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Arrêt
publié le 31 janvier 2022

Extrait de l'arrêt n° 94/2021 du 17 juin 2021 Numéro du rôle : 7498 En cause : la demande de suspension du décret de la Région wallonne du 1 er octobre 2020 « modifiant le décret du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrem La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges T. Merc(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 94/2021 du 17 juin 2021 Numéro du rôle : 7498 En cause : la demande de suspension du décret de la Région wallonne du 1er octobre 2020 « modifiant le décret du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux, en matière de taxes régionales wallonnes, en vue de la transposition de la directive 2018/822/UE sur l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration », introduite par l'Ordre des barreaux francophones et germanophone.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la demande et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 19 janvier 2021 et parvenue au greffe le 20 janvier 2021, l'Ordre des barreaux francophones et germanophone, assisté et représenté par Me S. Scarnà, avocat au barreau de Bruxelles, a introduit une demande de suspension du décret de la Région wallonne du 1er octobre 2020 « modifiant le décret du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux, en matière de taxes régionales wallonnes, en vue de la transposition de la directive 2018/822/UE sur l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration » (publié au Moniteur belge du 20 octobre 2020).

Par la même requête, la partie requérante demande également l'annulation du même décret. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1.1. La partie requérante demande la suspension des articles 1er à 8 du décret de la Région wallonne du 1er octobre 2020 « modifiant le décret du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux, en matière de taxes régionales wallonnes, en vue de la transposition de la directive 2018/822/UE sur l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration » (ci-après : le décret du 1er octobre 2020).

Ce décret transpose la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 « modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration » (ci-après : la directive (UE) 2018/822). Il ressort du considérant 2 de cette directive que celle-ci s'inscrit dans le cadre des efforts de l'Union européenne visant à faciliter la transparence fiscale au niveau de l'Union : « Les Etats membres éprouvent de plus en plus de difficultés à protéger leur base d'imposition nationale de l'érosion car les structures de planification fiscale sont devenues particulièrement sophistiquées et tirent souvent parti de la mobilité accrue tant des capitaux que des personnes au sein du marché intérieur. De telles structures sont généralement constituées de dispositifs qui sont mis en place dans différentes juridictions et permettent de transférer les bénéfices imposables vers des régimes fiscaux plus favorables ou qui ont pour effet de réduire l'ardoise fiscale totale du contribuable. En conséquence, les Etats membres voient souvent leurs recettes fiscales diminuer de façon considérable, ce qui les empêche d'appliquer des politiques fiscales propices à la croissance. Il est par conséquent essentiel que les autorités fiscales des Etats membres obtiennent des informations complètes et pertinentes sur les dispositifs fiscaux à caractère potentiellement agressif. De telles informations leur permettraient de réagir rapidement contre les pratiques fiscales dommageables et de remédier aux lacunes par voie législative ou par la réalisation d'analyses des risques appropriées et de contrôles fiscaux [...] ».

Concrètement, les Etats membres doivent désigner une autorité compétente chargée de l'échange entre les Etats membres des informations nécessaires relatives à des dispositifs fiscaux agressifs. Pour que les autorités compétentes puissent disposer de ces informations, la directive instaure une obligation de déclaration concernant d'éventuels dispositifs fiscaux transfrontières à caractère agressif.

B.1.2. L'obligation de déclaration incombe en premier lieu aux « intermédiaires », qui participent généralement à la mise en oeuvre de tels dispositifs. Toutefois, en l'absence de tels intermédiaires ou lorsque ceux-ci peuvent invoquer le secret professionnel légalement applicable, l'obligation de déclaration incombe alors au contribuable : « (6) La déclaration d'informations sur des dispositifs transfrontières de planification fiscale à caractère potentiellement agressif peut contribuer efficacement aux efforts déployés pour créer un environnement fiscal équitable dans le marché intérieur. A cet égard, faire obligation aux intermédiaires d'informer les autorités fiscales de certains dispositifs transfrontières susceptibles d'être utilisés à des fins de planification fiscale agressive constituerait un pas dans la bonne direction. [...] [...] (8) Afin de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur et de prévenir les lacunes dans le cadre réglementaire proposé, l'obligation de déclaration devrait incomber à tous les acteurs qui participent généralement à la conception, la commercialisation, l'organisation ou la gestion de la mise en oeuvre d'une opération transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration ou d'une série de telles opérations, ainsi qu'à ceux qui apportent assistance ou conseil.Il convient de noter que, dans certains cas, l'obligation de déclaration ne serait pas applicable à un intermédiaire en raison du secret professionnel applicable en vertu du droit ou lorsqu'il n'existe pas d'intermédiaire, par exemple parce que le contribuable conçoit et met en oeuvre un schéma en interne. Il serait donc essentiel que, dans ces circonstances, les autorités fiscales ne soient pas privées de la possibilité de recevoir des informations sur les dispositifs fiscaux potentiellement liés à la planification fiscale agressive. Il serait donc nécessaire que l'obligation de déclaration incombe alors au contribuable qui bénéficie du dispositif dans ces cas particuliers » (considérants 6-8).

B.1.3. Afin de transposer cette obligation de déclaration en Région wallonne, le décret du 1er octobre 2020 apporte un certain nombre de modifications au décret de la Région wallonne du 6 mai 1999 « relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux en matière de taxes régionales wallonnes » (ci-après : le décret du 6 mai 1999).

L'article 3 du décret du 1er octobre 2020 insère dans l'article 64bis du décret du 6 mai 1999 plusieurs définitions : « 19° ' dispositif transfrontière ' : un dispositif concernant plusieurs Etats membres ou un Etat membre et un pays tiers si [...] au moins [une] des conditions suivantes est remplie : a) tous les participants au dispositif ne sont pas résidents à des fins fiscales dans la même juridiction;b) un ou plusieurs des participants au dispositif sont résidents à des fins fiscales dans plusieurs juridictions simultanément;c) un ou plusieurs des participants au dispositif exercent une activité dans une autre juridiction par l'intermédiaire d'un établissement stable situé dans cette juridiction, le dispositif constituant une partie ou la totalité de l'activité de cet établissement stable;d) un ou plusieurs des participants au dispositif exercent une activité dans une autre juridiction sans être résidents à des fins fiscales ni créer d'établissement stable dans cette juridiction;e) un tel dispositif peut avoir des conséquences sur l'échange automatique d'informations ou sur l'identification des bénéficiaires effectifs. Aux fins des 19° au 26° du paragraphe 2 et de l'article 64quinquies/2, on entend également par dispositif une série de dispositifs. Un dispositif peut comporter plusieurs étapes ou parties; 20° ' dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration ' : tout dispositif transfrontière comportant au moins l'un des marqueurs;21° ' marqueur ' : une caractéristique ou particularité d'un dispositif transfrontière qui indique un risque potentiel d'évasion fiscale, telle que recensée au paragraphe 2;22° ' intermédiaire ' : toute personne qui conçoit, commercialise ou organise un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration, le met à disposition aux fins de sa mise en oeuvre ou en gère la mise en oeuvre. L'on entend également par ce terme toute personne qui, compte tenu des faits et circonstances pertinents et sur la base des informations disponibles ainsi que de l'expertise en la matière et de la compréhension qui sont nécessaires pour fournir de tels services, sait ou pourrait raisonnablement être censée savoir qu'elle s'est engagée à fournir, directement ou par l'intermédiaire d'autres personnes, une aide, une assistance ou des conseils concernant la conception, la commercialisation ou l'organisation d'un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration, ou concernant sa mise à disposition aux fins de mise en oeuvre ou la gestion de sa mise en oeuvre. Toute personne a le droit de fournir des éléments prouvant qu'elle ne savait pas et ne pouvait pas raisonnablement être censée savoir qu'elle participait à un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration. A cette fin, cette personne peut invoquer tous les faits et circonstances pertinents ainsi que les informations disponibles et son expertise et sa compréhension en la matière.

Pour être un intermédiaire, une personne répond à l'une au moins des conditions supplémentaires suivantes : a) être résidente dans un Etat membre à des fins fiscales;b) posséder dans un Etat membre un établissement stable par le biais duquel sont fournis les services concernant le dispositif;c) être constituée dans un Etat membre ou régie par le droit d'un Etat membre;d) être enregistrée auprès d'une association professionnelle en rapport avec des services juridiques, fiscaux ou de conseil dans un Etat membre;23° ' contribuable concerné ' : toute personne à qui un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration est mis à disposition aux fins de sa mise en oeuvre, ou qui est disposée à mettre en oeuvre un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration, ou qui a mis en oeuvre la première étape d'un tel dispositif; [...] 25° ' dispositif commercialisable ' : un dispositif transfrontière qui est conçu, commercialisé, prêt à être mis en oeuvre, ou mis à disposition aux fins de sa mise en oeuvre, sans avoir besoin d'être adapté de façon importante;26° ' dispositif sur mesure ' : tout dispositif transfrontière qui n'est pas un dispositif commercialisable ». B.1.4. L'article 5 du décret du 1er octobre 2020 insère un article 64quinquies/2 dans le décret du 6 mai 1999. Cette disposition règle la transmission obligatoire, par les intermédiaires ou par les contribuables concernés, d'informations relatives aux dispositifs devant faire l'objet d'une déclaration, ainsi que l'échange automatique, par l'autorité compétente, des informations nécessaires relatives aux dispositifs fiscaux agressifs. Le nouvel article 64quinquies/2, § § 1er et 2, du décret du 6 mai 1999 dispose : « § 1er. Les intermédiaires transmettent à l'autorité compétente belge les informations dont ils ont connaissance, qu'ils possèdent ou qu'ils contrôlent concernant les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration dans un délai de trente jours, à compter du cas mentionné ci-dessous qui intervient en premier : 1° le lendemain de la mise à disposition aux fins de mise en oeuvre du dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration;2° le lendemain du jour où le dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration est prêt à être mis en oeuvre;3° lorsque la première étape de la mise en oeuvre du dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration a été accomplie. Nonobstant l'alinéa 1er, les intermédiaires visés à l'article 64bis, § 1er, alinéa 4, 22°, alinéa 2, transmettent également des informations dans un délai de trente jours commençant le lendemain du jour où ils ont fourni, directement ou par l'intermédiaire d'autres personnes, une aide, une assistance ou des conseils. § 2. Dans le cas de dispositifs commercialisables, les intermédiaires établissent tous les trois mois un rapport fournissant une mise à jour contenant les nouvelles informations devant faire l'objet d'une déclaration visées au paragraphe 14, 1°, 4°, 7° et 8°, qui sont devenues disponibles depuis la transmission du dernier rapport ».

L'article 64quinquies/2, § 3, détermine l'autorité qui doit être informée lorsque plusieurs autorités entrent en considération.

L'article 64quinquies/2, § 4, règle l'obligation de déclaration lorsque plusieurs intermédiaires participent au même dispositif : « Lorsque, en application du paragraphe 3, il existe une obligation de déclaration multiple, l'intermédiaire est dispensé de la transmission des informations s'il peut prouver que ces mêmes informations ont été transmises dans un autre Etat membre ».

B.1.5. L'article 64quinquies/2, § 5, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret du 1er octobre 2020, définit le rapport entre l'obligation de déclaration et le secret professionnel auquel certains intermédiaires sont tenus. En vertu de cette disposition, un intermédiaire tenu au secret professionnel n'est dispensé de l'obligation de déclaration que s'il informe tout autre intermédiaire ou, en l'absence d'un tel intermédiaire, le contribuable concerné des obligations de déclaration qui leur incombent en vertu de l'article 64quinquies/2, § 6. Selon l'article 64quinquies/2, § 5, alinéa 3, le secret professionnel ne peut en aucun cas être invoqué à l'égard de l'obligation de déclaration de dispositifs commercialisables. L'article 64quinquies/2, § 5, du décret du 6 mai 1999 dispose : « Les intermédiaires sont dispensés de l'obligation de fournir des informations concernant un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration, lorsque l'obligation de déclaration serait contraire au secret professionnel auquel ils sont tenus et dont la violation est sanctionnée pénalement. En pareil cas, les intermédiaires notifient immédiatement à tout autre intermédiaire, ou, en l'absence d'un tel intermédiaire, au contribuable concerné, les obligations de déclaration qui leur incombent en vertu du paragraphe 6.

Les intermédiaires peuvent avoir droit à une dispense en vertu de l'alinéa 1er uniquement dans la mesure où ils agissent dans les limites de la législation nationale pertinente qui définit leurs professions, et qu'à partir du moment où ils ont rempli l'obligation de notification visée à l'alinéa 1er.

Aucun secret professionnel visé au présent paragraphe ne peut être invoqué concernant l'obligation de déclaration des dispositifs commercialisables qui donnent lieu à un rapport périodique conformément au paragraphe 2 ».

B.1.6. S'il n'y a pas d'intermédiaire ou si l'intermédiaire notifie au contribuable concerné ou à un autre intermédiaire l'application d'une dispense en vertu de l'article 64quinquies/2, § 5, l'obligation de transmettre des informations relatives à un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration relève de la responsabilité de l'autre intermédiaire qui a reçu cette notification, ou, en l'absence d'un tel intermédiaire, de celle du contribuable concerné (article 64quinquies/2, § 6, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret du 1er octobre 2020).

B.1.7. L'échange automatique des informations nécessaires relatives à des dispositifs fiscaux agressifs par l'autorité compétente est réglé à l'article 64quinquies/2, §§ 13 à 16, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret du 1er octobre 2020 : « § 13. L'autorité compétente belge communique les informations visées au paragraphe 14 concernant les dispositifs transfrontières dont elle a été informée par l'intermédiaire ou le contribuable concerné conformément aux paragraphes 1er à 12, par voie d'un échange automatique d'informations aux autorités compétentes de tous les autres Etats membres, selon les modalités visées à l'article 64octies, § 8. § 14. Les informations qui doivent être communiquées par l'autorité compétente belge conformément au paragraphe 13, comprennent les éléments suivants, le cas échéant : 1° l'identification des intermédiaires et des contribuables concernés, y compris leur nom, leur date et lieu de naissance pour les personnes physiques, leur résidence fiscale, leur numéro d'identification fiscale et, le cas échéant, les personnes qui sont des entreprises associées au contribuable concerné;2° des informations détaillées sur les marqueurs recensés à l'annexe IV de la Directive selon lesquels le dispositif transfrontière doit faire l'objet d'une déclaration;3° un résumé du contenu du dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration, y compris une référence à la dénomination par laquelle il est communément connu, le cas échéant, et une description des activités commerciales ou dispositifs pertinents, présentée de manière abstraite, sans donner lieu à la divulgation d'un secret commercial, industriel ou professionnel, d'un procédé commercial ou d'informations dont la divulgation serait contraire à l'ordre public;4° la date à laquelle la première étape de la mise en oeuvre du dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration a été accomplie ou sera accomplie;5° des informations détaillées sur les dispositions nationales sur lesquelles se fonde le dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration;6° la valeur du dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration;7° l'identification de l'Etat membre du ou des contribuables concernés, ainsi que de tout autre Etat membre susceptible d'être concerné par le dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration;8° l'identification, dans les Etats membres, de toute autre personne susceptible d'être concernée par le dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration en indiquant à quels Etats membres cette personne est liée. § 15. Le fait qu'une autorité fiscale ne réagit pas face à un dispositif devant faire l'objet d'une déclaration ne vaut pas approbation de la validité ou du traitement fiscal de ce dispositif. § 16. L'échange automatique d'informations est effectué dans un délai d'un mois à compter de la fin du trimestre au cours duquel les informations ont été transmises. Les premières informations sont communiquées le 31 octobre 2020 au plus tard ».

B.1.8. Les manquements aux obligations imposées par l'article 64quinquies/2 du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret du 1er octobre 2020, sont punis d'une amende fiscale en vertu de l'article 63, § 2, 6°, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 2 du décret du 1er octobre 2020, qui dispose : « pour toute infraction à l'article 64quinquies/2 du présent décret qui consiste à ne pas fournir, à fournir de manière incomplète ou à fournir tardivement des informations visées à l'article 64quinquies/2, paragraphe 14, une amende fiscale de 2 500 euros à 25 000 euros est appliquée. Toutefois, si l'infraction a été commise avec intention frauduleuse ou à dessein de nuire, une amende fiscale de 5 000 euros à 50 000 euros est appliquée. Le Gouvernement est habilité à déterminer les échelles de ces amendes fiscales ».

B.1.9. L'article 8 du décret du 1er octobre 2020 règle l'entrée en vigueur de celui-ci : « Le présent décret entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge.

Les articles 2 à 7 du présent décret produisent leurs effets au 1er juillet 2020 ».

En vertu de l'article 64quinquies/2, § 11, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret du 1er octobre 2020, les intermédiaires et les contribuables doivent, au plus tard le 31 août 2020, transmettre les informations sur les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration dont la première étape a été mise en oeuvre entre le 25 juin 2018 et le 1er juillet 2020 : « Les intermédiaires et les contribuables concernés fournissent des informations sur les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration dont la première étape a été mise en oeuvre entre le 25 juin 2018 et le 1er juillet 2020. Les intermédiaires et les contribuables concernés, le cas échéant, transmettent des informations sur ces dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration, au plus tard le 31 août 2020 ».

B.2. Par son arrêt n° 45/2021 du 11 mars 2021, la Cour a suspendu : - l'article 64quinquies/2, § 5, alinéa 1er, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret du 1er octobre 2020, uniquement en ce qu'il impose à l'avocat agissant en tant qu'intermédiaire une obligation d'information envers un autre intermédiaire qui n'est pas son client; - l'article 64quinquies/2, § 5, alinéa 3, du décret du 6 mai 1999, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret du 1er octobre 2020, uniquement en ce qu'il prévoit que l'avocat ne peut pas se prévaloir du secret professionnel en ce qui concerne l'obligation de déclaration périodique de dispositifs transfrontières commercialisables au sens de l'article 64quinquies/2, § 2, dudit décret du 6 mai 1999.

Par ce même arrêt, la Cour a décidé que les suspensions précitées produisent leurs effets jusqu'à la date de publication au Moniteur belge de l'arrêt statuant sur le recours en annulation inscrit au rôle sous le numéro 7480.

Quant aux conditions de la suspension B.3. Aux termes de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, deux conditions de fond doivent être remplies pour que la suspension puisse être décidée : - des moyens sérieux doivent être invoqués; - l'exécution immédiate de la règle attaquée doit risquer de causer un préjudice grave difficilement réparable.

Les deux conditions étant cumulatives, la constatation que l'une de ces deux conditions n'est pas remplie entraîne le rejet de la demande de suspension.

B.4. La suspension par la Cour d'une disposition législative doit permettre d'éviter que l'application immédiate de cette norme cause à la partie requérante un préjudice grave, qui ne pourrait être réparé ou qui pourrait difficilement l'être en cas d'annulation de ladite norme.

Il ressort de l'article 22 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle que, pour satisfaire à la deuxième condition de l'article 20, 1°, de cette loi, la personne qui forme une demande de suspension doit exposer, dans sa requête, des faits concrets et précis qui prouvent à suffisance que l'application immédiate des dispositions dont elle demande l'annulation risque de lui causer un préjudice grave difficilement réparable.

Cette personne doit notamment faire la démonstration de l'existence du risque de préjudice, de sa gravité et de son lien avec l'application des dispositions attaquées.

B.5.1. Premièrement, la partie requérante fait valoir que le décret du 1er octobre 2020 porte atteinte au secret professionnel de l'avocat, en ce que l'avocat-intermédiaire a le choix entre violer le secret professionnel ou ne pas satisfaire à l'obligation de déclaration prévue par le décret du 1er octobre 2020. Selon la partie requérante, le lien de confiance entre le client et l'avocat est brisé, dès lors que le client ne peut plus être assuré que son avocat respectera le secret professionnel.

B.5.2. Eu égard à la suspension partielle du décret du 1er octobre 2020 ordonnée par l'arrêt n° 45/2021 précité, il y a lieu de constater que ce préjudice ne risque actuellement plus de se produire.

B.6.1. Deuxièmement, la partie requérante fait valoir que le décret du 1er octobre 2020 risque de causer un préjudice grave difficilement réparable aux justiciables, en leur qualité d'intermédiaires ou de contribuables concernés. Selon elle, ceux-ci sont incités à déclarer de manière excessive ce qu'ils pensent être des dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration, en raison de l'imprécision du décret du 1er octobre 2020 et des sanctions qu'il prévoit. Elle fait valoir que si un intermédiaire ou un contribuable concerné procède à une déclaration à laquelle il n'est en réalité pas tenu, il en résulte une atteinte injustifiée au droit au respect de la vie privée. Elle ajoute que si, inversement, un intermédiaire ou un contribuable concerné ne procède pas à une déclaration à laquelle il est en réalité tenu, il s'expose à des sanctions de nature pénale. De plus, elle fait valoir que le décret du 1er octobre 2020 est rétroactif, de sorte que des sanctions pour déclaration tardive s'appliquent nécessairement. Enfin, elle fait valoir qu'il est impossible de procéder à la déclaration des dispositifs transfrontières en cause, dès lors qu'il n'existe aucun formulaire prévu à cet effet et que l'autorité compétente pour recevoir cette déclaration est difficilement identifiable.

B.6.2. L'article 495 du Code judiciaire, alinéas 1er et 2, dispose : « L'Ordre des barreaux francophones et germanophone et l'' Orde van Vlaamse balies ' ont, [chacun] en ce qui concerne les barreaux qui en font partie, pour mission de veiller à l'honneur, aux droits et aux intérêts professionnels communs de leurs membres et sont [compétents] en ce qui concerne l'aide juridique, le stage, la formation professionnelle des avocats-stagiaires et la formation de tous les avocats appartenant aux barreaux qui en font partie. [Ils] prennent les initiatives et les mesures utiles en matière de formation, de règles disciplinaires et de loyauté professionnelle ainsi que pour la défense des intérêts de l'avocat et du justiciable ».

B.6.3. Les Ordres des barreaux, comme la partie requérante, sont des groupements professionnels de droit public qui ont été institués par la loi et qui regroupent obligatoirement tous ceux qui exercent la profession d'avocat.

Les Ordres des barreaux ne peuvent agir en justice, sauf dans les cas où ils défendent leur intérêt personnel, que dans le cadre de la mission que le législateur leur a confiée. Ainsi donc, ils peuvent en premier lieu agir en justice lorsqu'ils défendent les intérêts professionnels de leurs membres ou lorsque l'exercice de la profession d'avocat est en cause. Selon l'article 495, alinéa 2, du Code judiciaire, les Ordres peuvent également prendre des initiatives et des mesures « utiles [...] pour la défense des intérêts de l'avocat et du justiciable ».

B.6.4. Il ressort de l'article 495 du Code judiciaire, lu en combinaison avec les articles 2 et 87 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, que les Ordres des barreaux ne peuvent agir devant la Cour comme partie requérante ou comme partie intervenante pour défendre l'intérêt collectif des justiciables qu'en ce qu'une telle action est liée à la mission et au rôle de l'avocat en ce qui concerne la défense des intérêts du justiciable.

Des mesures qui n'ont aucune incidence sur le droit d'accès au juge, sur l'administration de la justice ou sur l'assistance que les avocats peuvent offrir à leurs clients, que ce soit lors d'un recours administratif, lors d'une conciliation amiable ou lors d'un litige soumis aux juridictions judiciaires ou administratives, ne relèvent dès lors pas de l'article 495 du Code judiciaire, lu en combinaison avec les articles 2 et 87 de la loi spéciale du 6 janvier 1989.

B.6.5. Les préjudices invoqués par la partie requérante qui sont mentionnés en B.6.1 sont ceux que les intermédiaires ou les contribuables concernés pourraient subir individuellement.

Le risque de préjudice grave et difficilement réparable allégué n'est pas établi dans le chef de la partie requérante.

B.7. Une des conditions de fond pour pouvoir conclure à une suspension n'étant pas remplie, il y a lieu de rejeter la demande de suspension.

Par ces motifs, la Cour rejette la demande de suspension.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 17 juin 2021.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, F. Daoût

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