bruxelles, rejetant une demande de réhabilitation en ce qui concerne une décision d'internement, prononcée en 1973.

B.6. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.7.1. La loi du 5 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/2014 pub. 09/07/2014 numac 2014009316 source service public federal justice Loi relative à l'internement des personnes fermer a modifié en profondeur la législation sur l'internement. Cette loi a abrogé et remplacé la loi du 9 avril 1930.

B.7.2. En vertu de la loi du 5 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/2014 pub. 09/07/2014 numac 2014009316 source service public federal justice Loi relative à l'internement des personnes fermer, les juridictions d'instruction et les juridictions de jugement peuvent ordonner l'internement d'une personne (1°) qui a commis un crime ou un délit portant atteinte à ou menaçant l'intégrité physique ou psychique de tiers et (2°) qui, au moment de la décision, est atteinte d'un trouble mental qui abolit ou altère gravement sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes et (3°) pour laquelle le danger existe qu'elle commette de nouveaux faits tels que visés au 1° en raison de son trouble mental, éventuellement combiné avec d'autres facteurs de risque. Une décision d'internement doit intervenir après une expertise psychiatrique médico-légale ou après l'actualisation d'une expertise antérieure (article 9 de la loi du 5 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/2014 pub. 09/07/2014 numac 2014009316 source service public federal justice Loi relative à l'internement des personnes fermer, tel qu'il a été remplacé par l'article 150 de la loi du 4 mai 2016 « relative à l'internement et à diverses dispositions en matière de Justice »).

La loi du 9 avril 1930, telle qu'elle a été modifiée par la loi du 1er juillet 1964 « de défense sociale à l'égard des anormaux et des délinquants d'habitude », prévoyait la possibilité d'ordonner l'internement d'un inculpé qui a commis un fait qualifié crime ou délit et qui était « soit en état de démence, soit dans un état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentale le rendant incapable du contrôle de ses actions » (articles 1er et 7).

B.7.3. Selon l'article 2 de la loi du 5 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/2014 pub. 09/07/2014 numac 2014009316 source service public federal justice Loi relative à l'internement des personnes fermer, l'internement des personnes atteintes d'un trouble mental n'est pas une peine, mais une mesure de sûreté « destinée à la fois à protéger la société et à faire en sorte que soient dispensés à la personne internée les soins requis par son état en vue de sa réinsertion dans la société. Compte tenu du risque pour la sécurité et de l'état de santé de la personne internée, celle-ci se verra proposer les soins dont elle a besoin pour mener une vie conforme à la dignité humaine. Ces soins doivent permettre à la personne internée de se réinsérer le mieux possible dans la société et sont dispensés - lorsque cela est indiqué et réalisable - par le biais d'un trajet de soins de manière à être adaptés à la personne internée ».

Par cette disposition, le législateur de 2014 a placé au coeur de la loi « relative à l'internement » la sécurité de la société, mais aussi la qualité des soins apportés aux personnes atteintes de troubles mentaux (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2001/1, p. 2).

Avant l'adoption de la loi du 5 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/2014 pub. 09/07/2014 numac 2014009316 source service public federal justice Loi relative à l'internement des personnes fermer, la Cour de cassation avait déjà jugé que l'internement « n'est pas une peine, mais, tout à la fois, une mesure de sécurité sociale et d'humanité, dont le but est de mettre le dément ou l'anormal hors d'état de nuire et, en même temps, de le soumettre, dans son propre intérêt, à un régime curatif scientifiquement organisé » (Cass., 25 mars 1946, Pas., 1946, I, p. 116; voy. aussi Cass., 8 septembre 2010, P.10.1058.F). La Cour constitutionnelle avait aussi jugé que l'internement « n'est pas une peine », mais « une mesure dont le but est de mettre une personne démente hors d'état de nuire tout en la soumettant à des mesures curatives » (arrêt n° 122/99 du 10 novembre 1999, B.3.2).

B.8.1. La différence de traitement soumise à la Cour invite à comparer, en ce qui concerne la possibilité de solliciter leur réhabilitation, les personnes ayant fait l'objet d'une condamnation pénale, qui sont visées dans la disposition en cause, avec les personnes ayant fait l'objet d'une décision d'internement. La seconde catégorie de personnes ne peut obtenir la réhabilitation, alors que la première catégorie de personnes peut bénéficier des effets de la réhabilitation.

B.8.2. La différence de traitement entre ces catégories de personnes repose sur l'existence d'une condamnation pénale ou non.

Alors que la condamnation pénale repose sur une décision qui statue au fond sur la culpabilité, l'internement est, comme il est dit en B.7.3, une mesure de sûreté qui est décidée en raison de l'existence d'un trouble mental qui représente un danger pour la société, et qui n'emporte ni une appréciation quant à la culpabilité, ni une condamnation pénale.

B.8.3. Dès lors que les personnes ayant fait l'objet d'une décision d'internement n'ont pas, à ce titre, été condamnées, elles n'ont pas subi les conséquences qu'une telle condamnation entraîne et auxquelles la réhabilitation met fin en vertu de l'article 634 du Code d'instruction criminelle, à savoir, notamment, les incapacités résultant de la condamnation et la possibilité que la décision de condamnation serve de base au constat de récidive ou fasse obstacle à la condamnation conditionnelle.

B.8.4. Compte tenu de la portée de la réhabilitation, qui est de faire cesser pour l'avenir les effets de droit pénal de la condamnation, il est justifié que cette mesure ne puisse pas s'appliquer à une décision d'internement, dont la nature et les effets ne sauraient être assimilés à ceux d'une condamnation pénale.

B.9. La disposition en cause est dès lors compatible avec les articles 10, 11 ou 22 de la Constitution.

B.10. La Cour doit toutefois encore examiner si l'impossibilité de mettre fin pour l'avenir aux effets de la décision d'internement n'emporte pas une ingérence discriminatoire dans le droit au respect de la vie privée garanti par l'article 22 de la Constitution, en ce qui concerne plus précisément la mention de la décision d'internement dans les extraits du casier judiciaire et l'accès à cette information dans le casier judiciaire.

B.11.1. L'inscription d'une décision de justice dans le casier judiciaire n'est pas une sanction pénale, mais bien une mesure de sûreté, dont la finalité est l'information des services publics qui y ont accès et des particuliers qui demandent la production d'un extrait du casier. L'inscription dans le casier judiciaire de la décision d'internement qui, comme il est dit en B.7.3, est une mesure de sûreté destinée à protéger tant la société que la personne internée, participe également du souci de protéger l'ordre public, en informant les services publics qui y ont accès et les particuliers qui demandent la production d'un extrait du casier du trouble mental qui a justifié la décision d'internement.

B.11.2. Les articles 593 à 596 du Code d'instruction criminelle organisent les modalités d'accès au casier judiciaire, en ce compris les décisions d'internement visées à l'article 590, alinéa 1er, 4°, du Code d'instruction criminelle.

Conformément à l'article 593 du Code d'instruction criminelle, les autorités judiciaires et les autorités mentionnées dans cet article qui sont chargées de l'exécution des missions judiciaires en matière pénale ont accès en permanence, « uniquement dans le cadre de leurs missions prévues par la loi qui requièrent la connaissance du casier judiciaire », aux informations enregistrées dans le casier judiciaire concernant chaque personne, en ce compris les décisions d'internement visées à l'article 590, alinéa 1er, 4°, du Code d'instruction criminelle.

L'article 594 du Code d'instruction criminelle permet également au Roi d'autoriser certaines administrations publiques à accéder aux informations enregistrées dans le casier judiciaire « uniquement dans le cadre d'une fin déterminée par ou en vertu de la loi », en ce compris les décisions d'internement visées à l'article 590, alinéa 1er, 4°, du Code d'instruction criminelle.

L'article 595 du Code d'instruction criminelle permet à toute personne d'obtenir un extrait de casier judiciaire comportant le relevé des informations enregistrées dans le casier judiciaire qui la concernent personnellement, à l'exception cependant « des mesures prises à l'égard des anormaux par application de la loi du 1er juillet 1964 » (alinéa 1er, 2°), auxquelles devraient être assimilées les décisions d'internement visées à l'article 590, alinéa 1er, 4°, du Code d'instruction criminelle, sans toutefois que le législateur ait adapté en ce sens l'article 595, alinéa 1er, 2°. L'article 596, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle concerne les extraits de casier judiciaire dits « modèles 1 », remis aux particuliers qui en sollicitent la délivrance en vue d'accéder à une activité dont les conditions d'accès ou d'exercice ont été définies par des dispositions légales ou réglementaires. Ces extraits ne mentionnent pas les décisions d'internement.

Enfin, l'article 596, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle concerne les extraits de casier judiciaire dits « modèles 2 », remis aux particuliers qui en sollicitent la délivrance afin d'accéder à une activité qui les met en contact avec des mineurs. Tel qu'il a été remplacé par l'article 6 de la loi du 31 juillet 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/07/2009 pub. 27/08/2009 numac 2009009602 source service public federal justice Loi portant diverses dispositions concernant le Casier judiciaire central fermer « portant diverses dispositions concernant le Casier judiciaire central », cette disposition prévoit que, lorsque la demande d'extrait est effectuée en vue d'accéder à une activité qui relève de l'éducation, de la guidance psycho-médico-sociale, de l'aide à la jeunesse, de la protection infantile, de l'animation ou de l'encadrement de mineurs, l'extrait mentionne « les condamnations visées à l'article 590, alinéa 1er, 1°, et 17°, et les décisions visées à l'article 590, alinéa 1er, 2°, 4°, 5° et 16°, pour des faits commis à l'égard d'un mineur, et pour autant que cet élément soit constitutif de l'infraction ou qu'il en aggrave la peine ». B.12.1. La réhabilitation, qui n'est certes pas automatique, n'a pas pour effet d'effacer les condamnations qu'elle concerne du casier judiciaire, puisque l'information concernant ces condamnations reste accessible aux autorités chargées de l'exécution des missions judiciaires en matière pénale, les arrêts de réhabilitation étant également mentionnés dans le casier judiciaire en application de l'article 590, alinéa 1er, 11°, du Code d'instruction criminelle.

Toutefois, la réhabilitation rend ces condamnations inaccessibles aux autorités administratives visées à l'article 594 du Code d'instruction criminelle et empêche qu'elles soient encore mentionnées sur les extraits destinés aux particuliers, visés tant dans l'article 595 que dans l'article 596 du Code d'instruction criminelle.

Il était, à cet égard, constaté, dans les travaux préparatoires de la loi du 9 janvier 1991 « relative à l'effacement des condamnations et à la réhabilitation en matière pénale », que « la mention dans les extraits de casier judiciaire, des condamnations encourues » constituait « un effet secondaire [de la condamnation pénale] qui, dans bien des cas, est aussi grave, sinon plus, que la condamnation elle-même » (Doc. parl., Sénat, 1989-1990, n° 905/1, p. 2).

B.12.2. Si la personne internée en raison de son trouble mental avait fait l'objet d'une condamnation pénale, elle aurait dès lors eu par la suite, et moyennant la satisfaction d'un certain nombre de conditions strictes, la possibilité de demander et, le cas échéant, d'obtenir sa réhabilitation en application des articles 621 à 634 du Code d'instruction criminelle, bénéficiant ainsi des effets de la réhabilitation quant au casier judiciaire.

Par contre, il n'existe aucune mesure, produisant des effets analogues à ceux de la réhabilitation, permettant à la personne qui a été internée de solliciter de limiter les effets de la décision d'internement dans le casier judiciaire et de rendre cette décision inaccessible aux autorités administratives et d'empêcher qu'elle soit encore mentionnée sur les extraits destinés aux particuliers.

B.13.1. Comme il est dit en B.7.3, la décision d'internement est une mesure de sûreté qui vise tant à protéger la société que la personne internée. Lorsqu'il est mis fin à l'internement, c'est en considérant que cette mesure n'est plus justifiée par le trouble mental qui l'a fondée (article 66 de la loi du 5 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/2014 pub. 09/07/2014 numac 2014009316 source service public federal justice Loi relative à l'internement des personnes fermer), de sorte que l'état mental de la personne qui était internée est suffisamment stabilisé pour que cette personne ne constitue plus un danger ni pour la société ni pour elle-même.

Comme la Cour l'a jugé par son arrêt n° 1/2011 du 13 janvier 2011, la publicité qui peut être donnée aux éléments inscrits dans le casier judiciaire est susceptible de « porter atteinte au droit des personnes concernées au respect de leur vie privée et [d']avoir des effets négatifs sur leur avenir socio-professionnel » (B.5.3). En l'espèce, les effets que cette inscription pourrait avoir sur la vie privée et sur la réinsertion professionnelle de la personne concernée ne sont soumis à aucune limite temporelle, puisque les décisions d'internement continuent d'apparaître sans aucune limitation de temps et sans qu'aucune possibilité existe pour la personne concernée de demander leur effacement ou de solliciter sa réhabilitation, même après l'écoulement d'un délai assez important, ce qui constitue une limitation disproportionnée des droits des intéressés.

B.13.2. Si la réhabilitation offre aux condamnés la possibilité d'effacer pour l'avenir les effets de droit pénal des condamnations, dans un objectif de réinsertion sociale des intéressés, notamment en rendant ces condamnations inaccessibles aux autorités administratives et en empêchant qu'elles soient encore mentionnées sur les extraits destinés aux particuliers, il est manifestement disproportionné de ne prévoir aucune possibilité analogue pour les personnes ayant fait l'objet d'une décision d'internement - laquelle poursuit également un objectif de réinsertion dans la société.

B.13.3. Il appartient au législateur de remédier à cette lacune, en organisant un régime permettant à la personne qui a été internée de demander, sous certaines conditions, que les décisions d'internement ne soient plus mentionnées dans les extraits du casier judiciaire ni rendues accessibles aux autorités administratives visées à l'article 594 du Code d'instruction criminelle, le cas échéant en s'inspirant du régime prévu pour la réhabilitation à l'égard des condamnations pénales non susceptibles d'effacement.

B.14. L'absence d'un régime légal permettant de demander, sous certaines conditions, que les décisions d'internement ne soient plus mentionnées dans les extraits du casier judiciaire ni rendues accessibles aux autorités administratives visées à l'article 594 du Code d'instruction criminelle, n'est pas compatible avec les articles 10, 11 et 22 de la Constitution.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - L'article 621 du Code d'instruction criminelle ne viole pas les articles 10, 11 et 22 de la Constitution. - L'absence de régime légal permettant de demander, sous certaines conditions, que les décisions d'internement ne soient plus mentionnées dans les extraits du casier judiciaire ni rendues accessibles aux autorités administratives visées à l'article 594 du Code d'instruction criminelle viole les articles 10, 11 et 22 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 31 mars 2022.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, P. Nihoul

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