publié le 04 juillet 2022
Extrait de l'arrêt n° 183/2021 du 16 décembre 2021 Numéro du rôle : 7489 En cause : le recours en annulation de la loi du 15 mars 2020 « modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui conc La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Gie(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 183/2021 du 16 décembre 2021 Numéro du rôle : 7489 En cause : le recours en annulation de la
loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
15/03/2020
pub.
26/06/2020
numac
2020041875
source
service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement
Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac
type
loi
prom.
15/03/2020
pub.
01/09/2020
numac
2020010422
source
service public federal interieur
Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac. - Traduction allemande
fermer « modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac », introduit par la SA « British American Tobacco Belgium ».
La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, D. Pieters et S. de Bethune, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 22 décembre 2020 et parvenue au greffe le 28 décembre 2020, la SA « British American Tobacco Belgium », assistée et représentée par Me T. Bosly, Me J. Wauters, Me C. Goossens et Me W. Van de Wiele, avocats au barreau de Bruxelles, et par Me S. Sottiaux et Me J. Roets, avocats au barreau d'Anvers, a introduit un recours en annulation de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 26/06/2020 numac 2020041875 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac type loi prom. 15/03/2020 pub. 01/09/2020 numac 2020010422 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac. - Traduction allemande fermer « modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac » (publiée au Moniteur belge du 26 juin 2020, deuxième édition). (...) II. En droit (...) Quant à la loi attaquée et à son contexte B.1. La loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 26/06/2020 numac 2020041875 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac type loi prom. 15/03/2020 pub. 01/09/2020 numac 2020010422 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac. - Traduction allemande fermer « modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac » (ci-après : la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 26/06/2020 numac 2020041875 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac type loi prom. 15/03/2020 pub. 01/09/2020 numac 2020010422 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac. - Traduction allemande fermer) modifie les règles relatives à la publicité pour les « produits de tabac ».
B.2.1. Les règles relatives à la publicité pour les « produits de tabac » sont fixées à l'article 7, § 2bis, de la loi du 24 janvier 1977 « relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits » (ci-après : la loi du 24 janvier 1977).
L'article 7, § 2bis, de la loi du 24 janvier 1977 disposait, avant sa modification par la loi attaquée : « 1° Il est interdit de faire de la publicité pour et du parrainage par le tabac, les produits à base de tabac et les produits similaires, ci-après dénommés produits de tabac.
Est considérée comme publicité et parrainage, toute communication ou action qui vise, directement ou indirectement, à promouvoir la vente, quels que soient l'endroit, le support ou les techniques utilisés. 2° L'interdiction visée au 1° ne s'applique pas à : - la publicité pour les produits de tabac, faite dans des journaux et périodiques édités en dehors de l'Union européenne, sauf lorsque cette publicité ou l'importation de ces journaux ou périodiques a pour objet principal de promouvoir les produits de tabac sur le marché belge ou communautaire; - la publicité fortuite pour les produits de tabac, faite dans le cadre de la communication au public d'un événement qui se déroule à l'étranger, sauf lorsque cette publicité ou la communication au public de cet événement a pour objet principal de promouvoir les produits de tabac sur le marché belge; - l'apposition de la marque d'un produit de tabac sur des affiches à l'intérieur et sur la devanture de magasins de tabac et de magasins de journaux qui vendent des produits de tabac; - la publicité pour les produits de tabac faite dans des publications imprimées exclusivement destinées aux professionnels du commerce du tabac. [...] ».
De cette disposition législative, ainsi que de la genèse de ses versions antérieures, il découle que les « produits de tabac », qu'ils soient à base de tabac ou à base d'autres composants (les « produits similaires » (Doc. parl., Sénat, 1963-1964, n° 225, p. 6)) et qu'ils soient ou non consommés selon un processus de combustion, sont soumis à une interdiction générale de publicité (de marque), mais que plusieurs exceptions à cette interdiction sont prévues.
B.2.2. Les règles en matière de publicité sont le résultat d'un processus législatif au cours duquel le législateur a réfléchi aux défis, aux problèmes et coûts sociaux, aux lacunes de la réglementation, aux avantages et inconvénients d'une réglementation stricte en matière de publicité pour les « produits de tabac », tout en s'interrogeant sur la mesure dans laquelle il devait intervenir. Il a entendu des experts au sujet des effets nocifs du tabac sur la santé, de l'impact de la publicité sur le comportement des jeunes et des effets d'une interdiction de publicité pour les secteurs concernés (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 346/4, pp. 5-22).
B.2.3. Par ces règles, le législateur entendait protéger efficacement la santé publique et réduire progressivement la consommation de tabac (Doc. parl., Chambre, 1974-1975, n° 563/1, p. 2; Chambre, 1995-1996, n° 346/1, p.3). Il souhaitait en particulier contrer les effets négatifs des « produits de tabac » et le rôle joué par la publicité dans l'attrait de nouveaux consommateurs et dans l'incitation à la consommation de ces produits, surtout auprès des jeunes (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 346/1, pp. 2-3). Il souhaitait combler les lacunes des règles existantes en matière de publicité et empêcher, par une réglementation globale, que l'interdiction générale de publicité (de marque) pour les produits visés soit contournée (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 346/1, p. 3). Il voulait par la même occasion, en prévoyant des exceptions limitées, remédier à certains problèmes qu'entraînerait une interdiction absolue (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 346/6, pp. 2-3).
B.3.1. L'article 2 de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 26/06/2020 numac 2020041875 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac type loi prom. 15/03/2020 pub. 01/09/2020 numac 2020010422 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac. - Traduction allemande fermer dispose : « Dans l'article 7, § 2bis, 2°, de la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, inséré par la loi du 10 décembre 1997, modifié par la loi du 19 juillet 2004 et par la loi du 18 décembre 2016, les mots ' - l'apposition de la marque d'un produit de tabac sur des affiches à l'intérieur et sur la devanture de magasins de tabac et de magasins de journaux qui vendent des produits de tabac; ' sont abrogés ».
L'article 3 de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 26/06/2020 numac 2020041875 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac type loi prom. 15/03/2020 pub. 01/09/2020 numac 2020010422 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac. - Traduction allemande fermer dispose : « La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2021 ».
Il découle des articles précités que l'interdiction de publicité pour les « produits de tabac » est étendue à partir du 1er janvier 2021, du fait de la suppression d'une exception existante à l'affichage de publicités pour les « produits de tabac ».
B.3.2. Dans le cadre d'une approche globale de la lutte contre le tabac, le tabagisme et ses conséquences, le législateur visait - ainsi qu'il est reconnu dans la Convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac - à inverser la tendance en prenant des mesures supplémentaires en matière de publicité pour les « produits de tabac » afin de réduire ainsi les risques pour la santé publique. Dans le prolongement de l'obligation d'utiliser des emballages neutres (arrêté royal du 13 avril 2019 « relatif au paquet standardisé des cigarettes, du tabac à rouler et du tabac à pipe à eau »), la mesure attaquée tend à interdire de manière cohérente dans tous les points de vente l'exposition, en particulier des jeunes, à la publicité pour les marques de « produits de tabac » (Doc. parl., Chambre, SE 2019, DOC 55-0210/001, p. 7, Doc. parl., Chambre, SE 2019, DOC 55-0210/004, pp. 4 et 8).
B.3.3. L'abrogation attaquée de l'exception résulte d'un processus législatif au cours duquel le législateur s'est basé sur des avis, études et analyses. Dans sa recherche d'une interdiction cohérente de publicité en vue de protéger les jeunes, le législateur s'est penché sur l'exception à l'interdiction générale de publicité en ce qui concerne l'affichage de marques à l'intérieur et sur la devanture des magasins de tabac et des magasins de journaux qui vendent des « produits de tabac ». Dans le cadre de l'élaboration de la loi attaquée, il a rappelé les risques et dangers pour la santé et certaines études concernant l'impact de la publicité sur les jeunes qu'il avait déjà invoquées et a pris connaissance d'études et de chiffres concernant le nombre de consommateurs, notamment parmi les jeunes (Doc. parl., Chambre, SE 2019, DOC 55-0210, pp. 3-5). Il a également pris connaissance de chiffres du service d'inspection qui font apparaître que l'interdiction de publicité pour le tabac n'est pas toujours respectée scrupuleusement (Doc. parl., Chambre, SE 2019, DOC 55-0210/001, pp. 3-4) et d'études concernant le contournement des règles (Doc. parl., Chambre, SE 2019, DOC 55-0210/001, pp. 5-6). Sur la base d'une étude, il a constaté que les jeunes sont aujourd'hui encore largement exposés à la publicité dans les commerces qui vendent des « produits de tabac » et qui relèvent de l'exception à l'interdiction de publicité, lesquels sont, de manière générale, souvent fréquentés par les jeunes parce qu'ils vendent des confiseries, des boissons, des chips, etc. (Doc. parl., Chambre, SE 2019, DOC 55-0210/001, p. 4).
Dans le cadre de l'élaboration de la loi attaquée, il a également recueilli des avis de la Fondation contre le cancer, d'une part, et d'organisations d'entrepreneurs indépendants et de diffuseurs de presse, d'autre part (Doc. parl., Chambre, SE 2019, DOC 55-0210/004, pp. 3-4).
Quant au fond En ce qui concerne le premier moyen B.4.1. La partie requérante prend un premier moyen de la violation, par la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 26/06/2020 numac 2020041875 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac type loi prom. 15/03/2020 pub. 01/09/2020 numac 2020010422 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac. - Traduction allemande fermer, de l'article 19 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et avec l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de la violation de l'article 16 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et avec la liberté de commerce et d'industrie, lue en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution et avec le principe de confiance.
B.4.2. La partie requérante fait valoir en substance que le législateur a omis (1) de fixer lui-même un aspect essentiel de la matière à régler (l'extension de l'interdiction de publicité pour les « produits de tabac » ou l'abrogation d'une exception à cette interdiction générale) et donc la portée de l'ingérence dans les droits et libertés, en ne définissant pas la notion de « produits similaires » et en laissant au Roi le soin de le faire, (2) de formuler l'interdiction de publicité en des termes précis, dès lors que la notion de « produits similaires » n'est pas définie et (3) de justifier raisonnablement l'ingérence, dès lors que la mesure n'est pas fondée sur des études scientifiques récentes et pertinentes des incidences sur la santé et l'économie et qu'il n'a pas été tenu compte des mesures prises par l'autorité depuis 1997 en matière de marketing, de vente et de consommation de « produits de tabac ».
B.4.3. La partie intervenante reproche à la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 26/06/2020 numac 2020041875 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac type loi prom. 15/03/2020 pub. 01/09/2020 numac 2020010422 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac. - Traduction allemande fermer d'instaurer une différence de traitement dépourvue de justification raisonnable entre, d'une part, les vendeurs de tabac et de presse et, d'autre part, les magasins qui vendent des produits de diversification, alors que leur viabilité dépend dans la même mesure de la publicité pour les « produits de tabac ». Selon elle, c'est à tort que la loi attaquée traiterait de la même manière les magasins de journaux et les commerces dont la rentabilité ne dépend pas d'une exception à l'interdiction de publicité pour le tabac.
Ce grief n'étant pas mentionné par la partie requérante, il s'agit d'un moyen nouveau, qui ne doit pas être examiné.
B.5.1. L'article 19 de la Constitution dispose : « La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés ».
L'article 19 de la Constitution interdit que la liberté d'expression soit soumise à des restrictions préventives, mais non que les infractions qui sont commises à l'occasion de la mise en oeuvre de cette liberté soient sanctionnées.
B.5.2. En ce qu'ils reconnaissent le droit à la liberté d'expression, l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article 11, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ont une portée analogue à celle de l'article 19 de la Constitution, qui reconnaît la liberté de manifester ses opinions en toute matière.
Dès lors, les garanties fournies par ces dispositions forment, dans cette mesure, un ensemble indissociable.
B.5.3. L'information à caractère commercial est protégée par la liberté d'expression (CEDH, 20 novembre 1989, markt intern Verlag GmbH et Klaus Beermann c. Allemagne, § 26; 24 février 1994, Casado Coca c.
Espagne, § 50; grande chambre, 13 juillet 2012, Mouvement raëlien suisse c. Suisse, § 61; 30 janvier 2018, Sekmadienis Ltd. c.
Lituanie).
B.5.4. La liberté d'expression peut, en vertu de l'article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, être soumise, sous certaines conditions, à des formalités, conditions, restrictions ou sanctions, en vue, notamment, de la protection de la santé publique, de la réputation ou des droits d'autrui. Les exceptions dont elle est assortie appellent toutefois « une interprétation étroite, et le besoin de la restreindre doit se trouver établi de manière contraignante » (CEDH, grande chambre, 20 octobre 2015, Pentikäinen c. Finlande, § 87).
Une ingérence dans la liberté d'expression précitée doit être prévue par une loi suffisamment accessible et précise. Elle doit donc être formulée en des termes clairs et suffisamment précis pour que chacun puisse - en s'entourant au besoin de conseils éclairés - prévoir, à un degré raisonnable, dans les circonstances de la cause, les conséquences d'un acte déterminé. Ces exigences ne peuvent cependant pas aboutir à une rigidité excessive, empêchant de tenir compte des circonstances ou conceptions sociales changeantes dans l'interprétation d'une norme législative (CEDH, grande chambre, 22 octobre 2007, Lindon, Otchakovsky-Laurens et July c. France, § 41; grande chambre, 15 octobre 2015, Perinçek c. Suisse, § § 131-133, grande chambre, 7 juin 2012, Centro Europa 7 S.r.l. et Di Stefano c.
Italie, § § 141-142). Il doit ensuite être démontré que la restriction est nécessaire dans une société démocratique, qu'elle répond à un besoin social impérieux et qu'elle est proportionnée aux buts légitimes poursuivis.
B.6.1. L'article 16 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité ».
L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens.
Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».
B.6.2. L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ayant une portée analogue à celle de l'article 16 de la Constitution, les garanties qu'il contient forment un ensemble indissociable avec celles qui sont inscrites dans l'article 16 de la Constitution, de sorte que la Cour en tient compte lors de son contrôle de la disposition en cause.
B.6.3. L'article 1er du Protocole précité offre une protection non seulement contre une expropriation ou une privation de propriété (premier alinéa, deuxième phrase) mais également contre toute ingérence dans le droit au respect des biens (premier alinéa, première phrase) et tout règlement de l'usage des biens (alinéa 2).
B.6.4. La propriété intellectuelle, telle une marque, est également protégée par l'article 1er du Protocole précité (CEDH, grande chambre, 11 janvier 2007, Anheuser-Busch Inc. c. Portugal, § § 66-72; 16 avril 2019, Kamoy Radyo Televizyon YayCincCilCik ve Organizasyon A.S. c.
Turquie, § § 37-38).
B.6.5. Toute ingérence dans le droit de propriété doit être établie par une loi suffisamment accessible et précise. Elle doit être formulée en des termes clairs et suffisamment précis pour que chacun puisse - en s'entourant au besoin de conseils éclairés - prévoir, à un degré raisonnable, dans les circonstances de la cause, les conséquences d'un acte déterminé, tout en évitant une rigidité excessive, empêchant de tenir compte des circonstances ou conceptions sociales changeantes dans l'interprétation d'une norme législative (CEDH, grande chambre, 11 décembre 2018, Lekic c. Slovénie, § § 94-95; grande chambre, 7 juin 2012, Centro Europa 7 S.r.l. et Di Stefano c.
Italie, § § 187-188).
Toute ingérence dans le droit de propriété doit réaliser un juste équilibre entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la protection du droit au respect des biens. Il faut qu'existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi.
B.7.1. La liberté d'entreprendre, telle qu'elle est notamment visée à l'article II.3 du Code de droit économique et dans le décret d'Allarde du 2-17 mars 1791, abrogé, qui visait la liberté de commerce et d'industrie, a régulièrement servi de norme de référence à la Cour dans son contrôle du respect des articles 10 et 11 de la Constitution.
Cette liberté doit s'exercer « dans le respect des traités internationaux en vigueur en Belgique, du cadre normatif général de l'Union économique et de l'unité monétaire tel qu'établi par ou en vertu des traités internationaux et de la loi » (article II.4 du même Code).
B.7.2. La liberté d'entreprendre précitée est dès lors étroitement liée à la liberté d'entreprendre qui est garantie par l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Dès lors que l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne a une portée analogue à celle de la liberté d'entreprendre, la Cour tient compte des garanties contenues dans cette disposition dans le cadre de son contrôle des dispositions attaquées.
B.7.3. La liberté d'entreprendre ne peut être conçue comme une liberté absolue. Elle ne fait pas obstacle à ce que la loi, le décret ou l'ordonnance règle l'activité économique des personnes et des entreprises.
Les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice des libertés fondamentales garanties par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et par le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne peuvent néanmoins être admises dès lors qu'elles sont instaurées par la loi et qu'elles respectent la substance de ces droits et libertés, qu'elles répondent à des raisons impérieuses d'intérêt général ou aux exigences de la protection des droits et libertés d'autrui, qu'elles sont propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et qu'elles ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre (CJUE, grande chambre, 13 novembre 2018, C-33/17, Cepelnik d.o.o., point 42; grande chambre, 22 janvier 2013, C-283/11, Sky Österreich GmbH, points 45-50; 4 mai 2016, C-477/14, Pillbox 38, points 157-160). Par conséquent, le législateur compétent n'interviendrait de manière déraisonnable que s'il limitait la liberté d'entreprendre sans aucune nécessité ou si cette limitation était disproportionnée au but poursuivi.
B.8. Les dispositions attaquées abrogent, avec effet au 1er janvier 2021, l'exception à l'interdiction de publicité pour les « produits de tabac », en ce qui concerne l'affichage de publicité de marque pour les « produits de tabac » à l'intérieur et sur la devanture de magasins de tabac et de magasins de journaux qui vendent ces produits.
Elles ont pour effet qu'à partir du 1er janvier 2021, l'interdiction existante de publicité pour les « produits de tabac » est étendue à l'interdiction d'affichage de publicité de marque pour les « produits de tabac » aux endroits précités.
Tout signe, ou toute combinaison de signes, propre à distinguer les produits d'une entreprise de ceux d'autres entreprises peut constituer une marque. La marque est un droit intellectuel par lequel le titulaire peut s'adresser au public pour promouvoir ses produits et se distinguer d'autres entreprises, c'est-à -dire entreprendre, et par lequel il peut, dans une certaine mesure, protéger ses activités et sa propriété. L'interdiction d'affichage de publicité de marque pour les « produits de tabac » à l'intérieur et sur la devanture de magasins de tabac et de magasins de journaux qui vendent ces produits constitue une ingérence dans la liberté d'expression et d'information des producteurs, des titulaires de marques et des commerçants, ainsi que dans leur liberté d'entreprendre (voy. en ce sens CJUE, 17 décembre 2015, C-157/14, Neptune Distribution SNC, point 67). La mesure attaquée ne prive le propriétaire d'une marque ni de l'objet de sa propriété intellectuelle (la marque reste intacte) ni de la protection vis-à -vis de tiers. Dès lors que l'interdiction ne constitue pas une expropriation ni ne vide de sa substance la propriété intellectuelle, mais revient simplement à régler l'usage d'une marque, celle-ci constitue une ingérence dans le droit de propriété au sens de l'article 1er du Protocole précité (CJUE, 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) Ltd, C-491/1, point 150).
B.9. Il ressort de ce qui est dit en B.5.4, B.6.5 et B.7.3 que les ingérences dans la liberté d'expression, dans la liberté d'entreprendre et dans le droit de propriété doivent satisfaire aux mêmes exigences.
La Cour examine par conséquent si la mesure attaquée satisfait à ces exigences communes.
B.10. L'abrogation attaquée de l'exception relative à l'affichage de publicité de marque à l'intérieur et sur la devanture de magasins de tabac et de magasins de journaux qui vendent des « produits de tabac », mentionnée à l'article 7, § 2bis, 2°, de la loi du 24 janvier 1977, a été établie par une norme législative (l'article 2 de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 26/06/2020 numac 2020041875 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac type loi prom. 15/03/2020 pub. 01/09/2020 numac 2020010422 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac. - Traduction allemande fermer) qui satisfait aux exigences d'accessibilité et de précision. En ce que la partie requérante fait valoir que le législateur n'a pas utilisé des termes précis, la notion de « produits similaires » n'étant pas définie par le législateur lui-même, ses griefs sont formellement dirigés contre l'article 7, § 2bis, 1°, de la loi du 24 janvier 1977. Cette disposition législative ne fait toutefois pas l'objet du présent recours et elle ne peut plus non plus faire l'objet d'un recours en annulation. La loi attaquée a cependant pour effet que la partie requérante, en ce qui concerne l'affichage de publicité de marque, est confrontée, depuis le 1er janvier 2021, à l'interdiction de publicité générale existante, visée à l'article 7, § 2bis, 1°, de la loi du 24 janvier 1977.
B.11. Il ressort de ce qui est dit en B.3.2 que l'objectif principal de la mesure attaquée est la protection de la santé publique : compte tenu du nombre de personnes qui décèdent des suites de la consommation de « produits de tabac », en tout cas des effets nocifs de cette consommation sur la santé, le législateur, par la mesure attaquée, entend contribuer à une réduction de la consommation de ces produits et, à tout le moins, limiter l'émergence de nouveaux consommateurs, surtout parmi les jeunes, qui sont particulièrement réceptifs à la publicité pour les « produits de tabac ».
L'abrogation attaquée de l'exception à l'interdiction générale de publicité de marque pour les « produits de tabac » répond par conséquent à un besoin social impérieux. En effet, la protection de la santé publique constitue un objectif susceptible de justifier une restriction de la liberté d'expression, de la liberté d'entreprendre et du droit de propriété.
B.12. Pour déterminer le niveau de protection de la santé publique souhaité, en ce qui concerne les mesures de protection contre les risques sanitaires liés aux « produits de tabac », ainsi que les restrictions de droits fondamentaux correspondantes, le législateur doit tenir compte de ses obligations positives qui découlent de l'article 23 de la Constitution et de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, lus en combinaison avec l'article 13 de la Convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac (entrée en vigueur le 27 février 2005 et ratifiée le 1er novembre 2005).
B.13. Lorsqu'il a établi en 1997 l'interdiction générale de publicité pour les « produits de tabac » (article 7, § 2bis, 1°, de la loi du 24 janvier 1977), le législateur s'est, ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.2.2, fondé dans une large mesure sur des études relatives à l'effet néfaste de la publicité pour ces produits sur les adultes et surtout sur les jeunes. Depuis lors, il a, au fil des ans, eu égard aux évolutions sociales et scientifiques en matière de tabagisme, pris des mesures complémentaires en ce qui concerne les messages commerciaux afin de dissuader encore plus la consommation de « produits de tabac » et de lutter contre l'exposition à la publicité de marque (par ex. conditionnements neutres).
Ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.3.3, il a, dans le cadre de l'élaboration de l'abrogation attaquée, recueilli plusieurs avis, notamment sur la nécessité d'étendre l'interdiction de publicité. Le législateur s'est appuyé sur des chiffres dont il ressort que le nombre de consommateurs de « produits de tabac » reste très élevé. Il a ensuite rappelé les études sur l'effet de la publicité pour les « produits de tabac » sur les jeunes, sur lesquelles l'interdiction générale de la publicité pour les marques établie en 1997 est fondée (voy. B.2.2).
Sur la base des avis précités, il a constaté qu'à certains endroits bénéficiant d'une exception à l'interdiction, l'exposition à la publicité de marque restait importante, avec des répercussions importantes, surtout sur les jeunes. Il ressort de ce qui est dit en B.3.3 que le législateur a aussi tenu compte d'éléments qui soulignent que les exceptions en cause sont utilisées pour contourner l'interdiction générale de publicité et du fait que les règles ne sont pas toujours correctement respectées par le secteur concerné.
Il ressort de ce qui précède que le législateur s'est appuyé sur un nombre suffisant d'études pertinentes lorsqu'il a prévu l'abrogation, attaquée, de l'exception à l'interdiction de publicité pour les « produits de tabac » (et donc l'extension de cette interdiction).
B.14. L'abrogation précitée tend à rendre l'interdiction de publicité plus cohérente en interdisant la publicité de marque par l'apposition, à l'intérieur et sur la devanture de magasin, d'affiches destinées à promouvoir la vente de « produits de tabac ».
Les messages publicitaires peuvent éveiller le désir d'un produit chez les jeunes, les fumeurs et ceux qui tentent d'arrêter. La publicité peut faire en sorte que les jeunes s'habituent à l'image de « produits de tabac » et de produits dérivés, trouvent ces produits nocifs normaux et essaient de ce fait ces produits plus tôt. La mesure attaquée est également dirigée contre la publicité de marque pour les « produits de tabac » aux endroits qui sont particulièrement souvent fréquentés par les jeunes en raison de leur offre de confiseries et de boissons, notamment, et qui se trouvent aussi à proximité d'écoles.
Etendre l'interdiction de publicité pour les « produits de tabac » en abrogeant une exception à cette interdiction participe d'une politique cohérente et, partant, d'une meilleure protection de la santé publique.
B.15.1. La partie requérante fait valoir que l'abrogation, attaquée, d'une exception à l'interdiction générale de publicité implique que le secteur concerné est soumis à une interdiction de publicité disproportionnée, dès lors que la notion de « produits similaires » n'est pas formulée de manière suffisamment précise, que, pour ce qui concerne l'abrogation de l'exception, il n'est pas prévu une période transitoire suffisante et que la mesure entraîne des préjudices économiques et financiers considérables.
B.15.2. Pour examiner si une restriction des droits fondamentaux précités en vue de protéger la santé publique est raisonnablement justifiée, il faut entre autres tenir compte, a fortiori eu égard au large consensus social en cette matière, du fait que des préoccupations fondamentales relatives à la santé publique peuvent primer les besoins économiques privés et certains droits fondamentaux comme la liberté d'expression, la liberté d'entreprendre et le droit de propriété (CEDH, 5 mars 2009, Société de conception de presse et d'édition et Ponson c. France, § § 56-57; grande chambre, 22 avril 2013, Animal Defenders International c. Royaume Uni, § 123; 20 juin 2017, Bayev e.a. c. Russie, § 66).
B.15.3. L'abrogation, attaquée, de l'exception à l'interdiction de publicité a pour conséquence que l'affichage d'une marque de « produits de tabac », y compris de « produits similaires », à l'intérieur et sur la devanture de magasins de tabac et de magasins de journaux qui vendent de tels produits relève de l'interdiction générale de publicité (article 7, § 2bis, 1°, de la loi du 24 janvier 1977) et ce à partir du 1er janvier 2021, ce qui peut donner lieu à des préjudices économiques et financiers. B.15.4. Ainsi qu'il peut être déduit des travaux préparatoires mentionnés en B.2.3 et en B.3.2, la mesure repose sur un consensus social et scientifique quant à l'impact néfaste de la publicité pour les « produits de tabac », surtout sur les jeunes, et sur la nécessité d'une régulation plus cohérente de la publicité pour les « produits de tabac ».
Au vu de ce consensus et compte tenu de la menace constante de nouveaux développements de produits ou applications que les producteurs de tabac et titulaires de marques mettent sur le marché, dans le but ou non de contourner les règles existantes en matière de publicité de marque, il n'est pas dénué de justification raisonnable que le secteur concerné soit soumis à l'interdiction de publicité mentionnée à l'article 7, § 2bis, 1°, de la loi du 24 janvier 1977, dont la notion de « produits similaires » détermine le champ d'application.
Le législateur entendait instaurer une interdiction de publicité pour les produits nocifs, tout en se gardant une marge pour réagir en cas de nouveaux développements, notamment en ce qui concerne les composants de ces produits. La notion de « produits similaires » contenue dans la définition des « produits de tabac » vise à appliquer l'interdiction de publicité de manière évolutive à des produits qui, certes, peuvent présenter des caractéristiques différentes (par ex. en matière de composants), mais dont l'utilisation doit être découragée et à l'égard desquels l'incitation à la consommation doit être limitée parce qu'ils peuvent entraîner des risques sanitaires et des conséquences sociales analogues à ceux des produits à base de tabac.
Par définition, les « produits similaires » sont des produits qui ne contiennent pas de tabac, mais qui ressemblent aux produits de tabac.
Cette similitude doit porter sur la manière dont est consommé le produit similaire ou sur l'effet qui est visé au moyen de celui-ci. La notion de « produits similaires » satisfait à l'exigence de prévisibilité.
B.15.5. Il appartient en principe au législateur, lorsqu'il décide d'introduire une nouvelle réglementation, d'estimer s'il est nécessaire ou opportun d'assortir celle-ci de dispositions transitoires. Il n'excède toutefois les limites de son pouvoir d'appréciation que si le régime transitoire, ou son défaut, est dénué de justification raisonnable ou s'il est porté une atteinte excessive au principe de la confiance légitime.
B.15.6. Etant donné que la loi attaquée a été adoptée le 15 mars 2020 et qu'elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2021 (article 3), neuf mois se sont écoulés entre l'adoption et l'entrée en vigueur de la mesure attaquée, ce qui a donné au secteur concerné le temps suffisant pour s'adapter à la nouvelle mesure et au nouveau contexte économique, d'autant que la mesure attaquée consiste à abroger une exception à l'interdiction générale que le secteur concerné connaît déjà depuis longtemps.
B.15.7. Sans que la Cour doive examiner concrètement l'impact économique ou financier de la mesure attaquée, l'objectif poursuivi en matière de protection de la santé publique et la lutte contre l'exposition à la publicité de marque, laquelle peut inciter à la consommation de « produits de tabac », surtout chez les jeunes, au vu notamment du consensus social précité, peuvent raisonnablement justifier la loi attaquée (abrogation et entrée en vigueur), même si cette loi est susceptible d'entraîner des effets économiques et financiers négatifs considérables pour les titulaires de marques, les producteurs et les commerçants.
B.16. Par conséquent, la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 26/06/2020 numac 2020041875 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac type loi prom. 15/03/2020 pub. 01/09/2020 numac 2020010422 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac. - Traduction allemande fermer ne viole pas les normes de référence mentionnées en B.4.1.
B.17. Le premier moyen n'est pas fondé.
En ce qui concerne le second moyen B.18. La partie requérante prend un second moyen de la violation, par la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 26/06/2020 numac 2020041875 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac type loi prom. 15/03/2020 pub. 01/09/2020 numac 2020010422 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, concernant la publicité pour les produits à base de tabac. - Traduction allemande fermer, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la sécurité juridique.
B.19. Pour autant que la partie requérante critique la notion de « produits similaires » contenue dans l'article 7, § 2bis, 1°, de la loi du 24 janvier 1977, le moyen est dirigé contre une disposition qui ne fait pas l'objet du recours et qui ne peut plus être attaquée de manière recevable dans le cadre d'un recours en annulation. S'il faut en revanche interpréter le moyen comme critiquant la mesure attaquée en ce qu'elle abroge une exception à l'interdiction de publicité sans établir une distinction entre, d'une part, les produits de tabac combustibles et, d'autre part, les produits à risque potentiellement réduit (PRRP, Potentially reduced risk products), le moyen est examiné.
Selon la partie requérante, le législateur traiterait de la même manière les produits de tabac combustibles, d'une part, et les PRRP (produits non combustibles et produits qui ne sont pas à base de tabac), d'autre part, alors que ces produits seraient fondamentalement différents, notamment en ce qui concerne leurs spécificités objectives, leur statut juridique et leur profil de risque.
B.20. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s'oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.21. Afin de préserver la santé publique et de lutter contre l'exposition à la publicité et l'attrait pour les « produits de tabac », surtout chez les jeunes, il est pertinent de limiter la visibilité de la publicité de marque dans tous les commerces, sans distinction en fonction des produits. Eu égard à l'indivisibilité des marques et au risque que la publicité pour un produit au sein d'une marque - indépendamment de son caractère nocif - puisse inciter à terme à consommer un produit à base de tabac de cette même marque, et compte tenu de ce qu'il n'est pas contesté qu'il s'agit dans les deux cas de produits nocifs, l'identité de traitement entre les deux catégories de produits précitées n'est pas, notamment à la lumière de ce qui est dit en B.15.4, dénuée de justification raisonnable.
B.22. Le second moyen n'est pas fondé.
Par ces motifs, la Cour rejette le recours.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 16 décembre 2021.
Le greffier, F. Meersschaut Le président, L. Lavrysen