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Arrêt
publié le 09 juin 2021

Extrait de l'arrêt n° 26/2021 du 25 février 2021 Numéro du rôle : 7242 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 171, 6°, deuxième tiret, du Code des impôts sur les revenus 1992 , posées par le (...) La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges T. Merc(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 26/2021 du 25 février 2021 Numéro du rôle : 7242 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 171, 6°, deuxième tiret, du Code des impôts sur les revenus 1992 (exercice d'imposition 2000), posées par le Tribunal de première instance de Namur, division de Namur.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges T. Merckx-Van Goey, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 24 juillet 2019, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 9 août 2019, le Tribunal de première instance de Namur, division de Namur, a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1° L'article 171, 6°, 2ème tiret, du C.I.R. 1992, tel qu'applicable au cours de l'exercice d'imposition 2000, viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en tant qu'il prévoit une taxation au taux distinct pour les contribuables qui recueillent des profits visés à l'article 23, § 1er, 2°, du C.I.R. 1992, se rapportant à des actes accomplis pendant une période d'une durée supérieure à douze mois et dont le montant n'a pas, par le fait de l'autorité publique, été payé au cours de l'année des prestations mais a été réglé en une seule fois, alors qu'il exclut ce taux distinct pour les contribuables qui recueillent des profits se rapportant à des actes accomplis pendant une période n'excédant pas douze mois, et dont le montant n'a pas, par le fait de l'autorité publique, été payé au cours de l'année des prestations mais a été réglé en une seule fois ? »; « 2° L'article 171, 6°, 2ème tiret, du C.I.R. 1992, tel qu'applicable au cours de l'exercice d'imposition 2000, interprété en ce sens que pour bénéficier du taux distinct, les contribuables qui recueillent des profits visés à l'article 23, § 1er, 2°, du même code en raison des prestations effectuées dans le cadre des articles 455 et 455bis du Code judiciaire, doivent justifier de manière précise et détaillée chacune de leurs interventions pour chaque désignation dont ils ont fait l'objet, peu important, à cet égard, qu'ils soient payés au cours d'une année ultérieure à leur désignation, viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 16 de la Constitution et 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La Cour est interrogée au sujet de l'article 171, 6°, deuxième tiret, du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : le CIR 1992), qui, tel qu'il était applicable à l'exercice d'imposition 2000, disposait : « Par dérogation aux articles 130 à 168, sont imposables distinctement, sauf si l'impôt ainsi calculé, majoré de l'impôt afférent aux autres revenus, est supérieur à celui que donnerait l'application desdits articles à l'ensemble des revenus imposables : [...] 6° au taux afférent à l'ensemble des autres revenus imposables : [...] - les profits visés à l'article 23, § 1er, 2°, qui se rapportent à des actes accomplis pendant une période d'une durée supérieure à 12 mois et dont le montant n'a pas, par le fait de l'autorité publique, été payé au cours de l'année des prestations mais a été réglé en une seule fois, et ce exclusivement pour la partie qui excède proportionnellement un montant correspondant à 12 mois de prestations; [...] ».

B.1.2. La disposition en cause prévoit une imposition distincte des profits qui se rapportent à des actes accomplis pendant une période supérieure à douze mois qui, par le fait de l'autorité publique, n'ont pas été payés dans l'année des prestations mais qui ont été réglés en une seule fois. Le régime de la taxation distincte vaut uniquement pour la partie des profits qui excède proportionnellement un montant correspondant à douze mois de prestations.

B.2. Le litige porté devant le juge a quo concerne la taxation, pour l'exercice d'imposition 2000, d'indemnités perçues en 1999 au titre d'arriérés d'honoraires d'avocat, dans 58 dossiers d'aide juridique pour lesquels la partie demanderesse devant le juge a quo a été désignée « pro deo » en 1997 et 1998, sur la base du régime d'aide juridique tel qu'il était organisé aux articles 455 et 455bis du Code judiciaire avant leur abrogation par l'article 3 de la loi du 23 novembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/11/1998 pub. 22/12/1998 numac 1998009936 source ministere de la justice Loi relative à l'aide juridique fermer « relative à l'aide juridique ».

La Cour limite son examen à cette situation.

Quant à la première question préjudicielle B.3. La question préjudicielle invite la Cour à se prononcer sur la compatibilité de la disposition en cause avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce qu'elle traite différemment les contribuables qui perçoivent des profits dont le montant n'a pas, par le fait de l'autorité publique, été payé au cours de l'année des prestations mais a été réglé en une seule fois : seuls les contribuables qui perçoivent de tels profits se rapportant à des actes accomplis pendant une période d'une durée supérieure à douze mois peuvent bénéficier du taux distinct prévu par la disposition en cause, alors que les contribuables qui perçoivent de tels profits se rapportant à des actes accomplis pendant une période n'excédant pas douze mois ne peuvent pas bénéficier du taux distinct prévu par la disposition en cause.

B.4. Contrairement à ce que le Conseil des ministres soutient, la question préjudicielle et les motifs de la décision de renvoi permettent d'identifier les catégories de personnes comparées.

La différence de traitement en cause dans la question préjudicielle repose sur le critère de la durée de la période au cours de laquelle ont été accomplis les actes donnant lieu à des profits dont le montant, par le fait de l'autorité publique, n'a pas été payé au cours de l'année des prestations, mais a été réglé en une seule fois.

Un tel critère est objectif. La Cour doit examiner s'il est pertinent eu égard au but poursuivi par la disposition en cause.

B.5. L'article 171 du CIR 1992 déroge, pour les revenus qu'il énumère, au principe de la globalisation, en vertu duquel le revenu imposable à l'impôt des personnes physiques est constitué de l'ensemble des revenus nets, soit la somme des revenus nets des catégories énumérées dans l'article 6 du CIR 1992, à savoir les revenus des biens immobiliers, les revenus des capitaux et biens mobiliers, les revenus professionnels et les revenus divers, diminuée des dépenses déductibles mentionnées aux articles 104 à 116 du CIR 1992. L'impôt est calculé sur cette somme selon les règles fixées aux articles 130 et suivants du CIR 1992.

L'article 171 du CIR 1992 prévoit un mode de calcul particulier en ce qui concerne l'impôt et les taux d'imposition spéciaux pour certains revenus, à condition toutefois que le régime de l'addition de tous les revenus imposables, y compris les revenus pouvant être imposés distinctement, ne s'avère pas plus avantageux pour le contribuable.

B.6. Par l'article 23 de la loi du 20 novembre 1962 « portant réforme des impôts sur les revenus », qui deviendra plus tard l'article 93 du CIR 1964 et ensuite l'article 171 du CIR 1992, le législateur a voulu éviter les conséquences sévères que l'application rigoureuse de la progressivité de l'impôt des personnes physiques entraînerait pour les contribuables qui recueillent certains revenus ayant un caractère plutôt exceptionnel. Selon les travaux préparatoires de l'article 23, qui a instauré les impositions distinctes, le législateur a voulu « freiner la progressivité de l'impôt, lorsque le revenu imposable comprend des revenus non périodiques » (Doc. parl., Chambre, 1961-1962, n° 264/1, p. 85; ibid., n° 264/42, p. 126).

B.7. L'article 171, 6°, deuxième tiret, procède d'une intention similaire. L'exposé des motifs de la loi du 4 août 1978 « de réorientation économique » (qui a modifié l'article 93 précité) indique : « Dans l'état actuel de la législation, les honoraires et autres profits qui se rapportent à des prestations accomplies pendant une période d'une durée supérieure à douze mois et dont le montant n'a pas, par le fait de l'autorité publique, été payé au cours de l'année des prestations mais a été réglé en une seule fois, sont taxés comme des revenus de l'année pendant laquelle ils ont été perçus avec application du taux normal d'imposition.

Pour y pallier, il est proposé d'appliquer aux honoraires et autres profits de l'espèce un régime analogue à celui qui s'applique déjà actuellement aux ' pécules de vacances promérités ' payés aux employés.

Ceci revient en fait à appliquer aux arriérés d'honoraires, etc., le taux d'impôt applicable à ce qui correspond normalement à douze mois de prestations » (Doc. parl., Sénat, 1977-1978, n° 415/1, pp. 33 et 34).

Le rapport fait au nom de la commission du Sénat précise : « Le chapitre II règle le problème de la taxation des honoraires payés par une autorité publique aux titulaires de professions libérales pour des prestations qui sont étalées sur une période de plus de douze mois.

Pour éviter une surtaxation due à la progressivité du taux de l'impôt, la quotité des honoraires qui excède proportionnellement un montant correspondant à douze mois de prestations sera imposée distinctement au taux afférent à l'ensemble des autres revenus imposables » (ibid., n° 415/2, p.51).

En commission du Sénat, le ministre a indiqué : « Les honoraires qui se rapportent à des prestations accomplies pendant une période supérieure à douze mois et qui, par le fait de l'autorité publique, ne sont pas payés pendant l'année des prestations mais liquidés en une seule fois, sont actuellement imposés au cours de l'année de l'encaissement et le taux d'imposition progressif est appliqué sans atténuation.

Dans l'article 51 du projet, il est suggéré un régime analogue à celui qui existe à présent pour le pécule de vacances promérité à l'employé; dorénavant donc ces honoraires seront subdivisés en deux parties : a) Une première partie qui correspond à douze mois de prestations sera ajoutée aux autres revenus de l'année pour constituer la base imposable;b) Une deuxième partie - le reste - qui sera taxée distinctement suivant le tarif appliqué aux revenus sub a). [...] Ce régime existe déjà pour le pécule de vacances promérité payé à l'employé qui quitte l'entreprise.

Il ne peut être appliqué aux honoraires privés, car la règle reste toujours l'annualité de l'impôt. En outre, dans le secteur privé, il est loisible de régler les paiements en fonction de la fourniture des prestations et des intérêts des deux parties. Il est superfétatoire que le législateur prévoie encore des facilités supplémentaires sur la base de commodité purement fiscale d'une des parties » (ibid., pp. 71 et 72).

B.8.1. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.7 que le législateur a voulu tenir compte de la situation des titulaires de profits payés avec retard par le fait d'une autorité publique, mais uniquement en ce que ces profits se rapportent à des prestations accomplies pendant une période supérieure à douze mois.

B.8.2. La prise en compte d'une période supérieure à douze mois et la limitation du bénéfice de la taxation distincte à la partie des profits qui, proportionnellement, excède un montant correspondant à douze mois de prestations se justifie par l'objectif, poursuivi en l'espèce, d'atténuer les effets de la progressivité de l'impôt.

Lorsque les profits se rapportent à des prestations accomplies au cours d'une période supérieure à douze mois, le paiement tardif, en une fois, par le fait d'une autorité publique, a pour conséquence que ces profits d'un montant dépassant douze mois de prestations, s'additionnant aux profits de l'exercice d'imposition se rapportant à l'année de l'encaissement, risquent d'entraîner une surtaxation liée à la progressivité de l'impôt. Lorsque, par contre, les profits se rapportent à des prestations accomplies au cours d'une période inférieure à douze mois, le fait qu'ils soient payés en une fois, avec retard, par le fait d'une autorité publique, a pour seule conséquence qu'ils sont imposés au cours d'un exercice d'imposition ultérieur à celui des prestations, sans toutefois que cette imposition ultérieure soit de nature à entraîner une surtaxation liée à la progressivité de l'impôt, dès lors qu'elle porte sur des prestations d'une durée inférieure à celle d'un exercice d'imposition.

Au regard de l'objectif qui consiste à corriger les effets inéquitables d'une application rigoureuse de la progressivité de l'impôt, les titulaires de profits qui sont payés avec retard par le fait d'une autorité publique et qui se rapportent à des prestations accomplies pendant une période supérieure à douze mois ne se trouvent pas dans la même situation que les titulaires de profits payés avec retard par le fait d'une autorité publique et se rapportant à des prestations accomplies au cours d'une période inférieure à douze mois.

En effet, le paiement différé et en une fois de prestations ayant été effectuées sur plus d'une année n'a pas les mêmes effets en ce qui concerne le calcul de l'impôt dû que le paiement différé et en une fois de prestations ayant été effectuées au cours d'une année.

B.9. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Quant à la seconde question préjudicielle B.10. La question préjudicielle invite la Cour à se prononcer sur la compatibilité de la disposition en cause avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 16 de la Constitution et avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, dans l'interprétation selon laquelle, pour bénéficier du taux distinct, les contribuables qui recueillent des profits pour des prestations relevant du régime de l'aide juridique tel qu'il était organisé par les articles 455 et 455bis anciens du Code judiciaire « doivent justifier de manière précise et détaillée chacune de leurs interventions pour chaque désignation dont ils ont fait l'objet, peu important, à cet égard, qu'ils soient payés au cours d'une année ultérieure à leur désignation ».

B.11. Il ressort des motifs de la décision de renvoi que la disposition en cause est interprétée par l'administration fiscale comme subordonnant le bénéfice d'une imposition distincte à la condition que le contribuable établisse la preuve que chacune des indemnités d'aide juridique perçues au cours d'un exercice d'imposition ultérieur à celui des prestations se rapporte à des prestations d'une durée supérieure à douze mois.

B.12. Par son arrêt n° 30/2016 du 25 février 2016, la Cour s'est prononcée sur la possibilité que des indemnités d'aide juridique relèvent du champ d'application de la disposition en cause, et a dit pour droit : « - Interprété comme exigeant que la tardiveté du paiement soit imputable à une faute ou à une négligence de l'autorité publique pour que le contribuable puisse bénéficier d'une imposition distincte des profits de professions libérales payés tardivement par le fait d'une autorité publique, l'article 171, 6°, deuxième tiret, du Code des impôts sur les revenus 1992 viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution. - Interprétée comme n'exigeant pas que la tardiveté du paiement soit imputable à une faute ou à une négligence de l'autorité publique pour que le contribuable puisse bénéficier d'une imposition distincte des profits de professions libérales payés tardivement par le fait d'une autorité publique, la même disposition ne viole pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution ».

La Cour avait souligné, dans sa motivation : « A cet égard, il s'impose de relever que le retard avec lequel les indemnités d'aide juridique sont payées aux avocats par l'autorité publique est dû à la mise en oeuvre de la procédure organisée par l'article 2 de l'arrêté royal du 20 décembre 1999 contenant les modalités d'exécution relatives à l'indemnisation accordée aux avocats dans le cadre de l'aide juridique de deuxième ligne et relatif au subside pour les frais liés à l'organisation des bureaux d'aide juridique. En application de l'article 2, 7°, de cet arrêté royal, les prestations effectuées dans le cadre de l'aide juridique sont indemnisées en une seule fois, à la clôture du dossier, et ne peuvent donner lieu au versement de provisions » (B.6.2).

La Cour a confirmé ce raisonnement par son arrêt n° 65/2017 du 1er juin 2017.

B.13. La présente question préjudicielle invite la Cour à examiner si les modalités du régime d'aide juridique, tel qu'il était organisé par les articles 455 et 455bis anciens du Code judiciaire avant leur abrogation par l'article 3 de la loi du 23 novembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/11/1998 pub. 22/12/1998 numac 1998009936 source ministere de la justice Loi relative à l'aide juridique fermer « relative à l'aide juridique », permettent d'établir la preuve sollicitée par l'administration fiscale et si elles ne créent pas dès lors une discrimination entre les potentiels bénéficiaires du taux distinct prévu par la disposition en cause.

B.14. A la question d'un parlementaire au sujet de la preuve à apporter pour pouvoir bénéficier du taux distinct prévu par la disposition en cause, le ministre a répondu : « que, pour bénéficier de l'article 51, il faut en faire la demande.

Cela commence par le mode de déclaration. Ensuite, l'intéressé devra évidemment apporter la preuve de la durée de la période sur laquelle s'étendent les prestations. Le plus souvent, le texte du contrat devrait permettre de le faire sans difficulté » (Doc. parl., Sénat, 1977-1978, n° 415/2, p. 73).

B.15.1. Les articles 455 et 455bis du Code judiciaire ont été insérés par les articles 1er et 2 de la loi du 9 avril 1980 « tendant à apporter une solution partielle au problème de l'assistance judiciaire et organisant la rémunération des avocats stagiaires chargés de l'assistance judiciaire ».

L'article 455, § 2, alinéa 1er, du Code judiciaire, tel qu'il avait été modifié par l'article 1er de la loi du 13 avril 1995Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/04/1995 pub. 02/07/2009 numac 2009000438 source service public federal interieur Loi contenant des dispositions en vue de la répression de la traite et du trafic des êtres humains. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, prévoyait que les avocats étaient tenus de faire rapport au bureau sur les diligences accomplies par eux dans les affaires dont ils avaient été chargés en vue de pourvoir à l'assistance des personnes dont les revenus étaient insuffisants. L'Etat allouait à l'avocat désigné par le bureau de consultation et de défense une indemnité en raison des prestations pour l'accomplissement desquelles la désignation avait été faite (article 455, § 2, alinéa 2). Les conditions d'octroi, de tarif et les modalités de paiement de cette indemnité étaient déterminées par un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, après avis du Conseil général de l'Ordre national des avocats (article 455, § 2, alinéa 3).

L'article 455bis, § 2, alinéa 1er, du Code judiciaire, tel qu'il avait été modifié par l'article 1er de la loi du 13 avril 1995Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/04/1995 pub. 02/07/2009 numac 2009000438 source service public federal interieur Loi contenant des dispositions en vue de la répression de la traite et du trafic des êtres humains. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, prévoyait que les avocats étaient tenus de faire rapport au bureau sur les diligences accomplies par eux dans les affaires dont ils avaient été chargés, dans tous les cas où, en vertu de la loi, il y avait lieu à commission d'office d'un avocat. En cas d'omission ou de refus de paiement par la partie assistée, l'Etat allouait une indemnité à l'avocat pour l'accomplissement des prestations pour lesquelles la commission avait eu lieu (article 455bis, § 2, alinéa 2). Les conditions d'octroi, de tarif et les modalités de paiement de cette indemnité étaient déterminées par un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, après avis du Conseil général de l'Ordre national des avocats (article 455bis, § 2, alinéa 4).

B.15.2. L'article 1er, 1°, de l'arrêté royal du 23 mai 1997 « fixant les conditions d'octroi, le tarif et les modalités de paiement de l'indemnité allouée aux avocats en exécution des articles 455 et 455bis du Code judiciaire » (ci-après : l'arrêté royal du 23 mai 1997), disposait : « Le président du bureau de consultation et de défense attribue aux avocats des points pour chaque désignation ou commission d'office à laquelle il a été procédé par application des articles 455 et 455bis du Code judiciaire et pour laquelle les avocats justifient avoir accompli au cours de l'année judiciaire écoulée ou des années antérieures, des prestations effectives. A cette fin, le président se fonde sur les rapports visés aux articles 455, § 2, alinéa 1er, et 455bis, § 2, alinéa 1er, du même Code.

Lesdits rapports seront établis sur les formulaires fournis par l'Ordre national des avocats.

Les points sont attribués par prestation, sur la base d'une liste mentionnant les points correspondant à des prestations déterminées.

Cette liste est fixée par le Ministre de la Justice. [...] ».

L'article 1er, 3°, alinéa 2, de l'arrêté royal du 23 mai 1997 prévoyait que le ministre de la Justice établissait la valeur d'un point et le montant total des indemnités et en informait l'Ordre national des avocats, auquel il réglait également le montant des indemnités.

L'annexe de l'arrêté ministériel du 28 mai 1997 « en exécution de l'arrêté royal fixant les conditions d'octroi, le tarif et les modalités de paiement de l'indemnité allouée aux avocats en exécution des articles 455 et 455bis du Code judiciaire » fixait la liste des points visée à l'article 1er, 1°, alinéa 3, de l'arrêté royal du 23 mai 1997.

B.15.3. L'article 7, § 1er, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 20 décembre 1999 « contenant les modalités d'exécution relatives à l'indemnisation accordée aux avocats dans le cadre de l'aide juridique de deuxième ligne et relatif au subside pour les frais liés à l'organisation des bureaux d'aide juridique » dispose : « Jusqu'au 30 décembre 1999, l'indemnisation des avocats, pour les prestations figurant dans les rapports de l'année judiciaire 1998-1999, établis conformément aux articles 455, § 2, alinéa 1er, et 455bis, § 2, alinéa 1er, du Code judiciaire, est régie selon la procédure instaurée par l'arrêté royal du 23 mai 1997 fixant les conditions d'octroi, le tarif et les modalités de paiement de l'indemnité allouée aux avocats en exécution des articles 455 et 455bis du Code judiciaire ».

B.16. Il ressort de ce qui précède que le régime d'indemnisation des avocats, fondé sur les articles 455 et 455bis anciens du Code judiciaire, était basé sur un système de points attribués par prestation. Pour l'attribution de ces points, les avocats concernés devaient établir des rapports permettant de justifier l'accomplissement, au cours de l'année judiciaire écoulée ou des années antérieures, de prestations effectives.

B.17. Si de tels rapports visaient à établir la réalité des prestations accomplies en vue de l'obtention des points permettant à l'avocat d'être indemnisé, on peut néanmoins présumer que de tels rapports devraient permettre à l'avocat concerné d'établir, par toutes voies de droit, la durée approximative de ces prestations. Même si, dans ce régime, l'avocat n'était pas obligé de joindre à ce rapport les pièces probantes établissant les prestations fournies, on ne peut considérer qu'un avocat serait dans l'impossibilité de retrouver ces pièces ou de démontrer la durée approximative de ses prestations.

Compte tenu du régime applicable à l'octroi des indemnités en cause, il convient d'admettre que la preuve de la durée des prestations en cause doit pouvoir être établie par toutes voies de droit, y compris par le biais d'approximations horaires au départ de prestations analogues, le cas échéant en s'inspirant de l'annexe à l'arrêté ministériel du 19 juillet 2016 « fixant la nomenclature des points pour les prestations effectuées par les avocats chargés de l'aide juridique de deuxième ligne partiellement ou complètement gratuite » qui établissait la liste de points visée à l'article 2, 1°, alinéa 2, de l'arrêté royal, précité, du 20 décembre 1999. Selon l'article 1er, alinéa 2, de cet arrêté ministériel, chaque point correspondait à une heure de prestations.

Compte tenu du régime qui existait à ce moment, la preuve de la durée des prestations doit être admise de manière raisonnable.

B.18. L'examen de la compatibilité de la disposition en cause avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 16 de la Constitution et avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, ne pourrait conduire à une autre conclusion.

B.19. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - En ce qu'il réserve le bénéfice d'une taxation au taux distinct aux contribuables qui recueillent des profits visés à l'article 23, § 1er, 2°, du Code des impôts sur les revenus 1992, se rapportant à des actes accomplis pendant une période d'une durée supérieure à douze mois et dont le montant, par le fait de l'autorité publique, n'a pas été payé au cours de l'année des prestations mais a été réglé en une seule fois, alors qu'il exclut du bénéfice de ce taux distinct les contribuables qui recueillent de tels profits se rapportant à des actes accomplis pendant une période n'excédant pas douze mois, l'article 171, 6°, deuxième tiret, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il était applicable au cours de l'exercice d'imposition 2000, ne viole pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution. - Interprété en ce sens que les contribuables qui revendiquent le bénéfice d'une taxation au taux distinct doivent établir la durée, supérieure à douze mois, des prestations auxquelles de tels profits se rapportent, l'article 171, 6°, deuxième tiret, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il était applicable au cours de l'exercice d'imposition 2000, ne viole pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 16 de la Constitution et avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 25 février 2021.

Le greffier, Le président, F. Meersschaut F. Daoût

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