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Arrêt
publié le 07 février 2022

Extrait de l'arrêt n° 99/2021 du 1 er juillet 2021 Numéro du rôle : 7328 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 32, § 2, alinéa 7, de la loi du 29 mai 1959 « modifiant certaines dispositions de la législation La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, des juges P. Nihoul,(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 99/2021 du 1er juillet 2021 Numéro du rôle : 7328 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 32, § 2, alinéa 7, de la loi du 29 mai 1959 « modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement », posée par la Cour d'appel de Liège.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, des juges P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, et conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, de la juge émérite T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 24 septembre 2019, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 13 décembre 2019, la Cour d'appel de Liège a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 32, § 2, alinéa 7, de la loi du 29 mai 1959 dite du Pacte scolaire viole-t-il les articles 10, 11, 24, § § 1er et 4, de la Constitution ainsi que les principes de liberté d'enseignement et d'égalité dans l'enseignement en établissant une règle de calcul des subventions de fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur artistique du réseau libre aboutissant à l'octroi d'une subvention de fonctionnement équivalente en fait par étudiant à environ 40 % de la dotation de fonctionnement allouée par étudiant aux établissements d'enseignement supérieur artistique organisés par la Communauté française ? ». (...) III. En droit (...) B.1. L'article 32, § 2, alinéas 1er et 7, de la loi du 29 mai 1959 « modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement » (ci-après : la loi du Pacte scolaire) dispose : « Dans les limites des crédits budgétaires visés à l'alinéa suivant, le montant des subventions de fonctionnement par élève régulièrement inscrit est égal à 75 % des dotations forfaitaires fixées à l'article 3, § 3. [...] Par dérogation à l'alinéa 1er, le montant des subventions de fonctionnement accordé par élève régulier dans les Ecoles supérieures des Arts et dans l'enseignement secondaire artistique à horaire réduit est fixé, à partir de l'année 2003, au montant accordé pour l'année 2002, tel qu'il a été établi sur base de l'article 21, alinéa 2, du décret du 12 juillet 2001 visant à améliorer les conditions matérielles des établissements de l'enseignement fondamental et secondaire, et indexé comme indiqué ci-dessous : a) jusque et y compris l'année civile 2011, sur l'indice général des prix à la consommation de janvier en base 2004;b) pour l'année civile 2012, sur base du rapport 119,03/115,66 (indice général des prix à la consommation de janvier 2011, en base 2004);c) pour l'année civile 2013, en appliquant aux montants de l'année 2012 une indexation de 0 % ;d) pour l'année civile 2014, en appliquant aux montants de l'année civile 2013, une indexation égale au rapport entre l'indice général des prix à la consommation de janvier 2014 et l'indice général des prix à la consommation de janvier 2013.e) pour les années civiles 2015 et 2016, en appliquant aux montants de l'année civile 2014, une indexation de 0 % ;f) à partir de l'année civile 2017, en appliquant aux montants de l'année civile précédente, le rapport entre l'indice général des prix à la consommation de janvier de l'année civile en cours et l'indice de janvier de l'année civile précédente ». L'article 21, alinéa 2, du décret de la Communauté française du 12 juillet 2001 « visant à améliorer les conditions matérielles des établissements de l'enseignement fondamental et secondaire », auquel l'article 32, § 2, alinéa 7, de la loi du Pacte scolaire renvoie, dispose : « L'indexation des subventions et des dotations de fonctionnement en 2002 sera réalisée selon le rapport de l'indice général des prix à la consommation entre le 1er janvier 2002 et le 1er janvier 2001 ».

B.2. Le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité de l'article 32, § 2, alinéa 7, de la loi du Pacte scolaire avec les articles 10, 11 et 24, § § 1er et 4, de la Constitution et avec les principes de la liberté d'enseignement et de l'égalité dans l'enseignement, en ce qu'il établit une règle de calcul des subventions de fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur artistique du réseau libre qui aboutit à l'octroi d'une subvention de fonctionnement équivalant en fait par étudiant à environ 40 % de la dotation de fonctionnement allouée par étudiant aux établissements d'enseignement supérieur artistique de la Communauté française.

Il ressort clairement de la question préjudicielle que celle-ci invite à comparer les situations des Ecoles supérieures des Arts (ci-après : les ESA), selon qu'elles relèvent du réseau libre subventionné ou qu'elles sont organisées par la Communauté française.

B.3. Contrairement à ce que soutient le Gouvernement de la Communauté française, la différence de traitement est, selon le juge a quo, bien imputable à l'article 32, § 2, alinéa 7, de la loi du Pacte scolaire, puisque c'est cette disposition qui permet de déterminer le montant des subventions de fonctionnement qui sont allouées aux ESA libres subventionnées. Cette interprétation du juge a quo n'est pas manifestement erronée.

B.4.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit l'origine : les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination sont applicables à l'égard de tous les droits et de toutes les libertés.

B.4.2. L'article 24, § 1er, de la Constitution dispose que l'enseignement est libre. Cette liberté d'enseignement suppose que les pouvoirs organisateurs qui ne relèvent pas directement de la communauté puissent, sous certaines conditions, prétendre à des subventions à charge de celle-ci. Le droit aux subventions est limité, d'une part, par la possibilité pour la communauté de lier celles-ci à des exigences tenant à l'intérêt général, entre autres celles d'un enseignement de qualité et du respect de normes de population scolaire, et, d'autre part, par la nécessité de répartir les moyens financiers disponibles entre les diverses missions de la communauté.

L'article 24, § 4, de la Constitution énonce, dans le domaine de l'enseignement, le principe d'égalité et de non-discrimination qui se déduit des articles 10 et 11 de la Constitution.

B.5. Le montant des subventions de fonctionnement accordées aux ESA libres subventionnées est déterminé par l'article 32, § 2, alinéa 7, en cause, de la loi du Pacte scolaire, tel qu'il a été inséré par l'article 75 du décret de la Communauté française du 3 mars 2004 « portant diverses mesures urgentes en matière d'enseignement non obligatoire ».

En vertu de cette disposition, le montant des subventions de fonctionnement accordé par étudiant régulier dans les ESA concernées est fixé, à partir de l'année 2003, au montant accordé pour l'année 2002, tel qu'il a été établi sur la base de l'article 21, alinéa 2, du décret du 12 juillet 2001 précité, à indexer conformément aux règles d'indexation prévues.

La section de législation du Conseil d'Etat avait fait l'observation suivante, au sujet de l'avant-projet de décret qui lui avait été soumis pour avis : « Cette disposition introduit un système de subventionnement dérogatoire pour certaines catégories d'établissements scolaires visés par la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de l'enseignement.

Il semble que la disposition en projet soit rédigée de manière erronée. En effet, elle se réfère à l'article 21, alinéa 2, du décret du 12 juillet 2001 visant à améliorer les conditions matérielles des établissements de l'enseignement fondamental et secondaire pour établir le montant des subventions de fonctionnement. Or, cet article ne fixe qu'une formule d'indexation. La référence fait donc double emploi avec la fin de l'article 68 de l'avant-projet [devenu l'article 75 du décret], qui établit aussi une formule d'indexation. Par contre, l'établissement du montant des subventions de fonctionnement n'est pas fixé par la disposition en projet.

Par ailleurs, ni l'exposé des motifs ni le commentaire des articles ne justifient, au regard du principe d'égalité, pourquoi il est indispensable de déterminer une méthode de calcul spécifique des subventions de fonctionnement octroyées aux catégories d'établissements d'enseignement visés.

Le Conseil d'Etat n'est en mesure ni d'identifier le mode de calcul retenu, ni d'apprécier le respect du principe d'égalité » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2003-2004, n° 486/1, p. 40).

Il n'a pas été donné suite à cette observation, de sorte que le commentaire de l'article 75 du décret du 3 mars 2004 précité se limite à mentionner ce qui suit : « Cet article introduit un nouvel alinéa à l'article 32, § 2, de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de l'enseignement afin de fixer, à partir de l'année 2003, le mode de calcul du montant des subventions de fonctionnement accordé par élève régulier dans les Ecoles supérieures des arts, dans les instituts supérieurs d'architecture et dans l'enseignement secondaire artistique à horaire réduit » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2003-2004, n° 486/1, p.10).

B.6. La différence de traitement entre les ESA libres subventionnées et les ESA de la Communauté française en ce qui concerne le financement de leur fonctionnement n'est pas contestée par le Gouvernement de la Communauté française. Celui-ci ne conteste pas non plus que le montant des subventions de fonctionnement octroyées, par étudiant, aux ESA libres subventionnées équivaut, en fait, à approximativement 40 % du montant des dotations octroyées aux ESA de la Communauté française.

B.7. Il ressort d'une réponse du ministre de l'Enseignement supérieur à une question posée par un membre du Parlement de la Communauté française que la différence de traitement est un héritage du passé et qu'une nouvelle répartition des moyens existants ne serait pas possible, sous peine de mettre les écoles de la Communauté française en danger, de sorte que seuls des moyens supplémentaires pourraient remédier à la différence de traitement : « Question [d'un membre] [au] vice-président et ministre de l'Enseignement supérieur, intitulée ' Inégalités de financement dans l'enseignement supérieur artistique ' [Un membre]. - Monsieur le ministre, je reviens sur un sujet qui a refait surface récemment dans l'actualité. Il s'agit des inégalités de financement dans l'enseignement supérieur artistique.

Le financement des ESA est dans une situation singulière.

Contrairement aux hautes écoles et universités qui sont financées de la même manière par la Fédération Wallonie-Bruxelles, indépendamment du pouvoir organisateur, les allocations de fonctionnement versées aux ESA sont calculées différemment selon qu'elles sont organisées ou subventionnées par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ainsi, le Segec a constaté que le financement par étudiant dans les ESA subventionnées était d'environ 40 % inférieur à celui de celles organisées par la Fédération, avec des écarts parfois encore plus marqués, du simple au quintuple, entre certaines écoles supérieures du domaine du spectacle.

L'application du décret ' démocratisation ' de juillet dernier a, semble-t-il, accentué la tendance. En effet, comme nous l'avons déjà évoqué, l'allocation complémentaire prévue par ce décret pour compenser la perte des recettes est calculée sur la base de plafonds prévus par la loi du 29 mai 1959, et non sur base des frais d'inscription réellement réclamés aux étudiants par le passé.

Autrement dit, quels que soient les montants auparavant pratiqués par l'ESA, la compensation par étudiant est la même. Cela occasionne une surcompensation pour les établissements dont les frais d'inscription étaient inférieurs à ces plafonds. Les ESA subventionnées pratiquant des frais d'inscription élevés en raison de leur financement public plus faible, sont donc lésées par la mesure.

Depuis septembre 2010, le Segec réclame la suppression de ces disparités en refinançant les écoles subventionnées. Vous avez vous-même déclaré, à la fin de l'année passée, être ouvert à une discussion sur le sujet. Aujourd'hui, les pouvoirs organisateurs des ESA libres s'apprêtent à déposer une plainte devant le tribunal de première instance pour traitement inégalitaire. Le mouvement pourrait être suivi par d'autres institutions.

Monsieur le ministre, il me semble urgent de faire progresser ce dossier. Interpellé à ce sujet en octobre dernier, vous reconnaissiez qu'il fallait agir, en revoyant les mécanismes de financement.

Pouvez-vous nous dire les arrangements vous avez prévus pour réduire ces écarts ? Si nos marges budgétaires sont limitées, une réforme du mode de financement des écoles supérieures des arts à moyens constants serait-elle envisageable ? [Le] vice-président et ministre de l'Enseignement supérieur. - Je me suis déjà exprimé à diverses reprises sur cette question. Cette situation perdure depuis des décennies, elle n'est pas de mon fait.

Dans un souci de transparence, j'ai reconnu une différence de subventionnement entre les établissements d'enseignement supérieur artistique. C'est un héritage du passé. Nous n'avons en aucune façon renforcé l'inégalité. Nous nous sommes toujours déclarés prêts à revoir le dossier. Cependant, la protestation ne porte pas sur la situation intrinsèque des établissements qui se considèrent discriminés mais bien sur la comparaison avec d'autres davantage subventionnés. C'est plutôt l'envie qui a poussé les gens à réagir.

S'ils sont saisis, les tribunaux trancheront sur la question du droit à un supplément. Chacun est libre de ses actes. Pour notre part, nous avons plutôt aidé l'enseignement supérieur artistique. En Italie et en France, le nombre d'enseignants a été réduit. Dans notre Fédération, par contre, nous avons privilégié l'enseignement supérieur en l'exonérant de tout effort budgétaire, malgré les difficultés, et en augmentant les moyens mis à sa disposition.

Je suis prêt à examiner ce dossier complexe. Je n'imagine pas que l'on retienne des montants actuellement accordés à des écoles organisées par la Fédération Wallonie-Bruxelles pour les redistribuer. Pour éviter de mettre des écoles en danger, nous envisagerions plutôt une extension de l'enveloppe. Il faudra trouver des moyens supplémentaires sans évincer d'autres priorités.

Comme il ne sera pas possible de répondre à toutes les demandes, il faudra fixer des priorités. Je suis conscient que la situation peut donner un sentiment d'inégalité. [Un membre]. - J'entends que la situation actuelle est un héritage du passé, mais ce n'est pas une raison pour ne pas la traiter.

Je suis choquée de vous entendre dire que les écoles ont réagi par envie. Selon moi, elles l'ont fait après avoir constaté des différences de traitement parmi les étudiants.

Si je vous comprends bien, vous les laisserez ester en justice et attendrez la décision du tribunal. [Le] vice-président et ministre de l'enseignement supérieur. - Ce n'est pas à moi de décider d'une telle action... [Un membre]. - Certes, mais je ne pense pas que votre réponse les dissuade d'ester en justice.

Nous resterons donc attentifs à l'évolution de ce dossier » (Parlement de la Communauté française, Compte-rendu intégral de commission, n° 125-Ens.sup.17, 2010-2011, séance du 21 juin 2011, p. 10; voy. aussi Compte-rendu intégral de commission, n° 19-Ens.sup.3, 2010-2011, séance du 26 octobre 2010, pp. 6-8).

B.8. Il n'apparaît pas que le Gouvernement de la Communauté française ait, depuis, entrepris des démarches en vue de réviser les règles de financement du fonctionnement des ESA. La ministre de l'Enseignement supérieur a récemment affirmé qu'une révision des règles de financement n'était pas prévue dans la déclaration de politique communautaire (réponse donnée le 18 février 2020 à la question n° 81, Bulletin des questions et réponses, Parlement de la Communauté française, 2019-2020, n° 4, pp. 47-48).

B.9. Bien que le traitement égal des établissements d'enseignement constitue le principe, l'article 24, § 4, de la Constitution n'exclut pas un traitement différencié de ces établissements, à la condition que celui-ci soit fondé sur des différences objectives, « notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur ». Les travaux préparatoires de la révision constitutionnelle du 15 juillet 1988 mentionnent à cet égard la possibilité de tenir compte des obligations spécifiques qui incombent aux écoles de la communauté, du régime de propriété des constructions scolaires, ou encore de la faculté pour certains pouvoirs organisateurs ou établissements de compléter le financement octroyé par la communauté par des fonds publics ou privés (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 100-1/1°, pp. 5-7). Pour justifier, au regard du principe d'égalité et de non-discrimination, une différence de traitement entre les établissements d'enseignement des réseaux d'enseignement, il ne suffit cependant pas d'indiquer l'existence de différences objectives entre ces établissements. Il doit encore être démontré qu'à l'égard de la matière réglée, la distinction alléguée est pertinente pour justifier raisonnablement une différence de traitement. Par ailleurs, le principe d'égalité en matière d'enseignement ne saurait être dissocié des autres garanties contenues dans l'article 24 de la Constitution, en particulier de la liberté d'enseignement et du droit à l'enseignement.

B.10. Ni la raison d'être de la différence de traitement entre les ESA libres subventionnées et les ESA de la Communauté française ni l'ordre de grandeur de cette différence ne ressortent des travaux préparatoires de la disposition en cause ou des justifications avancées par le Gouvernement de la Communauté française dans ses mémoires.

Le Gouvernement de la Communauté française n'établit pas en quoi une obligation incombe à la Communauté française d'organiser un enseignement « là où le besoin s'en fait sentir », dans la matière de l'enseignement supérieur artistique, qui engendrerait des dépenses que les ESA libres subventionnées ne devraient pas exposer et il n'identifie pas une mission de service public qui justifierait une intervention financière plus importante au profit des ESA de la Communauté française. Il n'apparaît pas non plus que les possibilités de financement dont les ESA libres subventionnées disposent, outre leur subventionnement, soient de nature à justifier une telle disproportion dans les moyens alloués aux différentes ESA. A cet égard, il convient de souligner que l'objectif qui consiste à garantir l'accessibilité des études supérieures artistiques pour le plus grand nombre et qui justifie de maintenir les droits d'inscription au montant le plus faible possible vaut non seulement pour les étudiants qui s'inscrivent dans les ESA de la Communauté française, mais aussi pour ceux qui s'inscrivent dans les ESA libres subventionnées.

La circonstance que la différence de traitement ne porte que sur une part limitée du financement global des ESA libres subventionnées, à savoir environ 6 %, ne change rien à ce constat. Comme il est dit en B.9, au regard du principe d'égalité et de non-discrimination, seules des différences objectives et pertinentes peuvent justifier un traitement différencié des établissements d'enseignement. Ces différences objectives et pertinentes doivent porter sur le financement du fonctionnement des différentes ESA, et non sur leur financement global, dès lors que le législateur décrétal distingue les différents types de financement octroyés aux ESA. Au surplus, les montants dont il est question portent sur plusieurs années et sont relativement importants pour les ESA concernées, si bien que le manque à gagner des établissements concernés est susceptible d'avoir une incidence non négligeable sur le fonctionnement et, partant, sur la qualité de l'enseignement fourni.

B.11. Compte tenu de ce qui précède, la différence de traitement entre les ESA libres subventionnées et les ESA de la Communauté française n'est pas raisonnablement justifiée.

La question préjudicielle appelle donc une réponse affirmative.

B.12. Le Gouvernement de la Communauté française demande qu'en cas de constat d'inconstitutionnalité, les effets de la disposition en cause soient maintenus pour le passé, compte tenu des difficultés budgétaires et financières qu'un constat d'inconstitutionnalité non modulé causerait à la Communauté française. Le Gouvernement de la Communauté française sollicite également de la Cour qu'elle maintienne provisoirement les effets pendant un délai raisonnable, afin de laisser au législateur décrétal le temps de remédier à l'inconstitutionnalité.

B.13. Le Gouvernement de la Communauté française n'établit pas que le constat d'inconstitutionnalité de la disposition en cause pourrait causer des difficultés financières insurmontables à la Communauté française. Ainsi qu'il ressort des questions et réponses citées en B.7, la Communauté française est consciente depuis de nombreuses années qu'une différence de traitement existe entre les ESA des différents réseaux et elle n'a rien entrepris pour y remédier. A cet égard, il est important de souligner que si le législateur décrétal a la possibilité de remédier à une discrimination dans le financement des établissements d'enseignement en allouant des moyens supplémentaires aux établissements discriminés ou en redistribuant les moyens existants entre les différents établissements, en prévoyant, au besoin, des mesures transitoires, il ne lui est en revanche pas possible de laisser perdurer la discrimination. En effet, le caractère limité des moyens dont le législateur dispose ne justifie pas que seule une catégorie d'établissements en subisse les conséquences. Dans ces conditions, il serait contraire à l'équité de faire droit à la demande de maintien des effets que le Gouvernement de la Communauté française formule. Pour le reste, il convient de souligner que le constat de l'inconstitutionnalité de la disposition en cause ne remet nullement en question les montants qui ont été octroyés pour le passé aux ESA de la Communauté française.

Il n'y a dès lors pas lieu d'accéder à la demande du Gouvernement de la Communauté française de maintenir, en application de l'article 28, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les effets de l'article 32, § 2, alinéa 7, de la loi du Pacte scolaire.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 32, § 2, alinéa 7, de la loi du 29 mai 1959 « modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement », en ce qu'il est applicable aux Ecoles supérieures des Arts de l'enseignement libre subventionné par la Communauté française, viole les articles 10, 11 et 24, § § 1er et 4, de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 1er juillet 2021.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, F. Daoût

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