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Arrêt
publié le 06 avril 2022

Extrait de l'arrêt n° 169/2021 du 25 novembre 2021 Numéro du rôle : 7365 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 19bis de l'arrêté royal du 25 octobre 1971 « fixant le statut des maîtres de religion, des professeurs de relig La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J.-P. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 169/2021 du 25 novembre 2021 Numéro du rôle : 7365 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 19bis de l'arrêté royal du 25 octobre 1971 « fixant le statut des maîtres de religion, des professeurs de religion et des inspecteurs de religion des religions catholique, protestante, israélite, orthodoxe et islamique des établissements d'enseignement de la Communauté française », tel qu'il a été inséré par l'article 156 du décret de la Communauté française du 10 mars 2006 « relatif aux statuts des maîtres de religion et professeurs de religion », posée par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J.-P. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne et D. Pieters, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par l'arrêt n° 247.028 du 11 février 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 24 février 2020, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 19bis de l'arrêté royal du 25 octobre 1971 fixant le statut des maîtres de religion, des professeurs de religion et des inspecteurs de religion des religions catholique, protestante, israélite, orthodoxe et islamique des établissements d'enseignement de la Communauté française, inséré par le décret du 10 mars 2006 et tel qu'il était rédigé avant sa modification par le décret du 11 juillet 2018, viole-t-il les articles 10, 11 ou 24 de la Constitution en ce que cette disposition ne prévoit pas la faculté pour le membre du personnel à qui elle s'applique d'introduire une réclamation contre la décision de licenciement sans préavis pour faute grave devant une chambre de recours, alors que cette faculté est expressément réservée par les articles 28bis et 43ter de l'arrêté royal du 22 mars 1969 fixant le statut des membres du personnel directeur et enseignant, du personnel auxiliaire d'éducation, du personnel paramédical des établissements d'enseignement, gardien, primaire, spécialisé, moyen, technique, de promotion sociale et artistique de l'Etat, des internats dépendant de ces établissements et des membres du personnel du service d'inspection chargé de la surveillance de ces établissements respectivement aux membres du personnel désignés à titre temporaire licenciés sans préavis pour faute grave et aux membres du personnel temporaires prioritaires ou temporaires protégés licenciés sans préavis pour faute grave, et que cette faculté est également réservée aux temporaires licenciés moyennant un préavis et aux temporaires prioritaires ou temporaires protégés licenciés moyennant un préavis par respectivement les articles 28 et 43 du même arrêté royal du 22 mars 1969, ainsi qu'aux professeurs de religion, en stage, licenciés avec un préavis par l'article 18 de l'arrêté royal du 25 octobre 1971 précité ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La question préjudicielle porte sur l'article 19bis de l'arrêté royal du 25 octobre 1971 « fixant le statut des maîtres de religion, des professeurs de religion et des inspecteurs de religion des religions catholique, protestante, israélite, orthodoxe et islamique des établissements d'enseignement de la Communauté française » (ci-après : l'arrêté royal du 25 octobre 1971), tel qu'il a été inséré par le décret de la Communauté française du 10 mars 2006 « relatif aux statuts des maîtres de religion et professeurs de religion » (ci-après : le décret du 10 mars 2006) et tel qu'il était rédigé avant sa modification par le décret de la Communauté française du 11 juillet 2018 « portant diverses mesures en matière de statut des membres du personnel de l'enseignement » (ci-après : le décret du 11 juillet 2018).

B.1.2. Tel qu'il est applicable dans l'affaire pendante devant le juge a quo, l'article 19bis de l'arrêté royal du 25 octobre 1971 dispose : « 1er. Tout stagiaire peut être licencié sans préavis pour faute grave. Est considéré comme constituant une faute grave, tout manquement qui rend immédiatement et définitivement impossible toute collaboration entre le membre du personnel et le chef d'établissement de l'établissement d'enseignement où il est affecté. § 2. Dès le moment où il a connaissance d'éléments susceptibles de constituer une faute grave, le chef d'établissement convoque par lettre recommandée à la poste, le membre du personnel à une audition qui doit avoir lieu au plus tôt cinq jours ouvrables et au plus tard dix jours ouvrables après l'envoi de la convocation. La procédure se poursuit lorsque le membre du personnel ne se présente pas à l'audition ou n'y est pas représenté.

Lors de l'audition, le membre du personnel peut se faire assister ou représenter par un avocat, par un défenseur choisi parmi les membres du personnel en activité de service ou retraités de l'enseignement organisé par la Communauté française ou par un représentant d'une organisation syndicale agréée. § 3. Si après l'audition ou en l'absence du membre du personnel ou de son représentant lors de l'audition, le chef d'établissement estime qu'il y a suffisamment d'éléments constitutifs d'une faute grave, il transmet immédiatement la proposition de licenciement au Gouvernement qui prend sa décision dans les trois jours ouvrables à compter de l'envoi de la proposition.

Le licenciement est accompagné de la preuve de la réalité des faits reprochés. Il est notifié au membre du personnel, soit par exploit d'huissier, soit par lettre recommandée à la poste, laquelle produit ses effets le troisième jour ouvrable suivant la date de son expédition.

Copie de la décision est adressée au chef du culte ».

B.1.3. L'article 19bis de l'arrêté royal du 25 octobre 1971 précise les modalités de la procédure de licenciement sans préavis pour faute grave applicable aux maîtres et professeurs de religion stagiaires de l'enseignement organisé par la Communauté française.

B.2.1. L'article 19bis de l'arrêté royal du 25 octobre 1971 a été modifié, avec effet au 1er septembre 2018, par l'article 37 du décret du 11 juillet 2018. Outre d'autres modifications, cette disposition a inséré, dans l'article 19bis, un paragraphe 4, qui dispose : « Dans les dix jours de la notification visée au § 3, le membre du personnel peut introduire, par envoi recommandé, un recours auprès de la Chambre de recours à l'encontre de la décision de licenciement sans préavis pour faute grave.

Le recours n'est pas suspensif.

Le défaut de comparution de la partie régulièrement convoquée ou de son représentant n'empêche pas la Chambre de recours de se prononcer.

La Chambre de recours donne son avis motivé au Gouvernement dans un délai d'un mois à partir de la date de réception du recours, en appliquant la suspension de délai prévue à l'article 147, alinéa 2. Le Gouvernement statue dans le mois à dater de la réception de l'avis de la Chambre de recours ».

B.2.2. A la suite de sa modification par le décret du 11 juillet 2018, l'article 19bis de l'arrêté royal du 25 octobre 1971 prévoit donc désormais que le professeur ou maître de religion stagiaire de l'enseignement organisé par la Communauté française peut saisir la chambre de recours pour contester la décision de licenciement pour faute grave dont il fait l'objet. Les travaux préparatoires du décret du 11 juillet 2018 précisent à ce sujet : « L'objectif est d'harmoniser les procédures disciplinaires, les procédures d'écartement, l'établissement des rapports et des bulletins de signalement, ainsi que le recours contre ceux-ci,... dans les divers statuts de l'enseignement officiel. De la sorte, on garantit une égalité de traitement à tous les membres du personnel visés par ces statuts, conformément aux articles 10 et 11 de la Constitution [...]. Dans cette optique d'harmonisation des statuts, les mesures suivantes sont prévues : [...] un recours à l'encontre du licenciement pour faute grave d'un membre du personnel technique des CPMS, et d'un maître/professeur de religion, est également mis en place. Avec l'instauration de ces mesures, [pour] chaque licenciement, quelle que soit la catégorie du membre du personnel (temporaire ou stagiaire), quel que soit le statut qui lui est applicable, que le licenciement ait été prononcé avec préavis ou pour faute grave, un recours en chambre des recours est prévu » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2017-2018, n° 657/1, pp. 5 et 6). « La modification apportée a pour but d'assurer une égalité de traitement entre des catégories de personnel similaire. Il est instauré une possibilité de recours devant la Chambre de recours en cas de licenciement pour faute grave d'un maître de religion/professeur de religion de l'enseignement organisé par la Communauté française, comme cette possibilité existe déjà pour les autres enseignants soumis au statut du 22 mars 1969.

Cet article apporte également des précisions en matière de suspension du délai au niveau de la chambre de recours et de prise d'effet de la mesure » (ibid., p. 12).

B.3.1. La question préjudicielle porte sur la différence de traitement entre les maîtres et professeurs de religion stagiaires de l'enseignement organisé par la Communauté française qui sont licenciés sans préavis pour faute grave et, d'une part, les autres membres du personnel enseignant temporaires, temporaires prioritaires et temporaires protégés de l'enseignement organisé par la Communauté française qui sont licenciés sans préavis pour faute grave, et, d'autre part, les professeurs de religion stagiaires de l'enseignement organisé par la Communauté française qui sont licenciés avec préavis ainsi que les autres membres du personnel temporaires, temporaires prioritaires et temporaires protégés de l'enseignement organisé par la Communauté française qui sont licenciés avec préavis. En vertu de l'article 19bis de l'arrêté royal du 25 octobre 1971, tel qu'il est applicable dans l'affaire pendante devant le juge a quo, les maîtres et professeurs de religion stagiaires de l'enseignement organisé par la Communauté française licenciés pour faute grave ne peuvent pas solliciter l'avis d'une chambre de recours contre la mesure de licenciement dont ils font l'objet, alors que cette possibilité est prévue en vertu de plusieurs dispositions de l'arrêté royal du 25 octobre 1971 et de l'arrêté royal du 22 mars 1969 « fixant le statut des membres du personnel directeur et enseignant, du personnel auxiliaire d'éducation, du personnel paramédical des établissements d'enseignement gardien, primaire, spécial, moyen, technique, de promotion sociale et artistique de l'Etat, des internats dépendant de ces établissements et des membres du personnel du service d'inspection chargé de la surveillance de ces établissements » (ci-après : l'arrêté royal du 22 mars 1969) au profit des membres précités du personnel enseignant de l'enseignement organisé par la Communauté française.

B.3.2. La question préjudicielle porte sur la compatibilité de cette différence de traitement avec les articles 10, 11 et 24 de la Constitution.

B.4.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution garantissent le principe d'égalité et de non-discrimination. L'article 24, § 4, de la Constitution constitue une application particulière de ce principe en matière d'enseignement.

B.4.2. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.5.1. Le Gouvernement de la Communauté française soutient que les maîtres et professeurs de religion stagiaires de l'enseignement organisé par la Communauté française qui sont licenciés sans préavis pour faute grave, d'une part, et les autres membres du personnel enseignant temporaires prioritaires et temporaires protégés de cet enseignement qui sont licenciés avec préavis, ainsi que les professeurs de religion en stage de cet enseignement qui sont licenciés avec préavis, d'autre part, ne sont pas comparables au regard de la disposition en cause, eu égard à la gravité de la faute à l'origine du licenciement.

B.5.2. Il ne faut pas confondre différence et non-comparabilité. En l'occurrence, la Cour doit se prononcer sur la comparaison entre les membres du personnel enseignant de l'enseignement organisé par la Communauté française qui ne sont pas nommés à titre définitif et qui font l'objet d'une mesure de licenciement. Ces catégories de personnes sont comparables. La seule circonstance que, dans un cas, le licenciement n'est pas assorti d'un délai de préavis, alors qu'il l'est dans les autres cas peut certes constituer un élément dans l'appréciation d'une différence de traitement, mais elle ne suffit pas pour conclure à la non-comparabilité, sous peine de priver de sa substance le contrôle qui est exercé au regard du principe d'égalité et de non-discrimination.

B.6.1. L'article 19bis de l'arrêté royal du 25 octobre 1971, tel qu'il est applicable au litige devant le juge a quo, ne permet pas aux maîtres et professeurs de religion stagiaires de l'enseignement organisé par la Communauté française licenciés pour faute grave de saisir une chambre de recours pour contester la décision de licenciement dont ils font l'objet.

B.6.2. La faculté de saisir une chambre de recours était initialement prévue au profit de divers membres du personnel de l'enseignement organisé par la Communauté française qui n'étaient pas nommés à titre définitif et qui avaient fait l'objet d'une mesure de licenciement avec préavis.

Au sujet des membres du personnel enseignant temporaires qui sont licenciés avec préavis, l'article 28, alinéas 5 et 6, de l'arrêté royal du 22 mars 1969 dispose : « Le temporaire, mis en préavis, peut dans les dix jours de la notification du préavis, introduire par recommandé une réclamation écrite auprès du Ministre qui la fait parvenir aussitôt à la Chambre de recours. Celle-ci donne son avis au Ministre dans un délai maximum de deux mois à partir de la date de réception de la réclamation, en appliquant la suspension de délai prévue à l'article 147, alinéa 2. Le Ministre prend sa décision dans le délai d'un mois à partir de la réception de l'avis.

Le temporaire est, à sa demande, entendu par la Chambre de recours. Il peut se faire assister par un avocat, un défenseur choisi parmi les membres du personnel de l'enseignement de l'Etat en activité de service ou retraité ou par un délégué d'une organisation syndicale agréée ».

Au sujet des membres du personnel enseignant temporaires prioritaires ou temporaires protégés qui sont licenciés avec préavis, l'article 43, alinéas 1 à 5, du même arrêté royal dispose : « Le temporaire prioritaire ou le temporaire protégé à charge duquel est formulée une proposition motivée de licenciement peut introduire, dans les dix jours, une réclamation écrite auprès du chef d'établissement ou du fonctionnaire général désigné par le Gouvernement ou du délégué dudit fonctionnaire qui lui en accuse réception le jour même.

Le chef d'établissement ou le fonctionnaire général désigné par le Gouvernement ou le délégué dudit fonctionnaire transmet, le jour de la réception, la réclamation au Ministre. Aussitôt qu'il l'a reçue, le Ministre fait parvenir la réclamation à la chambre de recours.

Celle-ci donne son avis au Ministre dans un délai maximum de deux mois à partir de la date de réception de la réclamation, en appliquant la suspension de délai prévue à l'article 147, alinéa 2.

Le membre du personnel est, à sa demande, entendu par la chambre de recours. Il peut se faire assister par un avocat, un défenseur choisi parmi les membres du personnel de l'enseignement de la Communauté française en activité de service ou retraité, ou par un délégué d'une organisation syndicale agréée.

Le défaut de comparution du membre du personnel ou de son représentant n'empêche pas la chambre de recours de se prononcer.

Le Ministre statue dans le délai d'un mois à partir de la réception de l'avis. A défaut de décision ministérielle rendue dans ce délai, l'avis de la chambre de recours vaut décision ».

Au sujet des professeurs de religion stagiaires qui sont licenciés avec préavis, l'article 18, § 3, alinéas 1 à 5, de l'arrêté royal du 25 octobre 1971 dispose : « Le stagiaire à charge duquel est formulée une proposition motivée de licenciement peut introduire, dans les dix jours, une réclamation écrite auprès du chef d'établissement ou du fonctionnaire général désigné par le Gouvernement ou le délégué dudit fonctionnaire qui lui en accuse réception le jour même.

Le chef d'établissement ou le fonctionnaire général désigné par le Gouvernement ou le délégué dudit fonctionnaire transmet, le jour de la réception, la réclamation au Gouvernement. Il en transmet copie à son inspecteur. Dès réception de cette dernière le Gouvernement fait parvenir la réclamation à la Chambre de recours. Celle-ci donne son avis au Gouvernement dans un délai maximum de deux mois à partir de la date de réception de la réclamation, en appliquant la suspension de délai prévue à l'article 147, alinéa 2, de l'arrêté royal du 22 mars 1969.

Le membre du personnel est, à sa demande, entendu par la Chambre de recours. Il peut se faire assister par un avocat, par un défenseur choisi parmi les membres du personnel de l'enseignement organisé par la Communauté française en activité de service ou retraités, ou par un représentant d'une organisation syndicale agréée.

Le défaut de comparution du membre du personnel ou de son représentant n'empêche pas la Chambre de recours de se prononcer.

Le Gouvernement statue dans le délai d'un mois à partir de la réception de l'avis de la Chambre de recours. Lorsque le licenciement a été proposé par l'inspecteur compétent, l'avis de la Chambre de recours lie le Gouvernement ».

B.6.3. Le législateur décrétal a par la suite étendu cette faculté de saisir une chambre de recours au profit de certains membres du personnel de l'enseignement organisé par la Communauté française qui sont licenciés sans préavis pour faute grave.

B.6.4. Au sujet des membres du personnel enseignant temporaires qui sont licenciés sans préavis pour faute grave, l'article 28bis, § 4, de l'arrêté royal du 22 mars 1969, tel qu'il a été inséré par le décret de la Communauté française du 10 février 2011 « portant des dispositions diverses en matière d'enseignement obligatoire et de promotion sociale » (ci-après : le décret du 10 février 2011), dispose : « Le membre du personnel peut introduire, dans les dix jours, une réclamation écrite auprès du Ministre. Cette réclamation est introduite par lettre recommandée. Aussitôt qu'il l'a reçue, le Ministre fait parvenir la réclamation à la Chambre de recours.

Celle-ci donne son avis au Gouvernement dans un délai maximum de deux mois à partir de la date de réception de la réclamation.

Le membre du personnel, est, à sa demande, entendu par la Chambre de recours. Il peut se faire assister par un avocat, un défenseur choisi parmi les membres du personnel de l'enseignement de la Communauté française en activité de service ou retraité, ou par un délégué d'une organisation syndicale agréée.

Le défaut de comparution du membre du personnel ou de son représentant n'empêche pas la Chambre de recours de se prononcer.

Le Gouvernement statue dès réception de l'avis ».

Au sujet des membres du personnel enseignant temporaires prioritaires et temporaires protégés qui sont licenciés sans préavis pour faute grave, l'article 43ter, § 4, de l'arrêté royal du 22 mars 1969, tel qu'il a été inséré par le décret du 10 février 2011, dispose : « Le membre du personnel peut introduire, dans les dix jours, une réclamation écrite auprès du Ministre. Cette réclamation est introduite par envoi recommandé. Aussitôt qu'il l'a reçue, le Ministre fait parvenir la réclamation à la Chambre de recours. Celle-ci donne son avis au Gouvernement dans un délai maximum d'un mois à partir de la date de réception de la réclamation, en appliquant la suspension de délai prévue à l'article 147, alinéa 2.

Le membre du personnel, est, à sa demande, entendu par la Chambre de recours. Il peut se faire assister par un avocat, un défenseur choisi parmi les membres du personnel de l'enseignement de la Communauté française en activité de service ou retraité, ou par un délégué d'une organisation syndicale agréée.

Le défaut de comparution du membre du personnel ou de son représentant n'empêche pas la Chambre de recours de se prononcer.

Le Gouvernement statue dans le mois à dater de la réception de l'avis ».

Les travaux préparatoires du décret du 10 février 2011 précisent qu'en ce qui concerne la procédure de licenciement sans préavis pour faute grave prévue par les articles 28bis et 43ter, précités, le législateur décrétal s'est inspiré de l'arrêté royal du 22 mars 1969, plus précisément des possibilités de recours prévues aux articles 28 et 43, précités, de cet arrêté royal : « Considérant la gravité de la sanction de licenciement sans préavis pour faute grave, le présent amendement entend donc octroyer une possibilité de réclamation similaire à ce qui existe en cas de licenciement moyennant préavis » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2010-2011, n° 161/2, p. 3) ».

B.6.5. Il résulte de cette évolution qu'au moment de l'adoption de l'article 19bis de l'arrêté royal du 25 octobre 1971 par le décret de la Communauté française du 10 mars 2006, les maîtres et les professeurs de religion stagiaires de l'enseignement organisé par la Communauté française qui avaient été licenciés sans préavis pour faute grave étaient traités de la même manière que les membres du personnel enseignant temporaires, temporaires prioritaires et temporaires protégés de l'enseignement organisé par la Communauté française qui avaient été licenciés sans préavis pour faute grave, puisqu'aucune des personnes relevant de ces deux catégories ne disposait de la possibilité de saisir une chambre de recours pour contester la mesure de licenciement pour faute grave. Tel n'était cependant plus le cas au moment des faits qui ont donné lieu au litige pendant devant le juge a quo.

B.7. La possibilité de saisir une chambre de recours pour contester une décision de licenciement constitue une garantie significative pour le membre du personnel temporaire ou stagiaire de l'enseignement organisé par la Communauté française qui fait l'objet du licenciement.

Ainsi que le juge a quo le relève, lorsque son intervention est prévue en matière de licenciement du personnel temporaire ou des stagiaires, la chambre de recours contribue, par l'avis motivé qu'elle donne, à fournir à l'organe investi du pouvoir final de décision une meilleure connaissance du dossier en cause. Cet avis constitue en effet, pour le membre du personnel concerné, une garantie du respect par l'autorité de son devoir de minutie.

La régularité de la procédure devant la chambre de recours est une condition de validité de la procédure disciplinaire elle-même (voy.

C.E., 1er juillet 2011, n° 214.375; 14 juillet 2009, n° 195.228; 30 novembre 2001, n° 101.371). Les raisons pour lesquelles l'autorité compétente s'écarte de l'avis de la chambre de recours doivent en outre ressortir de la motivation de la décision de licenciement, « [de sorte à] permettre à l'agent sanctionné et au Conseil d'Etat lorsqu'il est saisi d'un recours [...] d'identifier les faits considérés comme établis, de connaître la qualification qui leur est donnée ainsi que les raisons qui ont conduit l'autorité disciplinaire à choisir, dans l'échelle des peines, celle qui a effectivement été appliquée » (C.E., 9 juillet 2015, n° 231.907). L'importance de la procédure disciplinaire est accentuée par le fait que le Conseil d'Etat n'exerce qu'un contrôle marginal sur le pouvoir de l'autorité compétente de qualifier un acte de manquement disciplinaire (C.E., 9 juillet 2015, n° 231.907; 27 septembre 2011, n° 215.346; 25 juin 2008, n° 184.728).

B.8. Vu l'intérêt de l'intervention de la chambre de recours, l'absence d'une possibilité pour les maîtres et les professeurs de religion stagiaires de l'enseignement organisé par la Communauté française qui ont été licenciés pour faute grave sans délai de préavis de contester ce licenciement devant la chambre de recours, comme c'est le cas dans l'instance soumise au juge a quo, est dénuée de justification raisonnable.

Ce qui précède est d'autant plus vrai au regard de la lourdeur de la sanction du licenciement pour faute grave sans délai de préavis. C'est par ailleurs pour cette raison que, par décret du 10 février 2011, la Communauté française a étendu la possibilité de saisir la chambre de recours aux membres temporaires prioritaires et aux membres temporaires protégés du personnel enseignant qui sont licenciés pour faute grave sans délai de préavis et qu'elle a décidé, par décret du 11 juillet 2018, de prévoir aussi cette possibilité pour les maîtres ou professeurs de religion stagiaires de l'enseignement organisé par la Communauté française. Lorsque le législateur décrétal prévoit une garantie pour une catégorie de personnes licenciées pour faute grave sans délai de préavis, cette garantie doit aussi être offerte aux autres personnes qui font l'objet d'une telle mesure et qui se trouvent dès lors dans des situations comparables.

B.9. Dès lors, la disposition en cause, telle qu'elle est applicable au litige soumis au juge a quo, n'est pas compatible avec les articles 10, 11 et 24 de la Constitution, en ce qu'elle ne prévoit pas la faculté pour les maîtres et professeurs de religion stagiaires de l'enseignement organisé par la Communauté française qui sont licenciés sans préavis pour faute grave d'introduire devant une chambre de recours une réclamation écrite dirigée contre la décision de licenciement.

B.10.1. Le Gouvernement de la Communauté française demande à la Cour de maintenir les effets de la disposition en cause au motif que le constat d'inconstitutionnalité est de nature à remettre en cause l'ensemble des décisions de licenciement prises sur la base de cette disposition.

B.10.2. Le maintien des effets doit être considéré comme une exception à la nature déclaratoire de l'arrêt rendu au contentieux préjudiciel.

Avant de décider de maintenir les effets de la disposition en cause, la Cour doit constater que l'avantage tiré de l'effet du constat d'inconstitutionnalité non modulé est disproportionné par rapport à la perturbation qu'il impliquerait pour l'ordre juridique.

En l'espèce, il n'est pas démontré que le constat d'inconstitutionnalité non modulé implique des perturbations pour l'ordre juridique. Il convient de souligner en effet que le constat d'inconstitutionnalité d'une disposition au contentieux préjudiciel n'entraîne pas la disparition de l'ordonnancement juridique des décisions administratives qui auraient été prises sur la base de cette disposition.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 19bis de l'arrêté royal du 25 octobre 1971 « fixant le statut des maîtres de religion, des professeurs de religion et des inspecteurs de religion des religions catholique, protestante, israélite, orthodoxe et islamique des établissements d'enseignement de la Communauté française », tel qu'il a été inséré par le décret de la Communauté française du 10 mars 2006 « relatif aux statuts des maîtres de religion et professeurs de religion » et tel qu'il était rédigé avant sa modification par le décret de la Communauté française du 11 juillet 2018 « portant diverses mesures en matière de statut des membres du personnel de l'enseignement », viole les articles 10, 11 et 24 de la Constitution, en ce qu'il ne permet pas aux maîtres et professeurs de religion stagiaires de l'enseignement organisé par la Communauté française de saisir la chambre de recours pour contester la décision de licenciement pour faute grave dont ils font l'objet.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 25 novembre 2021.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, P. Nihoul

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