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Arrêt
publié le 14 novembre 2022

Extrait de l'arrêt n° 56/2022 du 21 avril 2022 Numéro du rôle : 7611 En cause : le recours en annulation partielle de l'article 15 de la loi-programme du 20 décembre 2020 La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, des juges T. Giet, (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 56/2022 du 21 avril 2022 Numéro du rôle : 7611 En cause : le recours en annulation partielle de l'article 15 de la loi-programme du 20 décembre 2020Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 20/12/2020 pub. 30/12/2020 numac 2020044541 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer (en ce qu'il remplace l'article 1erquater, § 3, de l'arrêté royal n° 20 du 20 juillet 1970 « fixant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée et déterminant la répartition des biens et des services selon ces taux »), introduit par Jose Pauwelyn et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, des juges T. Giet, J. Moerman, D. Pieters et E. Bribosia, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, de la juge émérite R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 juin 2021 et parvenue au greffe le 30 juin 2021, un recours en annulation partielle de l'article 15 de la loi-programme du 20 décembre 2020Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 20/12/2020 pub. 30/12/2020 numac 2020044541 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer (en ce qu'il remplace l'article 1erquater, § 3, de l'arrêté royal n° 20 du 20 juillet 1970 « fixant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée et déterminant la répartition des biens et des services selon ces taux »), publiée au Moniteur belge du 30 décembre 2020, a été introduit par Jose Pauwelyn, Marie-Dominique Vandewiele, Jan Tack, Anne-Sophie Pauwelyn et la SRL « Tack-Pauwelyn ». (...) II. En droit (...) B.1. L'article 15 de la loi-programme du 20 décembre 2020Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 20/12/2020 pub. 30/12/2020 numac 2020044541 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer rétablit l'article 1erquater de l'arrêté royal n° 20 du 20 juillet 1970 « fixant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée et déterminant la répartition des biens et des services selon ces taux » (ci-après : l'arrêté royal n° 20). Les parties requérantes attaquent uniquement l'article 1erquater, § 3, nouveau, de cet arrêté royal, qui dispose : « Le taux réduit de 6 p.c. s'applique aux livraisons de bâtiments d'habitation et le sol y attenant, ainsi qu'aux constitutions, cessions ou rétrocessions de droits réels au sens de l'article 9, alinéa 2, 2°, du Code, portant sur un bâtiment d'habitation et le sol y attenant, qui ne sont pas exemptées de la taxe conformément à l'article 44, § 3, 1°, du Code, par l'assujetti qui a procédé à la démolition d'un bâtiment et la reconstruction conjointe d'un bâtiment d'habitation situé sur la même parcelle cadastrale que ce bâtiment, lorsque la taxe due sur ces opérations est devenue exigible conformément à l'article 17, § 1er, du Code entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2022.

Le bénéfice du taux réduit est subordonné aux conditions suivantes : 1° l'opération visée à l'alinéa 1er est relative à un bâtiment d'habitation qui après la livraison : a) soit au moment de la première utilisation ou de la première occupation est utilisé, comme habitation unique et à titre principal comme habitation propre au sens de l'article 5/5, § 4, alinéas 2 à 8, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions, par l'acquéreur-personne physique qui y aura son domicile sans délai et a une superficie totale habitable qui n'excède pas 200 m2;b) soit est donné en location par l'acquéreur à une agence immobilière sociale ou est donné en location dans le cadre d'un mandat de gestion accordé à une agence immobilière sociale par l'acquéreur;2° le fournisseur : a) envoie avant le moment où la taxe devient exigible conformément à l'article 17, § 1er, du Code, ou, en cas d'une vente sur plan, avant le moment où intervient le fait générateur de la taxe conformément à l'article 16, § 1er, alinéa 1er, du Code, une déclaration à l'adresse électronique indiquée par le ministre des Finances ou son délégué. Cette déclaration, contresignée par l'acquéreur du bâtiment, mentionne que le bâtiment que le fournisseur a fait démolir et reconstruire et qui fait l'objet d'une opération visée à l'alinéa 1er, est destiné soit à être utilisé, soit comme habitation unique et à titre principal comme habitation propre au sens de l'article 5/5, § 4, alinéas 2 à 8, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions par l'acquéreur-personne physique, qui y aura son domicile sans délai et que cette habitation aura une superficie totale habitable qui n'excède pas 200 m2, soit à être donné en location par l'acquéreur à une agence immobilière sociale ou à être donné en location dans le cadre d'un mandat de gestion accordé à une agence immobilière sociale, et est accompagnée d'une copie : - du permis d'urbanisme; - du (des) contrat(s) d'entreprise relatifs à la démolition du bâtiment et la reconstruction du bâtiment d'habitation; - du compromis ou de l'acte authentique portant sur l'opération visée à l'alinéa 1er; b) produit à son (ses) cocontractant(s) une copie de la déclaration visée au a);3° les factures émises par le fournisseur de biens et les doubles qu'il conserve ainsi que les conventions ou actes authentiques relatifs aux opérations visées à l'alinéa 1er, constatent, sur la base de la copie de la déclaration visée au 2°, b), l'existence des éléments justifiant de l'application du taux réduit;sauf collusion entre les parties ou méconnaissance évidente de la présente disposition, la contresignature de l'acquéreur sur la déclaration visée au 2, 2°, a), décharge la responsabilité du fournisseur de biens pour la détermination du taux.

Pour l'application de l'alinéa 2, 1°, a), il n'est pas tenu compte, pour déterminer si le bâtiment d'habitation est l'habitation unique de l'acquéreur-personne physique : - des autres habitations dont il est, en vertu d'une succession, copropriétaire, nu-propriétaire ou usufruitier; - d'une autre habitation qu'il occupe comme habitation propre où il a établi son domicile et qui a été vendue au plus tard le 31 décembre de l'année qui suit celle de la première mise en service ou de la première occupation de l'habitation visée à l'alinéa 2, 1°, a).

Le taux réduit n'est pas applicable à la partie du prix relative aux piscines, saunas, mini-golfs, courts de tennis et installations similaires ».

B.2. Dans le moyen unique, les parties requérantes allèguent que la disposition attaquée viole les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que le taux réduit de TVA n'est applicable que si le même assujetti procède à la démolition et à la reconstruction, mais qu'il ne s'applique pas si le propriétaire précédent de la parcelle cadastrale concernée a démoli les bâtiments existants et si le fournisseur de la nouvelle construction a donc acheté une parcelle cadastrale non bâtie.

B.3.1. Selon le Gouvernement flamand, le recours est irrecevable ratione temporis parce que la différence de traitement attaquée trouve son origine dans l'article 56 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006.

B.3.2. Un recours dirigé contre une différence de traitement ne résultant pas de la loi attaquée mais déjà contenue dans une loi antérieure est irrecevable.

Toutefois, lorsque, dans une législation nouvelle, le législateur reprend une disposition ancienne et s'approprie de cette manière son contenu, un recours peut être introduit contre la disposition reprise, dans les six mois de sa publication.

B.3.3. Ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires, la disposition attaquée est inspirée de la rubrique XXXVII, alinéa 2, 2°, du tableau A de l'annexe à l'arrêté royal n° 20, qui a été insérée par l'article 56 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006 (Doc. parl., Chambre, 2020-2021, DOC 55-1662/001, p. 19). A titre de mesure temporaire, la disposition attaquée en élargit sensiblement le champ d'application et subordonne partiellement le taux réduit de TVA à d'autres conditions.

En adoptant la disposition attaquée, le législateur a manifesté sa volonté de légiférer à nouveau dans cette matière. Il s'est par ailleurs approprié la différence de traitement attaquée en soulignant dans les travaux préparatoires que « la mesure ne concerne que les projets qui sont menés, depuis la démolition du bâtiment jusqu'à la fourniture de l'habitation, par le même assujetti » (ibid., p. 26).

L'exception est rejetée.

B.4. Il appartient au législateur d'établir le taux de l'impôt. Il dispose en la matière d'une large marge d'appréciation. En effet, les mesures fiscales constituent un élément essentiel de la politique socioéconomique. Elles assurent non seulement une part substantielle des recettes qui doivent permettre la réalisation de cette politique, mais elles permettent également au législateur d'orienter certains comportements et d'adopter des mesures correctrices afin de donner corps à la politique sociale et économique.

Les choix de société qui doivent être réalisés lors de la collecte et de l'affectation des ressources relèvent par conséquent du pouvoir d'appréciation du législateur. La Cour ne peut sanctionner un tel choix de politique et les motifs qui le fondent que s'ils reposent sur une erreur manifeste ou s'ils sont manifestement déraisonnables.

En outre, le législateur fiscal ne peut pas prendre en compte les particularités de chaque cas d'espèce. Il peut appréhender leur diversité de manière approximative et simplificatrice.

B.5.1. En vertu de l'article 1er, alinéa 1er, de l'arrêté royal n° 20, le taux normal de TVA est fixé à 21 % . En vertu de l'article 1er, alinéa 2, du même arrêté royal, il existe toutefois des taux réduits fixés à 6 %, à 12 % et à 0 % en ce qui concerne les biens et services énumérés, respectivement, dans les tableaux A, B et C de l'annexe à cet arrêté royal.

B.5.2. En vertu de l'article 1erquater de l'arrêté royal n° 20, le taux réduit de TVA de 6 % est également applicable aux travaux de démolition et de reconstruction qui y sont définis limitativement. Il s'agit d'une mesure temporaire qui ne peut être appliquée que pour autant que la TVA soit devenue exigible entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2022.

B.5.3. Dans les travaux préparatoires, cette mesure est justifiée comme suit : « Pour faire face aux conséquences économiques de la crise corona, il est donc essentiel de se concentrer non seulement sur des mesures de protection qui préservent autant que possible le tissu économique, mais aussi sur des mesures stimulantes qui contribuent à une reprise rapide et vigoureuse.

Dans ce contexte, il est apparu que le secteur de la construction, qui semblait initialement bien résister pendant les premiers mois de la crise, rencontre entretemps également des difficultés considérables.

En particulier, une baisse substantielle du chiffre d'affaires a été observée et de nombreuses entreprises du secteur ont indiqué qu'à court terme elles devraient supprimer des emplois.

En outre, il semble également qu'en particulier les carnets de commande des entrepreneurs soient vides et que de nouvelles commandes ne soient pas passées, de sorte que les entreprises et l'emploi dans le secteur sont de plus en plus soumis à une forte pression.

Cette crise sanitaire a également un impact majeur sur les citoyens de ce pays. Se loger dignement et bénéficier d'un habitat répondant à toutes les conditions de bien-être est devenu un défi d'autant plus important pour nombre d'entre eux.

Dans ce contexte, l'objectif de cette mesure est, d'une part, de donner au secteur de la construction un important stimulus fiscal temporaire et d'autre part, de favoriser l'accès aux plus fragiles à un habitat de qualité. Ces objectifs sont rencontrés en étendant territorialement l'application du taux réduit de TVA de 6 p.c. pour la démolition et la reconstruction de bâtiments d'habitation, actuellement limitée à 32 zones urbaines, à l'ensemble du territoire belge pour une période de 2 ans.

En outre, le champ d'application matériel du régime est également élargi en rendant le taux réduit de TVA non seulement applicable aux travaux de démolition et de reconstruction, mais également aux livraisons de ces nouveaux bâtiments d'habitation et à la constitution, cession et rétrocession de certains droits réels sur ces bâtiments d'habitation. De cette manière, un secteur important du marché, en particulier les projets réalisés par des promoteurs de la construction et destinés à la vente, qui jusqu'à présent étaient exclus de l'application du taux réduit de TVA, est également intégré dans le champ d'application du régime tarifaire préférentiel. De cette manière, l'intensité et donc l'efficacité du stimulus fiscal pour la relance économique du secteur sont également proportionnellement renforcées.

En outre, au regard de la base juridique européenne de la mesure, cette dernière poursuit également un objectif social important puisque les opérations pour lesquelles le tarif préférentiel s'applique doivent porter sur des logements fournis dans le cadre de la politique sociale (cf. catégorie 10 de l'annexe III de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée).

C'est pour ces raisons que les trois cas d'application qui constituent le régime tarifaire préférentiel sont chacun liés à une ou plusieurs conditions de fond ayant un caractère social, de sorte que tout le monde ne peut pas bénéficier du système tarifaire préférentiel, mais seulement des groupes cibles déterminés sur la base de critères de limitation de nature sociale. Il s'agit entre autres, selon le cas, d'une exigence de superficie maximale pour le logement, du fait qu'il s'agit de l'habitation unique et à titre principal de l'habitation propre ou du fait que l'habitation est utilisée pour la location à long terme à ou via une agence immobilière sociale.

En se concentrant sur la démolition et la reconstruction, la mesure aura finalement également un impact écologique positif.

En effet, une partie du patrimoine résidentiel en Belgique est tellement obsolète qu'une rénovation limitée n'est plus toujours une option réaliste pour amener ces bâtiments au niveau requis afin de satisfaire aux normes en vigueur en matière de performance et d'efficacité énergétiques. De plus, cela stimule également la reconversion de bâtiments désaffectés et souvent délabrés tels que notamment des bâtiments industriels et des commerces, en logements de qualité, ce qui peut contribuer à une densification supplémentaire du parc résidentiel, en particulier dans les zones déjà urbanisées.

Dans ce cadre, cette mesure peut apporter une contribution au renouvellement accéléré de ce secteur du patrimoine résidentiel, les bâtiments d'habitation désuets étant remplacés par des bâtiments d'habitation neufs répondant aux normes les plus récentes en matière de performance et d'efficacité énergétiques.

La mesure contribue par conséquent à la réalisation des objectifs environnementaux auxquels la Belgique s'est engagée au niveau européen. De cette manière, les orientations définies dans le Plan national Energie-Climat (PNEC) 2021-2030 en vue d'une transition vers un système énergétique durable, fiable et financièrement abordable sont mises en oeuvre, selon les cinq dimensions de l'Union européenne de l'Energie et en ligne avec les objectifs fixés pour 2030. La mesure contribue notamment à la mise en oeuvre de la contribution fédérale au PNEC dans le domaine de la décarbonisation et de l'efficacité énergétique » (Doc. parl., Chambre, 2020-2021, DOC 55-1662/001, pp. 17-19).

En ce qui concerne plus spécifiquement la mesure attaquée, les travaux préparatoires exposent : « Enfin, l'article 1erquater, § 3, nouveau, de l'arrêté royal n° 20 prévoit une troisième extension majeure de la mesure tarifaire favorable concernant la démolition et la reconstruction actuellement prévue dans la rubrique XXXVII précitée. En effet, la présente mesure temporaire s'applique également aux livraisons de bâtiments d'habitation et le sol y attenant, ainsi qu'aux constitutions, cessions ou rétrocessions de droits réels visées à l'article 9, alinéa 2, 2°, du Code, portant sur un bâtiment d'habitation et le sol y attenant et qui ne sont pas exemptées de la taxe conformément à l'article 44, § 3, 1°, du Code, consécutives à la démolition d'un bâtiment et la reconstruction conjointe d'un bâtiment d'habitation, situé sur la même parcelle cadastrale que ce bâtiment.

Cette mesure concerne dès lors en particulier les promoteurs immobiliers qui investissent dans l'achat de parcelles bâties en vue d'y créer de nouveaux logements soit sous la forme de maisons, soit d'appartements. Il est en effet apparu qu'un nombre significatif de projets immobiliers de démolition et reconstruction d'un bâtiment trouvaient leur origine dans le cadre d'initiatives entrepreneuriales de ce genre. Comme cela est précisé dans le texte, la mesure ne concerne que les projets qui sont menés, depuis la démolition du bâtiment jusqu'à la fourniture de l'habitation, par le même assujetti.

Cette mesure ne concerne dès lors pas les travaux immobiliers effectués en faveur de ces promoteurs, mais bien la livraison subséquente du bâtiment d'habitation à un particulier en vue pour ce dernier : - soit d'en faire son habitation unique et, à titre principal, son habitation propre (tenant compte d'une superficie habitable maximale de 200 m2); - soit de la donner en location pour une longue durée à ou par l'intermédiaire d'une agence immobilière sociale.

Le caractère temporaire de la mesure implique dans ce cas que l'exigibilité de la taxe sur ces livraisons doit intervenir entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2022.

Ces opérations ne sont actuellement pas soumises à un taux réduit de TVA sur la base de la rubrique XXXVII précitée. Pour cette raison, cette mesure s'appliquera donc également, pour sa période d'application, dans les villes visées à la rubrique XXXVII, alinéa 2, 2°, contrairement à la mesure visée au paragraphe 1er de l'article 1erquater, nouveau » (ibid., pp. 26-27).

En d'autres termes, la mesure attaquée poursuit trois objectifs.

Premièrement, elle entend, dans le cadre de la relance économique à la suite de la crise du coronavirus, donner un incitant fiscal au secteur de la construction. Deuxièmement, elle poursuit un objectif social en favorisant l'accès des plus fragiles à un habitat de qualité. Le troisième objectif est de nature écologique, dès lors que la mesure vise, à la lumière des objectifs climatiques européens qui lient la Belgique, à faire remplacer les bâtiments vétustes par de nouvelles constructions qui satisfont aux normes en vigueur en matière de performance et d'efficacité énergétiques.

B.6.1. La disposition attaquée poursuit ces objectifs en octroyant temporairement un taux réduit de TVA en ce qui concerne la livraison de bâtiments d'habitation et le sol y attenant, si le même assujetti a procédé à la démolition d'un bâtiment et à la reconstruction conjointe d'un bâtiment d'habitation situé sur la même parcelle cadastrale.

Cette mesure est pertinente pour atteindre ces objectifs, dès lors qu'elle encourage les promoteurs immobiliers à démolir des bâtiments vétustes et à les remplacer par de nouvelles constructions.

B.6.2. Le législateur a fait un choix de politique qui n'est pas manifestement déraisonnable en n'octroyant pas ce taux réduit de TVA aux promoteurs immobiliers qui achètent une parcelle cadastrale non bâtie en vue de la construction et de la livraison de bâtiments d'habitation et du sol y attenant, après que le propriétaire précédent a démoli les bâtiments existants. Ces promoteurs immobiliers ne doivent en effet pas être encouragés à démolir des bâtiments existants.

B.7. Par ailleurs, la disposition attaquée n'impose pas de charge disproportionnée aux promoteurs immobiliers qui achètent une parcelle cadastrale non bâtie. En effet, elle a seulement pour effet que les acheteurs sont redevables du taux normal de TVA, qui est fixé à 21 % .

S'il est vrai que l'applicabilité de ce taux peut être constitutive d'un préjudice concurrentiel pour ces promoteurs immobiliers par rapport aux promoteurs qui peuvent vendre leurs projets de nouvelles constructions en application du taux réduit de TVA, elle n'a pas pour effet qu'il devient exagérément difficile ou impossible pour eux de réaliser un projet de nouvelle construction ou de vendre les habitations réalisées.

B.8. Enfin, les parties requérantes soutiennent que la soi-disant « tolérance administrative » contenue au point 5.1 de la circulaire 2021/C/18 du 25 février 2021 « relative au taux réduit de la TVA applicable temporairement concernant la démolition et la reconstruction de bâtiments d'habitation sur l'ensemble du territoire belge et leur livraison » accentue encore plus la violation attaquée du principe d'égalité et de non-discrimination. Cette tolérance administrative implique que le taux réduit de TVA de 6 % s'applique à des projets dans lesquels la démolition est effectuée par le propriétaire foncier et la reconstruction est réalisée par le promoteur immobilier, si trois conditions cumulatives sont remplies : une cause d'exigibilité de la TVA est intervenue avant le 1er janvier 2021, il est question d'« unité de projet » et le propriétaire foncier et le promoteur immobilier sont des « parties liées ».

En ce que les parties requérantes allèguent que cette tolérance administrative n'est pas applicable lorsque le propriétaire foncier et le promoteur immobilier ne sont pas des parties liées, elles dénoncent une différence de traitement qui ne découle pas de la disposition attaquée, mais de la circulaire précitée. Par conséquent, cela ne relève pas de la compétence de la Cour.

B.9. Le moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 21 avril 2022.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, L. Lavrysen

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