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Arrêt
publié le 31 octobre 2022

Extrait de l'arrêt n° 46/2022 du 24 mars 2022 Numéro du rôle : 7487 En cause: la question préjudicielle relative aux articles 9 et 10 du décret de la Région flamande du 22 décembre 2017 « portant une prime pour stimuler la transition de deman La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, des juges J.-P. Moe(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 46/2022 du 24 mars 2022 Numéro du rôle : 7487 En cause: la question préjudicielle relative aux articles 9 et 10 du décret de la Région flamande du 22 décembre 2017 « portant une prime pour stimuler la transition de demandeurs d'emploi à l'entrepreneuriat », posée par la Cour du travail de Gand, division de Bruges.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, des juges J.-P. Moerman, T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune et E. Bribosia, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, de la juge émérite R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 10 décembre 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 21 décembre 2020, la Cour du travail de Gand, division de Bruges, a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 9 et/ou 10 du décret [de la Région flamande] du 22 décembre 2017 ' portant une prime pour stimuler la transition de demandeurs d'emploi à l'entrepreneuriat ' sont-ils compatibles avec les articles 10, 11 et 23 de la Constitution à l'égard des travailleurs qui, sauf après une période d'incapacité de travail, reprennent le travail de façon ininterrompue chez le même employeur après le 15 mars 2018, étant donné que le travailleur qui demeure en incapacité de travail après la fin du contrat de travail à durée déterminée (tel qu'un travail intérimaire) perd le complément de reprise du travail, ce qui pourrait également être considéré comme une réduction significative du degré de protection, alors que tant le travailleur qui redevient apte au travail avant la fin du contrat de travail à durée déterminée (tel qu'un travail intérimaire) que le travailleur qui est lié par un contrat de travail à durée indéterminée et qui redevient apte au travail conservent le droit au complément de reprise du travail ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle porte sur le complément de reprise du travail. Il s'agit d'un complément aux revenus perçus comme salarié ou indépendant, qui a été introduit en 2001 par le législateur en vue de remettre au travail les personnes âgées inactives. Ce complément se présente sous la forme d'une prime forfaitaire mensuelle versée par l'Office national de l'emploi et les organismes de paiement.

Par le décret de la Région flamande du 22 décembre 2017 « portant une prime pour stimuler la transition de demandeurs d'emploi à l'entrepreneuriat » (ci-après : le décret du 22 décembre 2017), le législateur décrétal a supprimé le complément de reprise du travail et l'a remplacé par une nouvelle prime destinée à stimuler la transition des demandeurs d'emploi vers l'entrepreneuriat. Le législateur décrétal confère ainsi « un sens renouvelé à la notion de ' reprise du travail ' en offrant aux demandeurs d'emploi qui préfèrent créer leur emploi la possibilité de lancer leur propre activité » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1318/1, p. 4).

B.2. Le législateur décrétal a toutefois prévu un régime transitoire, dans les articles 9 et 10 du décret du 22 décembre 2017. Ce sont ces dispositions qui font l'objet de la question préjudicielle.

L'article 9 dispose : « Les nouvelles demandes d'octroi d'un complément de reprise du travail tel que visé à l'article 7, § 1er, alinéa 3, p), de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, sont refusées à partir de la date d'entrée en vigueur du présent décret ».

L'article 10 dispose : « Les assurés sociaux qui reçoivent ou ont demandé un complément de reprise du travail tel que visé à l'article 7, § 1er, alinéa 3, p), de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, avant la date d'entrée en vigueur du présent décret, et qui remplissent toutes les conditions d'octroi telles que fixées en exécution de l'arrêté-loi précité, [conservent] le droit au complément de reprise du travail pour la période autorisée ».

Le décret du 22 décembre 2017 est entré en vigueur le 15 mars 2018 (article 18 de l'arrêté du Gouvernement flamand du 23 février 2018 « portant exécution du décret du 22 décembre 2017 portant une prime destinée à favoriser la transition des demandeurs d'emploi à l'entrepreneuriat »).

B.3. Le complément de reprise du travail a été inséré dans l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 « concernant la sécurité sociale des travailleurs » par l'article 61 de la loi-programme du 30 décembre 2001. L'article 7, § 1er, alinéa 3, p), de cet arrêté-loi, auquel renvoient les articles en cause, dispose : « Dans les conditions que le Roi détermine, l'Office national de l'emploi a pour mission de : [...] p) à l'aide des organismes crées en vertu du point i), aux conditions et modalités fixées par le Roi, à charge de l'assurance chômage, assurer le paiement de la prime de reprise du travail pour certaines catégories de chômeurs qui reprennent le travail, y compris les chômeurs qui lancent une activité professionnelle en tant qu'indépendant pour échapper au chômage, en vue de promouvoir leur intégration sur le marché de l'emploi. [...] ».

Les conditions d'octroi du complément de reprise du travail sont réglées dans les articles 129bis à 129quater de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 « portant réglementation du chômage » (ci-après : l'arrêté royal du 25 novembre 1991). En ce qui concerne le travailleur qui reprend le travail comme travailleur salarié, l'article 129bis, § 3, alinéa 1er, de cet arrêté dispose que « le droit au complément de reprise du travail est accordé pour une période de 12 mois renouvelable, pour autant que le travailleur reste en service auprès du même employeur ».

Cette dernière disposition a pour conséquence que le droit au complément de reprise du travail s'éteint si le travailleur n'est pas resté en service auprès du même employeur. Le travailleur peut introduire une nouvelle demande, mais les nouvelles demandes sont refusées à partir du 15 mars 2018 (article 9 du décret du 22 décembre 2017).

B.4. Le juge a quo invite la Cour à comparer les situations de deux catégories de travailleurs ayant repris le travail auprès du même employeur après une période d'incapacité de travail, après le 15 mars 2018, date d'entrée en vigueur du nouveau régime : - d'une part, les travailleurs liés par un contrat de travail à durée indéterminée qui sont redevenus aptes au travail et les travailleurs liés par un contrat de travail à durée déterminée qui sont redevenus aptes au travail avant la fin de leur contrat de travail, et - d'autre part, les travailleurs liés par un contrat de travail à durée déterminée dont le contrat de travail est arrivé à terme au cours de leur période d'incapacité de travail.

Les travailleurs relevant de la première catégorie conservent le droit au complément de reprise du travail après le 15 mars 2018, étant donné qu'ils sont restés en service de manière ininterrompue auprès du même employeur, tandis que les travailleurs relevant de la deuxième catégorie perdent le droit au complément de reprise du travail, étant donné qu'ils ne sont pas restés en service de manière ininterrompue auprès du même employeur, et ce même s'ils sont entrés à nouveau au service du même employeur dès qu'ils sont redevenus aptes au travail.

Le juge a quo souhaite savoir si cette différence de traitement ainsi que la réduction du degré de protection des travailleurs qui en découle sont compatibles avec les articles 10, 11 et 23 de la Constitution.

B.5. Comme il est dit en B.2, les articles 9 et 10 du décret du 22 décembre 2017 mettent en place un régime transitoire dans le cadre de la suppression du complément de reprise de travail et de son remplacement par une prime pour stimuler la transition de demandeurs d'emploi vers l'entrepreneuriat. Ce régime transitoire doit permettre aux travailleurs qui recevaient un complément de reprise du travail ou qui en ont fait la demande avant la date d'entrée en vigueur de la réforme de continuer à en bénéficier. Par nécessaire implication, les personnes qui, au moment de l'entrée en vigueur de la réforme, ne recevaient pas un complément de reprise du travail et qui n'avaient pas formulé une demande en ce sens, ne peuvent pas bénéficier du régime transitoire, faute de droit à maintenir.

B.6. Il appartient à l'Office national de l'emploi, sous le contrôle du juge compétent, de déterminer si le travailleur recevait ou a demandé un complément de reprise du travail avant la date d'entrée de la réforme, auquel cas il peut conserver le droit au complément de reprise du travail.

Pour déterminer quels sont les travailleurs visés par le régime transitoire, qui entrent en compte pour le maintien du complément de reprise du travail, l'article 10 du décret du 22 décembre 2017 se limite à renvoyer à la réglementation existante, prise en exécution de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 « concernant la sécurité sociale des travailleurs ». Pour savoir si un travailleur salarié bénéficie du régime transitoire, l'Office national de l'emploi doit donc vérifier s'il recevait ou s'il a demandé un complément de reprise du travail avant la date d'entrée en vigueur de la réforme et s'il remplit les conditions prévues par l'article 129bis de l'arrêté royal du 25 novembre 1991. Dans la négative, le travailleur ne bénéficie pas du régime transitoire : il doit en principe introduire une nouvelle demande, laquelle sera refusée, conformément à l'article 9 du décret du 22 décembre 2017.

B.7. Dans l'affaire pendante devant le juge a quo, la partie appelante est une personne qui est employée par une agence de travail intérimaire, dans les liens d'un contrat de travail à durée déterminée, dont le contrat, du fait d'une incapacité de travail, n'a pas été renouvelé et qui, à l'issue de cette période d'incapacité, reprend le travail auprès du même employeur.

Il ressort de la motivation de l'arrêt de renvoi que l'Office national de l'emploi a considéré que la fin et le non-renouvellement du contrat de travail à durée déterminée, pendant la période d'incapacité de travail, ont entraîné l'extinction du droit de la travailleuse concernée au complément de reprise du travail, celle-ci n'étant pas restée en service auprès du même employeur, contrairement à ce qu'exige l'article 129bis, § 3, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991. Lorsque le décret du 22 décembre 2017 est entré en vigueur, le 15 mars 2018, la partie appelante devant le juge a quo ne recevait donc plus un complément de reprise du travail.

B.8. La différence de traitement mentionnée en B.4 concerne, d'une part, les travailleurs dont on considère qu'ils sont toujours restés en service auprès du même employeur, malgré une période d'incapacité du travail, et qui, pour cette raison, conservent le droit au complément de reprise de travail dont ils bénéficiaient auparavant, en application du régime transitoire et, d'autre part, les travailleurs dont on considère qu'ils ne sont pas restés en service auprès du même employeur, puisque leur contrat de travail s'est terminé avant la fin de la période d'incapacité de travail, de sorte que le droit au complément de reprise du travail dont ils bénéficiaient auparavant s'est éteint avant l'entrée en vigueur de la réforme.

La différence de traitement repose donc sur un critère - à savoir le fait d'être resté ou non en service auprès du même employeur - qui, comme le souligne le Gouvernement flamand, n'est pas prévu par les articles 9 et 10 du décret du 22 décembre 2017, mais par l'article 129bis, § 3, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, lequel échappe à la compétence de la Cour.

B.9. La question préjudicielle ne relève pas de la compétence de la Cour.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : La question préjudicielle ne relève pas de la compétence de la Cour.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 24 mars 2022.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux L. Lavrysen

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