publié le 23 avril 2021
Extrait de l'arrêt n° 158/2020 du 26 novembre 2020 Numéro du rôle : 7230 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 5 de la loi du 10 février 2003 « relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au servic La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges T. Merc(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 158/2020 du 26 novembre 2020 Numéro du rôle : 7230 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 5 de la
loi du 10 février 2003Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
10/02/2003
pub.
27/02/2003
numac
2003002035
source
service public federal personnel et organisation
Loi relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques
fermer « relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques », posées par le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges T. Merckx-Van Goey, R. Leysen, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 5 juin 2019, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 11 juillet 2019, le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles a posé les questions préjudicielles suivantes : « - L'article 5 de la loi du 10 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/2003 pub. 27/02/2003 numac 2003002035 source service public federal personnel et organisation Loi relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques fermer relative à la responsabilité des agents des services publics viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, lus seuls ou en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'il traite différemment les pouvoirs publics selon que ceux-ci ont formulé, ou non, une offre de règlement amiable avant l'introduction d'une action en dommages et intérêts ou d'une action récursoire contre un de leurs agents ?; - L'article 5 de la loi du 10 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/2003 pub. 27/02/2003 numac 2003002035 source service public federal personnel et organisation Loi relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques fermer relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il serait interprété de telle manière qu'il s'appliquerait indifféremment aux agents encore en fonction d'une personne publique et à ses anciens agents ?; - L'article 5 de la loi du 10 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/2003 pub. 27/02/2003 numac 2003002035 source service public federal personnel et organisation Loi relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques fermer relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il contraint les personnes publiques au sens de cette loi à proposer un règlement à l'amiable à un agent avant d'entamer une action en dommages et intérêts contre celui-ci, alors que les personnes de droit privé n'ont pas cette obligation ?; et - L'article 5 de la loi du 10 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/2003 pub. 27/02/2003 numac 2003002035 source service public federal personnel et organisation Loi relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques fermer relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il contraint les personnes publiques au sens de cette loi à proposer un règlement à l'amiable à un agent avant d'entamer une action en dommages et intérêts contre celui-ci dans le cas où la réparation du dommage subi n'est pas de nature à dépasser la capacité contributive de l'agent en cause ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la disposition en cause et à son contexte B.1.1. La loi du 10 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/2003 pub. 27/02/2003 numac 2003002035 source service public federal personnel et organisation Loi relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques fermer « relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques » (ci-après : la loi du 10 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/2003 pub. 27/02/2003 numac 2003002035 source service public federal personnel et organisation Loi relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques fermer) a pour objet d'« introduire un nouveau régime de responsabilité civile personnelle à l'égard du membre du personnel au service de l'autorité pour les fautes qu'il commet dans l'exercice de ses fonctions » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1736/001, p. 4). Aux termes de l'exposé des motifs, le régime de responsabilité qu'elle institue « est conforme au régime de responsabilité qui est applicable aux travailleurs contractuels en général et tient également compte du régime de responsabilité des fonctionnaires de police [...] et des militaires [...] » (ibid.).
B.1.2. L'article 5, en cause, de la loi du 10 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/2003 pub. 27/02/2003 numac 2003002035 source service public federal personnel et organisation Loi relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques fermer contraint la personne publique qui souhaite exercer une action en dommages et intérêts ou une action récursoire contre un membre de son personnel à lui faire préalablement une offre de règlement amiable : « L'action en dommages et intérêts ainsi que l'action récursoire exercée par une personne publique contre un membre de son personnel, n'est recevable que si elle est précédée d'une offre de règlement amiable faite au défendeur.
Les personnes publiques peuvent décider que le dommage ne doit être réparé qu'en partie ».
B.1.3. En commission du Sénat, le ministre de la Fonction publique et de la Modernisation de l'administration a affirmé, au sujet de l'objectif poursuivi : « Cette disposition est inspirée par la volonté de réduire le nombre de cas de recours portés devant le juge et elle permet d'instaurer l'égalité de traitement par rapport au personnel militaire et au personnel de la police, dont le statut prévoit déjà une disposition similaire » (Doc. parl., Sénat, 2002-2003, n° 2-1357/3, p. 5).
B.1.4. Le projet de loi prévoyait l'obligation, pour l'autorité, de formuler une « offre de transaction » avant d'exercer une action en responsabilité contre un membre de son personnel : « [L'article 5 du projet] requiert que l'autorité fasse une proposition de transaction. L'objectif de cette disposition est d'éviter autant que possible l'intervention du juge, qui est déjà surchargé, et de résoudre les différends à l'amiable. Une proposition obligatoire de transaction est également prévue dans la loi sur la fonction de police (article 49, § 1er) et dans la loi relative aux statuts du personnel militaire (article 93, § 1er). La disposition dans la loi relative aux statuts des militaires qui institue l'obligation de faire précéder une action en justice d'une proposition de transaction a été estimée, par la Cour d'Arbitrage, conforme au principe d'égalité (Cour d'Arbitrage n° 29/2000 du 21 mars 2000).
Tant dans le cas où l'autorité réclamerait des dommages et intérêts au membre du personnel statutaire ou autre, que dans le cas où l'autorité introduirait une action récursoire, celle-ci peut décider que le membre du personnel ne doit réparer le dommage que partiellement. A la base d'une telle décision se trouvent une évaluation et un examen méticuleux. L'autorité devra motiver sa décision et veiller au traitement similaire des cas similaires. La possibilité d'une indemnisation partielle ou d'une action récursoire partielle est également prévue dans la loi sur la police (article 48, § 1er) et dans la loi relative aux statuts du personnel militaire (article 93, § 1er).
En réponse au Conseil d'Etat, il faut également préciser que l'obligation de formuler une offre de transaction dans le chef de la personne publique laisse à cette dernière une marge d'appréciation sur l'importance de la concession de la transaction. En outre, une telle obligation est déjà présente dans la loi du 5 août 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1992 pub. 21/10/1999 numac 1999015203 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation internationale Loi portant approbation du Protocole modifiant l'article 81 du Traité instituant l'Union économique Benelux du 3 février 1958, fait à Bruxelles le 16 février 1990 fermer sur la fonction de police et dans la loi du 20 mai 1994 relative aux statuts du personnel militaire. Par conséquent, il est important que l'agent soit assuré d'être traité de la même manière que les policiers et les militaires dès l'instant où une action en dommages et intérêts ou une action récursoire est intentée.
Si une transaction ne peut pas être conclue, c'est au juge de décider.
Dans l'action ainsi intentée, l'autorité n'est plus liée par sa proposition de transaction » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1736/001, pp. 25-26).
En réponse à la proposition d'un député de remplacer la notion de « transaction » par la notion de « règlement amiable », aux motifs « qu'une transaction suppose que les deux parties fassent des concessions en vue d'arriver à un accord » et qu'« une autorité contrainte de respecter toutes sortes de prescriptions ne sera pas en mesure de transiger dans tous les dossiers » (Doc. parl., Chambre, 2002-2003, DOC 50-1736/003, p. 7), le ministre de la Fonction publique et de la Modernisation de l'administration a apporté les explications suivantes : « Le ministre admet que, d'un point de vue légistique, la notion de ' règlement amiable ' mérite peut-être la préférence à la notion de ' transaction '. Cette dernière a cependant été retenue pour des raisons d'uniformité terminologique (cf. article 49 de la loi sur la fonction de police). Le collaborateur du ministre souligne que l'introduction de la notion de ' règlement amiable ' pourrait donner l'impression qu'une nouvelle inégalité est instaurée entre les militaires et les fonctionnaires de police, d'une part, et les autres fonctionnaires, d'autre part.
On pourrait toutefois rétorquer qu'en raison de leurs tâches spécifiques, ces deux catégories doivent bénéficier d'une protection plus étendue, ce qui justifie le traitement inégal » (ibid., p. 8).
A la suite d'un amendement introduit en commission de la Chambre, les mots « offre de transaction » ont finalement été remplacés par les mots « offre de règlement amiable ».
Quant à la première question préjudicielle B.2. Par la première question préjudicielle, le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité de la disposition en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'elle traite différemment les personnes publiques, selon que celles-ci ont formulé ou non une offre de règlement amiable avant d'introduire une action en dommages et intérêts ou une action récursoire contre un membre de leur personnel. En effet, seules les personnes publiques qui ont formulé une telle offre verront leur action déclarée recevable.
B.3.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit l'origine : les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination sont applicables à l'égard de tous les droits et de toutes les libertés, en ce compris ceux qui résultent des conventions internationales liant la Belgique.
B.3.2. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.4.1. L'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme garantit le droit d'accès à un juge compétent : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ».
B.4.2. Le droit d'accès au juge n'est pas absolu et peut être soumis à des conditions de recevabilité (CEDH, 19 juin 2001, Kreuz c. Pologne, § 54; 11 octobre 2001, Rodriguez Valin c. Espagne, § 22; 10 janvier 2006, Teltronic-CATV c. Pologne, § 47). Ces limitations ne peuvent porter atteinte à la substance même du droit d'accès au juge (CEDH, 12 novembre 2002, Zvolsky et Zvolskß c. République tchèque, § 47; 2 juin 2016, Papaioannou c. Grèce, § 40). Elles doivent aussi poursuivre un objectif légitime et être raisonnablement proportionnées à cet objectif (CEDH, 24 février 2009, L'Erablière ASBL c. Belgique, § 35; 10 mars 2009, Anakomba Yula c. Belgique, § 31; 16 juillet 2009, Christodoulou c. Grèce, § 22; 29 mars 2011, R.T.B.F. c. Belgique, § 69; grande chambre, 5 avril 2018, Zubac c. Croatie, § 78). Par ailleurs, l'application des conditions de recevabilité telles qu'elles sont prévues par le droit applicable est compatible avec le principe de la prééminence du droit (CEDH, Zubac c. Croatie, précité, § § 96 et 123).
B.4.3. Selon la Cour européenne des droits de l'homme, le droit d'accès au juge peut être subordonné, dans certaines circonstances, à une obligation de mener une procédure de règlement amiable avant d'introduire une action en indemnisation devant le juge compétent, une telle obligation poursuivant un objectif légitime, à savoir garantir le principe d'économie de la procédure et permettant aux parties de régler efficacement leurs différends, sans intervention des tribunaux (CEDH, 26 mars 2015, Momilovi c. Croatie, § 46).
B.5. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.1.3 que la disposition en cause vise à « éviter autant que possible l'intervention du juge, qui est déjà surchargé, et [à ] résoudre les différends à l'amiable » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1736/001, p. 25). Un tel objectif est légitime (CEDH, Momilovi c.
Croatie, précité, § 46).
L'obligation de formuler une offre de règlement amiable avant d'introduire une action en justice est pertinente, eu égard à cet objectif. Contrairement à ce que soutient la partie demanderesse devant le juge a quo, l'absence de règles particulières en ce qui concerne la portée et les modalités d'une telle offre de règlement amiable ne prive pas cette offre de toute utilité et n'implique pas que les personnes publiques concernées puissent se contenter de présenter des offres purement formelles, sans réelle volonté d'aboutir à un accord. En effet, les personnes publiques sont tenues d'agir conformément aux principes de bonne administration. Comme l'indiquent les travaux préparatoires cités en B.1.3, « à la base d'une telle décision se trouvent une évaluation et un examen méticuleux.
L'autorité devra motiver sa décision et veiller au traitement similaire des cas similaires » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1736/001, p. 26).
B.6. La différence de traitement n'emporte pas de conséquences disproportionnées en ce qui concerne les droits des personnes publiques concernées, eu égard à l'objectif poursuivi.
En effet, la disposition en cause impose uniquement à la personne publique d'adresser une offre de règlement amiable à l'agent avant d'introduire une action en justice, dès lors qu'aucune modalité spécifique ni aucun délai ne s'imposent à elle à cet effet. La personne publique est libre de décider de l'offre de règlement amiable qu'elle formule. En particulier, elle n'est pas tenue de renoncer à une partie de ses prétentions et peut demander la réparation intégrale du dommage subi. Enfin, si l'offre de règlement amiable n'est pas acceptée, la personne publique peut agir en justice, sans être liée par le contenu de l'offre préalable (ibid.).
Pour le surplus, la partie demanderesse devant le juge a quo ne démontre pas que les délais de prescription applicables aux actions concernées, tels qu'ils sont prévus en droit commun, seraient à ce point brefs que le législateur aurait dû prévoir un mécanisme de suspension ou d'interruption de la prescription pour permettre aux parties de négocier.
B.7. La première question préjudicielle appelle une réponse négative.
Quant à la deuxième question préjudicielle B.8. Par la deuxième question préjudicielle, le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité de la disposition en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution, dans l'interprétation selon laquelle elle s'appliquerait indistinctement aux membres du personnel d'une personne publique qui sont encore en fonction et à ceux qui ne le sont plus.
B.9. Le principe d'égalité et de non-discrimination, tel qu'il est garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution, s'oppose à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.
B.10. Il appartient en règle à la juridiction a quo d'interpréter les dispositions qu'elle applique, sous réserve d'une lecture manifestement erronée de celles-ci. En l'espèce, l'interprétation du juge a quo, selon laquelle la loi du 10 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/2003 pub. 27/02/2003 numac 2003002035 source service public federal personnel et organisation Loi relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques fermer s'applique indistinctement aux agents d'une personne publique qui sont encore en fonction et à ceux qui ne le sont plus, n'est pas manifestement erronée et les travaux préparatoires de la loi du 10 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/2003 pub. 27/02/2003 numac 2003002035 source service public federal personnel et organisation Loi relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques fermer qui sont cités par la partie demanderesse devant le juge a quo ne conduisent pas à une autre conclusion.
B.11. Dès lors que la responsabilité des deux catégories d'agents mentionnées en B.9 peut être engagée pour certains dommages causés par eux dans l'exercice de leurs fonctions, il est pertinent, eu égard à l'objectif mentionné en B.1.3, de soumettre la personne publique à l'obligation de faire une offre de règlement amiable en ce qui concerne ces deux catégories d'agents.
B.12. La deuxième question préjudicielle appelle une réponse négative.
Quant à la troisième question préjudicielle B.13. Par la troisième question préjudicielle, le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité de la disposition en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'elle contraint les personnes publiques, au sens de la loi du 10 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/2003 pub. 27/02/2003 numac 2003002035 source service public federal personnel et organisation Loi relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques fermer, à proposer un règlement amiable aux membres de leur personnel avant d'introduire une action en dommages et intérêts contre ceux-ci, alors que les personnes de droit privé n'ont pas cette obligation.
B.14. Certes, l'objectif de la loi du 10 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/2003 pub. 27/02/2003 numac 2003002035 source service public federal personnel et organisation Loi relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques fermer est d'aligner, dans une certaine mesure, le régime de responsabilité des membres du personnel des personnes publiques sur le régime applicable aux travailleurs contractuels en général, comme il est dit en B.1.1.
Ainsi, selon l'exposé des motifs, la loi vise principalement à supprimer les discriminations censurées par la Cour entre les régimes de responsabilité civile qui sont respectivement applicables aux agents statutaires des personnes publiques et aux agents contractuels dans les secteurs public et privé (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1736/001, p. 4). Il ne s'en déduit pas qu'en ce qui concerne plus particulièrement la disposition en cause, le législateur aurait visé un alignement complet des régimes de responsabilité applicables respectivement dans le secteur public et dans le secteur privé. Au contraire, il ressort des travaux préparatoires que la loi du 10 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/2003 pub. 27/02/2003 numac 2003002035 source service public federal personnel et organisation Loi relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques fermer tend précisément à instaurer une égalité de traitement « par rapport au personnel militaire et au personnel de la police, dont le statut prévoit déjà une disposition similaire » (Doc. parl., Sénat, 2002-2003, n° 2-1357/3, p. 5).
Eu égard à l'objectif mentionné en B.1.3, il est pertinent d'imposer aux personnes publiques l'obligation de faire une offre de règlement amiable avant d'introduire une action en dommages et intérêts ou une action récursoire contre un membre de leur personnel.
B.15. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont mentionnés en B.6, la différence de traitement n'entraîne pas des conséquences disproportionnées en ce qui concerne les droits des personnes publiques concernées, eu égard à l'objectif poursuivi.
B.16. La troisième question préjudicielle appelle une réponse négative.
Quant à la quatrième question préjudicielle B.17. Par la quatrième question préjudicielle, le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité de la disposition en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'elle contraint les personnes publiques à faire une offre de règlement amiable aux membres de leur personnel avant d'introduire une action en dommages et intérêts contre ceux-ci, même lorsque la réparation du dommage subi n'est pas de nature à dépasser la capacité contributive du membre du personnel.
B.18. Il ressort de la question préjudicielle que la Cour est invitée à comparer, d'une part, les personnes publiques qui sont tenues de faire une offre de règlement amiable à un membre de leur personnel avant d'introduire une action en justice, dans l'hypothèse où la réparation du dommage est de nature à dépasser la capacité contributive du membre du personnel, et, d'autre part, les personnes publiques qui sont tenues de faire une offre analogue, dans l'hypothèse où la réparation du dommage n'est pas de nature à dépasser la capacité contributive de l'agent. Les personnes publiques sont tenues de faire une offre de règlement amiable dans les deux cas.
Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, la Cour n'est pas invitée à comparer la situation des personnes publiques soumises à la disposition en cause avec celle de l'Etat qui, avant d'introduire une action en justice contre un militaire ayant causé un dommage à l'Etat ou à des tiers, dans l'exercice de ses fonctions, est tenu de faire une offre de transaction au militaire, sous peine de l'irrecevabilité de l'action en justice, conformément à l'article 93, § 1er, de la loi du 20 mai 1994 « relative aux statuts du personnel de la Défense ».
B.19. Compte tenu de l'objectif mentionné en B.1.3, il est raisonnablement justifié de ne pas avoir nécessairement égard à la capacité contributive de l'agent concerné.
La circonstance que le législateur ait justifié l'obligation, pour l'Etat, de faire précéder l'action en justice exercée contre un militaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, a causé un dommage à l'Etat ou à des tiers, d'une offre de transaction au défendeur pour que cette action soit recevable, conformément à l'article 93, § 1er, de la loi du 20 mai 1994 « relative aux statuts du personnel de la Défense », par le fait que le dommage excède souvent la capacité contributive de l'agent, ainsi que la Cour l'a constaté par l'arrêt n° 29/2000 du 21 mars 2000, ne conduit pas à une autre conclusion.
B.20. La quatrième question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 5 de la loi du 10 février 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/2003 pub. 27/02/2003 numac 2003002035 source service public federal personnel et organisation Loi relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques fermer « relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques » ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 26 novembre 2020.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, F. Daoût