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Arrêt
publié le 21 septembre 2021

Extrait de l'arrêt n° 67/2021 du 29 avril 2021 Numéro du rôle : 7403 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 66bis du décret de la Région flamande du 20 avril 2001 « relatif à l'organisation du transport de personnes par La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges J.-P. M(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 67/2021 du 29 avril 2021 Numéro du rôle : 7403 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 66bis du décret de la Région flamande du 20 avril 2001 « relatif à l'organisation du transport de personnes par la route », posées par le Tribunal de police d'Anvers, division Malines.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges J.-P. Moerman, R. Leysen, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 3 juin 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 16 juin 2020, le Tribunal de police d'Anvers, division Malines, a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « Le décret du 20 avril 2001 relatif à l'organisation du transport de personnes par la route, plus particulièrement l'article 66bis, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution relatifs au principe d'égalité, lus ou non en combinaison avec l'article 144 qui dispose que les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux, et avec l'article 13 de la Constitution et/ou avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par la loi du 13 mai 1955, en ce que le décret en cause, plus précisément l'article 66bis précité, ne prévoit pas que le tribunal de police est compétent pour connaître du recours formé contre la décision d'infliger une amende administrative prévue par l'article 66bis précité, alors que, premièrement, [selon] l'article 601ter du Code judiciaire, tel qu'il est applicable en Région flamande, l'article 47, § 1er, de la loi du 27 avril 2018 sur la police des chemins de fer en ce qui concerne les amendes administratives visées aux articles 29 et 30 et l'article 10, § 5, du décret du 27 novembre 2015 relatif aux zones de basses émissions, le tribunal de police est compétent dans ces matières (comparables); deuxièmement, pour autant que le Conseil d'Etat dispose de cette compétence, cette juridiction est, dans cette matière où un ' mini-droit répressif ' est applicable, une instance de recours hors de proportion et peu accessible, ce qui constitue une entrave disproportionnée à l'accès au juge ? »; 2. « Le décret du 20 avril 2001 relatif à l'organisation du transport de personnes par la route, plus particulièrement l'article 66bis, viole-t-il l'article 13 de la Constitution, lu ou non en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par la loi du 13 mai 1955, le droit d'accès au juge, en ce que le décret en cause, plus précisément l'article 66bis, ne prévoit pas que les décisions relatives à l'amende administrative prévue par l'article 66bis précité ne sont pas susceptibles de recours devant une juridiction quelconque, alors que la possibilité de soumettre la décision d'une autorité administrative au contrôle a posteriori d'un organe juridictionnel disposant d'une compétence de pleine juridiction constitue un droit essentiel ? »;3. « Le décret du 20 avril 2001 relatif à l'organisation du transport de personnes par la route, plus particulièrement l'article 66bis, viole-t-il l'article 13 de la Constitution, lu ou non en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par la loi du 13 mai 1955, le droit d'accès au juge, en ce que le décret en cause, plus précisément l'article 66bis, ne prévoit pas que, dans le cadre de la notification de la décision infligeant l'amende administrative qui est prévue par l'article 66bis du décret précité et qui, de par sa nature, a un caractère répressif et pénal, le justiciable doit être explicitement informé du délai dans lequel il peut introduire un recours contre cette décision et des modalités selon lesquelles il peut le faire ? ». (...) III. En droit (...) B.1. Les trois questions préjudicielles concernent l'article 66bis du décret de la Région flamande du 20 avril 2001 « relatif à l'organisation du transport de personnes par la route » (ci-après : le décret du 20 avril 2001), qui dispose : « § 1er. En dérogation à l'article 66, § 1er, 3°, les membres du personnel, désignés par le Gouvernement flamand, peuvent imposer une amende administrative en cas d'infraction à l'article 15 ou à ses arrêtés d'exécution.

Le membre du personnel désigné informe le contrevenant de ses intentions. § 2. Le montant de l'amende administrative ne peut pas dépasser 500 euros. Le Gouvernement flamand fixe les modalités relatives à la façon de perception et aux délais dont dispose le contrevenant. § 3. Le Gouvernement flamand ou son délégué se prononce quant aux demandes de diminution ou de remise de ces amendes conformément à la procédure qu'il a fixée. § 4. Lorsque le contrevenant reste en défaut et ne paie pas l'amende administrative, l'amende est recouvrée par contrainte. Le Gouvernement flamand désigne les membres du personnel habilités à délivrer une contrainte et la déclarer exécutoire. Les contraintes sont signifiées par exploit d'huissier avec injonction de payer. § 5. Le Gouvernement flamand peut fixer quelles sont les infractions pour lesquelles la VVM doit assurer une contrepartie à condition que le contrevenant [ait] payé l'amende administrative, y compris les frais éventuels d'exécution ».

B.2. Dans la décision de renvoi, le juge a quo constate que l'article 601ter du Code judiciaire, tel qu'il s'applique en Région flamande, contient une liste des recours qui peuvent être introduits devant le tribunal de police contre les décisions infligeant des amendes administratives. Cette liste ne fait toutefois pas mention des recours contre une décision d'infliger l'amende administrative visée à l'article 66bis du décret du 20 avril 2001.

Quant à la première question préjudicielle B.3. Par la première question préjudicielle, le juge a quo demande à la Cour si l'article 66bis du décret du 20 avril 2001 viole les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 13 et 144 de la Constitution et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'il ne prévoit pas que le tribunal de police est compétent pour connaître du recours formé contre la décision d'infliger l'amende administrative visée par cette disposition, alors que ce tribunal est compétent pour connaître de recours comparables, et en ce que le Conseil d'Etat serait alors compétent, cette juridiction étant pourtant une « instance de recours hors de proportion et peu accessible ».

B.4.1. Le Gouvernement flamand fait valoir que la différence de traitement ne découle pas de l'article 66bis du décret du 20 avril 2001, en cause, mais des dérogations à l'article 14, § 1er, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 (ci-après : les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat), établies par les législateurs respectifs, ce qui implique que la question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

B.4.2. Il revient en règle à la juridiction a quo de déterminer les normes applicables au litige qui lui est soumis.

L'exception est étroitement liée à la portée qu'il convient de donner à la disposition en cause, de sorte que l'examen de l'exception se confond avec celui du fond de l'affaire.

B.5.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution garantissent le principe d'égalité et de non-discrimination. L'article 13 de la Constitution implique un droit d'accès au juge compétent. Ce droit est également garanti par l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.5.2. L'article 14, § 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat attribue au Conseil d'Etat la compétence de connaître des recours en annulation dirigés contre les actes des diverses autorités administratives, sauf si le contentieux est attribué par la loi à une autre juridiction. La loi du 20 janvier 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/01/2014 pub. 03/02/2014 numac 2014000082 source service public federal interieur Loi portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat fermer « portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat » (article 2, 1°) a en effet modifié l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour y ajouter expressément cette précision.

Cette compétence du Conseil d'Etat découle de sa compétence en tant que « juge administratif », au sens de l'article 160 de la Constitution.

Le recours en annulation d'une décision qui inflige une amende administrative n'a pas pour objet un droit civil dont l'article 144 de la Constitution réserve la connaissance aux tribunaux.

A défaut d'avoir été attribué à une autre juridiction, le recours contre la décision d'infliger une amende administrative visée à l'article 66bis du décret du 20 avril 2001 ressortit à cette compétence générale d'annulation du Conseil d'Etat.

Le législateur jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour établir les compétences des juridictions, dans le respect des règles fixées par la Constitution. La circonstance que la disposition en cause ne déroge pas à la compétence générale d'annulation du Conseil d'Etat - ce que le législateur décrétal ne pourrait faire, du reste, qu'en recourant à l'application de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, dès lors que le législateur fédéral est exclusivement compétent pour régler la compétence des cours et tribunaux et des juridictions administratives - ne peut entraîner en soi une violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l'article 144 de la Constitution.

B.6.1. Le recours en annulation d'un acte administratif, tel qu'il est visé par l'article 14, § 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, est un recours en première et dernière instance, qui permet de contester, tant en fait qu'en droit, la légalité d'un acte administratif.

A cet égard, le Conseil d'Etat procède à un contrôle juridictionnel approfondi, tant au regard de la loi qu'au regard des principes généraux du droit et il examine si l'acte de l'autorité administrative soumis à son contrôle est fondé en fait, s'il procède de qualifications juridiques correctes et si la mesure n'est pas disproportionnée eu égard aux faits reprochés. En cas d'annulation, l'autorité est tenue de se conformer à l'arrêt du Conseil d'Etat : si l'autorité prend une nouvelle décision, elle ne peut méconnaître les motifs de l'arrêt annulant la première décision; si elle s'en tient à l'annulation, l'acte attaqué est réputé n'avoir jamais existé.

B.6.2. Les justiciables disposent donc d'un recours effectif, devant une juridiction indépendante et impartiale, contre l'amende administrative infligée en vertu de l'article 66bis du décret du 20 avril 2001.

B.7. La première question préjudicielle appelle une réponse négative.

Quant à la deuxième question préjudicielle B.8. Par la deuxième question préjudicielle, le juge a quo demande à la Cour si l'article 66bis du décret du 20 avril 2001 viole l'article 13 de la Constitution, lu ou non en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec le droit d'accès au juge, en ce que la disposition en cause ne prévoit pas que les décisions d'infliger une amende administrative sont susceptibles de recours devant une juridiction quelconque, alors que « la possibilité de soumettre la décision d'une autorité administrative au contrôle a posteriori d'un organe juridictionnel disposant d'une compétence de pleine juridiction constitue un droit essentiel ».

B.9.1. Comme il est dit en B.5.2, le Conseil d'Etat est le juge compétent pour connaître des recours introduits contre les amendes administratives infligées en application de l'article 66bis du décret du 20 avril 2001. Comme il est dit en B.6.2, ces recours sont effectifs, le Conseil d'Etat exerçant un contrôle de pleine juridiction sur les décisions attaquées.

B.9.2. La violation, évoquée dans la question préjudicielle, du droit d'accès au juge repose sur une prémisse erronée.

B.10. La deuxième question préjudicielle appelle une réponse négative.

Quant à la troisième question préjudicielle B.11. Par la troisième question préjudicielle, le juge a quo demande à la Cour si l'article 66bis du décret du 20 avril 2001 viole l'article 13 de la Constitution, lu ou non en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec le droit d'accès au juge, en ce que l'article en cause ne prévoit pas expressément que, dans le cadre de la notification de la décision infligeant l'amende administrative, le justiciable doit être informé « du délai dans lequel il peut introduire un recours contre cette décision et des modalités selon lesquelles il peut le faire ».

B.12.1. Comme il est dit en B.5.1, l'article 13 de la Constitution et l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme garantissent un droit d'accès au juge compétent.

B.12.2. Le droit d'accès au juge, qui constitue un aspect du droit à un procès équitable, peut être soumis à des conditions de recevabilité, notamment en ce qui concerne l'introduction d'une voie de recours dans un certain délai. Ces conditions ne peuvent cependant aboutir à restreindre le droit de manière telle que celui-ci s'en trouve atteint dans sa substance même. Tel serait le cas si les restrictions imposées ne tendaient pas vers un but légitime et s'il n'existait pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.13.1. Etant donné que la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat est le juge compétent pour connaître des recours contre les amendes administratives infligées conformément à l'article 66bis du décret du 20 avril 2001, il convient de prendre en compte la procédure fixée par les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat.

L'article 19, alinéas 1er et 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat dispose : « Les demandes, difficultés et recours en annulation et recours en cassation visés aux articles 11, 12, 13, 14 et 16, 1° à 8°, peuvent être portés devant la section du contentieux administratif par toute partie justifiant d'une lésion ou d'un intérêt et sont soumis par écrit à la section dans les formes et délais déterminés par le Roi.

Les délais de prescription pour les recours visés à l'article 14, § 1er, ne prennent cours que si la notification par l'autorité administrative de l'acte ou de la décision à portée individuelle indique l'existence de ces recours ainsi que les formes et délais à respecter. Lorsque cette condition n'est pas remplie, les délais de prescription prennent cours quatre mois après que l'intéressé s'est vu notifier l'acte ou la décision à portée individuelle ».

B.13.2. Le délai de recours auprès du Conseil d'Etat ne commence dès lors à courir qu'à condition que la notification, par l'autorité administrative, de la décision d'infliger l'amende administrative mentionne l'existence de ces recours ainsi que les délais à respecter.

S'il n'est pas satisfait à cette obligation, le délai de recours ne commence à courir que quatre mois après que l'intéressé s'est vu notifier la décision.

B.14. La troisième question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 66bis du décret de la Région flamande du 20 avril 2001 « relatif à l'organisation du transport de personnes par la route » ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec ses articles 13 et 144, avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec le droit d'accès au juge.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 29 avril 2021.

Le greffier, Le président, F. Meersschaut L. Lavrysen

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