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Arrêt
publié le 29 juillet 2021

Extrait de l'arrêt n° 98/2021 du 1 er juillet 2021 Numéro du rôle : 7262 En cause : le recours en annulation de l'article 49 du décret de la Région wallonne du 28 février 2019 « relatif au contrôle des législations et réglementation La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges P. Niho(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 98/2021 du 1er juillet 2021 Numéro du rôle : 7262 En cause : le recours en annulation de l'article 49 du décret de la Région wallonne du 28 février 2019 « relatif au contrôle des législations et réglementations relatives à la reconversion et au recyclage professionnels ainsi qu'à l'instauration d'amendes administratives applicables en cas d'infraction à ces législations et réglementations », introduit par l'ASBL « L'Envol à Andenne ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges P. Nihoul, T. Giet, J. Moerman, T. Detienne et D. Pieters, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 9 octobre 2019 et parvenue au greffe le 11 octobre 2019, l'ASBL « L'Envol à Andenne », assistée et représentée par Me J. Bourtembourg et Me N. Fortemps, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation de l'article 49 du décret de la Région wallonne du 28 février 2019 « relatif au contrôle des législations et réglementations relatives à la reconversion et au recyclage professionnels ainsi qu'à l'instauration d'amendes administratives applicables en cas d'infraction à ces législations et réglementations » (publié au Moniteur belge du 9 avril 2019). (...) II. En droit (...) Quant à la disposition attaquée B.1.1. L'article 49 du décret de la Région wallonne du 28 février 2019 « relatif au contrôle des législations et réglementations relatives à la reconversion et au recyclage professionnels ainsi qu'à l'instauration d'amendes administratives applicables en cas d'infraction à ces législations et réglementations » (ci-après : le décret du 28 février 2019) dispose : « § 1er. Sans préjudice de l'article 61 du décret du 15 décembre 2011 portant organisation du budget, de la comptabilité et du rapportage des unités d'administration publique wallonnes, les subventions, indemnités ou allocations, peuvent être suspendues, si l'employeur fait obstacle au contrôle de l'affectation de subventions, indemnités ou allocations, réglé en vertu du présent décret.

La suspension visée à l'alinéa 1er s'applique également pour une demande d'obtention de subventions, indemnités ou allocations. § 2. Le Gouvernement peut déterminer des modalités ainsi que la procédure pour la suspension, la cessation ou le recouvrement des subventions, d'indemnités ou d'allocations. § 3. L'Administration peut suspendre, dans les cas fixés par le Gouvernement, le traitement des demandes d'obtention de subventions, indemnités ou allocations, qui sont introduites sur base de la législation relative à la reconversion ou au recyclage professionnel, aussi longtemps qu'un contrôle des inspecteurs à l'encontre de la même personne physique ou morale est en cours.

Sont assimilés, pour l'application de l'alinéa 1er, à la personne morale, la personne morale qui introduit une demande et contre laquelle aucun contrôle n'est en cours mais dans laquelle siègent des administrateurs, ou sont présents des gérants, des mandataires ou des personnes compétentes pour engager l'entreprise, et qui disposent d'une de ces qualités dans la personne morale contre laquelle un contrôle est en cours.

En cas de suspension du traitement de la demande, les délais déterminés dans la législation relative à la reconversion ou au recyclage professionnel sont prolongés de la durée du contrôle ».

Cette disposition constitue l'unique article du chapitre VIII, intitulé « Sanctions autres que les dispositions pénales et les amendes administratives en cas d'obstacle au contrôle ».

B.1.2. L'exposé des motifs relatif à la disposition attaquée indique que le législateur décrétal souhaitait remédier aux difficultés résultant du fait que, jusque-là, la seule possibilité d'action à l'égard des situations problématiques (non-respect des conditions d'octroi des subventions, utilisation à d'autres fins que celles pour lesquelles elles avaient été accordées ou obstruction au contrôle) était d'imposer le remboursement des subventions régionales : « Or, l'on sait à quel point la récupération d'indus est redoutablement plus compliquée que le non-versement d'une subvention.

Par conséquent, il convient de mettre en place des outils permettant aux administrations publiques de réagir avec promptitude si la situation l'exige ou le justifie, avec un effet qui serait perceptible à court terme, [...] » (Doc. parl., Parlement wallon, 2018-2019, n° 1277/1, p. 6).

En conséquence, la disposition attaquée organise « un gel des demandes de subsides » en vue de favoriser « la bonne gouvernance » (Doc. parl., Parlement wallon, 2018-2019, n° 1276/2-1277/2, p. 3), en permettant à l'administration, d'une part, de suspendre les subventions, indemnités ou allocations si l'employeur fait obstacle au contrôle de leur affectation et, d'autre part, de suspendre le traitement des demandes de subventions, d'indemnités ou d'allocations aussi longtemps qu'un contrôle est en cours.

Quant au premier moyen B.2. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 19 et 20 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, avec les articles 11 et 14 de la Constitution et avec les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il ressort de l'exposé du moyen que celui-ci ne vise que le troisième paragraphe de l'article 49 du décret du 28 février 2019.

B.3.1. Par la première branche de ce moyen, la partie requérante fait grief à la disposition attaquée de créer une discrimination entre les personnes physiques ou morales actives en matière de reconversion et de recyclage professionnels qui introduisent une demande de subventions, d'indemnités ou d'allocations et les personnes physiques ou morales actives dans d'autres domaines, qui introduisent également une demande de subventions, d'indemnités ou d'allocations. Seules les premières pourraient voir le traitement de leur demande être suspendu durant la mise en oeuvre d'un contrôle à leur égard ou à l'égard d'une personne morale qui leur est assimilée.

B.3.2. La requête ne contient aucun développement relatif à cette branche du moyen et n'indique pas précisément les catégories de personnes physiques ou morales que la partie requérante entend comparer.

La Cour relève toutefois que l'article 49, § 3, d'un autre décret portant la même date, « relatif au contrôle des législations et réglementations relatives à la politique économique, à la politique de l'emploi et à la recherche scientifique ainsi qu'à l'instauration d'amendes administratives applicables en cas d'infraction à ces législations et réglementations » dispose : « L'Administration peut suspendre, dans les cas et selon les modalités fixés par le Gouvernement, le traitement des demandes d'obtention de subventions, indemnités ou allocations, et qui sont introduites sur base de la législation en vertu des articles 6, § 1er, VI et IX, et 6bis, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, aussi longtemps qu'un contrôle des inspecteurs à l'encontre de la même personne physique ou morale est en cours.

Sont assimilés, pour l'application de l'alinéa 1er, à la personne morale, la personne morale qui introduit une demande et contre laquelle aucun contrôle n'est en cours, mais dans laquelle siègent des administrateurs, ou sont présents des gérants, des mandataires ou des personnes compétentes pour engager l'entreprise, et qui disposent d'une de ces qualités dans la personne morale contre laquelle un contrôle est en cours.

En cas de suspension du traitement de la demande, les délais déterminés dans lesdites législations et réglementations sont prolongés de la durée du contrôle ».

Il en résulte que, contrairement à ce qu'affirme la partie requérante, les demandes d'aide prévues dans les domaines de la reconversion et du recyclage professionnels ne sont pas les seules dont le traitement peut faire l'objet d'une suspension lorsqu'un contrôle est en cours.

B.4.1. Par la seconde branche de ce moyen, la partie requérante fait grief au législateur décrétal wallon de ne pas avoir fixé lui-même les cas dans lesquels le traitement des demandes de subventions, d'indemnités ou d'allocations peut être suspendu mais d'avoir délégué cette compétence au Gouvernement. Les développements du moyen exposent que cette délégation serait contraire, d'une part, au principe de légalité en matière pénale garanti par les articles 12, alinéa 2, et 14 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, et, d'autre part, aux articles 19 et 20 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles en vertu desquels il appartient au décret de régler les matières relevant des compétences des régions, le Gouvernement n'étant habilité qu'à prendre les règlements et arrêtés nécessaires à leur exécution.

B.4.2. En vertu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, une mesure constitue une sanction pénale au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme si elle a un caractère pénal selon sa qualification en droit interne ou s'il ressort de la nature de l'infraction, à savoir la portée générale et le caractère préventif et répressif de la sanction, qu'il s'agit d'une sanction pénale ou encore s'il ressort de la nature et de la sévérité de la sanction subie par l'intéressé qu'elle a un caractère punitif et donc dissuasif (CEDH, grande chambre, 15 novembre 2016, A et B c. Norvège, § § 105-107; grande chambre, 10 février 2009, Zolotoukhine c. Russie, § 53; grande chambre, 23 novembre 2006, Jussila c. Finlande, § § 30-31). Ces critères sont alternatifs et non cumulatifs. Toutefois, la Cour européenne des droits de l'homme considère que lorsqu'aucun critère n'apparaît décisif à lui seul, une approche cumulative est possible (CEDH, 24 février 1994, Bendenoun c.

France, § 47).

La Cour européenne des droits de l'homme utilise les mêmes critères en ce qui concerne l'application de l'article 7 de la Convention précitée (CEDH, 4 octobre 2016, Zaja c. Croatie, § 86; décision, 9 juin 2016, Société Oxygène Plus c. France, § 43; 15 mai 2008, Nadtochiy c.

Ukraine, § 32; décision, 24 novembre 1998, Brown c. Royaume Uni), qui a une portée analogue à celle de l'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à celle de l'article 49, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en vertu de l'article 52, paragraphe 3, de la même Charte (CJUE, grande chambre, 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B., point 54).

B.4.3. La suspension du traitement de la demande des aides visées dans la disposition attaquée, durant le temps de l'exécution d'un contrôle, n'est pas une sanction pénale au sens des articles 6, paragraphe 1, et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme. Elle n'est pas qualifiée de sanction pénale par le législateur décrétal, elle ne vise pas à prévenir ou à réprimer un comportement interdit et elle n'a pas un caractère punitif ou dissuasif. Il en résulte que ni les dispositions précitées de la Convention européenne des droits de l'homme, ni le principe de légalité en matière pénale, énoncé par les articles 12, alinéa 2, et 14 de la Constitution, ne lui sont applicables.

B.4.4. Pour le surplus, une habilitation législative en faveur du pouvoir exécutif qui concerne une matière que la Constitution ne réserve pas au législateur n'est pas inconstitutionnelle. Dans un tel cas, en effet, le législateur fait usage de la liberté que lui laisse le Constituant de disposer dans une telle matière. La Cour n'est pas compétente pour censurer une disposition qui règle la répartition de compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, sauf si cette disposition méconnaît les règles répartitrices de compétences entre l'autorité fédérale, les communautés et les régions ou si le législateur prive une catégorie de personnes de l'intervention d'une assemblée démocratiquement élue, prévue explicitement par la Constitution, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

B.5. Le premier moyen n'est pas fondé.

Quant au second moyen B.6. Le second moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par l'article 49, § 3, du décret du 28 février 2019.

Il ressort de l'exposé du moyen que celui-ci ne vise que le deuxième alinéa de ce paragraphe. La partie requérante fait grief à cette disposition de créer une identité de traitement discriminatoire entre deux catégories de personnes morales qui se trouveraient dans des situations essentiellement différentes, à savoir les personnes morales qui font l'objet d'un contrôle et celles qui ne font pas l'objet d'un contrôle mais dont un des administrateurs, gérants ou mandataires ou une des personnes compétentes pour l'engager siège également dans une personne morale qui fait l'objet d'un contrôle.

B.7.1. L'article 49, § 3, du décret du 28 février 2019 vise à promouvoir la bonne gouvernance, en permettant d'éviter l'octroi de subventions, d'indemnités ou d'allocations qui devraient être récupérées par la suite dans l'hypothèse où le contrôle ferait apparaître une irrégularité ou une infraction. Cet objectif est légitime.

B.7.2. La disposition attaquée ne concerne que la suspension du traitement des demandes de subventions, d'indemnités ou d'allocations et non le versement des aides de cette nature qui ont déjà été déjà accordées. Par ailleurs, elle ne permet pas à l'autorité de refuser une aide pour un motif propre à une personne morale différente de celle qui est demandeuse des aides. Elle ne permet que la suspension du traitement de la demande, dans l'attente des résultats du contrôle effectué à l'égard d'une personne morale différente mais liée à la personne morale demandeuse par la présence, dans les deux structures, d'un même administrateur, gérant ou mandataire ou d'une même autre personne compétente pour engager la personne morale. Ce mécanisme permet donc à l'administration de s'abstenir de contrôler les deux personnes morales concernées si le premier contrôle ne révèle pas d'irrégularité ou d'infraction, ce qui représente un gain de temps pour la personne morale qui ne fait pas l'objet d'un contrôle.

B.8. Au regard de l'objectif poursuivi, les catégories de personnes morales comparées par la partie requérante ne se trouvent pas dans des situations essentiellement différentes. Elles sont toutes deux demandeuses de subventions, d'indemnités ou d'allocations et sont supposées, à ce titre, se soumettre aux contrôles menés par l'administration. La circonstance qu'une personne physique ayant la même qualité pour engager les deux personnes morales siège en leur sein permet au législateur décrétal de les traiter de la même manière en autorisant l'administration à suspendre, dans les cas fixés par le Gouvernement, le traitement des demandes d'aides durant la période nécessaire aux contrôles qu'elle mène dans l'une d'entre elles.

B.9. Le second moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 1er juillet 2021.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux F. Daoût

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