publié le 13 juin 2022
Extrait de l'arrêt n° 156/2021 du 28 octobre 2021 Numéro du rôle : 7426 En cause : le recours en annulation de l'article 12, 2°, de la loi du 4 mai 2020 « portant exécutio(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 156/2021 du 28 octobre 2021 Numéro du rôle : 7426 En cause : le recours en annulation de l'article 12, 2°, de la
loi du 4 mai 2020Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
04/05/2020
pub.
19/06/2020
numac
2020202638
source
service public federal securite sociale
Loi portant exécution des mesures d'économies relatives aux spécialités pharmaceutiques dans le cadre du budget soins de santé 2020
fermer « portant exécution des mesures d'économies relatives aux spécialités pharmaceutiques dans le cadre du budget soins de santé 2020 » (insertion d'un alinéa 7 nouveau dans l'article 191, alinéa 1er, 15°quaterdecies, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994), introduit par l'ASBL « Association Générale de l'Industrie du Médicament » et autres.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Giet, R. Leysen, M. Pâques, T. Detienne et S. de Bethune, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 6 août 2020 et parvenue au greffe le 11 août 2020, un recours en annulation de l'article 12, 2°, de la loi du 4 mai 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/2020 pub. 19/06/2020 numac 2020202638 source service public federal securite sociale Loi portant exécution des mesures d'économies relatives aux spécialités pharmaceutiques dans le cadre du budget soins de santé 2020 fermer « portant exécution des mesures d'économies relatives aux spécialités pharmaceutiques dans le cadre du budget soins de santé 2020 » (insertion d'un alinéa 7 nouveau dans l'article 191, alinéa 1er, 15°quaterdecies, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994), publiée au Moniteur belge du 19 juin 2020, a été introduit par l'ASBL « Association Générale de l'Industrie du Médicament », la SA « Bristol-Myers Squibb Belgium », la SA « Chiesi », la SA « Janssen-Cilag », la SRL « MSD Belgium », la SComm « Boehringer Ingelheim », la SA « AstraZeneca », la SA « Amgen », la SA « Pfizer », la SA « Eli Lilly Benelux », la SA « Merck » et la SA « Sanofi Belgium », assistées et représentées par Me F. Judo, avocat au barreau de Bruxelles. (...) II. En droit (...) Quant à la disposition attaquée B.1. Les parties requérantes demandent l'annulation de l'article 12, 2°, de la loi du 4 mai 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/2020 pub. 19/06/2020 numac 2020202638 source service public federal securite sociale Loi portant exécution des mesures d'économies relatives aux spécialités pharmaceutiques dans le cadre du budget soins de santé 2020 fermer « portant exécution des mesures d'économies relatives aux spécialités pharmaceutiques dans le cadre du budget soins de santé 2020 » (ci-après : la loi du 4 mai 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/2020 pub. 19/06/2020 numac 2020202638 source service public federal securite sociale Loi portant exécution des mesures d'économies relatives aux spécialités pharmaceutiques dans le cadre du budget soins de santé 2020 fermer), qui insère un alinéa 7 nouveau dans l'article 191, alinéa 1er, 15°quaterdecies, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 (ci-après : la loi AMI).
B.2.1. L'article 191, alinéa 1er, 15°quaterdecies, de la loi AMI prévoit une cotisation indemnitaire que les producteurs de médicaments doivent payer en cas de dépassement, lors d'une année déterminée (l'année t), du budget global des médicaments remboursables.
Cet article, tel qu'il a été modifié par la loi du 4 mai 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/2020 pub. 19/06/2020 numac 2020202638 source service public federal securite sociale Loi portant exécution des mesures d'économies relatives aux spécialités pharmaceutiques dans le cadre du budget soins de santé 2020 fermer, dispose : « 15°quaterdecies. Pour l'année t, il est instauré, à partir de l'année 2017, selon les conditions et les modalités fixées au 15°, une cotisation indemnitaire sur le chiffre d'affaires réalisés en t, pour autant qu'un dépassement du budget global fixé en exécution de l'article 69, § 5, soit constaté et établi pour cette année t par le Conseil général de l'assurance soins de santé, selon les modalités fixées ci-dessous.
Le montant du dépassement visé à l'alinéa 1er peut être adapté par le Conseil général, après avis de la Commission de contrôle budgétaire, afin de tenir compte de l'impact des éléments du budget annuel, déterminés par le Roi, qui n'ont pas ou pas entièrement produit leurs effets.
Si en novembre de l'année t, il est établi, sur la base des dépenses des sept premiers mois de l'année t comptabilisées par les organismes assureurs, qu'il y a un dépassement, la cotisation visée à l'alinéa 1er est due à concurrence du montant du dépassement budgétaire constaté par le Conseil général.
Si en novembre de l'année t, il est établi, sur la base de ces dépenses comptabilisées par les organismes assureurs, qu'il n'y a pas de dépassement, la cotisation visée à l'alinéa 1er n'est pas due.
Le montant de la cotisation visée à l'alinéa 1er est plafonné. Pour l'année 2016, le plafond est fixé à 100 millions d'euros. A partir de l'année 2017, le plafond est fixé à 2,5 p.c. du budget global fixé en exécution de l'article 69, § 5. A partir de l'année 2020, le plafond s'élève à 4,0 p.c. du budget des spécialités pharmaceutiques, fixé en exécution de l'article 69, § 5. A partir de 2021, le plafond visé dans la phrase précédente peut être remplacé par un montant qui s'élève à au moins 4,0 p.c. du budget des spécialités pharmaceutiques et qui est fixé par le Roi par arrêté délibéré en Conseil des ministres.
Les spécialités pharmaceutiques, remboursées conformément à l'article 37, § 3, sont exonérées de cette cotisation à concurrence d'un maximum de 75 p.c. Le facteur de correction appliqué sur chiffre d'affaires déclaré est le résultat de la multiplication de 75 p.c. par le rapport entre les dépenses dans le forfait et les dépenses totales de l'Institut pour la spécialité concernée. Ce rapport est établi par l'Institut sur la base des dernières données connues, au moment de l'établissement du dépassement, qui sont communiquées en application de l'article 206, § 1er. Pour les spécialités pour lesquelles les dernières données ne sont pas connues, il n'y a pas d'exonération possible.
Les spécialités pharmaceutiques visées à l'article 34, alinéa 1er, 5°, c), 2), et les spécialités pharmaceutiques visées à l'article 34, alinéa 1er, 5°, c), 1), auxquelles l'article 35ter, § 1er et § 3, alinéa 1er, 3°, le cas échéant par application de l'article 35quater, est applicable, pour autant que ces spécialités pharmaceutiques appartiennent au groupe des spécialités les moins chères tel que défini par l'article 73, § 2, alinéa 3, 1°, alinéas 2 et 3, ainsi que les médicaments biologiques dont le prix et la base de remboursement ont été réduits conformément à l'article 30 de la loi du 30 juillet 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2013 pub. 01/08/2013 numac 2013204390 source service public federal chancellerie du premier ministre, service public federal interieur, service public federal securite sociale, service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie, service public federal justice, service public federal emploi, travail et concertation sociale et service public federal finances Loi portant des dispositions diverses fermer portant des dispositions diverses, sont totalement exonérés de la cotisation indemnitaire visée à l'alinéa 1er en 2020. Dès 2021, le Roi décide, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, s'il y a lieu et, le cas échéant, dans quelle mesure, d'exonérer encore les spécialités pharmaceutiques et les médicaments biologiques visés dans la phrase précédente, de la cotisation indemnitaire visée à l'alinéa 1er.
Cette cotisation est versée par le biais d'un acompte, établi sur la base du chiffre d'affaires réalisé durant l'année t-1, et d'un décompte, établi sur la base du chiffre d'affaires réalisé durant l'année t, dont les pourcentages sont fixés par le Conseil général, à la majorité des voix des membres ayant voix délibérative, en ce compris les voix de tous les membres visés à l'article 15, alinéa 1er, a).
Si la majorité n'est pas atteinte au plus tard le 1er lundi du mois de décembre, de l'année t en ce qui concerne le pourcentage de l'acompte, et de l'année t+1 en ce qui concerne le pourcentage du décompte, le fonctionnaire dirigeant du Service des soins de santé en informe le ministre. Le ministre fixe le ou les pourcentages.
Le Service des soins de santé informe les demandeurs concernés des pourcentages fixés.
L'acompte de la cotisation doit être versé avant le 31 décembre de l'année t sur le compte de l'Institut national d'assurance maladie-invalidité en indiquant la mention ' Acompte cotisation indemnitaire année t '. Le solde de la cotisation doit être versé avant le 31 décembre de l'année t+1 sur le compte de l'Institut national d'assurance maladie-invalidité en indiquant la mention ' solde cotisation indemnitaire année t '. En cas de fixation du pourcentage de l'acompte et/ou du décompte par le ministre, l'échéance correspondante est postposée de 3 mois.
Les recettes qui résultent de cette cotisation indemnitaire sont inscrites dans les comptes de l'assurance obligatoire soins de santé pour l'année comptable t ».
B.2.2. La cotisation indemnitaire imposée en vertu de la disposition précitée vise à responsabiliser l'industrie pharmaceutique et à garder le budget des médicaments remboursables sous contrôle, afin de garantir l'équilibre budgétaire de l'assurance maladie-invalidité. La consommation de médicaments est en effet indissociable du régime global de l'assurance maladie-invalidité, qui, par le système du remboursement, contribue à ce que l'augmentation de la consommation de médicaments et des dépenses y afférentes, qui occasionnent un dépassement budgétaire, profite, sur le plan financier, principalement à l'industrie pharmaceutique.
B.2.3. La disposition attaquée, qui insère un alinéa 7 dans l'article 191, alinéa 1er, 15°quaterdecies, de la loi AMI, exclut certaines spécialités pharmaceutiques de la cotisation indemnitaire uniquement pour l'année 2020. A partir de 2021, il appartient au Roi de décider, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, si et dans quelle mesure ces spécialités pharmaceutiques sont encore exonérées de la cotisation indemnitaire.
Ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires, l'exonération attaquée porte sur trois catégories de médicaments : « - [les] médicaments génériques; - [les] médicaments originaux (post-brevet) auxquels s'applique le remboursement de référence et [dont] la base de remboursement [a été diminuée]; - [les] médicaments biologiques [dont] la base de remboursement [a été diminuée] » (Doc. parl., Chambre, 2019-2020, DOC 55-1005/002, pp. 3-4).
Quant à l'intérêt B.3. Le recours en annulation a été introduit par l'ASBL « Association Générale de l'Industrie du Médicament », la SA « Bristol-Myers Squibb Belgium », la SA « Chiesi », la SA « Janssen-Cilag », la SRL « MSD Belgium », la SComm « Boehringer Ingelheim », la SA « AstraZeneca », la SA « Amgen », la SA « Pfizer », la SA « Eli Lilly Benelux », la SA « Merck » et la SA « Sanofi Belgium ».
B.4.1. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.
B.4.2. Lorsqu'une association sans but lucratif qui n'invoque pas son intérêt personnel agit devant la Cour, il est requis que son but statutaire soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; qu'elle défende un intérêt collectif; que la norme attaquée soit susceptible d'affecter son but; qu'il n'apparaisse pas, enfin, que ce but n'est pas ou n'est plus réellement poursuivi.
B.5.1. Aux termes de ses statuts, l'ASBL « Association Générale de l'Industrie du Médicament » a notamment pour but de représenter l'industrie du médicament en général et l'industrie innovatrice en particulier et de défendre leurs intérêts moraux et matériels. A l'appui de son intérêt, elle fait valoir que la disposition attaquée modifie la répartition de la cotisation indemnitaire de telle sorte qu'une charge plus lourde est imposée à l'industrie innovatrice.
B.5.2. Les deuxième à douzième parties requérantes sont des producteurs de spécialités pharmaceutiques qui, à l'appui de leur intérêt, font valoir qu'ils ne peuvent pas bénéficier de l'exonération instaurée par la disposition attaquée et que, du fait de cette disposition, leur contribution à la cotisation indemnitaire est susceptible de doubler, voire de tripler, en fonction du dépassement budgétaire en 2020.
B.6.1. La cotisation indemnitaire prévue à l'article 191, alinéa 1er, 15°quaterdecies, de la loi AMI est déterminée chaque année et n'est due par les producteurs de médicaments que lorsque, pour une année déterminée (l'année t), un dépassement du budget global des médicaments remboursables est constaté.
B.6.2. L'exclusion par la disposition attaquée de certains médicaments de la cotisation indemnitaire visée à l'article 191, alinéa 1er, 15°quaterdecies, de la loi AMI vaut uniquement pour l'année 2020. A partir de l'année 2021, il appartient au pouvoir exécutif de déterminer si, et le cas échéant dans quelle mesure, ces médicaments seront encore exonérés de la cotisation indemnitaire visée.
B.6.3. Il ressort des données que les parties ont fournies à la Cour que, pour l'année 2020, aucun dépassement du budget global des médicaments remboursables n'a été constaté, de sorte qu'aucune cotisation indemnitaire n'était due pour cette année. Les parties requérantes ne peuvent donc pas être affectées directement et défavorablement par la disposition attaquée, puisque celle-ci s'applique à l'année 2020.
B.6.4. A partir de l'année 2021, le soin de décider si, et dans quelle mesure, une éventuelle exonération de la cotisation indemnitaire sera encore accordée pour les médicaments visés dans la disposition attaquée est laissé au pouvoir exécutif. Seul l'arrêté royal qui sera pris sur la base de la disposition attaquée pourra déterminer, le cas échéant, si les parties requérantes sont susceptibles d'être affectées directement et défavorablement pour cette période. La disposition attaquée ne contient en effet aucune règle à cet égard. En reconnaissant d'ores et déjà l'intérêt des parties requérantes à l'annulation de la disposition attaquée, la Cour préjugerait de la manière dont le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, mettra en oeuvre l'habilitation qui lui est conférée. Du reste, la Cour ne pourrait examiner le moyen unique, pour ce qui est de la période à partir de l'année 2021, dès lors que seule l'intervention du pouvoir exécutif déterminera si l'inégalité de traitement critiquée dans ce moyen se produira effectivement et dans quelle mesure elle fera naître une discrimination.
B.6.5. Les décisions que le pouvoir exécutif prendra le cas échéant sur la base de la disposition attaquée pourront, si elles causent un préjudice aux parties requérantes, être attaquées devant le Conseil d'Etat.
B.7. Le recours en annulation est dès lors irrecevable, faute d'intérêt.
Par ces motifs, la Cour rejette le recours.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 28 octobre 2021.
Le greffier, F. Meersschaut Le président, L. Lavrysen