publié le 18 juin 2021
Extrait de l'arrêt n° 47/2021 du 18 mars 2021 Numéro du rôle : 7086 En cause : le recours en annulation de l'article 141, c), de la loi du 18 juin 2018 « portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de pr La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges J.-P. M(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 47/2021 du 18 mars 2021 Numéro du rôle : 7086 En cause : le recours en annulation de l'article 141, c), de la
loi du 18 juin 2018Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
18/06/2018
pub.
02/07/2018
numac
2018012858
source
service public federal justice
Loi portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges
fermer « portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges », introduit par le Collège de la Commission communautaire française.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne et D. Pieters, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 24 décembre 2018 et parvenue au greffe le 27 décembre 2018, le Collège de la Commission communautaire française, assisté et représenté par Me M. Kaiser, Me D. Neven et Me M. Verdussen, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation de l'article 141, c), de la loi du 18 juin 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/06/2018 pub. 02/07/2018 numac 2018012858 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges fermer « portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges » (publiée au Moniteur belge du 2 juillet 2018). (...) II. En droit (...) B.1. L'article 12bis du Code de la nationalité belge fait partie de la section 1 (« Acquisition de la nationalité belge par déclaration de nationalité ») du chapitre III (« Acquisition de la nationalité belge ») de ce Code.
Avant sa modification par l'article 141 de la loi du 18 juin 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/06/2018 pub. 02/07/2018 numac 2018012858 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges fermer « portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges » (ci-après : la loi du 18 juin 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/06/2018 pub. 02/07/2018 numac 2018012858 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges fermer), l'article 12bis, § 1er, du Code de la nationalité belge disposait : « Peuvent acquérir la nationalité belge en faisant une déclaration conformément à l'article 15 : 1° l'étranger qui : a) a atteint l'âge de dix-huit ans;b) et est né en Belgique et y séjourne légalement depuis sa naissance;2° l'étranger qui : a) a atteint l'âge de dix-huit ans;b) et séjourne légalement en Belgique depuis cinq ans;c) et apporte la preuve de la connaissance d'une des trois langues nationales;d) et prouve son intégration sociale : - ou bien par un diplôme ou un certificat délivré par un établissement d'enseignement organisé, reconnu ou subventionné par une Communauté ou par l'Ecole royale militaire et qui est au moins du niveau de l'enseignement secondaire supérieur; - ou bien en ayant suivi une formation professionnelle d'au moins 400 heures reconnue par une autorité compétente; - ou bien en ayant suivi un cours d'intégration prévu par l'autorité compétente de sa résidence principale au moment où il entame son cours d'intégration; - ou bien en ayant travaillé de manière ininterrompue au cours des cinq dernières années comme travailleur salarié et/ou comme agent statutaire nommé dans la fonction publique et/ou comme travailleur indépendant à titre principal; e) et prouve sa participation économique : - soit en ayant travaillé pendant au moins 468 journées de travail au cours des cinq dernières années en tant que travailleur salarié et/ou agent statutaire dans la fonction publique; - soit en ayant payé, en Belgique, dans le cadre d'une activité professionnelle indépendante exercée à titre principal, les cotisations sociales trimestrielles dues par les travailleurs indépendants pendant au moins six trimestres au cours des cinq dernières années;
La durée de la formation suivie dans les cinq ans qui ont précédé la demande visée au 2°, d), premier et/ ou deuxième tirets, est déduite de la durée de l'activité professionnelle requise de 468 jours minimum ou de la durée de l'activité professionnelle indépendante à titre principal. 3° l'étranger qui : a) a atteint l'âge de dix-huit ans;b) et séjourne légalement en Belgique depuis cinq ans;c) et apporte la preuve de la connaissance d'une des trois langues nationales;d) et est marié avec une personne de nationalité belge, si les époux ont vécu ensemble en Belgique pendant au moins trois ans, ou est l'auteur ou l'adoptant d'un enfant belge qui n'a pas atteint l' [âge] de dix-huit ans ou n'est pas émancipé avant cet [âge];e) et prouve son intégration sociale : - ou bien par un diplôme ou un certificat délivré par un établissement d'enseignement organisé, reconnu ou subventionné par une Communauté ou par l'Ecole royale militaire et qui est au moins du niveau de l'enseignement secondaire supérieur; - ou bien en ayant suivi une formation professionnelle d'au moins 400 heures reconnue par une autorité compétente, et en ayant travaillé, au cours des cinq dernières années, pendant au moins 234 journées comme travailleur salarié et/ou comme agent statutaire nommé dans la fonction publique ou en ayant payé en Belgique, dans le cadre d'une activité professionnelle indépendante à titre principal, les cotisations sociales trimestrielles dues par les travailleurs indépendants pendant au moins trois trimestres; - ou bien en ayant suivi un cours d'intégration prévu par l'autorité compétente de sa résidence principale au moment où il entame son cours d'intégration; 4° l'étranger qui : a) a atteint l'âge de dix-huit ans;b) et séjourne légalement en Belgique depuis cinq ans;c) et apporte la preuve qu'il ne peut, en raison d'un handicap ou d'une invalidité, ni occuper un emploi ni exercer une activité économique, ou a atteint l'âge de la pension;5° l'étranger qui : a) a atteint l'âge de dix-huit ans;b) et séjourne légalement en Belgique depuis dix ans;c) et apporte la preuve de la connaissance d'une des trois langues nationales;d) et justifie de sa participation à la vie de sa communauté d'accueil.Cette preuve peut être apportée par toutes voies de droit, et contient des éléments attestant que le demandeur prend part à la vie économique et/ou socioculturelle de cette communauté d'accueil ».
B.2. Depuis sa modification par l'article 141, c), de la loi du 18 juin 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/06/2018 pub. 02/07/2018 numac 2018012858 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges fermer, l'article 12bis, § 1er, 2°, d), troisième tiret, et 3°, e), troisième tiret, du Code de la nationalité belge dispose : « et prouve son intégration sociale : [...] - ou bien en ayant, selon le cas, fourni la preuve délivrée par l'autorité compétente, du suivi avec succès du trajet d'intégration, du parcours d'accueil ou du parcours d'intégration prévu par l'autorité compétente de sa résidence principale au moment où il entame celui-ci; ».
Quant au premier moyen B.3. Le moyen est pris de la violation de l'article 128, § 1er, de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 5, § 1er, II, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980), par l'article 141, c), de la loi du 18 juin 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/06/2018 pub. 02/07/2018 numac 2018012858 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges fermer, au motif que l'article 12bis, § 1er, 2°, d), troisième tiret, et 3°, e), troisième tiret, du Code de la nationalité belge, tel qu'il a été modifié par la disposition attaquée, obligerait les entités fédérées visées à l'article 128 de la Constitution à créer une procédure d'évaluation des connaissances acquises par l'étranger dans le cadre de son intégration sociale, ce qui empiéterait sur les compétences de ces entités fédérées.
B.4.1. L'article 128 de la Constitution dispose : « § 1er. Les Parlements de la Communauté française et de la Communauté flamande règlent par décret, chacun en ce qui le concerne, les matières personnalisables, de même qu'en ces matières, la coopération entre les communautés et la coopération internationale, y compris la conclusion de traités.
Une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, arrête ces matières personnalisables, ainsi que les formes de coopération et les modalités de conclusion de traités. § 2. Ces décrets ont force de loi respectivement dans la région de langue française et dans la région de langue néerlandaise, ainsi que, sauf si une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, en dispose autrement, à l'égard des institutions établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui, en raison de leur organisation, doivent être considérées comme appartenant exclusivement à l'une ou à l'autre communauté ».
B.4.2. L'article 5, § 1er, II, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980, modifié par l'article 46, 4°, de la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'Etat, dispose : « Les matières personnalisables visées à l'article 128, § 1er, de la Constitution sont : [...] II. En matière d'aide aux personnes : [...] 3° La politique d'accueil et d'intégration des immigrés ». B.5.1. L'article 138 de la Constitution dispose : « Le Parlement de la Communauté française, d'une part, et le Parlement de la Région wallonne et le groupe linguistique français du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, d'autre part, peuvent décider d'un commun accord et chacun par décret que le Parlement et le Gouvernement de la Région wallonne dans la région de langue française et le groupe linguistique français du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et son Collège dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale exercent, en tout ou en partie, des compétences de la Communauté française.
Ces décrets sont adoptés à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés au sein du Parlement de la Communauté française et à la majorité absolue des suffrages exprimés au sein du Parlement de la Région wallonne et du groupe linguistique français du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, à condition que la majorité des membres du Parlement ou du groupe linguistique concerné soit présente. Ils peuvent régler le financement des compétences qu'ils désignent, ainsi que le transfert du personnel, des biens, droits et obligations qui les concernent.
Ces compétences sont exercées, selon le cas, par voie de décrets, d'arrêtés ou de règlements ».
B.5.2. Adopté en exécution de l'article 138 de la Constitution, l'article 3, 7°, du décret spécial de la Communauté française du 3 avril 2014 « relatif aux compétences de la Communauté française dont l'exercice est transféré à la Région wallonne et à la Commission communautaire française » dispose : « La Région et la Commission, la première sur le territoire de la région de langue française et la seconde sur le territoire de la région bilingue de Bruxelles-Capitale, exercent les compétences de la Communauté dans les matières suivantes : [...] 7° l'aide aux personnes, visée à l'article 5, § 1er, II, de la loi spéciale, à l'exception : a) de ce qui relève des missions confiées à l'Office de la Naissance et de l'Enfance;b) des services ' Espaces-Rencontres ';c) de l'aide sociale aux justiciables;d) de la protection de la jeunesse;e) de l'aide sociale aux détenus;f) de l'aide juridique de première ligne ». L'article 3, 7°, du décret de la Commission communautaire française du 4 avril 2014 « relatif aux compétences de la Communauté française dont l'exercice est transféré à la Région wallonne et à la Commission communautaire française » et l'article 3, 7°, du décret de la Région wallonne du 11 avril 2014 « relatif aux compétences de la Communauté française dont l'exercice est transféré à la Région wallonne et à la Commission communautaire française » disposent de la même manière.
B.6. La répartition des compétences entre les diverses composantes de l'Etat fédéral repose sur le principe de l'exclusivité, qui suppose que toute situation juridique est en principe réglée par un seul législateur.
B.7. La fixation des conditions d'obtention de la nationalité belge relève de la compétence de l'autorité fédérale.
B.8.1. L'« acquisition » de la nationalité, au sens du Code de la nationalité belge, suppose un acte volontaire de l'étranger concerné (article 1er, § 1er, de ce Code).
B.8.2. L'article 12bis, § 1er, 2°, d), et 3°, e), du Code de la nationalité belge dispose que certaines catégories d'étrangers doivent, pour acquérir cette nationalité par la procédure de « déclaration », prouver leur « intégration sociale » de l'une des manières qu'il énonce.
B.8.3. La disposition attaquée modifie une de ces manières de prouver l'« intégration sociale ».
Elle prévoit que l'étranger qui souhaite acquérir la nationalité belge peut prouver cette intégration en démontrant qu'il a suivi « avec succès » le « trajet d'intégration », le « parcours d'accueil » ou le « parcours d'intégration » institué par une autorité compétente en la matière.
Cette règle fait partie des conditions auxquelles un étranger a le droit d'acquérir la nationalité belge, et qu'il appartient exclusivement à l'autorité fédérale de déterminer.
Contrairement à ce que la partie requérante soutient, la disposition attaquée n'impose aux communautés aucune obligation relative au trajet d'intégration, au parcours d'accueil ou au parcours d'intégration qu'elles organisent.
La disposition attaquée ne règle donc pas la « politique de l'accueil et de l'intégration des immigrés », au sens de l'article 5, § 1er, II, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980.
B.9. Le premier moyen n'est pas fondé.
Quant au deuxième moyen En ce qui concerne la première branche B.10. Le deuxième moyen, en sa première branche, est pris de la violation de l'article 143, § 1er, de la Constitution, par l'article 141, c), de la loi du 18 juin 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/06/2018 pub. 02/07/2018 numac 2018012858 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges fermer, au motif que l'article 12bis, § 1er, 2°, d), troisième tiret, et 3°, e), troisième tiret, du Code de la nationalité belge, tel qu'il a été modifié par la disposition attaquée, obligerait la Commission communautaire française à créer une procédure d'évaluation des connaissances acquises par l'étranger durant le « parcours d'accueil " institué par le décret du 18 juillet 2013 « relatif au parcours d'accueil pour primo-arrivants en Région de Bruxelles-Capitale » (ci-après : le décret du 18 juillet 2013) et à étendre l'accès de ce parcours à des étrangers autres que les « primo-arrivants », ce qui aurait pour effet qu'il deviendrait exagérément difficile pour la Commission communautaire française de mener une politique d'accueil et d'intégration des immigrés.
B.11. L'article 143, § 1er, de la Constitution dispose : « Dans l'exercice de leurs compétences respectives, l'Etat fédéral, les communautés, les régions et la Commission communautaire commune agissent dans le respect de la loyauté fédérale, en vue d'éviter des conflits d'intérêts ».
Le respect de la loyauté fédérale suppose que, lorsqu'elles exercent leurs compétences, l'autorité fédérale et les entités fédérées ne perturbent pas l'équilibre de la construction fédérale dans son ensemble. La loyauté fédérale concerne plus que le simple exercice des compétences : elle indique dans quel esprit il doit avoir lieu.
Le principe de la loyauté fédérale oblige chaque législateur à veiller à ce que l'exercice de sa propre compétence ne rende pas impossible ou exagérément difficile l'exercice de leurs compétences par les autres législateurs.
B.12.1. L'article 12bis, § 1er, 2°, d), troisième tiret, et 3°, e), troisième tiret, du Code de la nationalité belge, tel qu'il a été modifié par l'article 141, c), de la loi du 18 juin 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/06/2018 pub. 02/07/2018 numac 2018012858 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges fermer n'énonce pas la moindre obligation à charge des entités fédérées compétentes en matière de « politique d'accueil et d'intégration des immigrés », au sens de l'article 5, § 1er, II, 3°, de la loi spéciale du 8 août 1980.
La disposition attaquée ne prive pas la Commission communautaire française du droit de décider, dans le cadre de la politique d'accueil et d'intégration des immigrés qu'elle entend mener, si, eu égard aux règles adoptées par l'autorité fédérale dans la matière visée en B.7, elle estime souhaitable de créer une procédure d'évaluation des connaissances acquises par l'étranger durant le « parcours d'accueil pour primo-arrivants » institué par le décret du 18 juillet 2013.
Ainsi que le Conseil des ministres le souligne, les mots « avec succès » contenus dans la disposition attaquée ne signifient pas que les autorités compétentes pour organiser le « trajet d'intégration », le « parcours d'accueil » ou le « parcours d'intégration » devraient nécessairement assortir celui-ci d'une évaluation pour pouvoir attester qu'il a été suivi « avec succès » aux fins, pour la personne qui introduit la déclaration visée à l'article 12bis, § 1er, du Code de la nationalité belge, de prouver son intégration sociale. La disposition attaquée ne prive pas non plus la Commission communautaire française du droit de décider à quelles catégories d'étrangers s'adresse le parcours d'accueil qu'elle organise et elle ne lui impose pas d'étendre l'accès de ce parcours à des étrangers autres que les « primo-arrivants ».
B.12.2. Le moyen repose sur une lecture erronée de la disposition attaquée.
B.13. Le deuxième moyen, en sa première branche, n'est pas fondé.
En ce qui concerne la seconde branche B.14. Le deuxième moyen, en sa seconde branche, est pris de la violation de l'article 143, § 1er, de la Constitution par l'article 141, c), de la loi du 18 juin 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/06/2018 pub. 02/07/2018 numac 2018012858 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges fermer, en ce que l'adoption de l'article 12bis, § 1er, 2°, d), troisième tiret, et 3°, e), troisième tiret, du Code de la nationalité belge, tel qu'il a été modifié par la disposition attaquée, aurait dû être précédée de la conclusion d'un accord de coopération entre l'autorité fédérale et les entités fédérées compétentes pour la politique d'intégration des immigrés, ou, à tout le moins, d'une concertation avec ces entités, compte tenu du degré d'imbrication de la politique précitée dans la matière réglée par la disposition attaquée.
B.15. Comme il est dit en B.11, le principe de la loyauté fédérale oblige chaque législateur à veiller à ce que l'exercice de sa propre compétence ne rende pas impossible ou exagérément difficile l'exercice de leurs compétences par les autres législateurs. Lorsqu'un législateur entend régler une matière qui est à ce point imbriquée dans la matière qui relève de la compétence d'un autre législateur, il ne peut exercer sa compétence qu'après avoir préalablement consulté cet autre législateur.
B.16. La détermination par l'autorité fédérale des conditions auxquelles un étranger a le droit d'acquérir la nationalité belge peut avoir une incidence sur la politique menée en ce qui concerne l'intégration de certaines catégories d'immigrés.
Ce constat ne suffit toutefois pas pour considérer que la détermination des conditions à l'obtention de la nationalité belge relève d'une matière à ce point imbriquée dans la politique d'intégration des immigrés que l'autorité fédérale devrait, avant d'exercer sa compétence, consulter les autorités compétentes dans cette dernière matière.
L'étranger peut démontrer son intégration sociale non seulement « par la preuve du suivi avec succès du trajet d'intégration, du parcours d'accueil ou du parcours d'intégration prévu par l'autorité compétente de sa résidence principale », mais aussi de l'une des autres manières énoncées à l'article 12bis, § 1er, 2°, d), et 3°, e), du Code de la nationalité belge.
B.17. L'adoption de la disposition attaquée ne devait dès lors pas être précédée de la conclusion d'un accord de coopération ou d'une concertation avec les entités fédérées compétentes pour la politique d'intégration des immigrés.
B.18. Le deuxième moyen, en sa seconde branche, n'est pas fondé.
Quant au troisième moyen En ce qui concerne la première branche B.19. Le troisième moyen, en sa première branche, est pris de la violation de l'article 191, lu en combinaison avec les articles 10 et 11, de la Constitution, au motif que les mots « trajet d'intégration [...] parcours d'accueil ou [...] parcours d'intégration » de l'article 12bis, § 1er, 2°, d), troisième tiret, et 3°, e), troisième tiret, du Code de la nationalité belge, insérés par l'article 141, c), de la loi du 18 juin 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/06/2018 pub. 02/07/2018 numac 2018012858 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges fermer, feraient naître une différence de traitement non raisonnablement justifiée entre les étrangers qui souhaitent prouver leur « intégration sociale » au sens de l'article 12bis, § 1er, 2°, d), et 3°, e), de ce Code, selon la région linguistique dans laquelle ils sont domiciliés, parce que les modalités d'obtention de la « preuve » dont il est question dans cette disposition ne sont pas les mêmes dans les quatre régions linguistiques de la Belgique.
B.20.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit l'origine : les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination sont applicables à l'égard de tous les droits et de toutes les libertés, tant au bénéfice des Belges qu'à celui des étrangers.
B.20.2. L'article 191 de la Constitution dispose : « Tout étranger qui se trouve sur le territoire de la Belgique jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi ».
B.20.3. L'article 191 de la Constitution n'est susceptible d'être violé qu'en ce que la disposition en cause ferait naître une différence de traitement entre certains étrangers et les Belges.
B.21.1. Comme il est dit en B.4, la politique de l'accueil et de l'intégration des immigrés est une matière personnalisable, qu'il revient en principe aux Communautés de régler.
B.21.2. Dans la région de langue néerlandaise, la matière est réglée par la Communauté flamande, qui a institué le « parcours d'intégration civique » visé à l'article 28 du décret flamand du 7 juin 2013 « relatif à la politique flamande d'intégration et d'intégration civique » (ci-après : le décret du 7 juin 2013).
Dans la région de langue allemande, la matière est réglée par la Communauté germanophone en vertu de l'article 130 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 4, § 2, de la loi du 31 décembre 1983Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/12/1983 pub. 11/12/2007 numac 2007000934 source service public federal interieur Loi de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone ». Le « parcours d'intégration » institué dans ce cadre est défini par les articles 3, 5°, et 5 du décret de la Communauté germanophone du 11 décembre 2017 « relatif à l'intégration et au vivre ensemble dans la diversité ».
Dans la région de langue française, la Région wallonne a, en vertu des décrets d'avril 2014 cités en B.5.2, instauré un « parcours d'intégration » défini à l'article 152 du Code wallon de l'action sociale et de la santé.
B.21.3. Dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, les règles adoptées par la Communauté flamande dans le cadre de la politique d'accueil et d'intégration des immigrés ne sont applicables qu'à l'égard des institutions établies dans cette région qui, en raison de leur organisation, doivent être considérées comme appartenant exclusivement à cette communauté (article 128, § 2, de la Constitution). Ce n'est donc que dans cette seule mesure que les règles relatives au « parcours d'intégration civique » institué par le décret du 7 juin 2013 y sont applicables.
Comme il est dit en B.5.2, la Commission communautaire française est aussi compétente pour mener une politique d'accueil et d'intégration des immigrés dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale. C'est dans ce cadre qu'elle a institué un « parcours d'accueil », défini aux articles 4 à 6 du décret du 18 juillet 2013, dont les règles ne sont applicables qu'à l'égard des institutions établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui, en raison de leur organisation, doivent être considérées comme appartenant exclusivement à la Communauté française (articles 128, § 2, et 138, de la Constitution).
La Commission communautaire commune, elle, est compétente pour régler les aspects de la politique d'accueil et d'intégration des immigrés qui, sur le territoire de la région bilingue de Bruxelles-Capitale, excèdent la compétence de la Communauté flamande et celle de la Commission communautaire française (article 135 de la Constitution, lu en combinaison avec les articles 60, alinéa 4, et 63, alinéa 1er, de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises). Dans ce cadre, la Commission communautaire commune a institué un « parcours d'accueil », défini à l'article 3 de l' ordonnance du 11 mai 2017Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 11/05/2017 pub. 30/05/2017 numac 2017020366 source commission communautaire commune de bruxelles-capitale Ordonnance concernant le parcours d'accueil des primo-arrivants fermer « concernant le parcours d'accueil des primo-arrivants », et, pour permettre la mise en oeuvre de cette ordonnance, elle a conclu, le 20 décembre 2018, avec la Communauté flamande et avec la Commission communautaire française, un accord de coopération « relatif au parcours d'accueil obligatoire des primo-arrivants à Bruxelles-Capitale ».
B.22. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.23. La différence de traitement entre des étrangers qui est visée en B.19 résulte de la circonstance que, comme il est exposé en B.21, l'« autorité compétente » pour prévoir un « trajet d'intégration », un « parcours d'accueil » ou un « parcours d'intégration » au sens de la disposition attaquée est, en vertu de la Constitution, différente dans chacune des quatre régions linguistiques du territoire de la Belgique, ainsi que du fait que ces autorités n'ont pas adopté les mêmes règles en la matière.
Il appartient à chacune de ces entités fédérées, en toute autonomie, de décider de prévoir un « trajet d'intégration », un « parcours d'accueil » ou un « parcours d'intégration » au sens de l'article 12bis, § 1er, 2°, d), et 3°, e), du Code de la nationalité belge et d'adopter des règles quant à la délivrance d'une preuve attestant du suivi de ce « trajet » ou de ce « parcours » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-2919/001, p. 184; ibid., DOC 54-2919/006, p. 59).
B.24. Une différence de traitement dans des matières où les communautés et les régions disposent de compétences propres est la conséquence possible de politiques distinctes permises par l'autonomie qui leur est accordée par la Constitution ou en vertu de celle-ci; une telle différence ne peut en soi être jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Cette autonomie serait dépourvue de signification si le seul fait qu'il existe des différences de traitement entre les destinataires de règles s'appliquant à une même matière dans les diverses communautés et régions était jugé contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.
B.25. La différence de traitement entre des étrangers qui est visée en B.19 résulte de la circonstance que les entités fédérées compétentes pour définir la politique d'accueil et d'intégration des immigrés dans une ou deux régions linguistiques n'ont pas toutes adopté les mêmes règles en ce qui concerne la preuve du suivi du « trajet d'intégration », du « parcours d'accueil » ou du « parcours d'intégration ».
Cette différence de traitement ne peut être jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.
B.26. Le troisième moyen, en sa première branche, n'est pas fondé.
En ce qui concerne la seconde branche B.27. Le troisième moyen, en sa seconde branche, reproche aussi à l'article 12bis, § 1er, 2°, d), troisième tiret, et 3°, e), troisième tiret, du Code de la nationalité belge, inséré par l'article 141, c), de la loi du 18 juin 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/06/2018 pub. 02/07/2018 numac 2018012858 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges fermer, de faire naître une différence de traitement entre étrangers en ce qu'il priverait les étrangers séjournant légalement en Belgique depuis plus de trois ans et dont la résidence principale se trouve en région bilingue de Bruxelles-Capitale de toute possibilité de demander l'obtention de la nationalité belge parce que le décret de la Commission communautaire française du 18 juillet 2013 ne leur donne pas accès au parcours d'accueil qu'il institue.
B.28. Un étranger qui séjourne légalement en Belgique depuis plus de trois ans et dont la résidence principale se trouve en région bilingue de Bruxelles-Capitale peut, moyennant le respect de conditions autres que l'« intégration sociale », acquérir la nationalité belge par une autre voie qu'en application de l'article 12bis, § 1er, 2° et 3°, du Code de la nationalité belge.
De surcroît, aux termes de l'article 12bis, § 1er, 2° et 3°, du Code de la nationalité belge, reproduit en B.1, la preuve de l'« intégration sociale » peut aussi être apportée par l'étranger qui revendique l'application de cette disposition au moyen d'un « diplôme » ou d'un « certificat » d'études, par le suivi d'une « formation professionnelle » ou par le travail.
Contrairement à ce que le requérant prétend, la disposition attaquée ne peut donc être comprise comme privant les étrangers qui séjournent légalement en Belgique depuis plus de trois ans et dont la résidence principale se trouve en région bruxelloise de toute possibilité de demander l'obtention de la nationalité belge.
B.29. Le moyen, en sa seconde branche, repose sur une lecture erronée de la loi.
B.30. Le troisième moyen, en sa seconde branche, n'est pas fondé.
Par ces motifs, la Cour rejette le recours.
Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 18 mars 2021.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, F. Daoût