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Arrêt
publié le 09 mai 2022

Extrait de l'arrêt n° 182/2021 du 16 décembre 2021 Numéro du rôle : 7375 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 257, alinéa 1 er , 4°, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été remplacé par l'art La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J.-P. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 182/2021 du 16 décembre 2021 Numéro du rôle : 7375 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 257, alinéa 1er, 4°, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été remplacé par l'article 2, 2°, du décret de la Région wallonne du 10 décembre 2009 « d'équité fiscale et d'efficacité environnementale pour le parc automobile et les maisons passives », posées par le Tribunal de première instance de Liège, division de Liège.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J.-P. Moerman, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne et D. Pieters, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 20 février 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 10 mars 2020, le Tribunal de première instance de Liège, division de Liège, a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 257, alinéa 1er, 4°, du CIR/92 tel que modifié par le Décret du 10 décembre 2009 d'équité fiscale et d'efficacité environnementale pour le parc automobile et les maisons passives de la Région wallonne, en son article 2, 2°, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution s'il fallait interpréter l'absence d'usage depuis plus de douze mois comme une condition objective relative à l'immeuble, sans la moindre référence au redevable du précompte immobilier durant cette période et que seraient sans incidence les mutations de propriété ainsi que le fait que ce non usage soit pour partie antérieur à l'acquisition de l'immeuble, en ce qu'il exclurait le nouveau propriétaire dès la première année d'inoccupation dans son chef du bénéfice d'une remise ou la réduction du précompte immobilier ou le placerait, pour bénéficier de l'exonération pour inoccupation et improductivité, dès la première année de son acquisition, dans la situation probatoire de devoir rapporter la preuve qu'il ne pouvait exercer ses droits réels que pour cause de calamité, de force majeure, d'une procédure ou d'une enquête administrative ou judiciaire empêchant la jouissance libre de l'immeuble, dans une telle hypothèse, le caractère simplement involontaire de l'improductivité étant insuffisant ? »; « 2. Ce même article 257, alinéa 1er, 4°, du CIR/92 tel que modifié par le Décret du 10 décembre 2009 d'équité fiscale et d'efficacité environnementale pour le parc automobile et les maisons passives de la Région wallonne, en son article 2, 2°, ne crée-t-il pas une discrimination injustifiée en traitant différemment sur le plan probatoire et sur le plan de l'exonération deux catégories de contribuables se trouvant dans des situations identiques selon que l'inoccupation du bien est nouvelle ou antérieure à la mutation de propriété; d'une part, une première catégorie de redevables du précompte immobilier, qui ne pourrait bénéficier de l'exonération du précompte immobilier, pour la première année d'inoccupation involontaire depuis la date d'achat, que s'ils prouvent se trouver dans l'impossibilité de percevoir des revenus, de louer ou de vendre pour cause de calamité, de force majeure, d'une procédure ou d'une enquête administrative ou judiciaire empêchant la jouissance libre de l'immeuble uniquement en considération du seul fait de l'ancien propriétaire qui aurait laissé le bien inoccupé avant de le vendre, et, d'autre part, une autre catégorie de redevables, qui pourrait bénéficier de l'exonération du précompte immobilier, pour la première année d'inoccupation, en se contentant d'établir le caractère simplement involontaire de l'improductivité, uniquement en considération du fait qu'ils acquièrent un immeuble précédemment occupé par son ancien propriétaire et qui devient inoccupé pour des raisons indépendantes de la volonté de son nouveau propriétaire ? »; « 3. L'article 257, alinéa 1er, 4°, du CIR/92 relatif aux conditions de réduction du précompte immobilier pour improductivité, tel que modifié par l'article 2, 2°, du décret de la Région wallonne du 10 décembre 2009 d'équité fiscale et d'efficacité environnementale pour le parc automobile et les maisons passives du 10 décembre 2009 (M.B., 23 décembre 2009), s'il fallait interpréter l'absence d'usage depuis plus de douze mois comme une condition objective relative à l'immeuble, sans la moindre référence au redevable du précompte immobilier durant cette période et que seraient sans incidence les mutations de propriétés ainsi que le fait que ce non usage soit pour partie antérieur à l'acquisition de l'immeuble, viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce qu'il exclut la remise ou la réduction proportionnelle du précompte immobilier lorsque l'immeuble est resté inoccupé pendant plus de douze mois, du seul fait de son inoccupation par le précédent propriétaire, aux propriétaires réalisant des travaux pour changer l'affectation de l'immeuble dès son acquisition tandis que les propriétaires construisant un immeuble sur des terrains non bâtis échappent au paiement du précompte immobilier ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la disposition en cause B.1.1. L'article 257 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : le CIR 1992) fait partie de la section II (« Précompte immobilier ») du chapitre premier (« Versement de l'impôt par voie de précomptes ») du titre VI (« Dispositions communes aux quatre impôts ») de ce Code.

Tel qu'il a été remplacé par l'article 2, 2°, du décret de la Région wallonne du 10 décembre 2009 « d'équité fiscale et d'efficacité environnementale pour le parc automobile et les maisons passives », l'article 257, alinéa 1er, 4°, du CIR 1992 dispose : « Sur la demande de l'intéressé, il est accordé : [...] 4° remise ou modération du précompte immobilier dans une mesure proportionnelle à la durée et à l'importance de l'inoccupation, de l'inactivité ou de l'improductivité du bien immeuble : a) dans le cas où un bien immobilier bâti, non meublé, est resté inoccupé et improductif pendant au moins 180 jours dans le courant de l'année; b) dans le cas où la totalité du matériel et de l'outillage, ou une partie de ceux-ci représentant au moins 25 p.c. de leur revenu cadastral, est restée inactive pendant 90 jours dans le courant de l'année; c) dans le cas où la totalité soit d'un bien immobilier bâti, soit du matériel et de l'outillage, ou une partie de ceux-ci représentant au moins 25 p.c. de leur revenu cadastral respectif, est détruite.

Les conditions de réduction doivent s'apprécier par parcelle cadastrale ou par partie de parcelle cadastrale lorsqu'une telle partie forme, soit une habitation séparée, soit un département ou une division de production ou d'activité susceptibles de fonctionner ou d'être considérés séparément, soit une entité dissociable des autres biens ou parties formant la parcelle et susceptible d'être cadastrée séparément.

L'improductivité doit revêtir un caractère involontaire. La seule mise simultanée en location et en vente du bien par le contribuable n'établit pas suffisamment l'improductivité.

A partir du moment où il n'a plus été fait usage du bien depuis plus de douze mois, compte tenu de l'année d'imposition précédente, la remise ou la réduction proportionnelle du a) ci-avant ne peut plus être accordée dans la mesure où la période d'inoccupation dépasse douze mois, sauf dans le cas d'un immeuble dont le contribuable ne peut exercer les droits réels pour cause de calamité, de force majeure, d'une procédure ou d'une enquête administrative ou judiciaire empêchant la jouissance libre de l'immeuble, jusqu'au jour où disparaissent ces circonstances entravant la jouissance libre de l'immeuble. Est notamment considéré comme tel, l'immeuble qui constitue un logement non améliorable, au sens de l'article 1er, 14°, du Code wallon du Logement, reconnu comme tel par un délégué du Ministre du Logement ou par un arrêté du bourgmestre. ».

B.1.2. Entré en vigueur le 23 décembre 2009, l'article 2, 2°, du décret du 10 décembre 2009 est applicable depuis l'exercice d'imposition 2009 (article 4 du décret du 10 décembre 2009).

B.2. Tel qu'il s'applique en Région wallonne, l'article 257, alinéa 1er, 4°, a), du CIR 1992 permet aux contribuables de bénéficier d'une remise ou d'une réduction du précompte immobilier dans l'hypothèse d'un immeuble bâti et non meublé resté inoccupé et improductif pendant au moins 180 jours dans le courant de l'année, pour autant que l'improductivité revête un caractère involontaire, étant entendu que la seule mise simultanée en location et en vente du bien par le contribuable n'établit pas suffisamment l'improductivité.

L'avantage fiscal est toutefois limité dans le temps. Ainsi, lorsque la durée d'inoccupation du bien excède douze mois, compte tenu de l'année d'imposition précédente, la remise ou réduction ne peut plus, en règle, être accordée pour la période d'inoccupation qui excède les douze mois. Seuls peuvent continuer à bénéficier de la remise ou de la réduction les contribuables qui ne peuvent pas exercer leurs droits réels sur l'immeuble concerné, dans des hypothèses limitativement énumérées, à savoir une calamité, une force majeure, une procédure ou une enquête administrative ou judiciaire empêchant la jouissance libre de l'immeuble. L'avantage fiscal cesse le jour où ces circonstances disparaissent.

B.3. Par la disposition en cause, le législateur décrétal vise plusieurs objectifs.

Ainsi, les travaux préparatoires indiquent que la disposition en cause répond à la nécessité de rapporter l'avantage fiscal de la remise ou de la réduction du précompte immobilier pour les biens inoccupés ou improductifs « aux objectifs réels de ne pas taxer le possesseur d'un bien immobilier qui vient d'être mis temporairement dans l'impossibilité de percevoir des revenus de son immeuble, pour des causes indépendantes de sa volonté » (Doc. parl., Parlement wallon, 2009-2010, n° 118/1, p. 3).

Le législateur poursuit également un « objectif d'équité fiscale de ne pas octroyer d'avantage fiscal onéreux pour la Région en contrariété avec d'autres politiques régionales, telle la lutte contre la taudisation » et, dans ce contexte, tend à supprimer l'effet pervers que pouvait provoquer l'avantage octroyé précédemment « de finalement désavantager le propriétaire qui répare et améliore l'immeuble en cause, avec à la clé occupation de l'immeuble et, partant, débition du précompte immobilier (avec même peut-être une augmentation du revenu cadastral de l'immeuble à la suite de ses travaux), par rapport au propriétaire spéculant sur la valeur du terrain en laissant se dégrader l'immeuble qui ne doit pas payer le précompte immobilier durant cette période de spéculation » (ibid., pp. 3-4). Ainsi que le ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports l'a souligné en commission, la disposition en cause vise à encourager l'accès au logement et, corrélativement, à décourager la spéculation immobilière (Doc. parl., Parlement wallon, 2009-2010, n° 117/2 et n° 118/2; S.E. 2009, n° 17/3, p. 3).

De manière plus générale, la modification s'inscrit dans le contexte d'une lutte plus large contre les logements abandonnés (Doc. parl., Parlement wallon, 2009-2010, n° 118/1, p. 4).

Enfin, la limitation dans le temps du bénéfice de la réduction du précompte immobilier est justifiée par référence à « l'objectif de la taxe régionale sur les sites d'activité économique désaffectés, destinée à redynamiser les parcelles immobilières affectées aux activités économiques et à les remettre dans le circuit économique », avec toutefois cette précision que « compte tenu de la jurisprudence actuelle de la Cour constitutionnelle en cette matière, il est également proposé que cette limitation dans le temps de l'avantage de la réduction, ne joue pas dans le cas où le propriétaire ne peut de toute façon pas jouir librement de son immeuble, et ce de manière involontaire, tel que d'ailleurs la législation de la Région flamande le prévoit » (ibid.).

Quant au fond En ce qui concerne les deux premières questions préjudicielles B.4. Les questions préjudicielles posées par le juge a quo portent spécifiquement sur la condition temporelle de l'article 257, alinéa 1er, 4°, du CIR 1992, qui dispose : « A partir du moment où il n'a plus été fait usage du bien depuis plus de douze mois, compte tenu de l'année d'imposition précédente, la remise ou la réduction proportionnelle du a) ci-avant ne peut plus être accordée dans la mesure où la période d'inoccupation dépasse douze mois ».

Le motif de l'inoccupation à démontrer pour bénéficier de la remise ou de la réduction du précompte immobilier est différent selon que l'on se situe dans les douze premiers mois d'inoccupation ou au-delà de ce délai. En-deçà de douze mois d'inoccupation de l'immeuble, l'avantage fiscal peut être demandé par le redevable du précompte immobilier aux conditions visées à l'article 257, alinéa 1er, 4°, a) à c) du CIR 1992, à savoir en faisant valoir seulement le caractère involontaire de l'improductivité. Au-delà des douze mois, seules une cause de calamité, une cause de force majeure, une procédure ou une enquête administrative ou judiciaire empêchant la jouissance libre de l'immeuble peuvent fonder une demande de remise ou de réduction du précompte immobilier. Il n'est pas contesté que la preuve est plus aisée à apporter en ce qui concerne la première période ni que les cas d'application sont plus nombreux.

B.5. Selon la position adoptée par l'administration fiscale dans le cadre du litige devant le juge a quo, il convient, pour calculer la période d'inoccupation du bien, de prendre également en compte la période qui précède l'acquisition de l'immeuble par le propriétaire qui effectue la demande de remise ou de réduction du précompte immobilier, de sorte que cette condition peut être considérée comme une condition objective relative à l'immeuble.

B.6.1. Le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité de la disposition en cause, dans l'interprétation mentionnée en B.5, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'elle exclurait le nouveau propriétaire redevable du précompte immobilier du bénéfice d'une remise ou d'une réduction du précompte immobilier à la condition probatoire de simple improductivité involontaire, dès la première année d'inoccupation dans son chef, lorsque l'immeuble était déjà inoccupé préalablement à la vente (première question préjudicielle), et en ce qu'elle créerait une discrimination entre la catégorie de propriétaires redevables du précompte immobilier précitée et la catégorie des propriétaires redevables dont l'immeuble nouvellement acquis était précédemment occupé par son ancien propriétaire, en ce que la preuve de l'improductivité est plus aisée pour cette seconde catégorie (deuxième question préjudicielle).

Comme le résume le juge a quo : « Cette première catégorie de contribuables devrait supporter un précompte immobilier malgré le fait qu'ils entament sans retard des démarches et exécutent des travaux pour modifier l'affectation de leur nouveau bien, précédemment laissé vide d'occupants avant la mutation de propriété, sans agir pour autant de manière spéculative, et malgré le fait qu'ils rencontrent ainsi l'objectif poursuivi par le législateur décrétal de lutter contre des immeubles désaffectés ».

B.6.2. Les deux questions préjudicielles étant liées et fondées sur la même interprétation de l'article 257, alinéa 1er, 4°, du CIR 1992, la Cour les examine conjointement.

B.7. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.8. Dans l'interprétation du juge a quo, le redevable du précompte immobilier ne peut obtenir une remise ou une réduction du précompte immobilier au cours du premier exercice fiscal qui suit l'acquisition d'un immeuble en démontrant une inoccupation improductive non liée à une situation de force majeure au sens large que si l'immeuble était occupé par ses possesseurs antérieurs au moment de l'acquisition. De la sorte, la disposition en cause, dans cette interprétation, introduit une distinction fondée sur l'état d'occupation de l'immeuble à l'acquisition.

B.9.1. Comme il est mentionné dans les travaux préparatoires cités en B.3, le législateur décrétal visait des « objectifs réels de ne pas taxer le possesseur d'un bien immobilier qui vient d'être mis temporairement dans l'impossibilité de percevoir des revenus de son immeuble, pour des causes indépendantes de sa volonté ». La disposition en cause vise à encourager l'accès au logement et à décourager la spéculation.

B.9.2. En disposant que le bénéfice de la remise ou de la réduction du précompte immobilier est soumis à une condition plus stricte en cas d'inoccupation d'un immeuble bâti pendant longtemps, le législateur décrétal entendait lutter contre l'inoccupation et la taudisation. La condition de douze mois est en rapport avec l'objectif du législateur d'inciter le propriétaire à exécuter des travaux d'entretien ou de réparation dans les délais ou à rechercher un locataire ou un acheteur.

B.10. Eu égard aux objectifs poursuivis, il n'apparaît pas en quoi un propriétaire d'un immeuble devrait être exclu du bénéfice de la remise ou de la réduction du précompte immobilier s'il ne peut démontrer une cause de force majeure au sens large, pour la seule circonstance que les possesseurs antérieurs ont laissé le bien inoccupé, alors que son intérêt d'effectuer des travaux d'entretien et de réparation qui rendent le bien temporairement improductif est tout aussi légitime que celui des autres redevables du précompte immobilier.

B.11. Par conséquent, dans l'interprétation du juge a quo, la disposition en cause, en privant du bénéfice de la remise ou de la réduction du précompte immobilier la catégorie des redevables du précompte immobilier qui ont acquis un bien immeuble qui avait été antérieurement laissé inoccupé et qui ne peuvent démontrer une cause de force majeure au sens large, produit des effets disproportionnés compte tenu des objectifs poursuivis par le législateur. Elle fait en outre naître une différence de traitement non raisonnablement justifiée entre cette catégorie de redevables et la catégorie de redevables visée dans la deuxième question préjudicielle. Dans cette interprétation, la disposition en cause n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.12. La disposition en cause peut toutefois aussi recevoir une autre interprétation.

B.13.1. Compte tenu de l'objectif poursuivi par le législateur décrétal, la remise ou réduction du précompte immobilier est un avantage octroyé au propriétaire d'un bien immobilier qui vient d'être mis temporairement dans l'impossibilité de percevoir des revenus de son immeuble, pour des causes indépendantes de sa volonté. L'article 257, alinéa 1er, 4°, du CIR 1992 ne précise pas que la condition d'inoccupation durant douze mois maximum est dépendante de la seule situation du bien, nonobstant l'identité de son propriétaire.

Cette interprétation résulte par ailleurs du texte de l'article 257, alinéas 1er, 4°, et 3, du CIR 1992, qui renvoie, en ce qui concerne l'exception à la durée de douze mois, au « cas d'un immeuble dont le contribuable ne peut exercer les droits réels ». Il ressort du libellé de cet article que la durée de douze mois porte sur le contribuable, plutôt que sur l'immeuble en soi, et que ce délai n'est en cause qu'en ce que le contribuable dispose de droits réels sur l'immeuble. Aussi longtemps que le nouveau propriétaire n'avait pas encore acquis la propriété, le délai de douze mois ne pouvait donc pas débuter en ce qui le concerne.

B.13.2. Partant, la disposition en cause peut être interprétée en ce sens que la condition de douze mois d'inoccupation est liée au redevable du précompte immobilier et ne prend donc cours qu'à dater de la mutation du droit de propriété sur le bien immeuble dans le chef de ce redevable.

B.13.3. Cette interprétation ne peut toutefois pas donner lieu à l'abus fiscal visé à l'article 344, § 1er, du CIR 1992. Opérer un transfert de droits réels dans le seul but d'éviter de payer le précompte immobilier pendant plus de douze mois, sur la base de l'article 257, alinéa 1er, 4°, du CIR 1992, ne saurait, par conséquent, être opposable à l'administration. Il appartient au juge fiscal d'apprécier, en usant des moyens de preuve visés à l'article 340 du CIR 1992, si un contribuable vise à obtenir un avantage fiscal en violation des objectifs de la disposition en cause, par le biais d'un transfert de droits réels « dont le but essentiel est l'obtention de cet avantage ».

B.14. Dans l'interprétation mentionnée en B.13.2 et compte tenu de ce qui est dit en B.13.3, la disposition en cause est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

En ce qui concerne la troisième question préjudicielle B.15. Le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité de la disposition en cause, dans l'interprétation mentionnée en B.5., avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce qu'elle exclut la remise ou la réduction proportionnelle du précompte immobilier, lorsque l'immeuble est resté inoccupé pendant plus de douze mois du seul fait de son inoccupation par le précédent propriétaire, pour les propriétaires qui réalisent des travaux en vue de changer l'affectation de l'immeuble dès son acquisition, alors que les propriétaires qui construisent un immeuble sur des terrains non bâtis échappent au paiement du précompte immobilier.

B.16.1. Compte tenu de la réponse aux première et deuxième questions préjudicielles, la réponse à la troisième question préjudicielle n'est pas utile à la solution du litige pendant devant le juge a quo.

B.16.2. La troisième question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - L'article 257, alinéa 1er, 4°, du Code des impôts sur les revenus 1992, interprété en ce sens que la condition d'inoccupation de douze mois est liée à l'immeuble bâti et ne tient pas compte de l'identité du redevable du précompte immobilier, viole les articles 10 et 11 de la Constitution. - L'article 257, alinéa 1er, 4°, du Code des impôts sur les revenus 1992, interprété en ce sens que la condition d'inoccupation de douze mois est liée au redevable du précompte immobilier et ne prend donc cours qu'à dater de la mutation du droit de propriété sur l'immeuble dans le chef de ce redevable, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution. - La troisième question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 16 décembre 2021.

Le greffier, Le président, F. Meersschaut P. Nihoul

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